Dans cette interview qu’il nous a accordée, trois semaines après son élection à la présidence de l’Union des villes et communes de Côte d’Ivoire (Uvicoci), le maire de Yopougon, Gilbert Kafana Koné, lève un coin du voile sur ses priorités. Il évoque également la question de la grogne dans son parti, le Rassemblement des républicains (Rdr).
Vous venez d’être élu à la tête de l’Union des villes et communes de Côte d’Ivoire. Quelle sera votre priorité à la tête de cette organisation ?
Nous démarrons notre mission sous de bons auspices, notamment avec l’unité comme point de départ. Voyez-vous, tout est prioritaire. La première des choses à faire, c’est de nous organiser, d’améliorer le fonctionnement de l’Uvicoci, de faire en sorte que les organes dirigeants de l’Uvicoci fonctionnent et que chaque maire se sente concerné et impliqué dans la gestion de l’acte de solidarité que les fondateurs de l’Uvicoci ont mis en place. La seconde priorité, c’est de nous mettre réellement ensemble et aller vers le gouvernement pour que le transfert de compétences soit mieux défini et plus effectif, notamment en ce qui concerne le transfert des ressources et rendre beaucoup plus responsables les maires. Parce qu’il y a des responsabilités qui sont dévolues aux maires, notamment la question de la salubrité. Malheureusement, il se trouve que cette responsabilité est diluée. Les maires d’Abidjan jouent un rôle secondaire. Ce qui me paraît anormal. Nous allons en toute fraternité, avec le ministère de tutelle, engager un dialogue. Nous allons également engager des pourparlers avec les ministères concernés pour voir comment la question de la salubrité peut être gérée convenablement et qu’elle soit dévolue comme il se doit aux maires. Il y a aussi la question de la solidarité entre les maires eux-mêmes. Il faut que nous puissions créer un cadre de solidarité à titre personnel entre les maires. Et nous allons œuvrer à cela. Il y a aussi la solidarité entre les communes. Il est bien de s’adresser à des collectivités extérieures pour nous accompagner, mais il est aussi important qu’entre collectivités locales en Côte d’Ivoire nous montrions l’exemple de la solidarité. Sur ce volet, nous allons réfléchir de manière à ce que des communes puissent aider des communes démunies. Nous allons voir avec le ministère de l’Intérieur ce qui peut être fait.
Voulez-vous dire que Yopougon qui est plus riche et plus vaste devrait aider une commune plus petite et moins nantie comme Tiémé ?
C’est exactement ce que nous voulons faire. Nous pensons à apporter les équipements ordinaires auxquels une commune aspire. Des ordinateurs, les aider à réaliser une école ou une classe. Cela est possible. C’est bien de faire les jumelages, mais il est mieux de créer une solidarité qui va aider plusieurs petites communes à la fois, en une année. Des communes comme Marcory ou le Plateau peuvent financer 5 ou 10 projets dans l’ordre de 5 à 10 millions FCFA pour plusieurs communes de l’intérieur. Ça, si nous pouvons le faire chaque année en mettant un mécanisme en place pour assister ces communes, je pense qu’elles se sentiront moins en difficultés.
Qu’est ce que les maires attendent de vous sur la question de la gestion des ordures ?
Les maires souhaitent que la gestion des ordures leur soit rétrocédée. Je prends un cas qui s’est produit récemment. Voyez-vous, les maires ont a charge la collecte à la base des ordures pour les mettre à des endroits donnés. Les entreprises qui ramassent ces ordures pour aller en dehors de la commune sont désignées par le ministère de la Salubrité. Alors, ce qui s’est passé récemment, c’est que la société qui travaille ici, et qui a mis en place le dispositif en accord avec nous, a décidé de déplacer l’entreprise pour l’envoyer à Cocody sous le prétexte que Cocody est la vitrine d’Abidjan. Cela m’a irrité. Ce n’est pas normal. Il est vrai que Cocody est la vitrine d’Abidjan mais Yopougon n’est pas la poubelle d’Abidjan. Ce genre de décision montre qu’il y a un problème de maîtrise de cette question par les communes. Cela nous échappe. Je pense que si on est responsable, on doit l’être jusqu’au bout. Il faut que ces responsabilités soient transférées avec les moyens qui conviennent. L’Etat aura tous les moyens de contrôle.
