Le samedi 08 février 2014, dans le village de Kinimokro, a eu lieu en présence des autorités administratives, politiques et traditionnelles du Moronou, une importante cérémonie d’intronisation du Chef canton Ngatia, en la personne de Nanan AHORA Tehoa.
Cette investiture est importante dans le processus de désignation du futur Roi du Moronou.
L’éminent professeur Simon Pierre Ekanza a saisi l’occasion de cette cérémonie, pour retracer l’histoire de la chaise royale dans le pays agni et singulièrement, dans le peuple Agni du Moronou
M. le Ministre de la Culture et de la Francophonie, représentant le Ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur, président de la cérémonie,
M. le Ministre Ahoua N’doli, , Directeur de cabinet de M. le Premier Ministre, parrain de la cérémonie,
M. le ministre Martin Bléou,
Mme le Préfet de région, préfet du Département de Bongouanou,
MM. les membres du Corps préfectoral,
Chers Anciens, vénérables autorités traditionnelles,
Mesdames, Messieurs en vos rangs, grades et qualités,
Mesdames, Messieurs,
Nos Anciens soulignent avec leur gros bon sens : « Ne peut parler d’un objet, avec satisfaction, que celui qui en est le propriétaire ». Je pourrais en effet parler du trône du Ngatianou toute une journée sans m’en lasser. Mais, en la circonstance, étant tenu par le temps, je me dois d’être précis et concis.
Le trône, sur lequel vient d’être investi le « chef » du Ngatianou, est dénommé : Nan’BE bia « la chaise de Nanan BE », du nom du premier titulaire de la Chaise et fondateur de la lignée de tous les Rois Agni, qu’ils soient du Sanwi, du Ndenye, du Djuablin ou d’Andjé (le Sud-ouest du Ghana actuel).Tous reconnaissent l’ancienneté et la suprématie de ce trône, le plus célèbre, le plus vénéré de tous les trônes Agni.
Nanan Be est originaire d’Anyuanyuan, situé dans le Bono-Tekyman, le nord du Ghana actuel, premier royaume Akan, créé au XVe siècle, avant les célèbres royaumes de l’Adanse (XVIes), Denkyira et Akwamu (XVIIe siècle) et Asante (XVIIIe siècle).
Pour des raisons diverses, d’ordre démographique, social et économique, Nanan Be, accompagné de ses proches, quitte son pays natal et se dirige vers les pays forestiers du Sud, où il séjourne successivement dans le Juaben, l’Adanse et le Wassa-Amenfi. Monteront sur ce trône, après lui, parmi ses successeurs les plus célèbres : Amon Wandan-Wandan, Oti Akenten et Ano Aseman, le fondateur du royaume Ebrosa, celui qui prit sur lui de rassembler autour de lui une multitude de peuples divers, accourus de tous les horizons, pour se réfugier sous sa protection. Il constitua alors la nation Agni et mérite, à juste titre et hautement, le titre de père de la Nation Agni. Mais la chaise, celle-ci, n’est pas de lui, bien qu’il y fût investi en son temps. Cette chaise vient de plus loin, de son ancêtre, l’ancêtre de tous les Agni, Nanan Be. La chaise personnelle, qui fut consacrée à Ano Aseman, au moment de son investiture, est aujourd’hui à Euasso, près de Bebou, dans la région Alangwa de l’Indénié. Mais on ne prête qu’aux riches. Et l’on attribue abusivement à Ano Aseman la chaise de Nanan Be, la plus illustre de toutes les chaises Agni. La chaise de Nanan Be, la voici, elle est la nôtre, celle du Ngatianou.
Comment ce trône parvient-il dans le Moronou ? Par les soins d’une frêle jeune fille, Aso Aya, nièce de Boafo N’da Ier, 7ème successeur d’Ano Aseman sur le trône d’Ebrosa. Aso Ya porta le trône sur la tête, marchant à pieds, d’Andjé jusqu’ici dans le Ngatianou, sous la protection d’Angaman, son père et samhlè, c’est-à-dire le chef des armées du roi, accompagné de trente soldats, tous armés jusqu’aux dents, de fusils et de munitions. L’arrivée du trône dans le Moronou se situe au tournant du XVIIIe-- XIXe siècle.
