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Région Publié le mercredi 15 janvier 2014 | Nord-Sud

Paul Dri Bi Bli, sous-préfet de Doropo : «Moi, être sous les ordres de Wattao ?»

Presqu’un mois après que la délégation du Front populaire ivoirien (Fpi), conduite par Pascal Affi N’Guessan, a été empêchée de tenir un meeting à Doropo, nous avons rencontré le sous-préfet de la localité, Paul Dri Bi Bli Paul, qui nous explique ce qui s’est réellement passé.


Récemment, le président du Fpi a été empêché de tenir un meeting à Doropo dont vous êtes le sous-préfet. Que s’est-il réellement passé ce jour-là ?

Selon ce qu’ils nous ont eux-mêmes confié après, les jeunes qui ont manifesté, ont empêché le président du Fpi d’entrer à Doropo parce que celui-ci aurait tenu des propos hostiles et irrévérencieux à l’égard du président de la République. Avant Doropo, le président Affi N’Guessan a animé un meeting dans la nouvelle sous-préfecture de Niamoin, voisine de Doropo. Et selon eux, les propos tenus là-bas les ont tellement choqués qu’ils ont tenu à éviter que le président du Fpi vienne répéter les mêmes discours dans leur localité. Moi, je pense que ça a été juste une incompréhension parce que ces jeunes ne sont nullement allés au-delà de l’empêchement de tenir le meeting. Personne n’a attaqué le cortège du président Affi N’Guessan. Habités par la sagesse, lui et sa délégation n’ont pas fait de forcing. Ils ont rebroussé chemin, ils ont poursuivi leur tournée dans d’autres localités de la région. Il n’y a donc pas eu de blessé.

Qui est à la base de ce mouvement d’humeur ?

Doropo, à l’image de toutes les villes de la Côte d’Ivoire, est une localité qui est très cosmopolite. Du coup, on ne peut indexer les jeunes gens qui ont manifesté, comme appartenant à tel ou tel autre groupe. Mais, ce que je puis vous dire, c’est que les manifestants étaient conduits par le président intérimaire de la jeunesse communale. Nous leur avons parlé, mais ils n’ont pas voulu entendre raison, estimant qu’ils ne peuvent pas accepter que le président du Fpi vienne les narguer. Voici succinctement résumé, ce qui s’est passé à Doropo, il y a un mois environ. Nous allons continuer à parler aux uns et aux autres parce que Doropo ne saurait rester en marge du processus de réconciliation.
Le calme est-il totalement revenu ?

Dès que la délégation du Fpi a rebroussé chemin, le calme est aussitôt revenu. Il n’y a eu aucune chasse aux sorcières, ni contre les autorités, ni contre les militants des partis de l’opposition.

Et pourtant, depuis lors, les responsables du Fpi estiment que Doropo est une zone de non-droit et que vous serez même aux ordres du commandant Wattao. Qu’en est-il ?

Au nom du préfet de Doropo et du mien, je voudrais vous remercier de me donner l’occasion de revenir sur ce chapitre, dans cette affaire. Je voudrais indiquer que la restauration de l’autorité de l’Etat sur les ex-Cno (Centre, Nord et ouest, ndlr) est bien effective à Doropo. J’ai été affecté dans cette localité en septembre 2010 pour la supervision de l’élection présidentielle.

C’est-à-dire avant la crise postélectorale…

Oui, bien avant la crise postélectorale. A l’époque, nous avions trouvé sur place les FaFn (Forces armées des Forces nouvelles, ndlr), mais nous n’avons eu aucun problème avec elles ; nous avons collaboré avec elles dans le cadre de l’organisation du scrutin présidentiel, notamment la sécurisation, jusqu’à ce qu’il y ait la crise postélectorale. Après cette crise, nous avons rejoint notre poste et depuis lors, la restauration de l’autorité de l’Etat est bien effective. Il y a un préfet, un secrétaire général de préfecture, un sous-préfet… Et nous sommes là depuis longtemps. On ne peut donc pas dire que nous sommes aux ordres du commandant Wattao. C’est vrai que Doropo, c’est chez lui, c’est son village, mais nous ne recevons aucun ordre de lui.

Ni de son père, ni de ses frères qui seraient très puissants… ?

