Le 10ème Festival International du Film de Dubaï (DIFF) s’est tenu du 6 au 14 décembre dernier dans la ville la plus importante des Emirats Arabes Unis. Président du DIFF, M. Abdulhamid Juma fait le point sur cette édition et scrute, avec optimisme, les perspectives d’avenir. Aussi réitère t-il l’ambition de son festival de soutenir le cinéma africain. Entretien.
Le Patriote : Quel bilan pouvez-vous faire de cette 10ème édition du DIFF ?
Abdulhamid Juma : Je pense que nous avons fait un bon festival. Et d’après les retours que j’ai des festivaliers, tout s’est bien passé et ils sont repartis, dans l’ensemble, avec de bonnes impressions. Il faut savoir que parmi les 3500 films qui ont fait acte de candidature pour à être ce 10ème festival international du film de Dubaï, nous en avons choisi 174. Et parmi ces 174 films, nous avons eu plus de 70 Premières mondiales, ce qui est déjà très intéressant. Dans la sélection, il y avait aussi plus de de 100 films arabes et 15 films émiratis. Et 40% des cents films arabes sont faits par des femmes. Ce qui, pour moi, est une très bonne chose. C’est même un changement phénoménal. Nous avons décidé de nous concentrer sur le cinéma arabe et nous avons voulu le célébrer durant cette 10ème édition (du DIFF) en projetant en ouverture du festival, un film arabe. De plus, nous avons changé l’ordre des galas. Précédemment, nous avions un gala chaque soir et cette année, nous avons eu deux galas par soir et nous avions deux films arabes à l’affiche. Nous avons par ailleurs été honorés de clôturer le festival par un film américain («American Hustle » de David O. Russell), qui a obtenu 7 nominations aux Golden Globe Awards 2014 et ce film a été diffusé en Amérique en même temps qu’ici (ndlr : Dubaï). Personne ne l’avait encore vu avant que nous ne l’ayons. Ce qui n’a jamais été vu dans aucun autre festival. Nous avons aussi accueilli beaucoup de célébrités internationales (ndlr : Martin Sheen, Cate Blanchett, Michael B. Jordan). Nous avons également un marché de films bouillonnant. Nous avons un long et joli tapis rouge. Nous avons eu de belles soirées, ainsi que des projections en plein air au centre-ville à Dubai Mall, et beaucoup de films dans le centre commercial The Mall of The Emirates. Ce qui fait de nous, un grand festival international de films dans le monde.
LP : Tout n’a quand même pas été rose. Qu’est-ce qui n’a pas marché selon vous ?
AJ : Je pense que tout s’est bien passé, si l’on s’en tient au constat fait par le Comité d’organisation sur le terrain. Nous avons mené toutes les activités du festival au détail près. Quand vous planifiez tout à l’avance et que tout est bien fait, les erreurs sont minimes. C’est l’une des meilleures éditions, par expérience. Plus on avance, plus on s’améliore. Il n’y a pas eu d’incident. A la fin de chaque édition, nous faisons un sondage auprès des participants, pour leur demander ce qui s’est bien passé et ce qui s’est mal passé, afin de mieux les servir la prochaine fois. Nous sommes probablement le seul festival qui a la certification ISO 9000. Nous avons un retour des visiteurs, des exposants, de la presse, du staff et après chaque festival, nous tenons une réunion de presque 5heures où on partage nos idées pour améliorer la prochaine édition. Nous organisons aussi en interne un atelier pour scruter les perspectives d’avenir, voir où on sera dans 10 ans. Pour un si jeune festival, je suis fier de mon équipe et de ce que Dubaï a accompli en dix ans.
L.P : Justement en seulement dix années, votre festival est devenu l’événement cinématographique le plus important de la région. Quel est votre secret ?
