Lauréat du Grand Prix Kailcédra 2013 avec Raison d’Etat, roman qui dénonce la violence et les abus de pouvoir, André Silver Konan s’est prêté à nos questions. Dans cet entretien, il nous projette dans son nouveau roman…
Vous venez de gagner le Kailcedra, qui représente le concours Goncourt des lycées. Quels sont vos sentiments ?
Je suis particulièrement heureux d’être le lauréat du grand prix Kailcedra 2013. Passé l’instant de la célébration, je mesure pleinement la responsabilité qui est désormais la mienne. En effet, les deux jurys de ce prix, me disent clairement : « vous n’avez plus droit à l’amateurisme » et cela est d’autant plus contraignant que la narration obéit aussi bien à des critères liés à l’inspiration qu’à la qualité rédactionnelle. Mais l’invitation à l’excellence ne me fait pas peur pour autant. Chaque jour, j’essaye d’apprendre un peu plus, car j’ai pleinement conscience qu’en matière de littérature, j’ai encore beaucoup à apprendre. Je continue donc d’apprendre pour me faire plaisir et faire plaisir à mes lecteurs et à tous ceux qui m’encouragent depuis que j’ai emprunté la voie de la littérature, en 2007.
Raison d’Etat est un roman qui dénonce la violence et les abus de pouvoir, le plus spectaculaire c’est que vous faites parler un mort. Qu’est-ce que le mort représente pour vous ? Pourquoi le mort qui parle ?
J’ai eu une formation au CFPJ de Paris sur les angles inattendus, cela m’a beaucoup inspiré. Comment attaquer une narration tout en surprenant le lecteur. Raison d’Etat commence par une phrase vraiment inattendue : « Je suis décédé aujourd’hui ». On se croirait dans un rêve, mais au fait, c’est un mort qui parle, un mort qui raconte sa vie. Paradoxal, me diriez-vous. Mais non, rien de paradoxal. Je suis un Africain et en Afrique, comme le dirait Birago Diop avec cette rare beauté qui caractérisent ses textes « Les morts ne sont pas morts. Ceux qui sont morts ne sont jamais partis. Ils sont dans le sein de la femme. Ils sont dans l’enfant qui vagit. Et dans le tison qui s’enflamme. Les morts ne sont jamais sous terre. Ils sont dans le feu qui s’éteint. Ils sont dans le rocher qui geint. Ils sont dans les herbes qui pleurent. Ils sont dans la forêt, ils sont dans la demeure..». A cela j’ajoute pour ma part qu’en Afrique, les morts ne mentent pas. Portés au statut d’ange, ils deviennent le verbe divin. Autrement dit, la vérité sort de la bouche du mort. Aussi, personne ne peut-elle mettre en cause le récit d’Eric Moyé, le personnage principal dont la voix d’outre-tombe, nous raconte une histoire insupportable.
De L’opposant historique à Raison d’Etat, beaucoup d’eau a coulé sous le pont. Quel sera le prochain ouvrage ? De la poésie, du théâtre ?
Mon prochain livre sera un roman épistolaire. Une sorte de livre-enquête rédigé en divers épitres, pour évoquer les mystères du 19 septembre, avant, pendant et après cette date désormais marquée d’une pierre de sang dans l’histoire de la Côte d’Ivoire. Ce sont entre autres le charnier de Yopougon, l’affaire de la Mercedes noire, le casse de Sia Popo, l’assassinat de Balla Kéita, l’assassinat de Boga Doudou, de Robert Guéi, des gendarmes de Bouaké, les massacres des opposants en mars 2004, l’opération Dignité et l’épisode de l’hôtel Ivoire, etc. A défaut de donner des noms car ce n’est ni le travail du journaliste, encore moins celui de l’écrivain, je fais la lumière sur les circonstances dans lesquelles certains faits se sont déroulés. Il y a beaucoup d’anecdotes, c’est un véritable livre d’histoire qui donne de vrais scoops, comme le diraient les journalistes. J’espère que ce livre sortira en septembre, le 19 septembre prochain serait un bon compromis.
Quelle relation dialectique y a-t-il entre André Silver Konan journaliste et André Silver Konan écrivain ?
Du journalisme à la littérature, il n’y a qu’un pas. En réalité, les choses ne sont pas aussi simples. Le journaliste s’en tient au fait, va à l’essentiel, réduit son texte, cite ses sources, fait parler des gens bien réels. L’écrivain a plus de liberté, il crée des personnages qui bien que pouvant être assimilés à des personnes bien vivantes, sont, tout compte fait, fictifs. L’écrivain peut dire des choses, des vérités crues, peut critiquer, se prononcer dans son livre, sur des sujets délicats, sensibles, toujours en romançant les faits. Mais romancer des faits n’est non plus pas aisé. On a vite fait de crier à la diffamation ou à l’accusation gratuite. Le romancier tout comme le journaliste, doit savoir s’arrêter, car comme je le dis très souvent, il n’est ni juge, ni policier. Il doit rester dans son rôle, celui d’écrire des textes sortis de son imagination.
