A la faveur des élections législatives du 28 septembre 2013, le président de l’Union des Forces Républicaines de Guinée, l’ancien premier ministre Sidya Touré s’est confié à L’Intelligent d’Abidjan. Dans cette interview, il dresse le bilan de la gestion du Pr. Condé et dénonce l’incompétence de la Ceni qui a montré selon lui, son incapacité à organiser convenablement les élections législatives.
Monsieur le président, quel est l’état des lieux à l’Ufr votre parti depuis la présidentielle de 2010 ?
Nous sommes sortis des élections présidentielles de 2010 dans des conditions diffciles. Notamment, par rapport au premier tour, dont on a contesté les résultats. Ceci a entraîné chez nous un peu de défection, mais, je crois qu’au fil du temps, notamment avec les résultats obtenus par le gouvernement du professeur Alpha Condé depuis trois ans, les fausses promesses, l’incapacité à relancer l’actualité économique, les populations ont fini par comprendre que dans une période aussi difficile pour notre pays, j’étais un homme d’expérience, et que j’avais raison. Et je dois avouer que nous avons profité de cette situation. Aujourd’hui, sûrement, nous sommes l’un des partis très respectés du pays. Nous sommes perçus également comme l’homme politique le plus consensuel du pays compte tenu des divisions que vous connaissez par rapport à certains groupes ethniques, question que nous cherchons aujourd’hui à gérer. Donc, l’Ufr se porte particulièrement bien. Nous avons des candidats bien placés, notamment dans la capitale, dans la basse Guinée, dans la région forestière et nous pensons que si ces élections se passaient dans des conditions de transparence acceptables, elles devraient être un plein succès pour notre parti.
Peut-on dire aujourd’hui que l’Ufr a une emprise nationale quand on sait que les partis sont cantonnés dans les régions ?
Je crois que c’est tout l’avantage que notre parti retire de cette situation. Nous sommes le seul parti transversal, comme on le dit aujourd’hui. C’est-à-dire, qui va au-delà de l’ethnie. Nos parents sont originaires de la basse-Guinée, mais, cela ne veut pas dire grand-chose étant entendu que nous sommes liés avec le Fouta. En réalité, nous sommes de culture malinké et nous sommes aujourd’hui le premier parti dans la zone forestière habitée par les Guerzés, qui comme vous le savez, sont les Yacouba en Côte d’Ivoire. Donc, nous sommes, le parti qui va au-delà des communautés et ses divisions. Et c’est tout l’avantage que nous tirons de cette situation politique actuelle. Parce que les tensions communautaires sont devenues, à mon sens, l’un des handicaps les plus importants de la Guinée d’aujourd’hui.
M. le président, dans quel état d’esprit avez-vous préparé les législatives du 28 septembre 2013 ?
Ecoutez, nous sommes arrivés à ces élections dans les conditions que tout le monde connaît. Nous avons contesté pendant deux ans l’idée du Rpg (Rassemblement du peuple de Guinée), le parti au pouvoir, de vouloir élaborer un fichier à sa mesure, un fichier tout seul. Sinon, nous avions un fichier qui avait servi à l’élection présidentielle. On ne comprend toujours pas que celui qui prétend avoir gagné l’élection présidentielle, ait contesté la fiabilité de ce fichier pour en faire un autre. Tout simplement, sans aviser personne, sans cahier de charges, sans appel d’offres. Donc, voilà pourquoi, nous sommes allés en contestation de cette décision qui a duré plus de deux ans avec 50 morts. Nous avons eu des accords. Mais, la Ceni (Commission électorale nationale indépendant) qui a été mise en place avec l’appui du gouvernement, est une Ceni totalement incapable. Non seulement elle est incompétente, mais, elle manque d’honnêteté intellectuelle. Et je crois que les décisions qui ont été prises lors de l’accord du 03 juillet 2013, n’ont pas été totalement suivies d’effets. Nous avons eu un accord complémentaire et cela non plus n’a été suivi. La communauté internationale nous a poussés à aller aux élections donnant pour exemple ce qui s’est passé au Mali qui était une élection présidentielle. Ce sont des élections de circonscriptions et je crois qu’il faudrait que tout le monde fasse attention, parce que les résultats qui sont sortis des bureaux de vote, n’étaient pas les résultats qui ont été compilés et déclarés. Si jamais, il y avait au niveau de la Ceni ou du gouvernement, des prétentions à vouloir changer les vrais résultats, je crois que la crise en Guinée ne sera pas encore terminée. Et nous souhaitons qu’on n’aille pas dans ce sens.
