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Art et Culture Publié le lundi 29 juillet 2013 | Le Patriote

Médias : Patrons de presse- syndicats : bataille autour de l’application de la Convention collective

© Le Patriote Par prisca
Auto-régulation de la presse en Côte d’Ivoire: Raphaël Lakpé aux commande
Jeudi 07 juin 2012. Abidjan. Cérémonie de passation de charge entre Eugène Dié Kacou et Raphaël Lakpé nouveau patron du CNP.
Les puristes du monde des médias sont unanimes. Le processus d’assainissement et de professionnalisation du secteur de la presse a amorcé un tournant décisif. Surtout avec l’avènement de Raphaël Lakpé à la tête du Conseil National de la Presse (CNP). Avec l’injonction faite, le 10 juin dernier par le CNP, aux entreprises de presse à se conformer à la loi N° 2004-643 du 14 décembre 2004 portant régime juridique de la presse, les lignes ont considérablement bougé. En effet, en suspendant certaines entreprises et en infligeant une mise en demeure à d’autres, les patrons de ces sociétés ont vite fait, à en croire Amédée Assi, Président du Groupement des Editeurs de la Presse en Côte d’Ivoire (GEPCI), de se conformer à la loi. « Maintenant que nous sommes en règle vis- à-vis de la loi, l’Etat doit faire sa part », disait-il au sortir d’une audience accordée avec la ministre de la Communication Affoussiata Bamba-Lamine. Les entreprises de presse sont certes en règle. Mais, là où les travailleurs sont inquiets, c’est lorsque, dans une interview accordée à votre journal (le Patriote du lundi 22 juin dernier), le président des patrons de presse laisse entendre qu’ils seront plus à l’aise à appliquer la convention collective des journalistes professionnels et professionnels de la Communication, si l’Etat leur accorde « six mois d’impression gratuite» des journaux et « une aide budgétaire directe ».

Les valeurs d’indice de la convention caduques

Si cette exigence du premier responsable des maisons d’édition de journaux est fondée, il ne demeure pas moins qu’elle provoque des inquiétudes chez les travailleurs du secteur des médias. Et les syndicats, porte- voix des agents de la presse ne semblent pas sur la même longueur d’ondes que les patrons. Cela est d’autant plus patent quand l’on se réfère aux échanges entre les deux parties par presse interposée. Les travailleurs sont encore à s’interroger si cette sorte de "tango tango" entre patrons et syndicats ne va pas encore faire proroger l’échéance de l’application de la convention. Ce qui, inévitablement, risque d’en rajouter au calvaire salarial des journalistes et autres professionnels de la Communication. En vérité, cette échéance n’a que trop duré, quand on sait que cette convention a été signée en février 2008 entre Dénis Kah Zion 1er président du GEPCI et Guillaume Gbato Secrétaire général du Syndicat national des agents de la presse privée (Synappci). Et c’était sous les auspices des ministres Hubert Oulaye de la Fonction publique et d’Ibrahim Sy Savané de la Communication.L’objet du son discordant entre patrons et travailleurs a trait à « l’aide budgétaire directe » que demandent les patrons à l’Etat de leur accorder. Pour les responsables des maisons d’édition, cette aide réglementaire doit être un appui conséquent en numéraire. En clair, c’est de l’argent frais que les autorités doivent leur mettre à disposition pour faire tourner en plein régime et de façon idoine leurs entreprises grippées par plusieurs années de crise. Et Amédée Assi se veut clair : « On sort actuellement de dix années de crise, nos journaux ne se vendaient ni à Bouaké, ni à Korhogo, encore moins à Man. Les activités avaient pris un coup à tel point que la publicité était devenue rare dans nos journaux». Cette exigence, les responsables syndicaux ne la trouvent pas trop fondées pour retarder l’application de la convention. Car, selon eux, l’Etat de Côte d’Ivoire, en dépit de la crise, n’a jamais fait de la viabilité de la presse la dernière roue de la carrosse. En témoigne la longue liste des facilités accordées aux entreprises de presse.
« Nous ne sommes pas contre le fait que l’Etat accorde un appui aux entreprises », assure le Secrétaire général du Syndicat autonome des agents de la presse privée de Côte d’Ivoire (SAAPPCI), Glodé Francelin. Mais, pour lui, l’Etat fait déjà beaucoup. Et Glodé Francelin de poursuivre : « En 2010, l’Etat a consenti à annuler toutes les dettes fiscales antérieures à cette année là. Donc, inévitablement, tous les passifs accumulés par ces entreprises ont été purement et simplement effacées ». Toujours dans sa logique de donner une bouffée d’oxygène à ces maisons d’édition, l’Etat a également consenti à l’annulation du Bénéfice Industriel Commercial (BIC). Il en est de même de l’Impôt minimum forfaitaire (IMF). Puisque les entreprises de presse se disent incapables de faire du bénéfice, les autorités ont donc revu à la baisse cette cotisation à 1 million pour les maisons d’édition, là où elles devaient en payer 2 comme les autres entreprises.
Toutes ces mesures, il faut le noter, jusqu’à ce jour ont été reconduites par l’Etat mu par sa volonté de professionnaliser la presse en permettant aux entreprises et leurs travailleurs d’exercer dans des conditions économiques viables. Il en est de même pour les conditions sociales. Là aussi, la Côte d’Ivoire a réaménagé l’échéance de paiement des dettes sociales que les entreprises de presse doivent à la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNPS). Ainsi, par le truchement du Comité de médiation mis sur pied, l’Etat leur a accordé une échéance de 5 ans au lieu de régler annuellement leurs cotisations?
Que dire du Fonds de soutien au développement de la Presse (FSDP) créé en 2004 mais rendu opérationnel en décembre 2007 ? Ce fonds, alimenté par la Taxe sur la publicité (TSP), constitue un fonds de garantie d’un montant d’au moins un milliard de Francs CFA logé à la Banque régionale de la solidarité (BRS). Et les entreprises de presse le souhaitant, pourront se faire financer à hauteur d’une rondelette cagnotte allant de 5 à 100 millions de Francs CFA pour le développement de leur outil de production. C’est justement là que se trouve l’inquiétude des responsables syndicaux. « C’est de l’utopie de penser que l’Etat va indéfiniment donner de l’argent frais aux responsables de maisons d’édition. Ils doivent savoir jouer sur les facilités et exonérations d’impôts et cotisations que l’Etat leur fait pour consolider leurs affaires », rapporte Glodé Francelin, Secrétaire général du Syndicat Autonome des Agents de la Presse Privée de Côte d’Ivoire (SAAPPCI).

Le CNP, en pompier
Quant à Guillaume Gbato, Secrétaire général du Synappci, il estime que « l’Etat peut contribuer à l’équipement des entreprises de presse par des dons d’ordinateurs, de véhicules de reportage et une subvention d’impression etc. ». A ses yeux, tout cela est possible, mais les responsables d’entreprises doivent gérer de façon efficiente de sorte à générer des devises. « Ce qui importe aujourd’hui, c’est qu’ils paient les journalistes à la convention, quand on sait que la valeur des 1900 est dépassée», note-t-il. On le voit, aujourd’hui, les patrons de presse disent attendre « une aide directe ». Les syndicats et les travailleurs, quant à eux, opposent à cela l’existence d’un fonds de garantie ; les multiples facilités et exonérations pour appliquer la convention.
Ce "tango tango " va t-il encore faire perdurer l’échéance de l’application de la convention pour sortir les journalistes et l’ensemble des travailleurs des médias du ghetto salarial ? Les yeux de tous sont désormais tournés vers le CNP.


Jean- Antoine Doudou
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