Aux Anciens du Moronou, partis le supplier de quitter l’Ebrosa pour le Moronou, Boafo N’da, le roi, promit de les rejoindre ici même dans le Ngatianou avant la fin de l’année. Les Anciens, rassurés, rentrent donc après leur visite à Andjé, le pays natal. Mais voilà : une année passe, puis deux et enfin trois, et le Roi ne donne toujours pas signe de vie. Ne le voyant pas arriver, l’inquiétude commençait à les gagner. Ces Anciens, les voici, représentés par quelques unes des têtes couronnées, leurs descendants ici présents : Nanan Aon, celui-là même qui sera l’hôte d’Angaman et de sa suite, venus avec le trône ; Nanan Fato, du lignage d’Aon, tous les deux Denkyira d’origine, ayant rejoint précédemment l’Ebrosa avant l’exode des Agni ; Nanan Nuaman, l’ancêtre des N’guessanbossofwè ; Tano Babaliba, le père adoptif d’Aka Ouo, du lignage Ahongnanfwè, Nanan Ané Kpanyi, neveu de Boa Badjo, l’ancêtre des Ahua ; et enfin Asandua, de M’baoucesso.
Ne voyant pas arriver le roi au bout de l’année, comme promis, Angaman les réunit et prend la décision de retourner à la recherche du Roi. Mais avant son départ, il confie solennellement devant les Anciens réunis : le trône du Roi et sa propre fille, Asso Ya, nièce du Roi, à Kissi, son fidèle compagnon d’armes, à qui il demande de rester sur place pour veiller sur le trône et la nièce du Roi. L’héritier de Kissi, le voici, Nanan Kanga de Kinimokro. Le trône, ayant été déposé en ses mains, Kissi en devint le gardien et le garant. Depuis cette date, il veille sur le trône et les héritiers d’Asso Ya. Il est donc juste et légitime que le trône revienne aujourd’hui à la source.
L’histoire évoluera par la suite, non pas dans le sens souhaité. Mais qui, en dehors de Dieu, commande l’histoire ? Lui seul détient le destin des humains entre ses mains. Après que N’dua Aka de M’baoucesso, sollicité, ait répondu par un refus, Kissi confie le trône à Aon, puis à Fato Kpokou et ensuite à Aka Ahi dit Ahi Sè, né Ahongnanfwè par son père, mais Kissibossofwè par sa mère. Après ces trois premiers souverains, tous du lignage Kissibossofwè, le trône changea de lignée, passant à Kosso kpli, héritier de Nuaman, N’guessanbossofwè. A sa disparition, l’on fit appel à Tewa Kpokou, le premier Ahongnanfwè à être investi sur ce trône, descendant, non pas de Dangui Kpanyi, mais de son frère, Assamoi Boni. Les autres successeurs au trône, nous les connaissons ; ce sont, après Tewa Kpokou : Allou Anzi, N’guessan Ekou, Assiélou Kadjo, tous les trois du lignage Ahongnanfwè. Viennent, enfin, les deux derniers à être investis sur le trône : Anzi Kokora, Nguessanbossofwè et enfin Nandéa Ehouman, Ano asseman II, de son nom de règne, Ahongnanfwè.
Aujourd’hui, le trône remis autrefois, librement, entre les mains de Kissi, revient à la maison, selon le système de rotation, adopté par les Anciens depuis des siècles, permettant à la chaise de tourner entre les trois familles : Kissibossofwè, Nguessanbossofwè et Ahongnanfwè. Il faut ici saluer la sagesse de nos Anciens, gardiens de nos coutumes, qui ont su préserver, contre vents et marées, ce système de rotation jusqu’à aujourd’hui ; saluer aussi la patience de l’Administration de la République qui a accompagné, dans la discrétion mais de façon efficace, les Anciens dans la voie du vrai, de la réconciliation et de l’harmonie, recherchés et désirés entre tous les enfants de cette région, l’une des plus belles, pleines de promesses, dans la Côte-d’Ivoire nouvelle de demain. Je vous remercie./…
Simon-Pierre Ekanza
Cette investiture est importante dans le processus de désignation du futur Roi du Moronou.