Vous arrivez à la tête de l’Uvicoci au moment où les cotisations ne rentrent pas. Quelle sera votre stratégie pour gérer cette situation ?
Ecoutez, tout dépend de ce qu’on veut faire avec le budget. Effectivement, ces cotisations n’ont pas été fixées dans le but d’étouffer les communes. Les taux ont été décidés d’un commun accord, et si certaines communes s’en sont acquittées, il n’y a pas de raison que d’autres ne puissent pas régulariser leur situation.
Êtes-vous prêt à faire le gendarme derrière ceux qui ne paieraient pas ?
Il ne s’agit pas de faire le gendarme. Nous sommes des élus responsables. Il s’agira de voir l’intérêt que chacun voit dans ces cotisations. Si nous parlons de solidarité, il faut que l’instrument de solidarité qui est l’Uvicoci soit viable. Si ce n’est pas le cas, chacun retournera à ses occupations quotidiennes.
Il y a un an vous sortiez du gouvernement. Aujourd’hui vous êtes député-maire de Yopougon, président de l’Uvicoci. Pensez-vous avoir pris une sorte de revanche sur l’histoire ?
Non je ne crois pas. Il n’y a pas de revanche. Il n’y a pas de rapport entre être ministre d’un gouvernement et être maire dans une commune. Les niveaux de responsabilités sont différents. Les audiences aussi ne sont pas les mêmes. Ici, je sers avec moins de pression. J’ai des services à rendre aussi bien à la collectivité qu’à l’ensemble des maires avec lesquels je peux travailler. Je n’ai pas de contraintes et de pressions comme quand j’étais au gouvernement.
A Yopougon beaucoup de chantiers doivent s’ouvrir. L’eau, les routes… Quelles sont vos solutions sur ces chantiers ?
Honnêtement aucune commune ne peut résoudre toute seule la question de l’eau et de la voirie. Cela relève de l’Etat. En revanche, l’entretien relève de chaque commune, si les choses sont bien organisées. Vous savez que nous avons passé une décennie d’irresponsabilités. Aujourd’hui, nous ferons en sorte que l’Etat investisse dans les infrastructures. Et nous prendrons nos responsabilités.
Vous pouvez constater qu’aujourd’hui tout est rasé, la mairie de Yopougon est en chantier. Nous sommes en train de construire un bâtiment pour la mairie, pour le service administratif, l’état civil et le cabinet du maire, etc. Nous aurons près de soixante-dix bureaux qui vont être disponibles dans six mois et les services pourront retrouver un fonctionnement tout à fait normal et régulier. C’est vous dire que nous n’allons pas attendre de nous asseoir pour engager des actions. C’est en cela que je voudrais saluer le chef de l’Etat pour le coup de pouce qu’il vient de nous donner en dégageant plus de sept milliards FCFA pour la voirie de Yopougon. Ces travaux vont commencer très prochainement par l’axe principal de la zone industrielle. Ils vont se poursuivre par l’aménagement de la voie latérale de cette zone. Le désengorgement d’Andokoi, le traitement des points critiques de Selmer, etc. C’est déjà un bon départ. En ce qui concerne les équipements, l’eau est du ressort de l’Etat. Il y a une station qui est en train de se construire en zone industrielle. Cette station va permettre de régler de façon durable la question de l’eau à Yopougon. Ce qu’il va nous rester à faire, ce sont les équipements de base, notamment les marchés, des structures qui permettent à la mairie de fonctionner. A ce niveau, nous sommes à la phase de l’étude. Nous nous engageons d’ici la fin de notre mandat à faire en sorte que Yopougon ait des marchés dignes de ce nom.
Quels sont les chantiers que vous comptez ouvrir du point de vue de la réconciliation?
Vous savez que la réconciliation est l’ensemble des actes que nous posons tous les jours, qui vont nous amener à cette réconciliation. Nous sommes à l’œuvre avec l’aide de partenaires au développement.