Interview réalisée par Jeannette Tanoh
Vous venez de gagner le Kailcedra, qui représente le concours Goncourt des lycées. Quels sont vos sentiments ?
Je suis particulièrement heureux d’être le lauréat du grand prix Kailcedra 2013. Passé l’instant de la célébration, je mesure pleinement la responsabilité qui est désormais la mienne. En effet, les deux jurys de ce prix, me disent clairement : « vous n’avez plus droit à l’amateurisme » et cela est d’autant plus contraignant que la narration obéit aussi bien à des critères liés à l’inspiration qu’à la qualité rédactionnelle. Mais l’invitation à l’excellence ne me fait pas peur pour autant. Chaque jour, j’essaye d’apprendre un peu plus, car j’ai pleinement conscience qu’en matière de littérature, j’ai encore beaucoup à apprendre. Je continue donc d’apprendre pour me faire plaisir et faire plaisir à mes lecteurs et à tous ceux qui m’encouragent depuis que j’ai emprunté la voie de la littérature, en 2007.
Raison d’Etat est un roman qui dénonce la violence et les abus de pouvoir, le plus spectaculaire c’est que vous faites parler un mort. Qu’est-ce que le mort représente pour vous ? Pourquoi le mort qui parle ?
J’ai eu une formation au CFPJ de Paris sur les angles inattendus, cela m’a beaucoup inspiré. Comment attaquer une narration tout en surprenant le lecteur. Raison d’Etat commence par une phrase vraiment inattendue : « Je suis décédé aujourd’hui ». On se croirait dans un rêve, mais au fait, c’est un mort qui parle, un mort qui raconte sa vie. Paradoxal, me diriez-vous. Mais non, rien de paradoxal. Je suis un Africain et en Afrique, comme le dirait Birago Diop avec cette rare beauté qui caractérisent ses textes « Les morts ne sont pas morts. Ceux qui sont morts ne sont jamais partis. Ils sont dans le sein de la femme. Ils sont dans l’enfant qui vagit. Et dans le tison qui s’enflamme. Les morts ne sont jamais sous terre. Ils sont dans le feu qui s’éteint. Ils sont dans le rocher qui geint. Ils sont dans les herbes qui pleurent. Ils sont dans la forêt, ils sont dans la demeure..». A cela j’ajoute pour ma part qu’en Afrique, les morts ne mentent pas. Portés au statut d’ange, ils deviennent le verbe divin. Autrement dit, la vérité sort de la bouche du mort. Aussi, personne ne peut-elle mettre en cause le récit d’Eric Moyé, le personnage principal dont la voix d’outre-tombe, nous raconte une histoire insupportable.
De L’opposant historique à Raison d’Etat, beaucoup d’eau a coulé sous le pont. Quel sera le prochain ouvrage ? De la poésie, du théâtre ?
Mon prochain livre sera un roman épistolaire. Une sorte de livre-enquête rédigé en divers épitres, pour évoquer les mystères du 19 septembre, avant, pendant et après cette date désormais marquée d’une pierre de sang dans l’histoire de la Côte d’Ivoire. Ce sont entre autres le charnier de Yopougon, l’affaire de la Mercedes noire, le casse de Sia Popo, l’assassinat de Balla Kéita, l’assassinat de Boga Doudou, de Robert Guéi, des gendarmes de Bouaké, les massacres des opposants en mars 2004, l’opération Dignité et l’épisode de l’hôtel Ivoire, etc. A défaut de donner des noms car ce n’est ni le travail du journaliste, encore moins celui de l’écrivain, je fais la lumière sur les circonstances dans lesquelles certains faits se sont déroulés. Il y a beaucoup d’anecdotes, c’est un véritable livre d’histoire qui donne de vrais scoops, comme le diraient les journalistes. J’espère que ce livre sortira en septembre, le 19 septembre prochain serait un bon compromis.
Quelle relation dialectique y a-t-il entre André Silver Konan journaliste et André Silver Konan écrivain ?
Du journalisme à la littérature, il n’y a qu’un pas. En réalité, les choses ne sont pas aussi simples. Le journaliste s’en tient au fait, va à l’essentiel, réduit son texte, cite ses sources, fait parler des gens bien réels. L’écrivain a plus de liberté, il crée des personnages qui bien que pouvant être assimilés à des personnes bien vivantes, sont, tout compte fait, fictifs. L’écrivain peut dire des choses, des vérités crues, peut critiquer, se prononcer dans son livre, sur des sujets délicats, sensibles, toujours en romançant les faits. Mais romancer des faits n’est non plus pas aisé. On a vite fait de crier à la diffamation ou à l’accusation gratuite. Le romancier tout comme le journaliste, doit savoir s’arrêter, car comme je le dis très souvent, il n’est ni juge, ni policier. Il doit rester dans son rôle, celui d’écrire des textes sortis de son imagination.
Interview réalisée par Jeannette Tanoh