Ce que vous devez savoir, en ce qui concerne son père, par exemple, il nous a aidés à régler beaucoup de problèmes. Durant la crise postélectorale, il n’a pas hésité à offrir le gîte et le couvert à ceux qui se sentaient menacés, à ceux qui se sentaient en danger. Il n’est pas bon que les gens ternissent son image, il ne mérite pas cela. Si les gens le salissent et que nous ne réagissons pas, ce serait faire preuve d’ingratitude.
En ce qui concerne l’exploitation de l’or à Doropo, il n’est ni de près, ni de loin concerné par cette activité. Pareil pour son fils. Je les connais suffisamment pour vous dire ces vérités-là. Mieux, on peut le dire, c’est à travers les réalisations qu’ils ont faites, les maisons qu’ils ont construites, par exemple, que Doropo a fière allure aujourd’hui.

On pourrait rétorquer que c’est parce que vous êtes intimidé que vous dites tout cela. Etes-vous en sécurité à Doropo ?

Je suis tout à fait en sécurité. Je le dis en toute honnêteté. Je vis en parfaite harmonie avec tout le monde, je n’ai de problème avec personne. Je suis tellement en sécurité que je reçois bien souvent des gens chez moi, à ma résidence, très tard, parfois jusqu’à 23 heures.

Pour étayer leur argumentaire, les cadres de l’ancien parti au pouvoir évoquent le cas de policiers déployés pour sécuriser les dernières élections et qui auraient été désarmés, sur ordre du commandant Wattao…

Je ne suis pas au courant de ce fait, surtout qu’il n’y a pas de commissariat de police à Doropo. J’ai lu çà et là, dans des journaux, qu’un militaire et un gendarme auraient été molestés. Ce qu’il faut dire, sur la base de ces exemples, c’est que le mauvais comportement de certains individus ne peut pas être imputable au commandant Wattao. S’ils n’ont pas reçu la bonne éducation de leur famille, peut-on pour cela en vouloir au commandant Wattao ? Je ne crois pas. En ce qui concerne la rixe entre le militaire et le civil, je puis vous assurer que le palabre a été réglé par le préfet de Doropo qui a pris l’affaire en main. Le civil qui a agressé le militaire a été traduit en justice. Il y a eu une autre affaire dans laquelle trois militaires ont été impliqués. Là encore, ça n’a rien à voir avec le commandant Wattao puisque le civil, partie à l’affaire, a été accusé d’avoir cocufié un des militaires. Cela a débouché sur des affrontements. Les parents du civil ont exigé que les militaires soient déférés devant les tribunaux. Mais, après que la fièvre est tombée, les proches du civil se sont rendu compte qu’ils connaissaient les militaires en question. L’affaire a donc fini par se régler à l’amiable parce que les parents et proches du civil ont convaincu celui-ci de retirer sa plainte. Tout ceci pour vous dire que Doropo n’est pas comme les gens tentent de le faire croire, un bout de territoire de la planète Mars qu’on a envoyé en Côte d’Ivoire. Doropo est bel et bien un département de la République de Côte d’Ivoire. Les lois de la Côte d’Ivoire s’appliquent donc également aux citoyens de Doropo.

Il est également fait état d’une exploitation illicite de l’or, dans cette localité, notamment par la famille du commandant Wattao. Vrai ou faux ?

En réalité, nous avons trouvé cette situation sur place, à notre arrivée. Et, selon nos informations, ce n’est pas un fait nouveau. A la faveur de la crise militaro-politique, avec l’absence de l’administration, beaucoup de personnes se sont mises à cette activité. Mais, aujourd’hui, la direction départementale des Mines a été redéployée à Doropo. Elle est en pleine réorganisation de cette activité par les derniers eux-mêmes. Ces orpailleurs s’organisent et ont même un président avec lequel les principaux responsables de l’administration du territoire tiennent fréquemment des réunions pour leur faire connaître les textes qui réglementent leur secteur d’activité. Donc aujourd’hui, on ne peut pas dire que l’orpaillage se fait dans l’illégalité. Certes, nous nous attelons à mettre un terme à un certain désordre qui règne encore dans le secteur, mais, au moins, du point de vue de la légalité des activités, il n’y a plus de soucis parce que la direction départementale des Mines a demandé aux acteurs de la filière de s’organiser pour avoir les autorisations pour exercer légalement leur activité. La plupart des orpailleurs qui travaillaient dans l’illégalité ont constitué leur dossier et sont en attente de leur agrément. Pour l’heure, il n’y a qu’un seul opérateur qui a été autorisé par le ministère des Mines, à ouvrir un comptoir, il est de la nouvelle sous-préfecture de Danwa. Les autres attendent donc d’avoir leur autorisation. Ce n’est donc pas dans l’illégalité que les gens travaillent, nous avons un œil sur ce qu’ils font.

Réalisée par Marc Dossa
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