Au nombre des exposants sur les œuvres artisanales ou anciennes, à la faveur du 2ème Festival des arts sacrés des savanes, à Korhogo (27-28 décembre 2013), figurait en bonne place Silué N. Mamadou. Devant son stand, le président de la Coopérative des artisans et peintres sur toile de la région du Poro, révèle leurs souffrances.
Notre Voie : Comment se porte votre coopérative?
Silué N. Mamadou : Tout allait bien. Mais depuis le temps de guerre, rien ne va plus.
N.V. : C’est-à-dire quoi ?
S.N.M. : Du temps normal où il n’y avait pas encore la guerre en Côte d’Ivoire, on faisait nettement de bonnes affaires. Mais depuis 2002, jusqu’à aujourd’hui, il n’y a plus de touriste qui vient acheter quelque chose avec nous. Donc, nous on se débrouille comme on peut. Si tu finis de travailler et que tu trouves que tes produits sont devenus beaucoup, il faut que tu ailles forcément les vendre à Abidjan (Cocody, Treichville, Adjamé, Abobo, etc.). Car ici à Korhogo, le terrain est vide, il n’y a plus de clients.
N.V. : Voulez-vous parlez de touristes blancs, des Français, Anglais, Américains, Allemands, Canadiens, Suisses, Belges et même Asiatiques, etc..?
S.N.M. : Voilà monsieur le journaliste ! Parce qu’ici, nous, on travaille pour vendre aux Blancs. Ce sont nos meilleurs clients. Ils ont disparu à cause de la guerre. Allez donc leur dire qu’on est toujours là, qu’on les attend !
N.V. : Et les Noirs, ils ne payaient pas aussi ?
S.N.M. : Eux, ils n’ont pas besoin de ça ! C’est ça l’Afrique. Nous, on travaille avec les Blancs. Les Blancs eux, ils payent. Ils connaissent la valeur de nos objets et toiles. Les Noirs, ils ne payent rien. Ils viennent seulement pour vous fatiguer. C’est à cause de ça, que nous sommes en train de souffrir aujourd’hui.
N.V. : Et comment faites-vous pour assurer votre quotidien ?
S.N.M. : Beaucoup parmi nous travaillent dans leurs champs. Ils attendent leurs jours de repos, par exemple les dimanches ou les vendredis, pour tisser, faire leurs toiles ou sculpter un peu. Aujourd’hui c’est vendredi, non ? Voilà ! Nous, on ne va pas au champ. Donc on peut continuer le travail là où on l’a laissé, avant d’aller au champ. Maintenant, si on voit qu’aller vendre à Abidjan peut faire ton affaire, tu y fonces. Encore que faut-il y rencontrer la chance.
N.V. : Vous allez vendre à Abidjan en groupe ou individuellement ?
S.N.M. : Actuellement là en groupe, c’est dur ! Ouh, chacun se démerde. Et pour aller à Abidjan, tu dois payer ton transport 8 mille Fcfa aller-retour, tu dois payer les frais de tes marchandises aussi. C’est trop compliqué, quand tu sais qu’en plus, tu dois abandonner ton champ pour deux à trois mois.
N.V. : Au niveau des toiles, sur quel support travaillez-vous ?
S.N.M. : Avant, on travaillait à partir du coton. Mais aujourd’hui, il n’y a plus de vrai coton. On est obligé d’utiliser comme support le creton fabriqué à l’usine de Bouaké (Gonfreville, ndlr).
N.V. : Pourquoi, n’y a-t-il plus de vrai coton au Nord, comme vous le déplorez ?
S.N.M. : Avant, ce sont « les vieilles » (les femmes âgées, ndlr) traditionnellement bien formées qui fabriquaient les fils de coton qu’elles mettaient à la disposition des tisserands afin que ces derniers confectionnent à leur tour des toiles. Aujourd’hui, il n’y a plus de « vieille » qui possède cet art ancien. Tout le monde s’est mis à planter de la salade, du potager, pour aller vendre leurs produits au marché. Elles disent que ça rapporte plus vite. Ah, maintenant, chacun cherche.
N.V. : Quels sont vos motifs, vos symboles préférés ?
S.N.M : (Il montre des symboles sur une de ses toiles). Ici, ce sont les masques Wembélé (incarne la connaissance et la sagesse) et Korombla (protège contre le mauvais sort). Derrière eux, se trouve un autre masque, le Boloye (Nafirgué) que les gens appellent communément Tchiligoué. Devant tous ces masques se trouve la représentation de la case sacrée. C’est pour dire que ces différentes institutions que nous ont léguées nos ancêtres, se portent toujours aussi bien dans leur milieu naturel, au village. A côté de ces symboles, on s’intéresse beaucoup à la représentation de certains animaux et de certains éléments de nature.