L’éminent professeur Simon Pierre Ekanza a saisi l’occasion de cette cérémonie, pour retracer l’histoire de la chaise royale dans le pays agni et singulièrement, dans le peuple Agni du Moronou
M. le Ministre de la Culture et de la Francophonie, représentant le Ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur, président de la cérémonie,
M. le Ministre Ahoua N’doli, , Directeur de cabinet de M. le Premier Ministre, parrain de la cérémonie,
M. le ministre Martin Bléou,
Mme le Préfet de région, préfet du Département de Bongouanou,
MM. les membres du Corps préfectoral,
Chers Anciens, vénérables autorités traditionnelles,
Mesdames, Messieurs en vos rangs, grades et qualités,
Mesdames, Messieurs,
Nos Anciens soulignent avec leur gros bon sens : « Ne peut parler d’un objet, avec satisfaction, que celui qui en est le propriétaire ». Je pourrais en effet parler du trône du Ngatianou toute une journée sans m’en lasser. Mais, en la circonstance, étant tenu par le temps, je me dois d’être précis et concis.
Le trône, sur lequel vient d’être investi le « chef » du Ngatianou, est dénommé : Nan’BE bia « la chaise de Nanan BE », du nom du premier titulaire de la Chaise et fondateur de la lignée de tous les Rois Agni, qu’ils soient du Sanwi, du Ndenye, du Djuablin ou d’Andjé (le Sud-ouest du Ghana actuel).Tous reconnaissent l’ancienneté et la suprématie de ce trône, le plus célèbre, le plus vénéré de tous les trônes Agni.
Nanan Be est originaire d’Anyuanyuan, situé dans le Bono-Tekyman, le nord du Ghana actuel, premier royaume Akan, créé au XVe siècle, avant les célèbres royaumes de l’Adanse (XVIes), Denkyira et Akwamu (XVIIe siècle) et Asante (XVIIIe siècle).
Pour des raisons diverses, d’ordre démographique, social et économique, Nanan Be, accompagné de ses proches, quitte son pays natal et se dirige vers les pays forestiers du Sud, où il séjourne successivement dans le Juaben, l’Adanse et le Wassa-Amenfi. Monteront sur ce trône, après lui, parmi ses successeurs les plus célèbres : Amon Wandan-Wandan, Oti Akenten et Ano Aseman, le fondateur du royaume Ebrosa, celui qui prit sur lui de rassembler autour de lui une multitude de peuples divers, accourus de tous les horizons, pour se réfugier sous sa protection. Il constitua alors la nation Agni et mérite, à juste titre et hautement, le titre de père de la Nation Agni. Mais la chaise, celle-ci, n’est pas de lui, bien qu’il y fût investi en son temps. Cette chaise vient de plus loin, de son ancêtre, l’ancêtre de tous les Agni, Nanan Be. La chaise personnelle, qui fut consacrée à Ano Aseman, au moment de son investiture, est aujourd’hui à Euasso, près de Bebou, dans la région Alangwa de l’Indénié. Mais on ne prête qu’aux riches. Et l’on attribue abusivement à Ano Aseman la chaise de Nanan Be, la plus illustre de toutes les chaises Agni. La chaise de Nanan Be, la voici, elle est la nôtre, celle du Ngatianou.
Comment ce trône parvient-il dans le Moronou ? Par les soins d’une frêle jeune fille, Aso Aya, nièce de Boafo N’da Ier, 7ème successeur d’Ano Aseman sur le trône d’Ebrosa. Aso Ya porta le trône sur la tête, marchant à pieds, d’Andjé jusqu’ici dans le Ngatianou, sous la protection d’Angaman, son père et samhlè, c’est-à-dire le chef des armées du roi, accompagné de trente soldats, tous armés jusqu’aux dents, de fusils et de munitions. L’arrivée du trône dans le Moronou se situe au tournant du XVIIIe-- XIXe siècle.
