Camarades membres du Comité Central du Parti,
Camarade membres du Comité de Contrôle,
Camarade membres des structures d’activités,
Camarade Secrétaires Généraux de Fédération,
Honorables invités,
Camarade président AFFI NGUESSAN Pascal.
Quand le 26 avril 2011, la soldatesque du régime fracassait la porte de ta chambre d’hôtel pour t’enlever et te déporter à Bouna, tu n’as pas pu prendre les dispositions réglementaires pour mettre en place un schéma de suppléance. Et pour cause !
Premièrement, tu avais un combat de survie personnelle à engager, l’adversité étant forte et barbare,
Deuxièmement, tous tes intérimaires potentiels étaient hors de vue.
- Ton premier vice-président Sangaré Abou Drahamane, était déjà enlevé et déporté à Katiola, donc absent
- Ta deuxième vice-présidente, Simone Ehivet Gbagbo, était enlevée et déportée à Odienné, donc absente
- Ton troisième vice-président, Mamadou Koulibaly, était déjà hors du pays, donc absent.
C’était donc le chaos. La chaine de commandement était brisée, le Parti était en lambeaux. Il a fallu attendre quelques semaines avant qu’une première équipe d’intérim ne se mette en place, avec le 3ème vice-président revenu au pays entretemps.
Malgré tous les dangers qui le guettaient, le Front Populaire Ivoirien que tu as laissé derrière toi involontairement, ne devait pas renoncer à la vie et à sa responsabilité historique vis-à-vis du peuple ivoirien. Ainsi, lorsque le 3e Vice-président du Parti convoque le premier Comité Central le 25 mai 2011, de nombreux camarades membres des instances et d’autres militants prenant leur courage à deux mains bravent la terreur du moment pour se rendre au siège du CNRD pour redonner vie au Parti et éviter ainsi la mort programmée. Contre toute attente, notre camarade démissionne de notre famille politique le 11 juillet 2011, nous mettant ainsi dans une situation inédite.
Nous étions dans une vacance de pouvoir de fait. En effet, l’article 90 du titre VII des statuts, souligne en son alinéa 1 qu’"en cas de vacance du pouvoir par démission ou empêchement absolu du président du Parti, l’intérim est assuré par le premier vice-président". Tous les vice-présidents du Parti s’étant retrouvés dans une situation d’empêchement absolu et de démission, le Secrétaire Général étant présent, nous avons dû interpréter l’article 22 chapitre I titre I du règlement intérieur qui stipule qu’"en cas d’absence ou d’empêchement du président du Parti, des vice-présidents et du Secrétaire Général, l’intérim est assuré par un Secrétaire Général Adjoint par ordre hiérarchique".
Il fallait en tirer toutes les conséquences. Face à la menace du danger imminent de dispersion des forces qui guettait le Parti, le Secrétaire Général que j’étais, a dû convoquer une session extraordinaire du Comité Central, élargi au Comité de Contrôle, aux Secrétaires Généraux de fédération et aux bureaux exécutifs des structures spécialisées le 23 Juillet 2011, pour prendre les mesures qui s’imposaient.
Conformément aux textes qui régissent le Parti, le Comité Central ayant constaté les empêchements qui ont entrainé la vacance du pouvoir, a pris acte de l’intérim de la présidence du Parti assuré de plein droit par le camarade Miaka Ourétto et celui du Secrétaire Général par le camarde Akoun Laurent. Il nous a donné mandat de mettre en place une équipe de crise, comme c’est le cas dans tous les mouvements en lutte. Le Comité Central a volontairement choisi d’appeler cette équipe « Secrétariat Général Intérimaire » en lieu et place d’un comité de crise, et ceci, pour rester collé à notre valeur principale, la solidarité. Nous reconnaissions que c’est la lutte qui t’a éloigné du Parti et que notre devoir de solidarité les uns envers les autres, nous commandait de veiller sur ce Parti, tout en nous mobilisant pour que, toi et tous les camarades emprisonnés, vous recouvriez votre liberté confisquée.
Camarade Président, comme on s’en aperçoit, l’objet de notre intérim était de remplir provisoirement une tâche. Le temps de cet intérim étant donc tout naturellement fonction de la durée de ton empêchement. Tu reprends tes fonctions quand ton empêchement qui t’en avait écarté prend fin. C’est le sens que nous donnons a cette passation de charges cet après-midi du 07 septembre 2013. Te passer les charges qui sont les tiennes.