Mais il se trouve qu’on reproche aux leaders de partis politiques d’être derrière les violations perpétrées ces derniers temps pour n’avoir pas su canaliser leurs militants.
Nous avons fait des marches pacifiques. Chaque fois, ces marches ont été encadrées, il n’y a pas eu un œuf cassé. En réalité, le gouvernement a usé de la violence pour casser ces manifestations. Mais, plus il usait de la violence, plus ces manifestations prenaient de l’ampleur. Et à partir de ce moment, et petit à petit, le gouvernement a formé des milices pour entrer dans les manifestations pour provoquer les gens, pour les agresser. Ce qui a donné une tournure presque communautaire à ces mouvements. Et c’est ce qui a entraîné ma décision au mois de mai pour faire arrêter ces mouvements. Mais, nous ne sommes absolument pas responsables de cela. Tous ceux qui sont morts pendant les manifestations, l’ont été à 90% par armes à feu. 50 Morts en deux ans. 45 ou 47 ont été tués par balles et ce sont des balles de la police et de la gendarmerie. Je ne vois pas en quoi les partis politiques de l’opposition sont violents en cela.
Dans sa parution du 25 septembre 2013, le Canard Enchaîné a révélé la préparation d’un coup d’Etat contre le régime de Alpha Condé en passant par des milices qui seraient recrutées dans l’opposition. Comment avez-vous accueilli cette information?
La Guinée est le pays du complot permanent. Il y a une culture de complot ici qui vient de la première République. Quand vous commencez à énoncer des concepts comme celui-ci, vous affolez la population. Il se trouve que le Canard Enchaîné qui est un journal satirique a annoncé de telles nouvelles. Moi je trouve très curieux que cela se passe à 48h des élections qui sont restées contestées pendant trois ans. Je ne sais pas si quelqu’un veut faire un coup d’Etat, ils n’ont qu’à mener des enquêtes. En tout cas, c’est mal venu et je dois dire que cela ne m’empêche pas de dormir, parce que tout ce qui concerne le volet de violence qu’on veut prêter à des partis d’oppositions, n’est qu’une pure fabulation.
Donc vous ne croyez pas du tout au coup d’Etat dont il est question, annoncé par le Canard enchaîné ?
Je dis que c’est du n’importe quoi, je ne crois pas. Même si j’y croyais, qu’est-ce que vous voulez que cela change ? Si des miniers ne sont pas contents, on sait quelles sont les méthodes pour régler ce problème. Il y a un tribunal arbitral pour cela. J’estime que parler de coup d’Etat à la veille des élections et quelle que soit la véracité du propos, c’est mal tombé. J’ai l’impression que cela ressemble à de la manipulation. J’espère qu’après les élections, nous aurons beaucoup plus d’informations et on parlera avec beaucoup plus de sérieux, de coup d’état.
Et si on vous demandait de faire le bilan de l’évolution de la Guinée, de Sékou Touré à Alpha Condé?
C’est un pays qui, depuis cinquante ans a eu ce malheur de ne pas connaître de période de prospérité qui puisse augmenter le niveau de vie de ses populations. Ce qui fait qu’aujourd’hui quand vous arrivez dans une ville comme Conakry, ce qui vous frappe, c’est franchement, la misère ambiante. Et quand vous êtes ici la nuit, vous n’avez pas d’électricité. On peut prendre la décision de couper le peu d’électricité qu’il y avait. Parce que tout simplement, l’opposition est dans la rue. C’est vous dire un peu l’esprit, la mentalité de ceux qui nous dirigent. C’est un pays qui a accumulé énormément de retard dans les domaines essentiels. Ce pays était le premier producteur de banane en Afrique de l’ouest, le second producteur de café derrière la Côte d’Ivoire, premier producteur d’ananas. Aujourd’hui, toutes ces spéculations ont totalement disparu et les gouvernements successifs ont été préoccupés surtout par des problèmes de corruption, par des problèmes miniers. Mais, non pas pour le développement de ce secteur. C’est tout simplement pour l’argent qu’on en tire, pour des besoins personnels. C’est le vrai problème d’ailleurs du développement du secteur minier au détriment de l’agriculture dans un pays en voie de développement. C’est de l’argent qui entre au Trésor public et qui est facilement accessible pour la corruption. Donc, la Guinée a connu pendant toute cette période des moments extrêmement difficiles. Nous avons pensé que nous allions renouer avec le fonctionnement d’un Etat normal avec l’arrivée d’un gouvernement civil en 2010. On a très rapidement déchanté parce que le chef de l’Etat, Alpha Condé est quelqu’un qui est de culture totalement socialo-communiste et qui a encore des idées des années 1970. Voilà pourquoi, c’est impossible pour lui de renouer avec le monde des affaires, avec la communauté internationale, même avec les pays de la sous-région. La Guinée est en difficulté. Les élections devraient nous permettre d’apporter un peu d’ouverture. C’était notre espoir. Si ce n’est pas le cas, je demande aux pays de la sous-région de bien faire attention à la Guinée. C’est un pays qui n’a pas connu de crises qui aient débordé dans les pays frontaliers, mais, je crois que la jeunesse guinéenne qui est extrêmement nombreuse, mal formée, qui n’a pas d’emploi, qui n’a pas de perspective, devient extrêmement impatiente.