Aux Anciens du Moronou, partis le supplier de quitter l’Ebrosa pour le Moronou, Boafo N’da, le roi, promit de les rejoindre ici même dans le Ngatianou avant la fin de l’année. Les Anciens, rassurés, rentrent donc après leur visite à Andjé, le pays natal. Mais voilà : une année passe, puis deux et enfin trois, et le Roi ne donne toujours pas signe de vie. Ne le voyant pas arriver, l’inquiétude commençait à les gagner. Ces Anciens, les voici, représentés par quelques unes des têtes couronnées, leurs descendants ici présents : Nanan Aon, celui-là même qui sera l’hôte d’Angaman et de sa suite, venus avec le trône ; Nanan Fato, du lignage d’Aon, tous les deux Denkyira d’origine, ayant rejoint précédemment l’Ebrosa avant l’exode des Agni ; Nanan Nuaman, l’ancêtre des N’guessanbossofwè ; Tano Babaliba, le père adoptif d’Aka Ouo, du lignage Ahongnanfwè, Nanan Ané Kpanyi, neveu de Boa Badjo, l’ancêtre des Ahua ; et enfin Asandua, de M’baoucesso.
Ne voyant pas arriver le roi au bout de l’année, comme promis, Angaman les réunit et prend la décision de retourner à la recherche du Roi. Mais avant son départ, il confie solennellement devant les Anciens réunis : le trône du Roi et sa propre fille, Asso Ya, nièce du Roi, à Kissi, son fidèle compagnon d’armes, à qui il demande de rester sur place pour veiller sur le trône et la nièce du Roi. L’héritier de Kissi, le voici, Nanan Kanga de Kinimokro. Le trône, ayant été déposé en ses mains, Kissi en devint le gardien et le garant. Depuis cette date, il veille sur le trône et les héritiers d’Asso Ya. Il est donc juste et légitime que le trône revienne aujourd’hui à la source.
L’histoire évoluera par la suite, non pas dans le sens souhaité. Mais qui, en dehors de Dieu, commande l’histoire ? Lui seul détient le destin des humains entre ses mains. Après que N’dua Aka de M’baoucesso, sollicité, ait répondu par un refus, Kissi confie le trône à Aon, puis à Fato Kpokou et ensuite à Aka Ahi dit Ahi Sè, né Ahongnanfwè par son père, mais Kissibossofwè par sa mère. Après ces trois premiers souverains, tous du lignage Kissibossofwè, le trône changea de lignée, passant à Kosso kpli, héritier de Nuaman, N’guessanbossofwè. A sa disparition, l’on fit appel à Tewa Kpokou, le premier Ahongnanfwè à être investi sur ce trône, descendant, non pas de Dangui Kpanyi, mais de son frère, Assamoi Boni. Les autres successeurs au trône, nous les connaissons ; ce sont, après Tewa Kpokou : Allou Anzi, N’guessan Ekou, Assiélou Kadjo, tous les trois du lignage Ahongnanfwè. Viennent, enfin, les deux derniers à être investis sur le trône : Anzi Kokora, Nguessanbossofwè et enfin Nandéa Ehouman, Ano asseman II, de son nom de règne, Ahongnanfwè.
Aujourd’hui, le trône remis autrefois, librement, entre les mains de Kissi, revient à la maison, selon le système de rotation, adopté par les Anciens depuis des siècles, permettant à la chaise de tourner entre les trois familles : Kissibossofwè, Nguessanbossofwè et Ahongnanfwè. Il faut ici saluer la sagesse de nos Anciens, gardiens de nos coutumes, qui ont su préserver, contre vents et marées, ce système de rotation jusqu’à aujourd’hui ; saluer aussi la patience de l’Administration de la République qui a accompagné, dans la discrétion mais de façon efficace, les Anciens dans la voie du vrai, de la réconciliation et de l’harmonie, recherchés et désirés entre tous les enfants de cette région, l’une des plus belles, pleines de promesses, dans la Côte-d’Ivoire nouvelle de demain. Je vous remercie./…
Simon-Pierre Ekanza