Pour la présentation des dossiers de l’intérim, je me contenterais de te faire un survol des sujets abordés tout au long de ces 26 mois d’exercice, c’est-à-dire du 23 juillet 2011 au 31 août 2013, relativement :
a. Aux dossiers exécutés
§ Au Secrétariat Général
§ Au Comité Central
§ Aux Structures Spécialisées et d’activités
§ Au Fonctionnement administratif du Parti
b. Aux dossiers en cours
§ Aux dossiers judiciaires
§ Aux dossiers politiques notamment le dialogue direct, l’action diplomatique et les actions de terrain
§ Au plan stratégique triennal
c. Aux perspectives
§ La mise en œuvre du plan stratégique
Camarade Président, la vitalité d’un parti se mesure aussi à la tenue des rendez-vous statutaires et au fonctionnement des structures de base. Ainsi, nous pouvons noter que les réunions statutaires du Secrétariat Général et du Comité Central ont connu une stricte exécution. Ainsi:
Pour le Secrétariat Général, 27 sessions sur 25, dont 5 sessions extraordinaires convoquées soit 108% avec en moyenne de 50 militants présents sur 75 membres nommés soit 66% de présence.
Pour le Comité Central, 12 sessions sur 8, dont 4 sessions extraordinaires convoquées, soit 150% avec en moyenne 250 militants sur 400 militants recensés pendant la crise soit 62.5%.
Pour les structures de bases, sur les 99 fédérations, 41 ont fonctionné tant bien que mal, soit 42%.
Pour les autres activités qui ont meublé cet intérim, je citerai quelques-unes :
- Le lobbying et les relations publiques : (i) En Côte d’ivoire, plusieurs délégations ont rencontrés les diplomates pour faire connaitre le point de vue du FPI sur toutes les questions importantes de l’actualité ivoirienne ; (ii) à l’étranger, le FPI a réalisé une belle performance. Les différentes missions tant en France, en Italie qu’en Suède ont permis de redorer l’image du parti à l’étranger. Ces missions ont aussi donné l’occasion au FPI de sonner la mobilisation de tous ceux qui, en Europe notamment, œuvrent pour la libération du Président Laurent Gbagbo.
- Les activités de mobilisation et de communication politique : plusieurs activités ont eu lieu dont 05 types majeurs qui sont : (i) l’Accueil des ex-détenus en décembre 2011 et 2012, (ii) les Célébrations du 18 février 2012 et 2013, (iii) la Célébration de la fête de la liberté 2012 et 2013, (iv) Les meetings en grands espaces et (v) les tournées dans les fédérations.
- Les actions de communication : le Parti a pris une part active dans le réveil du groupe « la Refondation » ; La mobilisation des journaux qui nous sont proche a été un axe fort ; le Groupe des « JV11 » a soutenu de façon décisive la résistante et permis de faire face à l’ostracisme des media d’état.
- Les structures spécialisées et d’activités ont contribué à donner vie au parti. Ces structures (OFFPI, JFPI, CEFPI, CURFP, CAPFPI, CAEFPI) ont exécuté de nombreuses activités, notamment des réunions, des séances de travail, et des rassemblements de mobilisation.
- Le dialogue politique : entamé le 28 janvier 2013, il a été interrompu le 21 mars 2013. Le FPI a estimé qu’il ne pouvait continuer dans une partie de dupes. car au moment où se déroulaient les pourparlers, le camp gouvernemental s’évertuait à nous tourner en bourrique. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase a été l’arrestation de Koua Justin au Siège du Parti. Le Comité Central a dû mettre un holà à cette farce et exiger avec responsabilité des conditions idoines de reprise du dialogue.
En tout état de cause, le Comité Central a pris acte de la volonté du pouvoir Ouattara d’écarter le FPI des élections législatives et locales. Nous avons décidé avec responsabilité de ne pas l’accompagner tant la politique de la chaise occupée était patente par le pouvoir. C’est ainsi que de façon ouverte nous avons lancé un mot d’ordre de boycott des élections législatives de 2011 et municipales et régionales de 2013. Il s’en est suivi ce que les media nationaux et internationaux ont appelé « le désert électorale ». Le peuple de Côte d’ivoire a donc suivi le FPI, délégitimant davantage le pouvoir en place.
La réactivation de la solidarité : Malgré la situation financière difficile que traverse le Parti, la Direction a pu honorer le devoir de solidarité envers les camarades détenus, les familles respectives de nos camarades défunts et en participant activement aux obsèques.
Il a également organisé des visites à Accra pour rencontrer nos camarades exilés.
Plusieurs visites ont été effectuées à La Haye au Président Laurent Gbagbo par le Président du Parti et d’autres membres de la direction en 2012 et 2013 ainsi que des actions judiciaires engagées en faveur de tous les camarades illégalement détenus.
Tels sont, camarade Président, les dossiers exécutés au cours de la période 2011-2013.
Au titre des dossiers en cours
Le dialogue politique : Après l’interruption brutale du processus, le Gouvernement a exprimé sa disponibilité à reprendre langue avec le FPI en nous indiquant sa volonté de nous voir fixer la date de reprise. Il nous reste à relancer ce dialogue que nous souhaitons sincère et sans faux fuyant.