N’êtes-vous pas comptable de la gestion catastrophique de votre pays vu que vous avez été premier ministre ?
Je suis arrivé ici, comme vous le savez, à la demande du Président Conté avec l’accord du Président Bédié en 1996 pour être premier ministre. Justement, c’est très difficile à dire. Ce sont les seules périodes où le pays a connu un minimum de progrès social et économique. Nous avons rétabli en six mois la fourniture de l’électricité. C’était à 27%. Nous l’avons porté à la fin de l’année à 97%. Donc, avec l’électricité 24/ 24. Nous avons renoué avec les institutions de Bretton Woods pour lancer le programme PPTE depuis cette période en 1997. On avait des taux de croissance qui étaient déjà supérieurs à 5%. Un taux d’inflation moins de 2%. Des réserves de changes de près de six mois. Ce sont les périodes les plus impressionnantes de ce pays qui n’ont malheureusement pas duré pendant longtemps, parce que je suis resté un peu moins de trois ans. Et bien sûr après moi, tout ce qui avait été accumulé, a été dilapidé en moins de deux ans. C’est comme cela que le programme a été perdu après mon départ. Que le PPTE s’est arrêté au point de décision en 2000 et a pris 10 ans pour pouvoir faire les trois années nécessaires pour atteindre le point d’achèvement. Donc, je ne me sens pas comptable de ce qui a mal fonctionné. J’ai par contre mis en place des structures qui ont correctement fonctionné. Mais, le seul tort, c’est que tout cela a été remis en cause par la volonté de certaines personnes. Dès mon départ, le pays est retombé entre les mains des gens qui ne pensent qu’à tirer des profits personnels et qui n’avaient aucune vision de l’Etat. Surtout, pas d’ambition, et ça c’est le vrai problème de la Guinée.
Réalisée à Conakry par Dosso Villard
Monsieur le président, quel est l’état des lieux à l’Ufr votre parti depuis la présidentielle de 2010 ?
Nous sommes sortis des élections présidentielles de 2010 dans des conditions diffciles. Notamment, par rapport au premier tour, dont on a contesté les résultats. Ceci a entraîné chez nous un peu de défection, mais, je crois qu’au fil du temps, notamment avec les résultats obtenus par le gouvernement du professeur Alpha Condé depuis trois ans, les fausses promesses, l’incapacité à relancer l’actualité économique, les populations ont fini par comprendre que dans une période aussi difficile pour notre pays, j’étais un homme d’expérience, et que j’avais raison. Et je dois avouer que nous avons profité de cette situation. Aujourd’hui, sûrement, nous sommes l’un des partis très respectés du pays. Nous sommes perçus également comme l’homme politique le plus consensuel du pays compte tenu des divisions que vous connaissez par rapport à certains groupes ethniques, question que nous cherchons aujourd’hui à gérer. Donc, l’Ufr se porte particulièrement bien. Nous avons des candidats bien placés, notamment dans la capitale, dans la basse Guinée, dans la région forestière et nous pensons que si ces élections se passaient dans des conditions de transparence acceptables, elles devraient être un plein succès pour notre parti.
Peut-on dire aujourd’hui que l’Ufr a une emprise nationale quand on sait que les partis sont cantonnés dans les régions ?
Je crois que c’est tout l’avantage que notre parti retire de cette situation. Nous sommes le seul parti transversal, comme on le dit aujourd’hui. C’est-à-dire, qui va au-delà de l’ethnie. Nos parents sont originaires de la basse-Guinée, mais, cela ne veut pas dire grand-chose étant entendu que nous sommes liés avec le Fouta. En réalité, nous sommes de culture malinké et nous sommes aujourd’hui le premier parti dans la zone forestière habitée par les Guerzés, qui comme vous le savez, sont les Yacouba en Côte d’Ivoire. Donc, nous sommes, le parti qui va au-delà des communautés et ses divisions. Et c’est tout l’avantage que nous tirons de cette situation politique actuelle. Parce que les tensions communautaires sont devenues, à mon sens, l’un des handicaps les plus importants de la Guinée d’aujourd’hui.
