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Art et Culture Publié le samedi 5 octobre 2013 | L’intelligent d’Abidjan

Les Samedis de Biton : les hommes passent…

La mode nous vient d’Outre-Atlantique. Il s’agit d’aligner les photographies des personnes qui sont passées avant vous dans la fonction. On le voit de plus en plus en Afrique et dans notre pays. Le phénomène se situe surtout au niveau des ministères, des grandes entreprises. Les grandes rédactions des journaux s’adonnent aussi à la pratique. C’est inestimable d’arriver chaque jour dans le hall de son ministère ou de sa direction et voir les photos des personnes qui vous ont précédés dans la fonction. On en tire plusieurs leçons. Tout d’abord, personne n’est indispensable. A tout moment on peut partir et être remplacé. Ceux qui sont passés avant vous sont partis et n’ont pas perdu la vie pour autant. Il est bon de se dire tous les matins, au réveil, que la chose la plus importante c’est la vie. Chacun doit pratiquer l’humilité permanente. Tout vient et part. Dieu seul est durable et éternel. Comment ne pas parler ici de mon roman : » Merci l’artiste ». Le personnage est un diplômé de l’université. Il subit souffrance sur souffrance. Dès qu’il devient ministre il oublie ses années de misère et se comporte en despote, affamé de pouvoir et d’argent. Il finit par tout perdre. Et perdre la tête. S’il avait dans son bureau ou dans le hall du ministère les images de ceux qui l’avaient précédé ils n’auraient pas eu certains comportements. Il aurait compris qu’après lui ce n’est pas lui et ce ne sera pas lui. Mais un autre. Hampaté Ba aimait souvent dire que c’est lorsqu’on est au sommet de la gloire qu’il faut se frayer un chemin pour le jour de la défaite. Rien ne doit donc surprendre un homme qui tient sa responsabilité d’un autre ou même du peuple. Chaque situation, bonne ou mauvaise, peut changer du jour au lendemain. Les directeurs, les ministres et tout responsable doit se dire qu’il peut partir d’un jour à l’autre ou du jour au lendemain. Même si on n’est pas à l’écoute de la parole de Dieu, au quotidien, voir les images des autres passés avant lui est une forme de pédagogie à l’humilité plus qu’à tout autre. Ensuite. Occuper un poste de responsabilité n’est pas une fin en soi. C’est un sacerdoce. C’est marquer son passage. C’est prendre acte avec la postérité, l’histoire. Venir dans la vie c’est marquer son passage sur la terre. Chacun doit remplir une page blanche que Dieu lui tend. Il est facile de remplir sa tâche professionnelle tous les jours. On vient s’asseoir et on repète les mêmes gestes, les mêmes actions. Cela ne marque pas son passage à fortiori l’histoire. Voir ses prédécesseurs, en mages, doit vous stimuler à faire plus qu’eux. Comme un père digne qui aimerait voir son fils faire mieux que lui. Tout aussi comme un sportif de haut niveau sur la piste qui veut battre le record du précédent champion. Ainsi venir dans un poste de direction, de ministre ou de tout autre poste responsabilité c’est une obligation de faire mieux que ceux qui sont passés avant vous. Et comment le faire ? Plus de travail. Des heures de plus à la tâche. Si les uns faisaient huit heures de temps au travail il vous revient de faire douze heures. Augmenter les chiffres d’affaires est bon mais doubler les bénéfices est nettement mieux. Ne jamais connaitre de déficit. Le Président Kennedy continue de marquer les esprits en Amérique et dans le monde. Son administration a connu des personnalités qui ont marqué les esprits par leur compétence. Dans l’administration Nixon l’humanité se souvient encore et toujours de Henri Kissinger. Tous ceux qui marquent leur passage avaient-ils quoi de particulier ? Le commun des mortels seraient tenté de dire. Rien. Rien à signaler. Et pourtant. Pourquoi certains passent comme des météores et d’autres, vingt ans après leur passage, continuent de marquer les esprits ? C’est alors qu’il faut se rappeler d’une phrase de notre Président à ses ministres : « Je vous demande plus de travail et d’imagination. » Oui, le mot est lâché. L’imagination. Ceux qui ont marqué leur passage ont eu ce plus à cause de leur imagination. L’imagination c’est la petite voix que Dieu souffle à certains au cours de leur passage terrestre. Pourquoi certains n’entendent pas cette voix ? Pourquoi dans les grands pays du monde des individus, en nombre croissant, participent à des séminaires pour l’acquérir ? Chercher à le comprendre signifie que la petite voix de Dieu commence à s’approche de vous. Enfin. Marquer son passage c’est sa relation avec ses administrés. Etre complice avec eux pour qu’ils vous prennent pour un chef. Votre réputation, bonne ou mauvaise, dépendra d’eux. Inutile de se monter fort ou faible avec eux. Mais à avoir une main de fer dans un gant de velours. C’est aussi se forger une carapace contre les critiques malveillantes que tout dirigeant doit subir. C’est comme le capitaine d’un bateau, à son gouvernail, dans une tempête. Il tient ferme et finit par dépasser les zones de turbulence. Ainsi, en quittant, votre bureau, au cours d’une passation de service pour votre successeur, ce qui est inévitable, vous regarderez les images de vos prédécesseurs en souriant. Pendant des années et des années on continuera de parler de vous et de s’inspirer de vous. Ainsi va l’Afrique. A la semaine prochaine.

Par Isaïe Biton Koulibaly
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