Le lobbying et les relations publiques : Le dossier sur l’Internationale Socialiste dont le nouveau président Comité Afrique a été élu en mars 2013 en la personne du Camarade Emmanuel Golou, Président du Parti Social-Démocrate (PSD) du Bénin devra être poursuivi avec abnégation.
Les activités de solidarité, de mobilisation et de communication politique :
Plusieurs activités commencées restent à être parachevées. Elles sont toutes mentionnées dans les dossiers. Je voudrais insister seulement sur le dossier CPI et le dossier sur les prisonniers nationaux:
- Sur le dossier CPI : le Comité Central a maintes fois répété que la détention du Président Laurent Gbagbo à La Haye est illégitime, illégale, politique, arbitraire et sans fondement. C’est pourquoi, plus que jamais, le FPI demande et continue de demander avec détermination à la Cour Pénale Internationale (CPI) de tirer toutes les conséquences de cette incongruité, en arrêtant la procédure à l’encontre du président Gbagbo et donc de le libérer purement et simplement ici et maintenant.
- Le dossier sur les prisonniers nationaux et les exilés demande notre vigilance et un suivi accru. Une quarantaine de nos camarades sont certes sortis des geôles du régime, mais il n’en demeure pas moins que plus de 700 politiques, civils et militaires, dont la camarade Simone Ehivet Gbagbo, croupissent encore injustement dans le sous sol de la Côte d’ivoire. Un accent particulier devra être mis sur la libération sans conditions et définitive de tous ces camarades, y compris ceux qui sont déjà en liberté provisoire ; bien entendu sur le retour en toute sécurité de tous nos camarades exilés politiques.
- Le dossier du dégel des avoirs et de la libération des patrimoines occupés requiert une attention et une mobilisation soutenues.
Au titre des perspectives
Il nous reste l’adoption du plan stratégique triennal qui n’a pas encore connu son aboutissement dans la procédure de validation. Ce plan devrait être mis en œuvre car il contient toute notre ambition pour la période 2013-2015.
Au total, camarade Président, l’équipe qui a été mise en place a travaillé d’arrache-pied afin que le Parti soit hissé au niveau où tu le trouve aujourd’hui. Je pense que nous avons fait de notre mieux pour accomplir ce que nous avions à faire, dans des conditions souvent très pénible. Il nous reste à consolider les acquis et à fortifier la mobilisation et l’engagement des militantes et des militants afin de les tenir en ordre de batail pour les défis actuels et futurs.
Nous avons apporté, tous ensemble, notre contribution selon nos possibilités intellectuelles, morales et nos expertises professionnelles respectives. Nous avons eu plaisir à travailler avec toutes les structures et essayé un tant soit peu de redonner vie au Parti.
Je voudrais remercier tous et particulièrement cette équipe dynamique et bénévole de l’administration qui nous a facilité le travail tant son professionnalisme a convaincu plus d’un.
Dans ce devoir de mémoire, je ne saurais oublier aucun martyr et en particulier tous ceux qui sont tombés sous les balles assassines ou que la maladie a dû emporter par la méchanceté et la haine politiciennes. Souhaitons que la terre de Côte d’ivoire qui les a ensevelis leur soit légère.
Je n’oublie pas ta famille et à travers elle, toutes les familles de nos camarades prisonniers et exilés politiques. Nous savons que leur soutien indéfectible vous a permis de tenir dans l’épreuve. Le FPI leur en est reconnaissant.
Camarade Président, je voudrais souhaiter vivement que la discipline et la fermeté que nous nous sommes évertué à observer tout au long de cet intérim et qui ont valu au FPI, respect et nouveaux regards, aussi bien à l’intérieur qu’a l’extérieur de la Côte d’ivoire se perpétue.
Nous devons continuer d’inspirer le peuple ivoirien et lui donner l’espoir d’une vie meilleure par la mise en œuvre de notre projet de société qui se veut refondateur pour la Côte d’ivoire.
Je voudrais, camarade président insister sur la nécessité d’œuvrer pour l’action unitaire au sein du CNRD qui demeure plus que jamais la seule plateforme qui incarne les valeurs que nous défendons c’est-à-dire la souveraineté, la liberté, la justice et la démocratie. Voici les quatre valeurs qui doivent structurer la vision de notre instrument de combat et déterminer sa politique. Une politique fondée sur la solidarité dans la lutte pour défendre et promouvoir nos idéaux en vue de l’avènement d’une société de partage, dans le respect des droits et libertés démocratiques. Nous invitons donc tous les partis politiques, les mouvements de gauche et toutes les forces de progrès, à renforcer cet outil commun de lutte et d’émancipation des peuples de Côte d’ivoire et d’Afrique, en faisant front contre la régression sociale, la pauvreté et l’arbitraire.
