Les ténors de l'UMP profitent de l'"affaire Leonarda" pour s'attaquer à l'un des fondements du pacte républicain : le droit du sol. En réaction à la polémique qui a suivi l'expulsion de l'adolescente, plusieurs responsables du parti ont affirmé leur volonté de restreindre l'accès à la nationalité française, en supprimant le droit du sol pour les enfants de clandestins.
Mardi 22 octobre, le président de l'UMP Jean-François Copé a annoncé à l'AFP que son parti présenterait d'ici à la fin de l'année une proposition de loi prévoyant la fin de l'acquisition automatique de la nationalité pour les enfants nés en France de parents étrangers. Lundi matin, il déclarait déjà sur France inter : "Est-il normal qu'un enfant né en France de parents venus en France irrégulièrement puisse devenir automatiquement français ? Ma réponse est non".
Même s'il reconnaît que ce droit est un "totem", M. Copé assume complètement cette idée. Il l'a formulée pour la première fois, le 2 mai, dans un entretien à Valeurs actuelles, jugeant à l'époque nécessaire de "supprimer tout ce qui attire l'immigration clandestine" et de "réduire l'immigration légale".
Dans un contexte de surenchères à droite et de poussée du Front national, François Fillon préconise aussi de revenir sur le droit du sol. Dans son projet présidentiel en construction, l'ex-premier ministre "propose de mettre fin à l'acquisition automatique de la nationalité française des enfants nés en France de parents étrangers".
PAS DE CONSENSUS
L'abolition de ce droit, qui caractérise la législation française, est une proposition phare du parti d'extrême droite depuis plus de vingt-cinq ans. En reprenant cette idée à son compte, la droite républicaine "se radicalise un peu plus et montre qu'elle est lancée dans une course derrière le Front National à cinq mois des élections municipales", dénonce le porte-parole du Parti socialiste, David Assouline. Même Nicolas Sarkozy, qui a brisé beaucoup de tabous en matière d'immigration, n'a jamais osé revenir sur ce principe. "Nous garderons le droit du sol. Le droit du sol, c'est la France", avait-il déclaré entre les deux tours de la campagne présidentielle de 2012.
L'idée fait pourtant son chemin chez les fidèles de l'ancien président. Le premier des sarkozystes, Brice Hortefeux, y est favorable. "L'accès à la nationalité ne doit plus être automatique pour les enfants de ceux qui sont venus de manière illégale sur notre territoire", affirme l'ancien ministre de l'intérieur dans un entretien au Parisien, publié le 20 octobre. "Il faut remettre en cause le droit du sol en le remplaçant par un droit du choix. On ne pourra devenir français que si on en exprime la volonté et la fierté", propose à son tour Guillaume Peltier dans un entretien au site de France Soir le 18 octobre.
A l'UMP, la remise en question du droit du sol ne fait cependant pas consensus. Patrick Devedjian, ex-ministre aujourd'hui président du conseil général des Hauts-de-Seine, fustige cette proposition. "Je suis pour le maintien absolu du droit du sol,a-t-il déclaré dans un entretien au Monde publié le 16 octobre. Plus de 25 % des Français ont au moins un de leur grand-parent de nationalité étrangère. Le génie de la France est d'avoir su intégrer au cours de son histoire. Je rappelle que notre pays s'est constitué par l'agrégation de gens venus des quatre coins de laplanète, qui sont devenus des éléments constitutifs de la nation française."
CONDITION RESTRICTIVE
Actuellement, en vertu du droit du sol, tout enfant né en France de parents étrangers acquiert automatiquement la nationalité française à sa majorité s'il vit en France. Mais il existe toutefois une condition restrictive : pour devenir français, l'enfant doit avoir vécu en France pendant au moins cinq ans entre ses 8 ans et ses 18 ans, selon les situations. Si ce n'est pas le cas, il devra faire une demande de naturalisation à sa majorité.
La remise en cause du droit du sol est un serpent de mer à droite. En 1991, dans un entretien au Figaro Magazine demeuré célèbre, l'ancien président de la République Valéry Giscard d'Estaing dénonçait "l'immigration-invasion" et proposait d'instaurer "le droit du sang". Deux ans plus tard, Charles Pasqua, alors ministre de l'intérieur, était revenu sur l'automaticité de l'acquisition de la nationalité française. Pour l'obtenir, les enfants nés en France de parents étrangers devaient alors faire une démarche d'adhésion à 18 ans. Ces conditions avaient été supprimées en 1998 par le gouvernement socialiste de Lionel Jospin.
L'UMP est revenue à la charge à la fin du précédent quinquennat. En 2011, dans les propositions destinées à alimenter le projet du futur candidat Sarkozy, le parti de la droite républicaine préconisait le retour à la loi Pasqua de 1993. Cette proposition avait aussi été émise dès l'automne 2010 par la Droite populaire, l'aile droite de l'UMP, pendant les débats sur le projet de loi sur l'immigration.