Dès l’entame de votre mandat à la tête de la municipalité, l’on vous a accusé d’organiser la chasse aux sorcières en visant les agents taxés d’être pro-Gbagbo. Qu’en est-il ?
Je n’ai fait aucune chasse aux sorcières. Il faut que les gens sachent que je n’ai pas été élu pour gérer le personnel de la mairie, ce n’est pas sur cela que nous serons jugés. Il y a une mission à remplir. La question que je me pose, est quel personnel dont j’ai besoin pour remplir cette mission ? Ce n’est pas parce que j’aurai recruté cent ou deux cent personnes que j’aurai réglé le problème du chômage à Yopougon. Voyez-vous, en 2012 le maire intérimaire a recruté cent cinquante cinq personnes sans l’accord de la tutelle. Et au budget modificatif de fin d’année, la tutelle s’en est rendue compte et a refusé de valider ledit budget. Si la tutelle l’avait accepté, la charge du personnel aurait représenté 38% du budget de fonctionnement, là où on doit être à 30 ou 31%. Le budget de 2013 que l’intérimaire avait engagé, a fait fi des recommandations de la tutelle. J’arrive et je trouve un effectif de cent quatorze personnes à recruter. J’ai dit à ces personnes qu’elles ne sont pas reconnues par la mairie surtout que le budget ne permet pas de les recruter. Donc il me fallait me plier à l’injonction de la tutelle, et le licenciement a été fait dans les règles de l’art. L’inspection du travail a reconnu que c’est la première fois qu’une commune s’adresse à elle pour gérer un cas de licenciement conformément au code du travail. Les indemnités ont été payées à ces gens qui sont partis. Voici donc ce qui s’est réellement passé. Je n’ai fait de chasse à aucune sorcière. Je dois ajouter que dès ma prise de fonction, il y avait une dizaine d’agents que je ne connais ni d’Adam ni d’Eve, qui n’avaient pas été licenciés mais qu’on a mis de côté et on a pris d’autres à leur place et qui touchaient leur salaire. Quand je suis arrivé dans les quarante-huit heures, le premier acte que j’ai pris, c’était de réintégrer ces agents. J’ai estimé que dès lors qu’ils ne sont pas licenciés, ils doivent être à leur place.
Yopougon est réputée pour sa fameuse rue Princesse qui n’est aujourd’hui que l’ombre d’elle-même. Que comptez-vous faire pour cette rue Princesse ?
C’est une question de moyens. Dès que nous en aurons, nous allons la ressusciter mais pas en l’état. Elle sera une rue Princesse qui avance, pas une rue Princesse qui roule dans les caniveaux. Je veux une rue Princesse où les habitants de Yopougon se retrouvent quand ils ont fini de travailler et veulent se distraire, en respectant l’environnement, en respectant le voisinage, dans un cadre sain. Des étrangers ont entendu parler de la rue Princesse, mais quand ils sont venus, ils ont été déçus du spectacle qu’elle présentait. Nous allons faire en sorte que l’image de la rue Princesse soit intégrée dans le patrimoine de la mairie, une image qui fait avancer.
On vous a longtemps annoncé à la tête du secrétariat général du Rdr, votre parti. En prenant la présidence de l’Uvococi, ne vous êtes pas un peu éloigné de cet objectif ?
Ce n’est pas un objectif pour moi. J’ai décidé d’être maire, ça c’était un l’objectif. Je suis maire et mes collègues maires m’ont choisi pour être à la tête de l’Uvicoci, j’en suis très heureux et cela me suffit déjà. Je n’ai pas un autre objectif que de servir là où je suis, et de servir mon parti.
Et si le président vous proposait ce secrétariat général ?
Laissez le président décider. Pour l’instant, je suis un homme de devoir. Mon parti m’a proposé d’être candidat à la mairie de Yopougon, j’ai dit oui et je suis maire. Mon parti m’a proposé à mes collègues maires comme président de l’Uvicoci, j’ai accepté et je suis président de l’Uvicoci, cela me suffit. Je suis un homme de devoir et j’assume les responsabilités qui me sont confiées.