M. le président, dans quel état d’esprit avez-vous préparé les législatives du 28 septembre 2013 ?
Ecoutez, nous sommes arrivés à ces élections dans les conditions que tout le monde connaît. Nous avons contesté pendant deux ans l’idée du Rpg (Rassemblement du peuple de Guinée), le parti au pouvoir, de vouloir élaborer un fichier à sa mesure, un fichier tout seul. Sinon, nous avions un fichier qui avait servi à l’élection présidentielle. On ne comprend toujours pas que celui qui prétend avoir gagné l’élection présidentielle, ait contesté la fiabilité de ce fichier pour en faire un autre. Tout simplement, sans aviser personne, sans cahier de charges, sans appel d’offres. Donc, voilà pourquoi, nous sommes allés en contestation de cette décision qui a duré plus de deux ans avec 50 morts. Nous avons eu des accords. Mais, la Ceni (Commission électorale nationale indépendant) qui a été mise en place avec l’appui du gouvernement, est une Ceni totalement incapable. Non seulement elle est incompétente, mais, elle manque d’honnêteté intellectuelle. Et je crois que les décisions qui ont été prises lors de l’accord du 03 juillet 2013, n’ont pas été totalement suivies d’effets. Nous avons eu un accord complémentaire et cela non plus n’a été suivi. La communauté internationale nous a poussés à aller aux élections donnant pour exemple ce qui s’est passé au Mali qui était une élection présidentielle. Ce sont des élections de circonscriptions et je crois qu’il faudrait que tout le monde fasse attention, parce que les résultats qui sont sortis des bureaux de vote, n’étaient pas les résultats qui ont été compilés et déclarés. Si jamais, il y avait au niveau de la Ceni ou du gouvernement, des prétentions à vouloir changer les vrais résultats, je crois que la crise en Guinée ne sera pas encore terminée. Et nous souhaitons qu’on n’aille pas dans ce sens.
Mais il se trouve qu’on reproche aux leaders de partis politiques d’être derrière les violations perpétrées ces derniers temps pour n’avoir pas su canaliser leurs militants.
Nous avons fait des marches pacifiques. Chaque fois, ces marches ont été encadrées, il n’y a pas eu un œuf cassé. En réalité, le gouvernement a usé de la violence pour casser ces manifestations. Mais, plus il usait de la violence, plus ces manifestations prenaient de l’ampleur. Et à partir de ce moment, et petit à petit, le gouvernement a formé des milices pour entrer dans les manifestations pour provoquer les gens, pour les agresser. Ce qui a donné une tournure presque communautaire à ces mouvements. Et c’est ce qui a entraîné ma décision au mois de mai pour faire arrêter ces mouvements. Mais, nous ne sommes absolument pas responsables de cela. Tous ceux qui sont morts pendant les manifestations, l’ont été à 90% par armes à feu. 50 Morts en deux ans. 45 ou 47 ont été tués par balles et ce sont des balles de la police et de la gendarmerie. Je ne vois pas en quoi les partis politiques de l’opposition sont violents en cela.
Dans sa parution du 25 septembre 2013, le Canard Enchaîné a révélé la préparation d’un coup d’Etat contre le régime de Alpha Condé en passant par des milices qui seraient recrutées dans l’opposition. Comment avez-vous accueilli cette information?
La Guinée est le pays du complot permanent. Il y a une culture de complot ici qui vient de la première République. Quand vous commencez à énoncer des concepts comme celui-ci, vous affolez la population. Il se trouve que le Canard Enchaîné qui est un journal satirique a annoncé de telles nouvelles. Moi je trouve très curieux que cela se passe à 48h des élections qui sont restées contestées pendant trois ans. Je ne sais pas si quelqu’un veut faire un coup d’Etat, ils n’ont qu’à mener des enquêtes. En tout cas, c’est mal venu et je dois dire que cela ne m’empêche pas de dormir, parce que tout ce qui concerne le volet de violence qu’on veut prêter à des partis d’oppositions, n’est qu’une pure fabulation.
Donc vous ne croyez pas du tout au coup d’Etat dont il est question, annoncé par le Canard enchaîné ?
Je dis que c’est du n’importe quoi, je ne crois pas. Même si j’y croyais, qu’est-ce que vous voulez que cela change ? Si des miniers ne sont pas contents, on sait quelles sont les méthodes pour régler ce problème. Il y a un tribunal arbitral pour cela. J’estime que parler de coup d’Etat à la veille des élections et quelle que soit la véracité du propos, c’est mal tombé. J’ai l’impression que cela ressemble à de la manipulation. J’espère qu’après les élections, nous aurons beaucoup plus d’informations et on parlera avec beaucoup plus de sérieux, de coup d’état.
