En octobre prochain, le Parti Démocratique de Côte d’Ivoire, ma famille politique va tenir son premier congrès ordinaire depuis avril 2002. Enfin… Il était tant. Ce long temps de respiration n’est certainement pas le meilleur signe de maturité démocratique. Comme une majorité de militants, je suis resté silencieux, même si légitiment inquiet. Peut-être bien trop silencieux. Pour quelques-uns, la fonction de Président de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation m’obligerait à ce silence et même m’enfermerait dans le mutisme. D’autres estiment que cette fonction fait de moi un citoyen privé de certains droits sauf à renoncer à la fonction qui est la mienne.
Il va sans dire que sur les questions qui relèvent du mandat de cette institution de promotion de la paix, de la cohésion sociale et d’éveil de la conscience nationale et de la paix, j’observe une réserve liée au caractère même de la mission et au statut d’autorité morale. Je reste cependant un citoyen à part entière, un citoyen libre, un citoyen d’engagement. Un citoyen préoccupé par la destinée de mon parti, par le destin de mon pays. J’ai atteint un âge où la parole publique se doit d’être sage et pondérée, courageuse aussi. Un âge où l’on comprend le sens de l’absolue nécessité de respecter la parole donnée. Un âge où il est plus qu’utile d’écouter l’autre, en particulier les plus jeunes dont nos décisions engagent l’avenir. Il y a un âge pour tout. C’est pourquoi, je n’hésite pas à faire connaître mon opinion, quand le temps se fait menaçant. Parce que la Côte d’Ivoire n’était pas à l’abri d’un orage, j’ai lancé il y a près d’un an un appel à une Initiative pour la relance du dialogue national. Il y a quelques mois, alors que se formait au-dessus de nos territoires le nuage de la pensée unique, j’ai livré mon sentiment dans une tribune (Pour une démocratie locale inclusive et participative au service de la réconciliation). Mieux il y a quelques années, en novembre 2007 précisément, j’ai proposé l’Union sacrée pour éviter à notre nation, la tragédie qu’elle a connue après la présidentielle de novembre 2010. Tragédie dont les signes avant-coureurs étaient déjà perceptibles à cette époque. On peut se souvenir que j’avais confié la mise en œuvre de cette initiative aux Présidents Laurent Gbagbo, Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara. Aujourd’hui, s’agissant de mon parti le PDCI-RDA, les militants pourraient se voir confisquer la parole. C’est du moins ce que ressentent beaucoup d’entre eux. Il est donc de mon devoir, de notre devoir commun, d’agir dans ce tumulte pour défendre l’essentiel, la libre circulation de la parole, la parole responsable, la parole qui rassemble.
Témoin aux premières loges, aux premières heures de l’indépendance de la Côte d’Ivoire, de l’odyssée de ses fondateurs, je suis né à la conscience politique dans les années de braises. Dans l’effervescence de cette époque florissante, tout faisait débat. Les sujets de fortes contradictions ne manquaient pourtant pas. Ma génération en a gardé la mémoire vive d’une pensée dialectique. Elle s’est trouvée investie d’en relayer le témoin. C’est sans doute pourquoi certains d’entre nous ont encouragé le Père de la Nation moderne à accepter d’accompagner les vents que nous espérions du pluralisme politique, à l’orée des années 1990. Ceux qui sont entrés sur la scène démocratique à ce moment-là n’en ont pas toujours perçu les pièges confondant libre opinion avec licence. Il est toutefois toujours désastreux de vouloir « jeter le bébé avec l’eau du bain ». La parole ne peut plus être muselée. A l’heure de l’explosion des nouvelles techniques de l’information et de la communication, on ne peut pas se réclamer de la philosophie politique d’Houphouët-Boigny qui repose sur le dialogue et la recherche obstinée d’une paix juste, si on considère la violence comme un recours possible pour imposer ses vues.
Le PDCI-RDA ne doit pas devenir un parti qui recourt à la violence sous toutes ses formes. Le PDCI doit opérer la rupture avec ce mode d’expression d’un autre âge.