La base du Rdr grogne depuis un certain temps. Entendez-vous ces récriminations ou pensez-vous que les gens grognent trop ?
C’est normal ; cela ne m’inquiète pas. La base a toujours grogné pour diverses raisons. Aujourd’hui, nous sommes au pouvoir, on ne peut pas empêcher quelqu’un de penser qu’il était en droit d’avoir un emploi ; ça c’est légitime. La question est de savoir est-ce qu’on peut donner du travail à tout le monde ? La réponse est manifestement non. Ceci dit, il faut les comprendre, je sais qu’au-delà de tout, les militants tiennent à leur parti. Si vous allez vers eux avec les explications, il y a beaucoup de choses qui seront comprises. Ce sont des militants qui sont généreux, ils sont à la disposition de leur parti, ils adorent leur président. Il faut prendre en compte toutes ces grognes pour faire en sorte que nous puissions répondre aux challenges futurs.
Dans les grognes il y a des gens qui réclament le renouvellement des instances pour permettre à votre parti de se rajeunir. N’est-ce n’est pas une préoccupation légitime ?
Oui, c’est pris en compte par la direction. La direction est à l’écoute, il faut savoir patienter, sinon c’est pris en compte.
Vous avez pris part à la rencontre d’il y a quelques jours entre le Rdr et le Fpi. Pensez-vous que c’est de bons augures pour la décrispation ?
Je pense que c’est indispensable. Parce que le Fpi ne peut pas rester en marge du processus de reconstruction et de réconciliation. Cela est dans leur intérêt de réintégrer la vie normale du pays pour pouvoir avancer, s’ils veulent véritablement se reconstruire. C’est une nécessité pour eux et c’est une nécessité pour nous. En politique, il faut que nous puissions collaborer en toute intelligence. Ils sont dans l’opposition, qu’ils s’opposent de façon intelligente, de façon constructive. Les partis au pouvoir, c'est-à-dire le Rhdp, doivent gérer le pouvoir dans leur intérêt parce que le jour où il doit avoir l’alternance, ils doivent trouver un pays qui en vaut vraiment la peine.
Interview réalisée par Marc Dossa Coll. ED & DL (stagiaires)
Vous venez d’être élu à la tête de l’Union des villes et communes de Côte d’Ivoire. Quelle sera votre priorité à la tête de cette organisation ?
Nous démarrons notre mission sous de bons auspices, notamment avec l’unité comme point de départ. Voyez-vous, tout est prioritaire. La première des choses à faire, c’est de nous organiser, d’améliorer le fonctionnement de l’Uvicoci, de faire en sorte que les organes dirigeants de l’Uvicoci fonctionnent et que chaque maire se sente concerné et impliqué dans la gestion de l’acte de solidarité que les fondateurs de l’Uvicoci ont mis en place. La seconde priorité, c’est de nous mettre réellement ensemble et aller vers le gouvernement pour que le transfert de compétences soit mieux défini et plus effectif, notamment en ce qui concerne le transfert des ressources et rendre beaucoup plus responsables les maires. Parce qu’il y a des responsabilités qui sont dévolues aux maires, notamment la question de la salubrité. Malheureusement, il se trouve que cette responsabilité est diluée. Les maires d’Abidjan jouent un rôle secondaire. Ce qui me paraît anormal. Nous allons en toute fraternité, avec le ministère de tutelle, engager un dialogue. Nous allons également engager des pourparlers avec les ministères concernés pour voir comment la question de la salubrité peut être gérée convenablement et qu’elle soit dévolue comme il se doit aux maires. Il y a aussi la question de la solidarité entre les maires eux-mêmes. Il faut que nous puissions créer un cadre de solidarité à titre personnel entre les maires. Et nous allons œuvrer à cela. Il y a aussi la solidarité entre les communes. Il est bien de s’adresser à des collectivités extérieures pour nous accompagner, mais il est aussi important qu’entre collectivités locales en Côte d’Ivoire nous montrions l’exemple de la solidarité. Sur ce volet, nous allons réfléchir de manière à ce que des communes puissent aider des communes démunies. Nous allons voir avec le ministère de l’Intérieur ce qui peut être fait.