La guerre a montré toutes ses limites politiques par son caractère antidémocratique et anti constitutionnel, les milliers de morts qu’elle a engendrés, la dislocation du tissu social, le recul des droits et libertés, l’anéantissement, pour tout dire, de tous les progrès réalisés dans notre pays par le FPI, notre Parti, au prix de plusieurs décennies de sacrifices de ses citoyens. C’est pourquoi nous continuons à exiger un environnement sain et propice pour un dialogue ouvert, honnête et sans faux fuyant, car nous sommes toujours disponibles pour hâter la normalisation de la vie politique et sociale dans notre pays, pourvu que les tenants actuels du pouvoir le veuillent aussi.
Camarade président, tu vas maintenant prendre le relai. Ne te lasse pas d’appeler prestement la Communauté Internationale, particulièrement les membres du Conseil de Sécurité de l’ONU ainsi que l’Union Africaine (UA) à s’engager résolument avec beaucoup de courage et de responsabilité, dans une perspective de construction nationale autour d’une mobilisation citoyenne sans exclusive en Côte d’ivoire.
Rappelle et démontre leur par les actes significatifs que, dans le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes… le Front Populaire Ivoirien, parti socialiste d’essence, reste et demeure la seule alternative politique crédible en Côte d’ivoire pour la refonder, pour créer à terme cette Nation démocratique, solidaire et prospère.
Insiste encore une fois pour les interpeller sur la nécessité de privilégier enfin nos constitutions nationales, socle de la cohésion nationale et du jeu démocratique équitable et transparent.
Enfin, camarade Président, c’est un parti bien en place que je te cède ce jour, il a plié sans jamais rompre. Le FPI aujourd’hui, ce sont des organes dirigeants et de contrôle, des structures de base, des représentations à l’extérieur, des structures spécialisées et d’activités et l’ensemble des militantes et militants, soudés autour de la Direction du Parti, qui ont appris à cultiver la confiance, la solidarité agissante, la persévérance, la foi en leur instrument de lutte pour la reconquête des droits et libertés démocratiques. Tous, nous nous tenons toujours mobilisés pour gagner la bataille de la libération du président Laurent Gbagbo, de Simone Ehivet Gbagbo, de tous les autres prisonniers et le retour des exilés. C’est ce puissant outil que tu reprends ce jour.
Camarade Président, tu as aujourd’hui des militants extrêmement jaloux de leur liberté d’expression, de leur pouvoir de décision à l’intérieur du parti et pointilleux sur le respect des textes fondamentaux. Continuons à appeler avec insistance chacune de nos structures à jouer pleinement et entièrement son rôle. Cela a l’avantage de renforcer la cohésion et l’esprit de responsabilité au sein du Parti.
Concernant la solidarité je voudrais que nous insistions sur les cinq solidarités que tu as nous recommandées lorsque nous t’avons rendu visite en prison à Bouna en mai 2013 :
- Solidarité envers le Président Laurent Gbagbo,
- Solidarité envers la Vice-présidente Simone Ehivet Gbagbo,
- Solidarité envers tous les autres camarades prisonniers et exilés politiques,
- Solidarité envers tous les militants du FPI,
- Solidarité envers de la Côte d’ivoire.
Je reste convaincu que tu feras en sorte que nous demeurions tous loyaux, intraitables et déterminés dans la mise en œuvre de toutes ces solidarités, en tous temps et en toutes circonstances, sans faiblir et ni faillir.
Pour finir, camarade Président, au moment où prend fin cet intérim, je voudrais indiquer que l’équipe forgée et aguerrie dans la crise et par la crise que le camarade Akoun et moi avons eu l’honneur de diriger, se tient à ta disposition pour ensemble poursuivre dans la cohésion cette œuvre magnifique que nous avons commencée. Comme tu l’as toujours fait, continue de te mettre au service des militants, au service de ton parti, de ton peuple et de ton pays, dans l’humilité et la sérénité. Ensemble, continuons et amplifions cet élan extraordinaire. Nul doute que tu négocieras avec dextérité ce tournant exceptionnel dans l’histoire de notre Parti. Tu as en les capacités et les compétences, tu l’as bien démontré en d’autres occasions avant de te retrouver dans les sous-sol de l’humanité.
Bon retour au milieu des tiens et Bon vent, camarade Président.
Voici maintenant, camarade président l’ensemble des documents que je te passe en souhaitant que tu en fasses bon usage dans la cohésion du parti. Nous t’y aiderons, car nous demeurons tous à ton entière disposition.