La Côte d’Ivoire a trop souffert d’autisme pour que la formation politique qui a incarné quatre décennies durant, sa volonté de rassemblement populaire, s’autorise à faire à son tour l’autruche. Le congrès d’une formation politique moderne et mature de la trempe du PDCI-RDA doit aller au-delà du juridisme, d’interminables palabres sur les accessoires bureaucratiques. Cependant, si nous ne respections pas nos textes à un moment où le pays légifère sur des questions essentielles touchant à la propriété de nos terres et à la définition de notre identité, quelle voix crédible pourrons-nous porter ? Le PDCI doit à son histoire et à l’avenir de la Côte d’Ivoire de lui être utile. Nous nous devons, pour ce faire, d’articuler sous notre bannière, un projet ambitieux pour reconstruire notre société et renouer avec le rêve de prospérité laissé en chemin.
Au lieu de quoi, nous donnons la préoccupante impression à bon nombre de nos militants et partant de nos compatriotes, de nous enfermer dans le renoncement et de ne plus assumer notre volonté de conquête. Au point où, en observant ce qui nous tient lieu de stratégie, on pourrait se poser à notre sujet la question qu’un historien osait à propos du Parti Communiste français à l’accession de la gauche mitterrandienne aux affaires : « Le PDCI veut-il encore conquérir le pouvoir ? ». La quête de l’exercice des responsabilités d’Etat qui est un moyen de protection de nos concitoyens et de nos militants ne doit pas constituer une gêne pour un parti de gouvernement, fut-il attelé par une alliance consentie en des circonstances historiques donc exceptionnelles. Nous sommes, après l’ANC, le plus vieux parti d’Afrique. Nous avons un devoir d’exemplarité. Ce n’est pas une affaire de tête d’affiche. Il ne s’agit pas non plus d’intérêt personnel mais du bénéfice que la Côte d’Ivoire est en droit d’attendre de notre engagement à son service.
Le congrès qui vient constitue une nouvelle occasion d’aller à l’essentiel. C'est-à-dire d’assumer pleinement notre rôle de parti souche, de parti creuset, de parti de construction ; de faire notre aggiormamento. D’opérer en fin une mue régénératrice de nos idées en reposant sur le socle de valeurs que constituent la paix, la tolérance, le respect de la dignité de tous. C’est ce que les militants attendent du PDCI-RDA, les ivoiriens aussi. Nous devons préserver les dividendes de paix de l’houphouëtisme. C’est la résilience de l’héritage que nous a laissé le Père fondateur Félix Houphouët-Boigny. De même le dialogue doit être privilégié, ce n’est en rien une faiblesse ; il constitue au contraire un précieux capital pour bâtir une véritable société de confiance. Le dialogue sera toujours l’arme des forts. N’ayons donc pas peur d’y recourir. N’ayons pas peur du débat.
Charles Konan BANNY
Ancien Premier ministre
Membre du Bureau politique du PDCI-RDA
Il va sans dire que sur les questions qui relèvent du mandat de cette institution de promotion de la paix, de la cohésion sociale et d’éveil de la conscience nationale et de la paix, j’observe une réserve liée au caractère même de la mission et au statut d’autorité morale. Je reste cependant un citoyen à part entière, un citoyen libre, un citoyen d’engagement. Un citoyen préoccupé par la destinée de mon parti, par le destin de mon pays. J’ai atteint un âge où la parole publique se doit d’être sage et pondérée, courageuse aussi. Un âge où l’on comprend le sens de l’absolue nécessité de respecter la parole donnée. Un âge où il est plus qu’utile d’écouter l’autre, en particulier les plus jeunes dont nos décisions engagent l’avenir. Il y a un âge pour tout. C’est pourquoi, je n’hésite pas à faire connaître mon opinion, quand le temps se fait menaçant. Parce que la Côte d’Ivoire n’était pas à l’abri d’un orage, j’ai lancé il y a près d’un an un appel à une Initiative pour la relance du dialogue national. Il y a quelques mois, alors que se formait au-dessus de nos territoires le nuage de la pensée unique, j’ai livré mon sentiment dans une tribune (Pour une démocratie locale inclusive et participative au service de la réconciliation). Mieux il y a quelques années, en novembre 2007 précisément, j’ai proposé l’Union sacrée pour éviter à notre nation, la tragédie qu’elle a connue après la présidentielle de novembre 2010. Tragédie dont les signes avant-coureurs étaient déjà perceptibles à cette époque. On peut se souvenir que j’avais confié la mise en œuvre de cette initiative aux Présidents Laurent Gbagbo, Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara. Aujourd’hui, s’agissant de mon parti le PDCI-RDA, les militants pourraient se voir confisquer la parole. C’est du moins ce que ressentent beaucoup d’entre eux. Il est donc de mon devoir, de notre devoir commun, d’agir dans ce tumulte pour défendre l’essentiel, la libre circulation de la parole, la parole responsable, la parole qui rassemble.