"CELA RELÈVE DE LA POSTURE" SELON LE FN
Les cadres du Front national prennent ce nouvel emprunt à leur programme avec philosophie. Et amusement. "Cela relève de la posture, jusqu'à ce que l'UMP prouve le contraire. Quand ils étaient au pouvoir, ils n'ont rien fait", avance Nicolas Bay, secrétaire général adjoint du FN et chargé de la question de l'immigration.
Dans le programme présidentiel de Marine Le Pen, figure noir sur blanc la proposition de supprimer le droit du sol, purement et simplement. "Ce que disent Copé et Fillon, c'est timide, par rapport à nous", assure M. Bay. Il est vrai que le FN prône aussi "le renvoi de tous les clandestins ; la suppression de la possibilité de régulariser des clandestins ; l'interdiction des manifestations de clandestins ou de soutien aux clandestins ; et l'interdiction de la double nationalité – hormis les ressortissants de l'Union européenne".
Selon le parti d'extrême droite, la reprise par l'UMP, si ce n'est d'une partie de leurs idées, mais au moins de l'esprit de leur programme, prouve que les propositions frontistes "sont légitimes et rencontrent l'assentiment de plus en plus de Français". M. Copé se persuade, lui, du contraire : "Il est de nombreux domaines où le FN copie le programme de l'UMP", affirme-t-il. Voire, car le leader du principal parti d'opposition demande aussi la suppression de l'aide médicale d'Etat (AME), dont bénéficient les sans-papiers. Là encore, le FN a été le premier à défendre cette mesure.
LES DISPOSITIFS EN VIGUEUR DANS LES PAYS VOISINS
La plupart des pays européens voisins de la France ont introduit le droit du sol à partir des années 1980, lorsqu'ils ont compris qu'ils devenaient des pays d'immigration et que le besoin d'intégrer les familles établies s'est accru.
Espagne, Luxembourg, Italie
Le double droit du sol est en vigueur. Par ce dispositif, la nationalité est donnée si deux naissances au moins - celle de l'intéressé et celle de l'un de ses parents - ont eu lieu sur le territoire du pays concerné.
Allemagne
Depuis une loi de 1999, l'enfant né en Allemagne de parents étrangers peut acquérir la nationalité allemande à condition que l'un de ses deux parents réside en Allemagne de façon régulière depuis huit ans. Après avoir atteint sa majorité, il doit déclarer quelle nationalité il souhaite conserver.
Belgique
S'ils résident depuis dix ans en Belgique, les parents doivent réclamer la nationalité belge pour leur enfant avant qu'il ait atteint l'âge de 12 ans.
Royaume-Uni
Pour acquérir la nationalité britannique, il faut que l'un des deux parents soit durablement et régulièrement établi au Royaume-Uni.
Source : lemonde.fr
Mardi 22 octobre, le président de l'UMP Jean-François Copé a annoncé à l'AFP que son parti présenterait d'ici à la fin de l'année une proposition de loi prévoyant la fin de l'acquisition automatique de la nationalité pour les enfants nés en France de parents étrangers. Lundi matin, il déclarait déjà sur France inter : "Est-il normal qu'un enfant né en France de parents venus en France irrégulièrement puisse devenir automatiquement français ? Ma réponse est non".
Même s'il reconnaît que ce droit est un "totem", M. Copé assume complètement cette idée. Il l'a formulée pour la première fois, le 2 mai, dans un entretien à Valeurs actuelles, jugeant à l'époque nécessaire de "supprimer tout ce qui attire l'immigration clandestine" et de "réduire l'immigration légale".
Dans un contexte de surenchères à droite et de poussée du Front national, François Fillon préconise aussi de revenir sur le droit du sol. Dans son projet présidentiel en construction, l'ex-premier ministre "propose de mettre fin à l'acquisition automatique de la nationalité française des enfants nés en France de parents étrangers".
PAS DE CONSENSUS
L'abolition de ce droit, qui caractérise la législation française, est une proposition phare du parti d'extrême droite depuis plus de vingt-cinq ans. En reprenant cette idée à son compte, la droite républicaine "se radicalise un peu plus et montre qu'elle est lancée dans une course derrière le Front National à cinq mois des élections municipales", dénonce le porte-parole du Parti socialiste, David Assouline. Même Nicolas Sarkozy, qui a brisé beaucoup de tabous en matière d'immigration, n'a jamais osé revenir sur ce principe. "Nous garderons le droit du sol. Le droit du sol, c'est la France", avait-il déclaré entre les deux tours de la campagne présidentielle de 2012.
L'idée fait pourtant son chemin chez les fidèles de l'ancien président. Le premier des sarkozystes, Brice Hortefeux, y est favorable. "L'accès à la nationalité ne doit plus être automatique pour les enfants de ceux qui sont venus de manière illégale sur notre territoire", affirme l'ancien ministre de l'intérieur dans un entretien au Parisien, publié le 20 octobre. "Il faut remettre en cause le droit du sol en le remplaçant par un droit du choix. On ne pourra devenir français que si on en exprime la volonté et la fierté", propose à son tour Guillaume Peltier dans un entretien au site de France Soir le 18 octobre.