Abidjan, le 7 septembre 2013
MIAKA Ouretto
Président (sortant)
Camarade membres du Comité de Contrôle,
Camarade membres des structures d’activités,
Camarade Secrétaires Généraux de Fédération,
Honorables invités,
Camarade président AFFI NGUESSAN Pascal.
Quand le 26 avril 2011, la soldatesque du régime fracassait la porte de ta chambre d’hôtel pour t’enlever et te déporter à Bouna, tu n’as pas pu prendre les dispositions réglementaires pour mettre en place un schéma de suppléance. Et pour cause !
Premièrement, tu avais un combat de survie personnelle à engager, l’adversité étant forte et barbare,
Deuxièmement, tous tes intérimaires potentiels étaient hors de vue.
- Ton premier vice-président Sangaré Abou Drahamane, était déjà enlevé et déporté à Katiola, donc absent
- Ta deuxième vice-présidente, Simone Ehivet Gbagbo, était enlevée et déportée à Odienné, donc absente
- Ton troisième vice-président, Mamadou Koulibaly, était déjà hors du pays, donc absent.
C’était donc le chaos. La chaine de commandement était brisée, le Parti était en lambeaux. Il a fallu attendre quelques semaines avant qu’une première équipe d’intérim ne se mette en place, avec le 3ème vice-président revenu au pays entretemps.
Malgré tous les dangers qui le guettaient, le Front Populaire Ivoirien que tu as laissé derrière toi involontairement, ne devait pas renoncer à la vie et à sa responsabilité historique vis-à-vis du peuple ivoirien. Ainsi, lorsque le 3e Vice-président du Parti convoque le premier Comité Central le 25 mai 2011, de nombreux camarades membres des instances et d’autres militants prenant leur courage à deux mains bravent la terreur du moment pour se rendre au siège du CNRD pour redonner vie au Parti et éviter ainsi la mort programmée. Contre toute attente, notre camarade démissionne de notre famille politique le 11 juillet 2011, nous mettant ainsi dans une situation inédite.
Nous étions dans une vacance de pouvoir de fait. En effet, l’article 90 du titre VII des statuts, souligne en son alinéa 1 qu’"en cas de vacance du pouvoir par démission ou empêchement absolu du président du Parti, l’intérim est assuré par le premier vice-président". Tous les vice-présidents du Parti s’étant retrouvés dans une situation d’empêchement absolu et de démission, le Secrétaire Général étant présent, nous avons dû interpréter l’article 22 chapitre I titre I du règlement intérieur qui stipule qu’"en cas d’absence ou d’empêchement du président du Parti, des vice-présidents et du Secrétaire Général, l’intérim est assuré par un Secrétaire Général Adjoint par ordre hiérarchique".
Il fallait en tirer toutes les conséquences. Face à la menace du danger imminent de dispersion des forces qui guettait le Parti, le Secrétaire Général que j’étais, a dû convoquer une session extraordinaire du Comité Central, élargi au Comité de Contrôle, aux Secrétaires Généraux de fédération et aux bureaux exécutifs des structures spécialisées le 23 Juillet 2011, pour prendre les mesures qui s’imposaient.
Conformément aux textes qui régissent le Parti, le Comité Central ayant constaté les empêchements qui ont entrainé la vacance du pouvoir, a pris acte de l’intérim de la présidence du Parti assuré de plein droit par le camarade Miaka Ourétto et celui du Secrétaire Général par le camarde Akoun Laurent. Il nous a donné mandat de mettre en place une équipe de crise, comme c’est le cas dans tous les mouvements en lutte. Le Comité Central a volontairement choisi d’appeler cette équipe « Secrétariat Général Intérimaire » en lieu et place d’un comité de crise, et ceci, pour rester collé à notre valeur principale, la solidarité. Nous reconnaissions que c’est la lutte qui t’a éloigné du Parti et que notre devoir de solidarité les uns envers les autres, nous commandait de veiller sur ce Parti, tout en nous mobilisant pour que, toi et tous les camarades emprisonnés, vous recouvriez votre liberté confisquée.
Camarade Président, comme on s’en aperçoit, l’objet de notre intérim était de remplir provisoirement une tâche. Le temps de cet intérim étant donc tout naturellement fonction de la durée de ton empêchement. Tu reprends tes fonctions quand ton empêchement qui t’en avait écarté prend fin. C’est le sens que nous donnons a cette passation de charges cet après-midi du 07 septembre 2013. Te passer les charges qui sont les tiennes.