Témoin aux premières loges, aux premières heures de l’indépendance de la Côte d’Ivoire, de l’odyssée de ses fondateurs, je suis né à la conscience politique dans les années de braises. Dans l’effervescence de cette époque florissante, tout faisait débat. Les sujets de fortes contradictions ne manquaient pourtant pas. Ma génération en a gardé la mémoire vive d’une pensée dialectique. Elle s’est trouvée investie d’en relayer le témoin. C’est sans doute pourquoi certains d’entre nous ont encouragé le Père de la Nation moderne à accepter d’accompagner les vents que nous espérions du pluralisme politique, à l’orée des années 1990. Ceux qui sont entrés sur la scène démocratique à ce moment-là n’en ont pas toujours perçu les pièges confondant libre opinion avec licence. Il est toutefois toujours désastreux de vouloir « jeter le bébé avec l’eau du bain ». La parole ne peut plus être muselée. A l’heure de l’explosion des nouvelles techniques de l’information et de la communication, on ne peut pas se réclamer de la philosophie politique d’Houphouët-Boigny qui repose sur le dialogue et la recherche obstinée d’une paix juste, si on considère la violence comme un recours possible pour imposer ses vues.
Le PDCI-RDA ne doit pas devenir un parti qui recourt à la violence sous toutes ses formes. Le PDCI doit opérer la rupture avec ce mode d’expression d’un autre âge.
La Côte d’Ivoire a trop souffert d’autisme pour que la formation politique qui a incarné quatre décennies durant, sa volonté de rassemblement populaire, s’autorise à faire à son tour l’autruche. Le congrès d’une formation politique moderne et mature de la trempe du PDCI-RDA doit aller au-delà du juridisme, d’interminables palabres sur les accessoires bureaucratiques. Cependant, si nous ne respections pas nos textes à un moment où le pays légifère sur des questions essentielles touchant à la propriété de nos terres et à la définition de notre identité, quelle voix crédible pourrons-nous porter ? Le PDCI doit à son histoire et à l’avenir de la Côte d’Ivoire de lui être utile. Nous nous devons, pour ce faire, d’articuler sous notre bannière, un projet ambitieux pour reconstruire notre société et renouer avec le rêve de prospérité laissé en chemin.
Au lieu de quoi, nous donnons la préoccupante impression à bon nombre de nos militants et partant de nos compatriotes, de nous enfermer dans le renoncement et de ne plus assumer notre volonté de conquête. Au point où, en observant ce qui nous tient lieu de stratégie, on pourrait se poser à notre sujet la question qu’un historien osait à propos du Parti Communiste français à l’accession de la gauche mitterrandienne aux affaires : « Le PDCI veut-il encore conquérir le pouvoir ? ». La quête de l’exercice des responsabilités d’Etat qui est un moyen de protection de nos concitoyens et de nos militants ne doit pas constituer une gêne pour un parti de gouvernement, fut-il attelé par une alliance consentie en des circonstances historiques donc exceptionnelles. Nous sommes, après l’ANC, le plus vieux parti d’Afrique. Nous avons un devoir d’exemplarité. Ce n’est pas une affaire de tête d’affiche. Il ne s’agit pas non plus d’intérêt personnel mais du bénéfice que la Côte d’Ivoire est en droit d’attendre de notre engagement à son service.
Le congrès qui vient constitue une nouvelle occasion d’aller à l’essentiel. C'est-à-dire d’assumer pleinement notre rôle de parti souche, de parti creuset, de parti de construction ; de faire notre aggiormamento. D’opérer en fin une mue régénératrice de nos idées en reposant sur le socle de valeurs que constituent la paix, la tolérance, le respect de la dignité de tous. C’est ce que les militants attendent du PDCI-RDA, les ivoiriens aussi. Nous devons préserver les dividendes de paix de l’houphouëtisme. C’est la résilience de l’héritage que nous a laissé le Père fondateur Félix Houphouët-Boigny. De même le dialogue doit être privilégié, ce n’est en rien une faiblesse ; il constitue au contraire un précieux capital pour bâtir une véritable société de confiance. Le dialogue sera toujours l’arme des forts. N’ayons donc pas peur d’y recourir. N’ayons pas peur du débat.
Charles Konan BANNY
Ancien Premier ministre
Membre du Bureau politique du PDCI-RDA