A l'UMP, la remise en question du droit du sol ne fait cependant pas consensus. Patrick Devedjian, ex-ministre aujourd'hui président du conseil général des Hauts-de-Seine, fustige cette proposition. "Je suis pour le maintien absolu du droit du sol,a-t-il déclaré dans un entretien au Monde publié le 16 octobre. Plus de 25 % des Français ont au moins un de leur grand-parent de nationalité étrangère. Le génie de la France est d'avoir su intégrer au cours de son histoire. Je rappelle que notre pays s'est constitué par l'agrégation de gens venus des quatre coins de laplanète, qui sont devenus des éléments constitutifs de la nation française."
CONDITION RESTRICTIVE
Actuellement, en vertu du droit du sol, tout enfant né en France de parents étrangers acquiert automatiquement la nationalité française à sa majorité s'il vit en France. Mais il existe toutefois une condition restrictive : pour devenir français, l'enfant doit avoir vécu en France pendant au moins cinq ans entre ses 8 ans et ses 18 ans, selon les situations. Si ce n'est pas le cas, il devra faire une demande de naturalisation à sa majorité.
La remise en cause du droit du sol est un serpent de mer à droite. En 1991, dans un entretien au Figaro Magazine demeuré célèbre, l'ancien président de la République Valéry Giscard d'Estaing dénonçait "l'immigration-invasion" et proposait d'instaurer "le droit du sang". Deux ans plus tard, Charles Pasqua, alors ministre de l'intérieur, était revenu sur l'automaticité de l'acquisition de la nationalité française. Pour l'obtenir, les enfants nés en France de parents étrangers devaient alors faire une démarche d'adhésion à 18 ans. Ces conditions avaient été supprimées en 1998 par le gouvernement socialiste de Lionel Jospin.
L'UMP est revenue à la charge à la fin du précédent quinquennat. En 2011, dans les propositions destinées à alimenter le projet du futur candidat Sarkozy, le parti de la droite républicaine préconisait le retour à la loi Pasqua de 1993. Cette proposition avait aussi été émise dès l'automne 2010 par la Droite populaire, l'aile droite de l'UMP, pendant les débats sur le projet de loi sur l'immigration.
"CELA RELÈVE DE LA POSTURE" SELON LE FN
Les cadres du Front national prennent ce nouvel emprunt à leur programme avec philosophie. Et amusement. "Cela relève de la posture, jusqu'à ce que l'UMP prouve le contraire. Quand ils étaient au pouvoir, ils n'ont rien fait", avance Nicolas Bay, secrétaire général adjoint du FN et chargé de la question de l'immigration.
Dans le programme présidentiel de Marine Le Pen, figure noir sur blanc la proposition de supprimer le droit du sol, purement et simplement. "Ce que disent Copé et Fillon, c'est timide, par rapport à nous", assure M. Bay. Il est vrai que le FN prône aussi "le renvoi de tous les clandestins ; la suppression de la possibilité de régulariser des clandestins ; l'interdiction des manifestations de clandestins ou de soutien aux clandestins ; et l'interdiction de la double nationalité – hormis les ressortissants de l'Union européenne".
Selon le parti d'extrême droite, la reprise par l'UMP, si ce n'est d'une partie de leurs idées, mais au moins de l'esprit de leur programme, prouve que les propositions frontistes "sont légitimes et rencontrent l'assentiment de plus en plus de Français". M. Copé se persuade, lui, du contraire : "Il est de nombreux domaines où le FN copie le programme de l'UMP", affirme-t-il. Voire, car le leader du principal parti d'opposition demande aussi la suppression de l'aide médicale d'Etat (AME), dont bénéficient les sans-papiers. Là encore, le FN a été le premier à défendre cette mesure.
LES DISPOSITIFS EN VIGUEUR DANS LES PAYS VOISINS
La plupart des pays européens voisins de la France ont introduit le droit du sol à partir des années 1980, lorsqu'ils ont compris qu'ils devenaient des pays d'immigration et que le besoin d'intégrer les familles établies s'est accru.
Espagne, Luxembourg, Italie
Le double droit du sol est en vigueur. Par ce dispositif, la nationalité est donnée si deux naissances au moins - celle de l'intéressé et celle de l'un de ses parents - ont eu lieu sur le territoire du pays concerné.
Allemagne
Depuis une loi de 1999, l'enfant né en Allemagne de parents étrangers peut acquérir la nationalité allemande à condition que l'un de ses deux parents réside en Allemagne de façon régulière depuis huit ans. Après avoir atteint sa majorité, il doit déclarer quelle nationalité il souhaite conserver.
Belgique
S'ils résident depuis dix ans en Belgique, les parents doivent réclamer la nationalité belge pour leur enfant avant qu'il ait atteint l'âge de 12 ans.
Royaume-Uni
Pour acquérir la nationalité britannique, il faut que l'un des deux parents soit durablement et régulièrement établi au Royaume-Uni.
Source : lemonde.fr