Voulez-vous dire que Yopougon qui est plus riche et plus vaste devrait aider une commune plus petite et moins nantie comme Tiémé ?
C’est exactement ce que nous voulons faire. Nous pensons à apporter les équipements ordinaires auxquels une commune aspire. Des ordinateurs, les aider à réaliser une école ou une classe. Cela est possible. C’est bien de faire les jumelages, mais il est mieux de créer une solidarité qui va aider plusieurs petites communes à la fois, en une année. Des communes comme Marcory ou le Plateau peuvent financer 5 ou 10 projets dans l’ordre de 5 à 10 millions FCFA pour plusieurs communes de l’intérieur. Ça, si nous pouvons le faire chaque année en mettant un mécanisme en place pour assister ces communes, je pense qu’elles se sentiront moins en difficultés.
Qu’est ce que les maires attendent de vous sur la question de la gestion des ordures ?
Les maires souhaitent que la gestion des ordures leur soit rétrocédée. Je prends un cas qui s’est produit récemment. Voyez-vous, les maires ont a charge la collecte à la base des ordures pour les mettre à des endroits donnés. Les entreprises qui ramassent ces ordures pour aller en dehors de la commune sont désignées par le ministère de la Salubrité. Alors, ce qui s’est passé récemment, c’est que la société qui travaille ici, et qui a mis en place le dispositif en accord avec nous, a décidé de déplacer l’entreprise pour l’envoyer à Cocody sous le prétexte que Cocody est la vitrine d’Abidjan. Cela m’a irrité. Ce n’est pas normal. Il est vrai que Cocody est la vitrine d’Abidjan mais Yopougon n’est pas la poubelle d’Abidjan. Ce genre de décision montre qu’il y a un problème de maîtrise de cette question par les communes. Cela nous échappe. Je pense que si on est responsable, on doit l’être jusqu’au bout. Il faut que ces responsabilités soient transférées avec les moyens qui conviennent. L’Etat aura tous les moyens de contrôle.
Vous arrivez à la tête de l’Uvicoci au moment où les cotisations ne rentrent pas. Quelle sera votre stratégie pour gérer cette situation ?
Ecoutez, tout dépend de ce qu’on veut faire avec le budget. Effectivement, ces cotisations n’ont pas été fixées dans le but d’étouffer les communes. Les taux ont été décidés d’un commun accord, et si certaines communes s’en sont acquittées, il n’y a pas de raison que d’autres ne puissent pas régulariser leur situation.
Êtes-vous prêt à faire le gendarme derrière ceux qui ne paieraient pas ?
Il ne s’agit pas de faire le gendarme. Nous sommes des élus responsables. Il s’agira de voir l’intérêt que chacun voit dans ces cotisations. Si nous parlons de solidarité, il faut que l’instrument de solidarité qui est l’Uvicoci soit viable. Si ce n’est pas le cas, chacun retournera à ses occupations quotidiennes.
Il y a un an vous sortiez du gouvernement. Aujourd’hui vous êtes député-maire de Yopougon, président de l’Uvicoci. Pensez-vous avoir pris une sorte de revanche sur l’histoire ?
Non je ne crois pas. Il n’y a pas de revanche. Il n’y a pas de rapport entre être ministre d’un gouvernement et être maire dans une commune. Les niveaux de responsabilités sont différents. Les audiences aussi ne sont pas les mêmes. Ici, je sers avec moins de pression. J’ai des services à rendre aussi bien à la collectivité qu’à l’ensemble des maires avec lesquels je peux travailler. Je n’ai pas de contraintes et de pressions comme quand j’étais au gouvernement.
A Yopougon beaucoup de chantiers doivent s’ouvrir. L’eau, les routes… Quelles sont vos solutions sur ces chantiers ?
Honnêtement aucune commune ne peut résoudre toute seule la question de l’eau et de la voirie. Cela relève de l’Etat. En revanche, l’entretien relève de chaque commune, si les choses sont bien organisées. Vous savez que nous avons passé une décennie d’irresponsabilités. Aujourd’hui, nous ferons en sorte que l’Etat investisse dans les infrastructures. Et nous prendrons nos responsabilités.
