A l’occasion de l’ordination de deux diacres de son diocèse, ce samedi, l’évêque d’Odienné, Mgr Antoine Koné, va lire sa lettre pastorale pour le carême 2014 qui débute le mercredi 5 février. Nous vous proposons en intégralité son message.
Chers fils, filles, frères et sœurs chrétiens du diocèse d'Odienné ;
Chers frères et amis musulmans sur le territoire diocésain d'Odienné, et vous tous hommes et femmes de bonne volonté,
Voici de nouveau le carême que l’Eglise dans son expertise en humanité et en spiritualité nous offre encore! Voici venu ce temps de grâce offert par Dieu dans sa grande bonté pour inviter une fois encore son peuple au désert afin de parler à son cœur et obtenir de Lui sa conversion, son renoncement à ses penchants mauvais en vue d’une vie de communion profonde avec Lui et d’une ouverture sur le frère, sur la sœur. C’est le moment opportun, le temps favorable pour écouter l’Esprit de Dieu toujours à l’œuvre dans notre monde ! Par l’Esprit, jadis, Dieu a parlé aux hommes à travers les Prophètes. Aujourd’hui encore, Dieu nous adresse une parole de réconfort et d’encouragement pour nous permettre de nous affranchir de nous-mêmes pour nous laisser habiter par Lui, son Esprit de vie ! Voici donc, s’ouvrant devant nous ces jours graves où nous allons éduquer progressivement notre corps et notre esprit à la docilité de l’Esprit du Père pour un renouvellement authentique de notre être total afin de devenir individuellement et ensemble, avec le Christ et en Lui victorieux de Satan, une chance, que dire, une bénédiction pour nos frères et sœurs en quête d’un mieux-vivre.
Mes frères, mes sœurs,
Voici le carême chrétien tel que nous le comprenons et l’annonçons urbi et orbi au moment où nous nous apprêtons instamment à vivre la quadragésime, ces 40 jours de vérité devant notre Dieu, face à nous-mêmes et vis-à-vis du frère. Oui, c’est tout notre être qui est mis en examen à l’écoute de la Parole de Dieu qui, telle une épée, nous transperce de part en part. Nous devons faire metanoia, c’est-à-dire, opérer un retournement douloureux de nous-mêmes, changeant radicalement notre manière de penser, de parler et d’agir. Bref, nous devons accéder à une stature nouvelle de nous-mêmes en nous déprenant de nous-mêmes, en nous dessaisissant de nous-mêmes, pour nous ouvrir sur l’horizon eschatologique de Dieu, disons sur la vision heureuse que Dieu a de l’avenir de l’humanité. Oui, le carême, c’est le temps de l’homme pour Dieu qui se met à son écoute après lui avoir parlé tout le temps. Le temps favorable de l’écoute de Dieu qui n’arrête jamais d’interpeller l’homme à la conversion, à la communion avec Lui. Pensons un instant que Dieu nous veut unis tout le temps à Lui, et nous mesurerons la gravité de nos inattentions à la Parole qui sauve en nous rendant heureux dès ici-bas ! Il faut donner à Dieu toute sa place et reconnaître en l’autre tout en l’accueillant et le célébrant, un don de Dieu fait à chacun de nous dans notre destin commun de partager ensemble la vie de Dieu offerte dans l’Esprit par le Crucifié de Golgotha un vendredi de notre histoire. Oui, nous devrons nous approprier ici et maintenant l’évènement Jésus-Christ comme unique Sacrement de Salut de toute l’humanité en quête de plénitude de vie. Quelles populations dans ce pays et particulièrement dans ce Nord de l’Eburnie comprennent des gens qui ne cherchent pas à être adultes et heureux de l’être ? L’Eglise nous offre cet espace de bonheur à travers l’effort de la conversion. Nos traditions africaines des initiations ont labouré le chemin pour Dieu, car Dieu les avait préparées à cela. Quels efforts ne demande-t-on pas aux futurs initiés dans ces traditions pour entrer dans l’âge adulte des initiés et des savants de la tradition ? L’Eglise poursuit cet effort de maturation ou de mûrissement des cœurs, avec ce plus que pour elle l’initiation n’est jamais achevée. Elle le sera dans la communion totale avec le Christ dans la gloire de Dieu !
Voici le temps favorable, voici le jour du Salut.
Aussi, pour parvenir à une telle conversion qui nous met en état de crise socio-anthropologique et théologique afin d’extirper en nous tout ce qui nous retient loin du Christ et de Son Salut d’Amour et de Vie, l’Eglise en tant que Mère et Maîtresse de Vie “Ecclesia Mater et Magistra“, vient à notre secours en mettant à notre disposition, des vertus. Ce sont les vertus traditionnelles fondamentales de jeûne, de prière et de partage. Le jeûne en tant que renoncement à tout ce qui met en péril la vie de grâce ; la prière comme relation intime aux rencontres personnelles avec Dieu ; le partage-charité comme sommet de la vie chrétienne et aboutissement logique de l’exercice du jeûne et de la vie de prière.