Pour la présentation des dossiers de l’intérim, je me contenterais de te faire un survol des sujets abordés tout au long de ces 26 mois d’exercice, c’est-à-dire du 23 juillet 2011 au 31 août 2013, relativement :
a. Aux dossiers exécutés
§ Au Secrétariat Général
§ Au Comité Central
§ Aux Structures Spécialisées et d’activités
§ Au Fonctionnement administratif du Parti
b. Aux dossiers en cours
§ Aux dossiers judiciaires
§ Aux dossiers politiques notamment le dialogue direct, l’action diplomatique et les actions de terrain
§ Au plan stratégique triennal
c. Aux perspectives
§ La mise en œuvre du plan stratégique
Camarade Président, la vitalité d’un parti se mesure aussi à la tenue des rendez-vous statutaires et au fonctionnement des structures de base. Ainsi, nous pouvons noter que les réunions statutaires du Secrétariat Général et du Comité Central ont connu une stricte exécution. Ainsi:
Pour le Secrétariat Général, 27 sessions sur 25, dont 5 sessions extraordinaires convoquées soit 108% avec en moyenne de 50 militants présents sur 75 membres nommés soit 66% de présence.
Pour le Comité Central, 12 sessions sur 8, dont 4 sessions extraordinaires convoquées, soit 150% avec en moyenne 250 militants sur 400 militants recensés pendant la crise soit 62.5%.
Pour les structures de bases, sur les 99 fédérations, 41 ont fonctionné tant bien que mal, soit 42%.
Pour les autres activités qui ont meublé cet intérim, je citerai quelques-unes :
- Le lobbying et les relations publiques : (i) En Côte d’ivoire, plusieurs délégations ont rencontrés les diplomates pour faire connaitre le point de vue du FPI sur toutes les questions importantes de l’actualité ivoirienne ; (ii) à l’étranger, le FPI a réalisé une belle performance. Les différentes missions tant en France, en Italie qu’en Suède ont permis de redorer l’image du parti à l’étranger. Ces missions ont aussi donné l’occasion au FPI de sonner la mobilisation de tous ceux qui, en Europe notamment, œuvrent pour la libération du Président Laurent Gbagbo.
- Les activités de mobilisation et de communication politique : plusieurs activités ont eu lieu dont 05 types majeurs qui sont : (i) l’Accueil des ex-détenus en décembre 2011 et 2012, (ii) les Célébrations du 18 février 2012 et 2013, (iii) la Célébration de la fête de la liberté 2012 et 2013, (iv) Les meetings en grands espaces et (v) les tournées dans les fédérations.
- Les actions de communication : le Parti a pris une part active dans le réveil du groupe « la Refondation » ; La mobilisation des journaux qui nous sont proche a été un axe fort ; le Groupe des « JV11 » a soutenu de façon décisive la résistante et permis de faire face à l’ostracisme des media d’état.
- Les structures spécialisées et d’activités ont contribué à donner vie au parti. Ces structures (OFFPI, JFPI, CEFPI, CURFP, CAPFPI, CAEFPI) ont exécuté de nombreuses activités, notamment des réunions, des séances de travail, et des rassemblements de mobilisation.
- Le dialogue politique : entamé le 28 janvier 2013, il a été interrompu le 21 mars 2013. Le FPI a estimé qu’il ne pouvait continuer dans une partie de dupes. car au moment où se déroulaient les pourparlers, le camp gouvernemental s’évertuait à nous tourner en bourrique. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase a été l’arrestation de Koua Justin au Siège du Parti. Le Comité Central a dû mettre un holà à cette farce et exiger avec responsabilité des conditions idoines de reprise du dialogue.
En tout état de cause, le Comité Central a pris acte de la volonté du pouvoir Ouattara d’écarter le FPI des élections législatives et locales. Nous avons décidé avec responsabilité de ne pas l’accompagner tant la politique de la chaise occupée était patente par le pouvoir. C’est ainsi que de façon ouverte nous avons lancé un mot d’ordre de boycott des élections législatives de 2011 et municipales et régionales de 2013. Il s’en est suivi ce que les media nationaux et internationaux ont appelé « le désert électorale ». Le peuple de Côte d’ivoire a donc suivi le FPI, délégitimant davantage le pouvoir en place.
La réactivation de la solidarité : Malgré la situation financière difficile que traverse le Parti, la Direction a pu honorer le devoir de solidarité envers les camarades détenus, les familles respectives de nos camarades défunts et en participant activement aux obsèques.
Il a également organisé des visites à Accra pour rencontrer nos camarades exilés.
Plusieurs visites ont été effectuées à La Haye au Président Laurent Gbagbo par le Président du Parti et d’autres membres de la direction en 2012 et 2013 ainsi que des actions judiciaires engagées en faveur de tous les camarades illégalement détenus.
Tels sont, camarade Président, les dossiers exécutés au cours de la période 2011-2013.
Au titre des dossiers en cours
Le dialogue politique : Après l’interruption brutale du processus, le Gouvernement a exprimé sa disponibilité à reprendre langue avec le FPI en nous indiquant sa volonté de nous voir fixer la date de reprise. Il nous reste à relancer ce dialogue que nous souhaitons sincère et sans faux fuyant.
