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Politique Publié le mercredi 31 juillet 2013 | Partis Politiques

PDCI-RDA : la lettre de la coordination des députés aux militants

© Partis Politiques Par Didier Assoumou
Bureau politique du PDCI-RDA à la Maison du parti à Cocody
Jeudi 23 mai 2013, Abidjan. Le PDCI-RDA tient un bureau politique, au siège du parti, sous la présidence du président Henri Konan Bédié.
Nous sommes des députés issus du Groupe Parlementaire du PDCI-RDA regroupés au sein d’une coordination qui prenons l’initiative de cette Lettre ouverte. Le statut d’élus du peuple qui est le nôtre ne nous met pas seulement en situation d’être en contact permanent avec nos mandants. Il nous fait également obligation d’être attentifs à leurs préoccupations, d’être sensibles à leurs inquiétudes et d’y répondre quand cela est possible. De ce fait, nous ne pouvons pas rester indifférents à leurs interrogations. Nous ne pouvons pas ignorer leur désarroi, alors que la presse de ces jours-ci regorge de controverses ardentes entre camarades du PDCI-RDA. Des controverses qui, hélas, sont souvent loin de refléter la meilleure image de notre parti !

L’objectif de cette lettre est d’éclairer ces militants à un moment de confusion. Un moment où les querelles de personnes, que nous voyons occuper dangereusement le terrain, exposent à l’étouffement le débat d’idées nécessaire à notre dynamisme.

Le congrès d’octobre 2013, une étape cruciale

Le congrès qui va se tenir en octobre prochain, le 12ème de l’histoire de notre parti, marquera une étape cruciale dans la vie du PDCI-RDA. Depuis les présidentielles de 2010-2011, voire le coup d’État de décembre 1999, les militants n’ont cessé de réclamer un bilan qui n’a jamais été fait.

L’immobilisme qui a ainsi caractérisé notre parti depuis tant d’années charge le congrès à venir de beaucoup d’attentes. Il devrait offrir l’occasion du bilan tant espéré, tant réclamé, et on comprend qu’il génère des échanges, qui tournent facilement au pugilat, entre partisans de vues différentes.

Nous espérons, pour notre part, ramener les uns et les autres à la raison, en les renvoyant tous, en NOUS renvoyant tous, à nos statuts qui demeurent notre commune boussole. Que disent ceux-ci ?

D’abord nos statuts reconnaissent effectivement le congrès, ainsi que l’indique l’article 27, comme notre « organe suprême ». Cet article 27 comme les articles 28 et 29 qui traitent spécifiquement du congrès répondent ensuite à trois questions élémentaires : qui constitue le congrès ? que fait le congrès ? quand se tient le congrès ?

La dernière question est celle qui offre la réponse la plus simple à faire. Aux termes de l’article 29, le congrès se tient tous les cinq ans. Il peut, dans l’intervalle, être convoqué en session extraordinaire, à l’initiative du président du parti ou du Bureau politique.

C’est en 2002 qu’a eu lieu le dernier congrès de notre parti, du 4 au 8 avril. Le congrès actuel aurait dû, par conséquent, se tenir en avril 2007. Mais chacun sait comment la Côte d’Ivoire a traversé les dix dernières années. L’environnement national, marqué par la guerre et la violence et par les restrictions qui découlent naturellement de ces deux fléaux, favorisait mal une vie sociopolitique normale. Toutes les raisons étaient réunies pour motiver une exception qui s’était effectivement avérée inévitable. Peut-être cela explique-t-il aussi l’ajournement si récurrent du bilan réclamé par les militants !

La question relative aux personnes qui constituent le congrès est la deuxième à appeler une réponse elle aussi relativement simple. D’après l’article 27 des statuts du PDCI-RDA complété par la section B du chapitre III, le congrès est constitué par le président du parti, le secrétaire général du parti, le Conseil politique, le Bureau politique, le Grand conseil, les secrétaires généraux de section et les délégués régionaux. Il peut être élargi, sur décision du Bureau politique, à d’autres élus du parti et aux membres des organisations spécialisées chargées d’assurer l’encadrement de certaines catégories de militants, notamment les jeunes, les femmes et les travailleurs.