AJ : Il n’y a vraiment pas de secret. La première chose qu’il faut, c’est d’avoir une vision, se demander pourquoi le festival existe, ce qu’on veut en faire. Deuxièmement, il faut avoir le soutien des autorités et des populations du pays, des sponsors. Troisièmement, il faut enrichir le contenu du festival. Vous devez avoir des films intéressants pour faire un bon festival. C’est un festival international. Vous pouvez tout faire mais si vous n’avez pas de bons films, vous ne pourrez attirer et convaincre personne. Quatrièmement, il faut de la patience, et cinquièmement de l’hospitalité. Vous devez faire en sorte, que celui qui vient d’ailleurs pour le festival vive une belle expérience. Cela passe par un séjour agréable de son accueil jusqu’à son départ. Tout doit être mis en œuvre pour qu’il reparte satisfait. Bien qu’il y ait des hauts et des bas, il faut que cette personne en rentrant chez elle parte avec de très beaux souvenirs. Qu’elle se dise qu’elle a passé un bon moment au festival. Et la dernière chose, c’est la passion et l’amour du cinéma. Ce festival est une passion pour nous. Nous écrivons une histoire. Nous l’organisons avec la volonté et l’enthousiasme de bien faire.
LP : L’un des moments forts du festival a été l’hommage à Nelson Mandela avec la projection du film « Mandela : Un Long Chemin vers la Liberté» de Justin Chadwick. Qu’est-ce que cet homme a représenté pour vous?
AJ : Cet homme a joué un rôle important dans la vie de l’humanité, pas seulement moi. Ce film nous apprend qu’on n’a pas besoin d’être une personne spéciale pour être Mandela. Il avait des qualités et des défauts comme tout être humain. Il avait des problèmes avec sa famille, sa femme. Il ne passait pas beaucoup de temps avec ses enfants. Tout cela pour un but. Quand vous croyez en quelque chose, il faut tout faire pour atteindre son objectif. Il était prêt à mourir pour atteindre son objectif. Il a enseigné le pardon, la non-violence à sa famille et à son peuple en Afrique du Sud. Ce qu’il représente pour nous, c’est le pardon, la tolérance et surtout comment vivre en toute dignité.
L.P : Votre festival est réputé être la rampe de lancement du cinéma dans le Moyen-Orient. Qu’est-ce qu’il a apporté concrètement au cinéma arabe ?
AJ : Nous avons apporté beaucoup au cinéma arabe. Nous lui avons offert une plate-forme internationale de visibilité. Nous avons aidé plus de 184 films arabes dans ce festival. Nous n’avons certes pas un gros budget, mais nous les avons soutenus financièrement, parce qu’il faut savoir investir pour avoir un meilleur retour sur les productions. Il ne faut pas choisir seulement des films, parce qu’il y en a. Il faut aussi encourager ceux qui les font bien. Il y a une vingtaine d’années, le cinéma arabe n’avait au maximum que 75 à 80 films. Tous ceux qui ont commencé le festival en 2004 avec nous sont encore là. Nous avons édité un livre avec les 100 meilleurs films arabes de tous les temps, afin de permettre aux Européens, aux Africains et aux autres peuples de mieux découvrir le cinéma arabe. Nous avons emmené des films arabes à plus de 200 festivals dans le monde notamment en Australie, en Inde et beaucoup d’autres pays. Je pense que c’est quand même une bonne chose. Toutefois, nous avons besoin des soutiens des institutions, des producteurs. Nous organisons, pendant le festival, 41 ateliers en neuf jours. Nous aidons des personnes qui aiment le cinéma à apprendre comment produire un film. Nous avons des débats, des échanges entre les professionnels pour encourager les jeunes qui travaillent dans le cinéma. Certes, ce n’est pas facile de faire des films, mais il ne faut pas baisser les bras. Nous avons voulu également rapprocher les industries cinématographiques asiatique et africain. Et quand je dis asiatique, je parle des films qui ne viennent pas de la Chine, du Japon et de la Corée (du sud). Et quand je dis africain, ce ne sont pas seulement des films sud-africains, mais aussi des films d’autres pays d’Afrique. Les professionnels du cinéma de ces deux continents ont tous des problèmes de financement, de distribution, de langue, de marketing. Nous voulons discuter avec eux parce que nous avons les mêmes problèmes. Ainsi, ensemble, nous essaierons de trouver des solutions à ces difficultés.
L.P : Après 10 éditions, quels sont les prochains défis du DIFF?
AJ : Les prochains défis, c’est comment aider les réalisateurs émiratis à faire des longs métrages et à continuer de produire plus de films. C’est aussi savoir ce qui s’est bien passé et ce qui ne s’est pas bien passé cette année, pour améliorer le festival et le rendre plus grand. Nous ambitionnons également de soutenir davantage, avec notre programme Enjazz ( de soutien à la production et à la postproduction), le cinéma africain, dans les années à venir.