Entretien réalisé par
Schadé Adédé
Envoyé spécial à Korhogo
Notre Voie : Comment se porte votre coopérative?
Silué N. Mamadou : Tout allait bien. Mais depuis le temps de guerre, rien ne va plus.
N.V. : C’est-à-dire quoi ?
S.N.M. : Du temps normal où il n’y avait pas encore la guerre en Côte d’Ivoire, on faisait nettement de bonnes affaires. Mais depuis 2002, jusqu’à aujourd’hui, il n’y a plus de touriste qui vient acheter quelque chose avec nous. Donc, nous on se débrouille comme on peut. Si tu finis de travailler et que tu trouves que tes produits sont devenus beaucoup, il faut que tu ailles forcément les vendre à Abidjan (Cocody, Treichville, Adjamé, Abobo, etc.). Car ici à Korhogo, le terrain est vide, il n’y a plus de clients.
N.V. : Voulez-vous parlez de touristes blancs, des Français, Anglais, Américains, Allemands, Canadiens, Suisses, Belges et même Asiatiques, etc..?
S.N.M. : Voilà monsieur le journaliste ! Parce qu’ici, nous, on travaille pour vendre aux Blancs. Ce sont nos meilleurs clients. Ils ont disparu à cause de la guerre. Allez donc leur dire qu’on est toujours là, qu’on les attend !
N.V. : Et les Noirs, ils ne payaient pas aussi ?
S.N.M. : Eux, ils n’ont pas besoin de ça ! C’est ça l’Afrique. Nous, on travaille avec les Blancs. Les Blancs eux, ils payent. Ils connaissent la valeur de nos objets et toiles. Les Noirs, ils ne payent rien. Ils viennent seulement pour vous fatiguer. C’est à cause de ça, que nous sommes en train de souffrir aujourd’hui.
N.V. : Et comment faites-vous pour assurer votre quotidien ?
S.N.M. : Beaucoup parmi nous travaillent dans leurs champs. Ils attendent leurs jours de repos, par exemple les dimanches ou les vendredis, pour tisser, faire leurs toiles ou sculpter un peu. Aujourd’hui c’est vendredi, non ? Voilà ! Nous, on ne va pas au champ. Donc on peut continuer le travail là où on l’a laissé, avant d’aller au champ. Maintenant, si on voit qu’aller vendre à Abidjan peut faire ton affaire, tu y fonces. Encore que faut-il y rencontrer la chance.
N.V. : Vous allez vendre à Abidjan en groupe ou individuellement ?
S.N.M. : Actuellement là en groupe, c’est dur ! Ouh, chacun se démerde. Et pour aller à Abidjan, tu dois payer ton transport 8 mille Fcfa aller-retour, tu dois payer les frais de tes marchandises aussi. C’est trop compliqué, quand tu sais qu’en plus, tu dois abandonner ton champ pour deux à trois mois.
N.V. : Au niveau des toiles, sur quel support travaillez-vous ?
S.N.M. : Avant, on travaillait à partir du coton. Mais aujourd’hui, il n’y a plus de vrai coton. On est obligé d’utiliser comme support le creton fabriqué à l’usine de Bouaké (Gonfreville, ndlr).
N.V. : Pourquoi, n’y a-t-il plus de vrai coton au Nord, comme vous le déplorez ?
S.N.M. : Avant, ce sont « les vieilles » (les femmes âgées, ndlr) traditionnellement bien formées qui fabriquaient les fils de coton qu’elles mettaient à la disposition des tisserands afin que ces derniers confectionnent à leur tour des toiles. Aujourd’hui, il n’y a plus de « vieille » qui possède cet art ancien. Tout le monde s’est mis à planter de la salade, du potager, pour aller vendre leurs produits au marché. Elles disent que ça rapporte plus vite. Ah, maintenant, chacun cherche.
N.V. : Quels sont vos motifs, vos symboles préférés ?
S.N.M : (Il montre des symboles sur une de ses toiles). Ici, ce sont les masques Wembélé (incarne la connaissance et la sagesse) et Korombla (protège contre le mauvais sort). Derrière eux, se trouve un autre masque, le Boloye (Nafirgué) que les gens appellent communément Tchiligoué. Devant tous ces masques se trouve la représentation de la case sacrée. C’est pour dire que ces différentes institutions que nous ont léguées nos ancêtres, se portent toujours aussi bien dans leur milieu naturel, au village. A côté de ces symboles, on s’intéresse beaucoup à la représentation de certains animaux et de certains éléments de nature.
Entretien réalisé par
Schadé Adédé
Envoyé spécial à Korhogo