Le lobbying et les relations publiques : Le dossier sur l’Internationale Socialiste dont le nouveau président Comité Afrique a été élu en mars 2013 en la personne du Camarade Emmanuel Golou, Président du Parti Social-Démocrate (PSD) du Bénin devra être poursuivi avec abnégation.
Les activités de solidarité, de mobilisation et de communication politique :
Plusieurs activités commencées restent à être parachevées. Elles sont toutes mentionnées dans les dossiers. Je voudrais insister seulement sur le dossier CPI et le dossier sur les prisonniers nationaux:
- Sur le dossier CPI : le Comité Central a maintes fois répété que la détention du Président Laurent Gbagbo à La Haye est illégitime, illégale, politique, arbitraire et sans fondement. C’est pourquoi, plus que jamais, le FPI demande et continue de demander avec détermination à la Cour Pénale Internationale (CPI) de tirer toutes les conséquences de cette incongruité, en arrêtant la procédure à l’encontre du président Gbagbo et donc de le libérer purement et simplement ici et maintenant.
- Le dossier sur les prisonniers nationaux et les exilés demande notre vigilance et un suivi accru. Une quarantaine de nos camarades sont certes sortis des geôles du régime, mais il n’en demeure pas moins que plus de 700 politiques, civils et militaires, dont la camarade Simone Ehivet Gbagbo, croupissent encore injustement dans le sous sol de la Côte d’ivoire. Un accent particulier devra être mis sur la libération sans conditions et définitive de tous ces camarades, y compris ceux qui sont déjà en liberté provisoire ; bien entendu sur le retour en toute sécurité de tous nos camarades exilés politiques.
- Le dossier du dégel des avoirs et de la libération des patrimoines occupés requiert une attention et une mobilisation soutenues.
Au titre des perspectives
Il nous reste l’adoption du plan stratégique triennal qui n’a pas encore connu son aboutissement dans la procédure de validation. Ce plan devrait être mis en œuvre car il contient toute notre ambition pour la période 2013-2015.
Au total, camarade Président, l’équipe qui a été mise en place a travaillé d’arrache-pied afin que le Parti soit hissé au niveau où tu le trouve aujourd’hui. Je pense que nous avons fait de notre mieux pour accomplir ce que nous avions à faire, dans des conditions souvent très pénible. Il nous reste à consolider les acquis et à fortifier la mobilisation et l’engagement des militantes et des militants afin de les tenir en ordre de batail pour les défis actuels et futurs.
Nous avons apporté, tous ensemble, notre contribution selon nos possibilités intellectuelles, morales et nos expertises professionnelles respectives. Nous avons eu plaisir à travailler avec toutes les structures et essayé un tant soit peu de redonner vie au Parti.
Je voudrais remercier tous et particulièrement cette équipe dynamique et bénévole de l’administration qui nous a facilité le travail tant son professionnalisme a convaincu plus d’un.
Dans ce devoir de mémoire, je ne saurais oublier aucun martyr et en particulier tous ceux qui sont tombés sous les balles assassines ou que la maladie a dû emporter par la méchanceté et la haine politiciennes. Souhaitons que la terre de Côte d’ivoire qui les a ensevelis leur soit légère.
Je n’oublie pas ta famille et à travers elle, toutes les familles de nos camarades prisonniers et exilés politiques. Nous savons que leur soutien indéfectible vous a permis de tenir dans l’épreuve. Le FPI leur en est reconnaissant.
Camarade Président, je voudrais souhaiter vivement que la discipline et la fermeté que nous nous sommes évertué à observer tout au long de cet intérim et qui ont valu au FPI, respect et nouveaux regards, aussi bien à l’intérieur qu’a l’extérieur de la Côte d’ivoire se perpétue.
Nous devons continuer d’inspirer le peuple ivoirien et lui donner l’espoir d’une vie meilleure par la mise en œuvre de notre projet de société qui se veut refondateur pour la Côte d’ivoire.
Je voudrais, camarade président insister sur la nécessité d’œuvrer pour l’action unitaire au sein du CNRD qui demeure plus que jamais la seule plateforme qui incarne les valeurs que nous défendons c’est-à-dire la souveraineté, la liberté, la justice et la démocratie. Voici les quatre valeurs qui doivent structurer la vision de notre instrument de combat et déterminer sa politique. Une politique fondée sur la solidarité dans la lutte pour défendre et promouvoir nos idéaux en vue de l’avènement d’une société de partage, dans le respect des droits et libertés démocratiques. Nous invitons donc tous les partis politiques, les mouvements de gauche et toutes les forces de progrès, à renforcer cet outil commun de lutte et d’émancipation des peuples de Côte d’ivoire et d’Afrique, en faisant front contre la régression sociale, la pauvreté et l’arbitraire.