Vous pouvez constater qu’aujourd’hui tout est rasé, la mairie de Yopougon est en chantier. Nous sommes en train de construire un bâtiment pour la mairie, pour le service administratif, l’état civil et le cabinet du maire, etc. Nous aurons près de soixante-dix bureaux qui vont être disponibles dans six mois et les services pourront retrouver un fonctionnement tout à fait normal et régulier. C’est vous dire que nous n’allons pas attendre de nous asseoir pour engager des actions. C’est en cela que je voudrais saluer le chef de l’Etat pour le coup de pouce qu’il vient de nous donner en dégageant plus de sept milliards FCFA pour la voirie de Yopougon. Ces travaux vont commencer très prochainement par l’axe principal de la zone industrielle. Ils vont se poursuivre par l’aménagement de la voie latérale de cette zone. Le désengorgement d’Andokoi, le traitement des points critiques de Selmer, etc. C’est déjà un bon départ. En ce qui concerne les équipements, l’eau est du ressort de l’Etat. Il y a une station qui est en train de se construire en zone industrielle. Cette station va permettre de régler de façon durable la question de l’eau à Yopougon. Ce qu’il va nous rester à faire, ce sont les équipements de base, notamment les marchés, des structures qui permettent à la mairie de fonctionner. A ce niveau, nous sommes à la phase de l’étude. Nous nous engageons d’ici la fin de notre mandat à faire en sorte que Yopougon ait des marchés dignes de ce nom.
Quels sont les chantiers que vous comptez ouvrir du point de vue de la réconciliation?
Vous savez que la réconciliation est l’ensemble des actes que nous posons tous les jours, qui vont nous amener à cette réconciliation. Nous sommes à l’œuvre avec l’aide de partenaires au développement.
Dès l’entame de votre mandat à la tête de la municipalité, l’on vous a accusé d’organiser la chasse aux sorcières en visant les agents taxés d’être pro-Gbagbo. Qu’en est-il ?
Je n’ai fait aucune chasse aux sorcières. Il faut que les gens sachent que je n’ai pas été élu pour gérer le personnel de la mairie, ce n’est pas sur cela que nous serons jugés. Il y a une mission à remplir. La question que je me pose, est quel personnel dont j’ai besoin pour remplir cette mission ? Ce n’est pas parce que j’aurai recruté cent ou deux cent personnes que j’aurai réglé le problème du chômage à Yopougon. Voyez-vous, en 2012 le maire intérimaire a recruté cent cinquante cinq personnes sans l’accord de la tutelle. Et au budget modificatif de fin d’année, la tutelle s’en est rendue compte et a refusé de valider ledit budget. Si la tutelle l’avait accepté, la charge du personnel aurait représenté 38% du budget de fonctionnement, là où on doit être à 30 ou 31%. Le budget de 2013 que l’intérimaire avait engagé, a fait fi des recommandations de la tutelle. J’arrive et je trouve un effectif de cent quatorze personnes à recruter. J’ai dit à ces personnes qu’elles ne sont pas reconnues par la mairie surtout que le budget ne permet pas de les recruter. Donc il me fallait me plier à l’injonction de la tutelle, et le licenciement a été fait dans les règles de l’art. L’inspection du travail a reconnu que c’est la première fois qu’une commune s’adresse à elle pour gérer un cas de licenciement conformément au code du travail. Les indemnités ont été payées à ces gens qui sont partis. Voici donc ce qui s’est réellement passé. Je n’ai fait de chasse à aucune sorcière. Je dois ajouter que dès ma prise de fonction, il y avait une dizaine d’agents que je ne connais ni d’Adam ni d’Eve, qui n’avaient pas été licenciés mais qu’on a mis de côté et on a pris d’autres à leur place et qui touchaient leur salaire. Quand je suis arrivé dans les quarante-huit heures, le premier acte que j’ai pris, c’était de réintégrer ces agents. J’ai estimé que dès lors qu’ils ne sont pas licenciés, ils doivent être à leur place.
