La rentrée des classes est comme, et même plus que le début de l’année civile. A partir de la rentrée scolaire tout se met à bouger dans le pays au niveau des affaires. Pour le comprendre il suffit de passer des vacances dans une ville de province. Tout semble mort. Aucune activité. C’est la léthargie. Dès que sonne la cloche de l’année scolaire la petite ville retrouve de la vitalité, de la splendeur. Dans toutes les villes et villages du pays c’est le réveil. Les boutiques, les magasins ne désemplissent pas. Le transport est en effervescence. Les taxis se permettent de refuser des clients dont la destination ne leur donne pas du profit. Le secteur du transport, d’ailleurs, tire le plus grand profit de la rentrée scolaire. Les chauffeurs de taxis communaux deviennent des personnages incontournables. Les tailleurs seront débordés de commande. On se demande quel est le secteur qui ne va pas marcher. L’argent va circuler. L’une des conditions pour qu’une économie marche est le nombre important d’une population. La rentrée scolaire c’est l’apport considérable d’un flux de personnes, dans les vies dont les activités vont s’articuler autour de l’école. Même les servantes auront de l’argent pour accompagner les enfants dans leur établissement. On parle souvent des éditeurs et des libraires comme les grands gagnants de la rentrée scolaire. On ne peut en douter. C’est leur traite. Toutefois, il est bon de reconnaitre qu’ils font d’énormes réductions sur les prix des ouvrages scolaires. Mais le paradoxe c’est que dans l’esprit de la population, des parents d’élèves, le livre coûte cher. A chaque rentrée scolaire le même refrain est chanté à satiété. C’est devenu le slogan du mois de septembre et d’Octobre. Un slogan a relié à un autre qui continue toute l’année. A savoir : « Le marché est cher. » Dans l’un ou comme dans l’autre le gouvernement a toujours sa réponse. Les prix vont baisser. On fera une enquête pour déterminer les causes des augmentations du coût du livre. Un séminaire va se tenir. Des efforts ont été faits pour distribuer des ouvrages gratuitement. Et d’autres slogans connus des pouvoirs publics. Tout gouvernement sait que le peuple est ainsi. Il grogne en permanence. Ne se satisfait de rien. Sauf des victoires sportives. La plupart de ceux qui se plaignent vont abandonner la gratuité qu’offre l’Etat pour se ruer dans des dépenses onéreuses. Ce seront les inscriptions dans des écoles privées. Pour faire bien, imiter le voisin, se faire passer pour un puissant. C’est la grenouille qui veut absolument devenir un bœuf. La classe moyenne veut se transformer forcement et rapidement, sans aucune transition, dans la classe bourgeoise. Celle des nantis. Ceux qui ont des affaires, des plus valus. Ainsi on verra cette classe moyenne dépenser plus que son revenu, s‘engluer dans des déficits interminables, rien que pour dire que son fils est dans une « bonne école ». Et cela donnera l’insatisfaction permanente à cette classe moyenne toujours prompte à dire que l’argent ne circule pas, que tout est cher. Ce trait typiquement africain : dépenser plus qu’on a, est la cause des difficultés. Malheureusement aucun gouvernement ne peut pousser ou obliger une partie de sa population à vivre dans la modestie, l’humilité. Pas facile de faire méditer aux uns et autres les trois chapitres transformateurs de Saint Matthieu que sont les chapitres 5, 6 et 7. L’Etat fait des efforts pour construire de nombreuses classes, former des enseignants et ce sont des citoyens qui vont dédaigner la gratuité pour s’engouffrer dans des dépenses inutiles. Des personnes qui vont abandonner l’école à quelques mètres de la maison pour inscrire l’enfant à des kilomètres de la résidence afin d’enrichir davantage les stations d’essence en oubliant les règles élémentaires de l’épargne individuelle. L’école publique est en train de devenir la «résidence» des enfants de pauvres pauvres, les démunis de la société, avec des enseignants bien formés pour eux. Heureusement de nombreux citoyens restent persuadés que l’instruction n’est pas une question d’école mais du suivi de l’enfant. La plupart de nombreux cadres supérieurs du pays sont issus de l’école publique et n’ont jamais été dans des institutions, privées. Ils ont compris que dès le premier jour de la rentrée l’élève doit étudier toute les heures sans relâche et fuir beaucoup plus les plaisirs de la vie. Tels que la télévision qui pousse à la rêverie au quotidien avec ses films, ses séries, ses variétés. L’élève studieux aura tout le temps de les regarder pendant les grandes vacances scolaires. La réussite scolaire c’est aussi la fuite de toute relation amoureuse. C’est vivre dans la chasteté durant les neuf mois. Mais c’est surtout la prière permanente et intense. Ainsi les candidats aux examens vont rire et non pleurer. Ainsi va l’Afrique. A la semaine prochaine.
Par Isaïe Biton Koulibaly
Par Isaïe Biton Koulibaly