Il découle de cette stipulation que partout où se tiennent des activités intéressant la préparation du congrès, toutes les personnes dont il vient d’être fait mention doivent en principe être les bienvenues, y compris celles dont les opinions dérangent. Le parti est un corps vivant, qui se nourrit, qui respire, qui bouge. Il ne peut sans danger s’amputer de ceux de ses membres qui contribuent à cette vie par l’expression de vues divergentes. Pour peu que celles-ci soient démontrées, étayées, argumentées, elles ne peuvent qu’enrichir le débat et renforcer l’ensemble du corps.

Cela signifie que, contrairement aux rumeurs dont la presse s’est fait parfois l’écho ces jours-ci, les assises préparatoires du 12ème congrès qu’on annonce pour cette mi-Aout à Yamoussoukro ne doivent normalement être fermées à aucune des personnes citées ci-dessus.

La question la plus difficultueuse : que fait le congrès ?

Venons-en maintenant à la question la plus difficultueuse des trois, celle qui porte sur ce que fait le congrès. L’article 28 qui en traite lui apporte huit réponses. Il stipule que « le congrès entend le rapport moral du président du parti et le rapport d’activité du secrétaire général du parti. Il définit la politique générale du parti. Il vérifie les comptes du parti. Il élit le président du parti. Il élit le secrétaire général du parti sur proposition du président du parti. Il élit les membres du Bureau politique et les membres du Grand conseil. Il élit les commissaires aux comptes sur proposition du président du parti. (Enfin) il adopte les statuts ».

Ce qu’indiquent clairement ces huit stipulations, c’est que le congrès a une double vocation. D’une part, il doit avoir un œil vers le passé, et de l’autre un œil vers le futur. Le rapport moral du président, le rapport d’activité du secrétaire général et la vérification des comptes sont les actions qui touchent au passé. Elles présentent le bilan des activités menées durant les cinq ans – en l’occurrence les dix ans – qui ont suivi le précédent congrès et montrent l’état du parti sur le moment.

Tous les autres actes prévus par l’article 28 projettent le parti vers le futur. L’élaboration de la politique générale est certes largement tributaire des problèmes du moment, mais l’objectif poursuivi est la présentation d’un projet de société propre au PDCI-RDA et sa déclinaison dans un programme d’activités susceptible de construire le futur. C’est avec ce programme que le parti se présentera devant les Ivoiriens lors des scrutins électoraux.

Dans la conjoncture qui est actuellement celle du PDCI-RDA et même celle du pays, la définition de la politique générale revêt une importance majeure. Des questions cruciales attendent en effet des réponses cruciales. Par exemple la question de la réconciliation nationale ou celle des alliances.

La vision de la réconciliation formulée par la Commission créée par l’ordonnance du président de la République en date du 13 juillet 2011, la méthode mise en œuvre par cette Commission, les structures de concertation qu’elle s’est données, les moyens qui sont mis à sa disposition, le calendrier de sa progression, tout cela correspond-il à la conception de la réconciliation par le PDCI-RDA ? On sait par exemple ce que Mandela et De Klerk, les plus farouches adversaires qu’ait engendrés l’Afrique du Sud, ont apporté à la réconciliation nationale dans leur pays, par le tandem qu’ils ont été capables de former malgré leur profonde bigarrure. Cet exemple manque-t-il forcément de pertinence en Côte d’Ivoire ? La politique générale est le lieu où cette question trouvera une réponse. Elle est lieu où doit être écrite la vision du PDCI-RDA sur la question essentielle de la réconciliation.

Quelles alliances pour notre parti ?

Sur les alliances, soit le parti est sûr de gagner seul les prochaines batailles électorales et il se garde de toute alliance, soit il n’est pas sûr de gagner seul ces batailles, et il envisage de contracter alliance. Dans cette hypothèse, quelles sont les lignes rouges que le PDCI-RDA, au nom de ses valeurs, au nom de son histoire, au nom de sa philosophie et au nom de son idéologie, ne peut pas franchir ? Si l’on prend par exemple l’alliance PDCI-RDR au sein du RHDP, nul ne sait aujourd’hui si elle doit conduire le PDCI à s’aligner systématiquement sur toutes les analyses et toutes les positions de son partenaire. Les réticences manifestées par les députés PDCI il y a seulement quelques jours lors de l’évocation, à l’Assemblée nationale, de deux lois sur la nationalité et le foncier rural montrent à suffisance que l’alliance n’a pas pu gommer les divergences entre les deux partenaires, et qu’on attend de la politique générale du PDCI que le congrès doit écrire une analyse et des mots d’ordre.

