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Société Publié le mercredi 18 décembre 2013 | Nord-Sud

Fêtes de fin d’année : pourquoi l’interdiction des pétards n’est pas respectée 

L’ambiance des fêtes de fin d’année a du mal à se défaire de l’usage des pétards pourtant interdit par le gouvernement. D’Abobo à Yopougon en passant par les quartiers chics de la commune de Cocody, le communiqué peine à être respecté dans la ville d’Abidjan. Pour comprendre le phénomène, nous avons tenté de remonter la filière.

Une fillette âgée de huit ans s’est défigurée à la suite d’une explosion de pétard, mercredi dernier à Treichville. Les informations recueillies sur place font état de ce que la gamine s’est approchée du fumigène alors que la mèche était déjà allumée. Et boom ! L’explosion lui est parvenue en plein visage. Malgré les accidents causés par les pétards, les enfants continuent de se réjouir de leur détonation. Ils n’hésitent pas à les lancer dans le tas et à s’enfuir aussitôt. «Quand le «banger» (pétard dans le jargon ivoirien) éclate, c’est intéressant. On sent les fêtes», se réjouit Michael Assi, un adolescent de quinze ans. Nous l’avons interrogé alors qu’il s’a­musait à jeter des pétards derrière un supermarché aux Deux-Plateaux, samedi dernier. Michael con­fesse ignorer que le jet de ces objets est interdit. «Je ne savais pas que c’était interdit de lancer le «banger». Moi je l’ai acheté au marché de ‘’Colombie’’», se dédouane notre interlocuteur. ‘’Colombie’’ est un sous-quartier des Deux-Plateaux. Quand vous entrez dans le marché, il n’est pas aisé de retrouver un vendeur de pétards. Il a fallu quelques indiscrétions dimanche dernier, dans l’après-midi, pour contacter une commerçante que nous nommons Awa. C’est presque dans le creux de l’oreille qu’elle vante sa marchandise. Pourquoi cette posture ? «Nous, on se cherche et les gens ne veulent pas qu’on vende. C’est avec ce petit commerce que je nourris ma famille. Donc je me cache pour vendre», répond-elle, ignorant notre véritable identité. Est-elle informée de l’incident produit précédemment à Treichville ? «Non, je ne suis pas informée. Mais les enfants savent qu’on doit lancer le «banger» plus loin pour éviter de se blesser.» Stupéfaction ! La commerçante se plait à promouvoir des mesures de précaution alors que le ministère de l’Intérieur interdit l’achat et l’usage des pétards. Comment ces objets jugés dan­gereux se retrouvent-ils sur les marchés de la capitale? Nous avons posé la question à Farik Soumahoro, président de la Fédération nationale des commerçants de Côte d’Ivoire (Fenacci). Selon lui, les commerçants sont dans leur rôle. «On ne peut pas interdire un commerce et accepter des taxes en même temps. Lorsque les pétards arrivent, ils sont dédouanés. Les commerçants, qui payent des taxes, doivent réaliser des bénéfices», justifie-t-il. La direction de la Communication et de la qualité des douanes ne partage pas cet argument. Le colonel Ignace Meya, responsable de cette administration, dit ne pas disposer pour l’instant de statistiques sur l’importation des pétards. Toutefois, il tient à lever toute équivoque. «Ces produits retrouvés entre les mains des commerçants sont-ils passés par la route ou par l’aéroport ? Ce n’est pas une évidence, car il peut y avoir de la contrebande.» Le colonel se dit convaincu que l’administration à laquelle il appartient ne peut pas s’opposer à une loi de la République. «Nous sommes là pour appliquer et faire appliquer la loi. Lorsqu’une mesure est prise, le ministère de l’Economie et des finances envoie une notification à la douane pour exécution. Les conditions d’exécution sont bien précisées», éclaire le directeur de la Communication et de la qualité. Le colonel conclut que «s’il y a effectivement importation de pétards, c’est que l’importateur dispose d’une autorisation exceptionnelle. Dans le cas contraire, l’importation n’est pas possible». Finalement à qui la faute ? Ce que l’on sait, c’est que les chiffres réalisés par l’industrie des pétards dans le monde sont sans appel. Selon planetoscope, un site internet spécialisé dans le consumering, il se vend pour l'équivalent de 128 euros (soit 83.200 FCFA) de pétards et de feux d'artifice, à chaque seconde. Ce qui revient à 4 milliards euros par an, c'est-à-dire, 2600 milliards de FCFA. La Chine est le plus grand producteur mais aussi le premier consommateur et exportateur de feux d'artifice et de pétards. En 2005, l’Empire du Milieu a exporté pour 13 milliards de yuans (plus de 1,8 milliard de dollars américains) de feux d'artifice, dont un tiers étaient des exportations vers une centaine de pays. Les pétards présents sur le sol ivoirien sont indexés comme provenant d’Asie. Un usage qui n’est pas sans effets secondaires dans un pays post-crise. La sociologue Flora Evelyne Noba contactée à Yopougon insiste sur la psychose que crée le phénomène. «Pour un pays qui sort de crise, lorsqu’on entend une détonation de pétard, on fait allusion au crépitement d’armes à feu qui a retenti au cours des combats. Ce n’est pas bien, car cela effraie», fait-elle observer. La spécialiste qui ne cesse de dénoncer la dépravation des mœurs, indexe une société en perte de valeurs morales. «Les petits n’ont plus de respect pour les aînés. Ils n’ont plus peur de braver les interdits. Ils pensent ainsi s’affirmer», se désole la sociologue. Au niveau mondial, on craint des risques sanitaires potentiels liés aux sous-produits dangereux des pétards et même des feux d’artifice. «La fumée des feux d'artifice et des pétards peut aggraver des problèmes de santé existants  comme l’asthme», note Planetoscope. Les risques mentionnés font que l’interdiction des pétards n’est pas typique au pays d’Houphouet-Boigny. Depuis novembre dernier, les autorités togolaises ont interdit l’importation, la vente et l’usage des pétards et autres objets du genre à l’approche des fêtes de fin d’année, note le site Apanews. com.
Le ministère gabonais de l'Intérieur et de la sécurité publique, a aussi rappelé, l'interdiction de l'usage des pétards et autres fumigènes dans le pays en prélude aux fêtes de fin d'année. «L'importation, la commercialisation et l'usage de ces instruments dangereux qui ont déjà causé incendies et mort d'hommes dans notre pays seront désormais assujettis au contrôle strict des services compétents du gouvernement», note le communiqué du gouvernement gabonais. En Côte d’Ivoire, depuis la crise militaro-politique, un communiqué rappelle, chaque année, l’interdiction de l’usage des fumigènes à l’approche des fêtes. Chaque année éga­lement, les commerçants et les usagers de pétards bravent l’interdiction. Au ministère de l’Intérieur, un agent du service de com­mu­nication que nous avons joint au téléphone hier, ne semblait pas vouloir échanger davantage sur la question. «Je n’ai pas le temps de parler des pétards. Le communiqué sur l’interdiction passe déjà en boucle à la télévision», se contente note interlocuteur, qui n’a pas souhaité être cité. Nous insistons. Il finit par nous écouter sans fixer de rendez-vous ferme pour élucider la question. On ne saura donc pas ce que ce ministère fait pour endiguer le phénomène, en dehors des communiqués. Hélas !

Nesmon De Laure
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