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Politique Publié le mardi 16 juillet 2013 | L’intelligent d’Abidjan

Justice / Après la confirmation des charges contre 84 pro-Gbagbo : La mère de Michel Gbagbo écrit encore à François Hollande

Monsieur le Président,
C'est avec consternation que j'ai appris la décision de la Chambre d'Accusation du Tribunal d'Abidjan concernant 84 personnes présumées pro-Gbagbo détenues pour la plupart depuis le 11 avril 2011, date de la prise du pouvoir par Alassane OUATTARA.
Au terme d'une seule journée d'audience (le 3 juillet 2013), le Tribunal a décidé, dans son délibéré du 10 juillet, de confirmer les charges présentées par l'Accusation, donc d'envoyer 84 personnes en Cour d'Assises (c'est-à-dire de les juger pour crimes). Parmi elles, se trouvent le Président du Front Populaire Ivoirien, Pascal AFFI N'GUESSAN, l'ancien Gouverneur de la BCEAO, Philippe-Henri DACOURY-TABLEY, l'épouse du Président Laurent GBAGBO,
Simone EHIVET GBAGBO, et de nombreuses personnes d'origines et de fonctions diverses. Parmi elles aussi : mon fils Michel GBAGBO, citoyen français – et bénéficiant de la double nationalité - emprisonné depuis plus de deux ans. Vous avez déjà, par différents canaux, été alerté sur sa situation. Je ne reviendrai pas sur les conditions de son arrestation, sinon pour rappeler les deux faits suivants :
– La Cour de Justice de la CEDEAO, saisie de son cas, a décidé le 22 février 2013 que sa détention était illégale et arbitraire;
– Mon fils a porté plainte devant la Justice française, avec constitution de Partie civile, contre les auteurs de son enlèvement et de sa séquestration. Un Juge d'Instruction a été désigné pour cette affaire.
Aujourd'hui les avocats (de nationalités différentes) des personnes mises en cause par la Chambre d'Accusation du Tribunal d'Abidjan dénoncent de graves atteintes aux droits de la Défense:
– Pas de mise à disposition de l'intégralité du dossier ;
– Impossibilité pour les avocats d'obtenir l'accès au contenu des scellés ;
– Aucun élément de preuve n'a jamais été apporté.
Il s'agit donc bien d'un jugement collectif et politique.
Monsieur le Président,
Il a été porté à votre connaissance à de nombreuses reprises et par différentes sources - courriers, rassemblements, entretiens avec les représentants de mouvements politiques ivoiriens, communiqués des Comités de défense des prisonniers politiques, rapports des organisations humanitaires... - que des violations répétées des droits de l'homme étaient commises par et sous le régime d'Alassane OUATTARA :
– Arrestations de présumés "pro-Gbagbo" et de membres de leur famille sans aucun mandat;
– Détention prolongée, en des lieux tenus secrets, par la DST ;
– Pratique de la torture caractérisée par la répétition du même mode opératoire ;
– Blocage total des comptes d'un très grand nombre de personnes depuis avril 2011 ;
– Occupation illégale d'habitations de prisonniers ou d'exilés par des membres des FRCI (les Forces armées créées par Alassane OUATTARA) ;
– Exil forcé d'environ 100 000 personnes au Ghana, au Libéria, au Togo et dans de nombreux autres pays, dont la France ; les demandes d'asile politique en sont le témoignage ;
– Occupation illégale de terres publiques et privées.
Monsieur le Président,
Permettez-moi de vous faire part de ma conviction : si, au nom du peuple français, vous aviez dénoncé officiellement et ouvertement la barbarie dont se rend coupable quotidiennement ce régime plus proche du franquisme que d'une République démocratique, nous n'en serions pas là aujourd'hui. Il est vrai qu'Alassane OUATTARA abuse l'opinion internationale en présentant une image correspondant à l'opposé de la réalité et en brandissant l'étendard d'une “Réconciliation” dont il serait un fervent promoteur.
En fait :
– vu les conditions dans lesquelles sont opérées les arrestations,
– vu le caractère politique de celles-ci,
– vu la négation des droits élémentaires de la Défense,
les décisions de justice prononcées à l'encontre des personnes proches de Laurent GBAGBO ou considérées comme telles ne peuvent présenter aucune garantie d'équité ni d'indépendance à l'égard du pouvoir en place. Dans ce contexte, le principe de non-ingérence dans la Justice d'un autre pays ne saurait prévaloir sur l'obligation d'obtenir la libération d'un ressortissant arbitrairement emprisonné. Cette position fut d'ailleurs à la base de plusieurs interventions dans des situations similaires. La France, quels que soient ses intérêts économiques, politiques et militaires en Côte d'Ivoire, a le devoir impérieux d'agir pour :
– Exiger la remise en liberté immédiate de son ressortissant Michel GBAGBO ;
– Défendre la démocratie et les droits de l'homme, y compris en Côte d'Ivoire ;
– Mener une action politique et diplomatique – si nécessaire au niveau de l'ONU - en vue d'obtenir la remise en liberté des prisonniers injustement détenus pour des motifs politiques.
Assurée de pouvoir compter sur votre soutien, je vous prie de croire, Monsieur le Président, en l'expression de ma très haute considération.

Jacqueline CHAMOIS,
Mère de Michel GBAGBO
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