Yopougon est réputée pour sa fameuse rue Princesse qui n’est aujourd’hui que l’ombre d’elle-même. Que comptez-vous faire pour cette rue Princesse ?
C’est une question de moyens. Dès que nous en aurons, nous allons la ressusciter mais pas en l’état. Elle sera une rue Princesse qui avance, pas une rue Princesse qui roule dans les caniveaux. Je veux une rue Princesse où les habitants de Yopougon se retrouvent quand ils ont fini de travailler et veulent se distraire, en respectant l’environnement, en respectant le voisinage, dans un cadre sain. Des étrangers ont entendu parler de la rue Princesse, mais quand ils sont venus, ils ont été déçus du spectacle qu’elle présentait. Nous allons faire en sorte que l’image de la rue Princesse soit intégrée dans le patrimoine de la mairie, une image qui fait avancer.
On vous a longtemps annoncé à la tête du secrétariat général du Rdr, votre parti. En prenant la présidence de l’Uvococi, ne vous êtes pas un peu éloigné de cet objectif ?
Ce n’est pas un objectif pour moi. J’ai décidé d’être maire, ça c’était un l’objectif. Je suis maire et mes collègues maires m’ont choisi pour être à la tête de l’Uvicoci, j’en suis très heureux et cela me suffit déjà. Je n’ai pas un autre objectif que de servir là où je suis, et de servir mon parti.
Et si le président vous proposait ce secrétariat général ?
Laissez le président décider. Pour l’instant, je suis un homme de devoir. Mon parti m’a proposé d’être candidat à la mairie de Yopougon, j’ai dit oui et je suis maire. Mon parti m’a proposé à mes collègues maires comme président de l’Uvicoci, j’ai accepté et je suis président de l’Uvicoci, cela me suffit. Je suis un homme de devoir et j’assume les responsabilités qui me sont confiées.
La base du Rdr grogne depuis un certain temps. Entendez-vous ces récriminations ou pensez-vous que les gens grognent trop ?
C’est normal ; cela ne m’inquiète pas. La base a toujours grogné pour diverses raisons. Aujourd’hui, nous sommes au pouvoir, on ne peut pas empêcher quelqu’un de penser qu’il était en droit d’avoir un emploi ; ça c’est légitime. La question est de savoir est-ce qu’on peut donner du travail à tout le monde ? La réponse est manifestement non. Ceci dit, il faut les comprendre, je sais qu’au-delà de tout, les militants tiennent à leur parti. Si vous allez vers eux avec les explications, il y a beaucoup de choses qui seront comprises. Ce sont des militants qui sont généreux, ils sont à la disposition de leur parti, ils adorent leur président. Il faut prendre en compte toutes ces grognes pour faire en sorte que nous puissions répondre aux challenges futurs.
Dans les grognes il y a des gens qui réclament le renouvellement des instances pour permettre à votre parti de se rajeunir. N’est-ce n’est pas une préoccupation légitime ?
Oui, c’est pris en compte par la direction. La direction est à l’écoute, il faut savoir patienter, sinon c’est pris en compte.
Vous avez pris part à la rencontre d’il y a quelques jours entre le Rdr et le Fpi. Pensez-vous que c’est de bons augures pour la décrispation ?
Je pense que c’est indispensable. Parce que le Fpi ne peut pas rester en marge du processus de reconstruction et de réconciliation. Cela est dans leur intérêt de réintégrer la vie normale du pays pour pouvoir avancer, s’ils veulent véritablement se reconstruire. C’est une nécessité pour eux et c’est une nécessité pour nous. En politique, il faut que nous puissions collaborer en toute intelligence. Ils sont dans l’opposition, qu’ils s’opposent de façon intelligente, de façon constructive. Les partis au pouvoir, c'est-à-dire le Rhdp, doivent gérer le pouvoir dans leur intérêt parce que le jour où il doit avoir l’alternance, ils doivent trouver un pays qui en vaut vraiment la peine.
Interview réalisée par Marc Dossa Coll. ED & DL (stagiaires)