L’alliance avec le RDR au sein du RHDP n’a pas davantage rapproché les deux partis lors de la désignation des têtes de liste, à la veille des échéances électorales. L’alliance n’a en effet fonctionné qu’au sud de la Côte d’Ivoire, dans les bastions PDCI, pas une seule fois au nord, dans les bastions RDR. Cette situation doit-elle continuer ? Quelle leçon le PDCI en tire ? Sa politique générale doit-elle ignorer ce sujet ?

La même alliance est encore en cause par rapport à la question capitale du choix d’un candidat PDCI à l’élection présidentielle de 2015. Notre parti doit-il vraiment, à cette échéance, se priver de cette dynamique qu’un scrutin de ce niveau insuffle toujours à une formation politique ? Les conséquences d’une telle option ne sont pas difficiles à imaginer : le parti risque de s’exposer à la tragédie d’une décapitation puisqu’il sera orphelin d’un chef tourné vers le futur. Il s’exposera surtout au désastre de ne pouvoir prendre date par rapport à l’avenir de la Côte d’Ivoire, ayant ajourné l’occasion de se donner un champion pour demain.

Au-delà de ces épisodes constatés notamment au Parlement et aux élections, se pose le problème du destin même du RHDP. Cette alliance avait été d’abord un accord électoral. Les circonstances en ont fait aujourd’hui une plateforme de collaboration. Que doit-elle être demain ? Doit-elle devenir le grand parti unifié dont la construction a été annoncée par le président Bédié comme la grande ambition de ses vieux jours, ou bien doit-elle rester un rassemblement de partis autonomes comme le pensent de très nombreux militants attachés à l’épopée du PDCI et à la mémoire de son prestigieux fondateur ?

Les idées avant les personnes

Ces considérations suffisent à dire à quel point la question des idées prime les querelles de personnes que nous impose le débat actuel entre camarades du parti. Encourager cette tendance, c’est nuire aux intérêts du PDCI-RDA, et nous, les soussignés, n’entendons pas nous inscrire dans cette ligne.

D’ailleurs, si nous revenons à l’article 28 des statuts, nous voyons clairement que l’énumération des actions à mener par le congrès fait littéralement passer cette question des idées avant celle des personnes. L’article est sans ambiguïté : le congrès entend le rapport moral du président du parti et le rapport d’activité du secrétaire général, il définit la politique générale du parti, il vérifie les comptes du parti. C’est après et seulement après ces étapes qu’il désigne les personnes qui seront chargées d’animer le parti pendant cinq ans : le président, le secrétaire général, les membres du Bureau politique, les membres du Grand conseil et les commissaires comptes. C’est quand et seulement quand le parti s’est mis d’accord sur les idées, qu’il fait le choix des personnes qui vont mettre celles-ci en musique.

Cette disposition statutaire, exprimée aussi bien par la lettre que par l’esprit des textes, est incompatible avec la volonté clairement affichée aujourd’hui par certains militants de transformer le prochain congrès en un référendum pour ou contre la candidature du président Henri Konan Bédié.

Nous entendons dire que, dans cette querelle, les partisans du président Bédié voudraient aller jusqu’à procéder à une modification des statuts pour assurer à notre chef une présidence à vie à la tête du parti. Nous n’aurons pas le front de prétendre ici que cela est utopique. Nous avons appris en effet que rien a priori n’est impossible en politique, surtout sous nos cieux. Encore faut-il que, dans cette procédure aussi, nous nous laissions plus guidés par les idées et par le respect de nos textes que par les personnes.

Le constat que nous faisons aujourd’hui est que le président du parti, âgé de plus de 75 ans, ne peut plus prétendre à un renouvellement de ses fonctions, les statuts actuels situant cruellement l’âge du candidat à la présidence entre 40 et 75 ans (article 35). Une modification de ces statuts est-elle possible durant le congrès d’octobre 2013, et si oui, cette modification peut-elle permettre au président sortant de se porter candidat à sa propre succession ?