La guerre a montré toutes ses limites politiques par son caractère antidémocratique et anti constitutionnel, les milliers de morts qu’elle a engendrés, la dislocation du tissu social, le recul des droits et libertés, l’anéantissement, pour tout dire, de tous les progrès réalisés dans notre pays par le FPI, notre Parti, au prix de plusieurs décennies de sacrifices de ses citoyens. C’est pourquoi nous continuons à exiger un environnement sain et propice pour un dialogue ouvert, honnête et sans faux fuyant, car nous sommes toujours disponibles pour hâter la normalisation de la vie politique et sociale dans notre pays, pourvu que les tenants actuels du pouvoir le veuillent aussi.
Camarade président, tu vas maintenant prendre le relai. Ne te lasse pas d’appeler prestement la Communauté Internationale, particulièrement les membres du Conseil de Sécurité de l’ONU ainsi que l’Union Africaine (UA) à s’engager résolument avec beaucoup de courage et de responsabilité, dans une perspective de construction nationale autour d’une mobilisation citoyenne sans exclusive en Côte d’ivoire.
Rappelle et démontre leur par les actes significatifs que, dans le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes… le Front Populaire Ivoirien, parti socialiste d’essence, reste et demeure la seule alternative politique crédible en Côte d’ivoire pour la refonder, pour créer à terme cette Nation démocratique, solidaire et prospère.
Insiste encore une fois pour les interpeller sur la nécessité de privilégier enfin nos constitutions nationales, socle de la cohésion nationale et du jeu démocratique équitable et transparent.
Enfin, camarade Président, c’est un parti bien en place que je te cède ce jour, il a plié sans jamais rompre. Le FPI aujourd’hui, ce sont des organes dirigeants et de contrôle, des structures de base, des représentations à l’extérieur, des structures spécialisées et d’activités et l’ensemble des militantes et militants, soudés autour de la Direction du Parti, qui ont appris à cultiver la confiance, la solidarité agissante, la persévérance, la foi en leur instrument de lutte pour la reconquête des droits et libertés démocratiques. Tous, nous nous tenons toujours mobilisés pour gagner la bataille de la libération du président Laurent Gbagbo, de Simone Ehivet Gbagbo, de tous les autres prisonniers et le retour des exilés. C’est ce puissant outil que tu reprends ce jour.
Camarade Président, tu as aujourd’hui des militants extrêmement jaloux de leur liberté d’expression, de leur pouvoir de décision à l’intérieur du parti et pointilleux sur le respect des textes fondamentaux. Continuons à appeler avec insistance chacune de nos structures à jouer pleinement et entièrement son rôle. Cela a l’avantage de renforcer la cohésion et l’esprit de responsabilité au sein du Parti.
Concernant la solidarité je voudrais que nous insistions sur les cinq solidarités que tu as nous recommandées lorsque nous t’avons rendu visite en prison à Bouna en mai 2013 :
- Solidarité envers le Président Laurent Gbagbo,
- Solidarité envers la Vice-présidente Simone Ehivet Gbagbo,
- Solidarité envers tous les autres camarades prisonniers et exilés politiques,
- Solidarité envers tous les militants du FPI,
- Solidarité envers de la Côte d’ivoire.
Je reste convaincu que tu feras en sorte que nous demeurions tous loyaux, intraitables et déterminés dans la mise en œuvre de toutes ces solidarités, en tous temps et en toutes circonstances, sans faiblir et ni faillir.
Pour finir, camarade Président, au moment où prend fin cet intérim, je voudrais indiquer que l’équipe forgée et aguerrie dans la crise et par la crise que le camarade Akoun et moi avons eu l’honneur de diriger, se tient à ta disposition pour ensemble poursuivre dans la cohésion cette œuvre magnifique que nous avons commencée. Comme tu l’as toujours fait, continue de te mettre au service des militants, au service de ton parti, de ton peuple et de ton pays, dans l’humilité et la sérénité. Ensemble, continuons et amplifions cet élan extraordinaire. Nul doute que tu négocieras avec dextérité ce tournant exceptionnel dans l’histoire de notre Parti. Tu as en les capacités et les compétences, tu l’as bien démontré en d’autres occasions avant de te retrouver dans les sous-sol de l’humanité.
Bon retour au milieu des tiens et Bon vent, camarade Président.
Voici maintenant, camarade président l’ensemble des documents que je te passe en souhaitant que tu en fasses bon usage dans la cohésion du parti. Nous t’y aiderons, car nous demeurons tous à ton entière disposition.
Abidjan, le 7 septembre 2013
MIAKA Ouretto
Président (sortant)