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Région Publié le jeudi 6 février 2014 | Le Patriote

Abengourou/ Valeurs culturelles et ancestrales : il était une fois… la fête des ignames !

Une fois n’est pas coutume. La fête des ignames qui reste une cérémonie hautement importante du peuple Indénié sera célébrée cette année dans la sobriété demain vendredi. En prélude à cet événement, nous revenons sur l’origine de cette célébration qui attire tous les regards vers le royaume de l’Indénié et qui ne finit pas d’émerveiller visiteurs et observateurs par son organisation ?

L’exode des Agnis du Ghana actuel vers ce qui sera la Côte d’Ivoire, est assez connu grâce aux travaux des historiens et de certains fils de la région dont feu le député Emile Brou. De façon convergente, l’histoire rapporte que lors de la fuite de la tribu Takiman conduite par Nanan Ano Kpangni, les épreuves furent difficiles et insupportables et même mortelles pour certains. Pour étancher leur soif et lutter contre la faim, c’est une liane gorgée d’eau (Krêlê, ou Efignaman, lianes à la sève lipide et très fraîche) dont ils se servirent. Et l’igname « Baylè », sauva la vie des fugitifs, grâce aux éléphants qui en avaient consommées et qui, sur leur passage en avaient abandonnées de frais mais aussi dans leurs excréments. La tribu en consomma non sans crainte. Heureusement, elle survécut. Certains en firent même des provisions. Mais après sa consommation par les « Dyhié », les nobles, ces derniers eurent quelques soucis. Alors les Komiens et les oracles en fins connaisseurs des sciences occultes conseillèrent des sacrifices suivis de cérémonies de purifications et d’exorcisme avant que les nobles et les détenteurs du pouvoir traditionnel n’en consomment. D’où la préséance de voir le tubercule, prioritairement, consommé par les dignitaires avant le reste du peuple.

Une célébration sur fond de rappel d’une tradition séculaire

L’avant veille de la grande fête, le mercredi matin très tôt, c’es-à-dire hier, les femmes en procession ont fait le «Moumoumey », danse réservée uniquement aux femmes d’un certain âge. Cette procession accompagnée de chants de bénédictions et de purification sur la principale artère, a pour but de conjurer le mauvais sort, d’éloigner les mauvais esprits et de demander à « Gnamien pli » (Dieu suprême) ainsi qu’aux dieux de répandre leurs grâces sur le peuple.

Les femmes en cache-sexe et couvertes de kaolin ont chanté et dansé jusqu’à la tombée de la nuit. Le Kinianpli prend la révèle ce jeudi soir pour annoncer aux ancêtres pendant plusieurs heures que la fête se prépare. Ainsi demain, c’est-à-dire le vendredi saint appelé « Anan ya », les femmes parées de leurs plus beaux atouts blancs et les hommes de blancs vêtus font mouvement vers la cour royale, lieu de la célébration avec sur leurs visages des tatouages de kaolin bien symboliques. Quelques femmes de la cour vont commencer par asperger la place de la cour d’un mélange de kaolin, d’eau et d’autres produits pour purifier les lieux. Avec cette mixture, le peuple rassemblé va aussi se badigeonner le corps afin d’être purifié et béni. Le kinianpli annoncera la grande parade royale. Le Roi peut se faire porter dans son hamac ou parader à pieds. L’entrée du Roi dans la cour est précédée des chants de joie des femmes. Le peuple acclame son Roi qui fait le tour d’honneur pour le saluer et lui témoigner son amour et aussi sa considération. Le Roi prendra place sur la chaise royale entouré des porte-cannes, des chefs de cantons, de villages, des notables et des chefs de cour et de familles. Les chants de joie, le kinianpli se feront entendre pendant un moment de même que toutes les danses qui redoublent d’ardeur. Pendant ce temps, le gardien du trône fera sortir les différents sièges royaux de leurs sanctuaires dont lui seul connaît le secret et les disposera bien en vue et selon l’ordre de succession des différents Rois. Chaque Roi défunt est dépositaire d’un siège s’il a été un roi digne. L’officiant prendra soin de faire l’invocation pour implorer le Dieu suprême, la terre nourricière, la mémoire des ancêtres, les esprits de nos rivières et de nos forêts pour leurs demander qu’ils protègent de tous les maux le Roi, son peuple et tous les hôtes. Viendra alors une autre phase. Le Roi fera pour l’occasion des dons (b?uf, moutons, caisse de gin) pour les offrandes aux ancêtres. Les offrandes seront présentées au gardien du trône qui, à son tour, les présentera aux « bia » avant d’officier la cérémonie d’immolation. Il rendra compte de sa messe avec les ancêtres pour constater si les offrandes sont acceptées ou refusées. Le sang des animaux sacrifiés sera alors répandu sur les sièges, du «N’voufou » d’igname (poudre d’igname) sera déposé sur chaque siège royal quand l’offrande est acceptée.
Le « N’voufou » d’igname sera distribué par petites poignées à tout le monde. Le foie des animaux sacrifiés sur l’autel sera vite boucané et découpé en petits morceaux et distribué aussi. " Ne refusez jamais le « N’voufou » et le foie qu’on vous présente, ils apportent le bonheur et la prospérité " disent les anciens. Attention, ce foie-là ne doit être consommé que par les femmes ménopausées. Pendant tout le cérémonial de l’officiant principal, le Roi va délivrer son message de l’année à son peuple. Les danses, le kinianpli, les chants de joie l’accompagneront et s’intercaleront pour marquer leur approbation, leur adhésion totale au message qui leur est délivré ainsi que leur dévouement. La place de la cour royale grouillante de monde restera bruyante jusqu’à ce que le gardien du trône vienne annoncer la fin de la messe qu’ il aura présidée. La cérémonie s’étant déroulée dans les meilleures conditions, le Roi accompagné de sa cour fera une deuxième parade avant de se retirer pour recevoir les félicitations. Cependant les chants et les danses continueront jusque tard dans la nuit. Le « N’voufou » sera épandu ça et là, à la cour royale et dans toutes les autres cours à destination des Esprits.
Pour rappel, la célébration de la fête des ignames marque le début d’une nouvelle année chez l’Agni N’denian ; dans toutes les cours tout doit être renouvelé : tisons et eaux des jarres ; les pilons, les mortiers et autres objets à usage quotidien sont nettoyés et tatoués de kaolin. Ce n’est qu’après cette étape que les chefs de cour pourront à leur tour procéder à des cérémonies d’exorcisme et de libations chez eux et que la nouvelle igname pourra être vendue sur les marchés locaux et consommée. La célébration de la fête des ignames est une cérémonie majeure qui préoccupe autant les autorités coutumières que les populations car c’est un moment de communion entre le peuple et son souverain, entre les vivants et les morts. C’est un grand moment de partage.

Armand déa (Correspondant)
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