Réalisée à Dubaï par Y. Sangaré, Envoyé spécial
Le Patriote : Quel bilan pouvez-vous faire de cette 10ème édition du DIFF ?
Abdulhamid Juma : Je pense que nous avons fait un bon festival. Et d’après les retours que j’ai des festivaliers, tout s’est bien passé et ils sont repartis, dans l’ensemble, avec de bonnes impressions. Il faut savoir que parmi les 3500 films qui ont fait acte de candidature pour à être ce 10ème festival international du film de Dubaï, nous en avons choisi 174. Et parmi ces 174 films, nous avons eu plus de 70 Premières mondiales, ce qui est déjà très intéressant. Dans la sélection, il y avait aussi plus de de 100 films arabes et 15 films émiratis. Et 40% des cents films arabes sont faits par des femmes. Ce qui, pour moi, est une très bonne chose. C’est même un changement phénoménal. Nous avons décidé de nous concentrer sur le cinéma arabe et nous avons voulu le célébrer durant cette 10ème édition (du DIFF) en projetant en ouverture du festival, un film arabe. De plus, nous avons changé l’ordre des galas. Précédemment, nous avions un gala chaque soir et cette année, nous avons eu deux galas par soir et nous avions deux films arabes à l’affiche. Nous avons par ailleurs été honorés de clôturer le festival par un film américain («American Hustle » de David O. Russell), qui a obtenu 7 nominations aux Golden Globe Awards 2014 et ce film a été diffusé en Amérique en même temps qu’ici (ndlr : Dubaï). Personne ne l’avait encore vu avant que nous ne l’ayons. Ce qui n’a jamais été vu dans aucun autre festival. Nous avons aussi accueilli beaucoup de célébrités internationales (ndlr : Martin Sheen, Cate Blanchett, Michael B. Jordan). Nous avons également un marché de films bouillonnant. Nous avons un long et joli tapis rouge. Nous avons eu de belles soirées, ainsi que des projections en plein air au centre-ville à Dubai Mall, et beaucoup de films dans le centre commercial The Mall of The Emirates. Ce qui fait de nous, un grand festival international de films dans le monde.
LP : Tout n’a quand même pas été rose. Qu’est-ce qui n’a pas marché selon vous ?
AJ : Je pense que tout s’est bien passé, si l’on s’en tient au constat fait par le Comité d’organisation sur le terrain. Nous avons mené toutes les activités du festival au détail près. Quand vous planifiez tout à l’avance et que tout est bien fait, les erreurs sont minimes. C’est l’une des meilleures éditions, par expérience. Plus on avance, plus on s’améliore. Il n’y a pas eu d’incident. A la fin de chaque édition, nous faisons un sondage auprès des participants, pour leur demander ce qui s’est bien passé et ce qui s’est mal passé, afin de mieux les servir la prochaine fois. Nous sommes probablement le seul festival qui a la certification ISO 9000. Nous avons un retour des visiteurs, des exposants, de la presse, du staff et après chaque festival, nous tenons une réunion de presque 5heures où on partage nos idées pour améliorer la prochaine édition. Nous organisons aussi en interne un atelier pour scruter les perspectives d’avenir, voir où on sera dans 10 ans. Pour un si jeune festival, je suis fier de mon équipe et de ce que Dubaï a accompli en dix ans.
L.P : Justement en seulement dix années, votre festival est devenu l’événement cinématographique le plus important de la région. Quel est votre secret ?
AJ : Il n’y a vraiment pas de secret. La première chose qu’il faut, c’est d’avoir une vision, se demander pourquoi le festival existe, ce qu’on veut en faire. Deuxièmement, il faut avoir le soutien des autorités et des populations du pays, des sponsors. Troisièmement, il faut enrichir le contenu du festival. Vous devez avoir des films intéressants pour faire un bon festival. C’est un festival international. Vous pouvez tout faire mais si vous n’avez pas de bons films, vous ne pourrez attirer et convaincre personne. Quatrièmement, il faut de la patience, et cinquièmement de l’hospitalité. Vous devez faire en sorte, que celui qui vient d’ailleurs pour le festival vive une belle expérience. Cela passe par un séjour agréable de son accueil jusqu’à son départ. Tout doit être mis en œuvre pour qu’il reparte satisfait. Bien qu’il y ait des hauts et des bas, il faut que cette personne en rentrant chez elle parte avec de très beaux souvenirs. Qu’elle se dise qu’elle a passé un bon moment au festival. Et la dernière chose, c’est la passion et l’amour du cinéma. Ce festival est une passion pour nous. Nous écrivons une histoire. Nous l’organisons avec la volonté et l’enthousiasme de bien faire.