Que le congrès modifie les critères statutaires de candidature à la présidence du parti est un acte parfaitement possible. Que cette modification permette au président sortant d’être éligible, là est toute la difficulté.

L’adoption des statuts modifiés n’intervient en effet qu’à la fin du congrès. C’est le huitième et dernier acte de ces assises, d’après l’alinéa 8 de l’article 28. En principe l’élection du président est un acte antérieur. C’est le moment n° 4 du congrès, après l’audition du rapport moral du président sortant et du rapport d’activité du secrétaire général sortant, après la définition de la politique générale, et après la vérification des comptes. L’élection est par conséquent un acte qui est régi par les statuts non encore modifiés, c’est-à-dire les statuts actuels du parti.

De ce fait, les nouveaux statuts, si l’on veut être rigoureux, ne pourront pas s’appliquer immédiatement à un président sortant écarté par l’âge. Il faudrait attendre pour cela le congrès de 2018 ou un congrès extraordinaire convoqué avant cette date.

Supposons que, malgré la rigueur des textes, la modification qui pourrait intervenir en octobre prochain s’applique immédiatement au président sortant, que se passerait-il ? Eh bien cela exposerait le parti à de très graves incertitudes.

D’abord la modification, avant d’être opératoire, devra attendre un récépissé du ministre de l’Intérieur, conformément aux articles 16 et 13 de la loi n° 93-668 du 9 août 1993 relative aux partis et groupements politiques. L’article 16 de cette loi stipule que « toutes modifications apportées aux statuts et règlement intérieur des partis ou groupements politiques sont soumises aux mêmes formalités que la déclaration », et l’article 13 précise que « le ministre chargé de l’Intérieur dispose de trois mois pour vérifier la conformité du dossier avec les prescriptions de la présente loi ».

Par conséquent, faire usage des statuts modifiés au 12ème congrès, pour assurer l’éligibilité du président sortant au cours du même congrès, c’est mettre le parti en délicatesse avec le ministère de l’Intérieur, c’est exposer le PDCI à une censure.

Imaginons que par extraordinaire le ministère de l’Intérieur ferme les yeux sur cette liberté prise vis-à-vis de la loi, la difficulté est-elle levée pour autant ? Non pas. Le PDCI est en effet une personne morale. À ce titre, il peut être assigné devant le juge des référés par n’importe lequel de ses militants voire n’importe quel citoyen ivoirien constatant ou considérant que le parti a violé ses propres statuts. Ce risque vaut-il la peine d’être couru ? En s’enferrant contre ses propres statuts, notre parti ne ferait que s’exposer à se déconsidérer sérieusement.

Il y a plus grave. Quelle crédibilité aura le PDCI-RDA dans les débats en cours sur les lois nationales, s’il donne la preuve d’une irréfutable légèreté dans le respect de ses propres textes ? C’est là une question que nous gagnerions tous à méditer avant de nous jeter dans la mêlée actuelle.

Terminons cette lettre. Nous avons clairement le sentiment d’être aujourd’hui à la croisée des chemins. Le choix qui se présente actuellement devant nous, c’est de faire du PDCI-RDA de demain un astre qui brille au firmament ou une étoile au fond d’un trou. Il nous appartient de faire du valeureux parti hérité des bâtisseurs de ce pays un parti majuscule ou un parti en solde.

En ce qui nous concerne, nous les soussignés, nous avons choisi de nous appuyer sur les idées pour gouverner nos analyses, nos vues et nos choix. Nous n’avons pas d’autre moyen pour faire pièce aux querelles de personnes qui minent notre parti et l’exposent à la liquidation. Puissions-nous être compris, ainsi que peuvent l’espérer tous ceux qui prennent la parole, par le plus grand nombre !







Le Bureau de la coordination


- KRAMO Kouassi, Député de Bengassou, Bocanda, Kouadioblékro et N’Zecrésèssou communes et sous préfectures;
- DIBAHI Dodo Amédé, Député de Iboguhé, Namané communes et sous préfectures;
- OUEGNIN Yasmina épouse GUESSEND, Député de Cocody
- SORO Souagnon, Député de Doba et Gabiadji, communes et sous préfectures;
- SARRE Gnépo Edmond, Député de Dogbo, et Grand-Béréby communes et sous préfectures.

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