Et si on vous demandait de faire le bilan de l’évolution de la Guinée, de Sékou Touré à Alpha Condé?
C’est un pays qui, depuis cinquante ans a eu ce malheur de ne pas connaître de période de prospérité qui puisse augmenter le niveau de vie de ses populations. Ce qui fait qu’aujourd’hui quand vous arrivez dans une ville comme Conakry, ce qui vous frappe, c’est franchement, la misère ambiante. Et quand vous êtes ici la nuit, vous n’avez pas d’électricité. On peut prendre la décision de couper le peu d’électricité qu’il y avait. Parce que tout simplement, l’opposition est dans la rue. C’est vous dire un peu l’esprit, la mentalité de ceux qui nous dirigent. C’est un pays qui a accumulé énormément de retard dans les domaines essentiels. Ce pays était le premier producteur de banane en Afrique de l’ouest, le second producteur de café derrière la Côte d’Ivoire, premier producteur d’ananas. Aujourd’hui, toutes ces spéculations ont totalement disparu et les gouvernements successifs ont été préoccupés surtout par des problèmes de corruption, par des problèmes miniers. Mais, non pas pour le développement de ce secteur. C’est tout simplement pour l’argent qu’on en tire, pour des besoins personnels. C’est le vrai problème d’ailleurs du développement du secteur minier au détriment de l’agriculture dans un pays en voie de développement. C’est de l’argent qui entre au Trésor public et qui est facilement accessible pour la corruption. Donc, la Guinée a connu pendant toute cette période des moments extrêmement difficiles. Nous avons pensé que nous allions renouer avec le fonctionnement d’un Etat normal avec l’arrivée d’un gouvernement civil en 2010. On a très rapidement déchanté parce que le chef de l’Etat, Alpha Condé est quelqu’un qui est de culture totalement socialo-communiste et qui a encore des idées des années 1970. Voilà pourquoi, c’est impossible pour lui de renouer avec le monde des affaires, avec la communauté internationale, même avec les pays de la sous-région. La Guinée est en difficulté. Les élections devraient nous permettre d’apporter un peu d’ouverture. C’était notre espoir. Si ce n’est pas le cas, je demande aux pays de la sous-région de bien faire attention à la Guinée. C’est un pays qui n’a pas connu de crises qui aient débordé dans les pays frontaliers, mais, je crois que la jeunesse guinéenne qui est extrêmement nombreuse, mal formée, qui n’a pas d’emploi, qui n’a pas de perspective, devient extrêmement impatiente.
N’êtes-vous pas comptable de la gestion catastrophique de votre pays vu que vous avez été premier ministre ?
Je suis arrivé ici, comme vous le savez, à la demande du Président Conté avec l’accord du Président Bédié en 1996 pour être premier ministre. Justement, c’est très difficile à dire. Ce sont les seules périodes où le pays a connu un minimum de progrès social et économique. Nous avons rétabli en six mois la fourniture de l’électricité. C’était à 27%. Nous l’avons porté à la fin de l’année à 97%. Donc, avec l’électricité 24/ 24. Nous avons renoué avec les institutions de Bretton Woods pour lancer le programme PPTE depuis cette période en 1997. On avait des taux de croissance qui étaient déjà supérieurs à 5%. Un taux d’inflation moins de 2%. Des réserves de changes de près de six mois. Ce sont les périodes les plus impressionnantes de ce pays qui n’ont malheureusement pas duré pendant longtemps, parce que je suis resté un peu moins de trois ans. Et bien sûr après moi, tout ce qui avait été accumulé, a été dilapidé en moins de deux ans. C’est comme cela que le programme a été perdu après mon départ. Que le PPTE s’est arrêté au point de décision en 2000 et a pris 10 ans pour pouvoir faire les trois années nécessaires pour atteindre le point d’achèvement. Donc, je ne me sens pas comptable de ce qui a mal fonctionné. J’ai par contre mis en place des structures qui ont correctement fonctionné. Mais, le seul tort, c’est que tout cela a été remis en cause par la volonté de certaines personnes. Dès mon départ, le pays est retombé entre les mains des gens qui ne pensent qu’à tirer des profits personnels et qui n’avaient aucune vision de l’Etat. Surtout, pas d’ambition, et ça c’est le vrai problème de la Guinée.
Réalisée à Conakry par Dosso Villard