LP : L’un des moments forts du festival a été l’hommage à Nelson Mandela avec la projection du film « Mandela : Un Long Chemin vers la Liberté» de Justin Chadwick. Qu’est-ce que cet homme a représenté pour vous?
AJ : Cet homme a joué un rôle important dans la vie de l’humanité, pas seulement moi. Ce film nous apprend qu’on n’a pas besoin d’être une personne spéciale pour être Mandela. Il avait des qualités et des défauts comme tout être humain. Il avait des problèmes avec sa famille, sa femme. Il ne passait pas beaucoup de temps avec ses enfants. Tout cela pour un but. Quand vous croyez en quelque chose, il faut tout faire pour atteindre son objectif. Il était prêt à mourir pour atteindre son objectif. Il a enseigné le pardon, la non-violence à sa famille et à son peuple en Afrique du Sud. Ce qu’il représente pour nous, c’est le pardon, la tolérance et surtout comment vivre en toute dignité.
L.P : Votre festival est réputé être la rampe de lancement du cinéma dans le Moyen-Orient. Qu’est-ce qu’il a apporté concrètement au cinéma arabe ?
AJ : Nous avons apporté beaucoup au cinéma arabe. Nous lui avons offert une plate-forme internationale de visibilité. Nous avons aidé plus de 184 films arabes dans ce festival. Nous n’avons certes pas un gros budget, mais nous les avons soutenus financièrement, parce qu’il faut savoir investir pour avoir un meilleur retour sur les productions. Il ne faut pas choisir seulement des films, parce qu’il y en a. Il faut aussi encourager ceux qui les font bien. Il y a une vingtaine d’années, le cinéma arabe n’avait au maximum que 75 à 80 films. Tous ceux qui ont commencé le festival en 2004 avec nous sont encore là. Nous avons édité un livre avec les 100 meilleurs films arabes de tous les temps, afin de permettre aux Européens, aux Africains et aux autres peuples de mieux découvrir le cinéma arabe. Nous avons emmené des films arabes à plus de 200 festivals dans le monde notamment en Australie, en Inde et beaucoup d’autres pays. Je pense que c’est quand même une bonne chose. Toutefois, nous avons besoin des soutiens des institutions, des producteurs. Nous organisons, pendant le festival, 41 ateliers en neuf jours. Nous aidons des personnes qui aiment le cinéma à apprendre comment produire un film. Nous avons des débats, des échanges entre les professionnels pour encourager les jeunes qui travaillent dans le cinéma. Certes, ce n’est pas facile de faire des films, mais il ne faut pas baisser les bras. Nous avons voulu également rapprocher les industries cinématographiques asiatique et africain. Et quand je dis asiatique, je parle des films qui ne viennent pas de la Chine, du Japon et de la Corée (du sud). Et quand je dis africain, ce ne sont pas seulement des films sud-africains, mais aussi des films d’autres pays d’Afrique. Les professionnels du cinéma de ces deux continents ont tous des problèmes de financement, de distribution, de langue, de marketing. Nous voulons discuter avec eux parce que nous avons les mêmes problèmes. Ainsi, ensemble, nous essaierons de trouver des solutions à ces difficultés.
L.P : Après 10 éditions, quels sont les prochains défis du DIFF?
AJ : Les prochains défis, c’est comment aider les réalisateurs émiratis à faire des longs métrages et à continuer de produire plus de films. C’est aussi savoir ce qui s’est bien passé et ce qui ne s’est pas bien passé cette année, pour améliorer le festival et le rendre plus grand. Nous ambitionnons également de soutenir davantage, avec notre programme Enjazz ( de soutien à la production et à la postproduction), le cinéma africain, dans les années à venir.
Réalisée à Dubaï par Y. Sangaré, Envoyé spécial