Mes frères, mes sœurs,
Le carême chrétien vu sous cet angle, va au-delà de la simple question du manger et du boire. Il est une prise de conscience de notre état de créature tourmentée par des sentiments d’incomplétude ontologique et en tension-ouverture-accomplissement vers le Dieu de l’absolue plénitude. Si nous connaissions bien nos traditions africaines ancestrales, nous devons tous tendre, nous les chrétiens à la sainteté tous les jours par des efforts constants de renoncement à nous-mêmes pour vivre la vérité de la vie en Christ et vivre pour les autres. Et les non-chrétiens devraient chercher tous à devenir des fidèles du Christ parce que ce qu’ils cherchent désespérément ailleurs dans les pratiques occultes, la vie heureuse, le Christ la leur offre dans la lumière de l’enseignement et des pratiques sacramentels de l’Eglise. Mes frères, mes sœurs et vous hommes et femmes de bonne volonté, nous devons prendre l’engagement de vivre autrement ce carême-ci, au regard de l’abondante actualité de notre Diocèse et partant, de toute la cité Eburnéenne. Oui, comment saurions-nous entrer en carême sans porter fortement en nous le souci de notre jeunesse en proie à l’alcool et enclin à la drogue ; candidate à la délinquance dans les amas urbains et dans nos campagnes abandonnées à la famine et à la misère, trouvant refuge dans les caves, les bars climatisés, les bars à ciel ouvert ; ou assis dans les grins-thé-club d’évasion où l’on passe le clair du temps à parler de tout et de rien, se disputant pour rien, attendant l’occasion rêvée de la visite d’un aîné-cadre de la région ou d’un homme politique pour soutirer sans honte quelques sous qui ne sauraient nous sortir de la misère ? Oui, l’alcool frelaté, conservé dans les petits sachets empochables et vendu à vil prix, a dressé fortement sa tente dans nos villes et villages et est en passe de rassembler toute notre jeunesse sous son ombre de mort. Et telle une fiancée qu’on chérit et à qui l’on donne tous les petits noms de caresse, les dénominations se bousculent et se chevauchent tels des cabris, sur les lèvres inspirées des adeptes de Bacchus (le Dieu du vin) : Zed – Barack Obama – Striker – Tchièfari – Koubé – Colaforce – Odenden – et Calao, baptisé sous le nom affectif de : « Calao n’aime pas foutaise ». Il n’y a donc pas lieu de s’étonner que nos routes et autoroutes soient devenues des lieux de rendez-vous avec la mort. Et au lieu de s’en inquiéter sérieusement et prendre des mesures qui s’en suivent, d’aucuns en mal de publicité ou gagnés par les démons de la superstition et de l’intox, voient-là l’action d’une main invisible. Cette main invisible, c’est notre inconscience à tous, et la témérité-bravoure inutile de ceux et celles qui se croient capables d’ingurgiter toutes sortes d’alcool à doses démesurées. Les clients comme les vendeurs qui se multiplient sans paiement de patente, sont aussi responsables les uns que les autres. Aussi est-il fallacieux le raisonnement qui dit qu’il n’y aurait pas de vendeur s’il n’y avait pas de consommateur ou de consommateur sans vendeur. Il suffit à chacun de prendre conscience de sa responsabilité par rapport à la société en commençant par sa cellule familiale ! Alors, devant cet état de fait fort regrettable, l’on est en droit de poser des réserves quant au souhait ardent de tous de voir advenir très prochainement l’émergence de l’Eburnie. L’émergence de la Côte d’Ivoire ? Avec quel type d’hommes ? L’émergence se décrète-t-elle ? Aussi, c’est fort dommage de confiner l’émergence dans les seuls couloirs de l’économie et du social. L’émergence de la Côte d’Ivoire commencera avec l’émergence de ses habitants surtout des plus jeunes qui constituent son avenir. Ou tout au moins l’émergence socio-économique de la Cité Eburnéenne devra s’accompagner de l’émergence des hommes et femmes de ce pays ; mais allons plus loin, l’émergence du pays devra se baser sur l’émergence et la responsabilité des individus et des communautés. Et les politiques devront s’en convaincre encore plus et avoir une pensée et diriger une action plus vigoureuse en ce domaine. Dans le bois sacré, on n’apprend pas à se droguer ni à se soûler ni encore moins à se laisser aller au gré de tout vent de pensée et de libertinage dans lequel excellents, disons se perdent corps et biens, les jeunes gens comme les jeunes filles éprises, ces dernières de gains par trop faciles, surtout quand ils arrivent de l’Occident ! Oui, l’émergence du pays c’est d’abord l’homme émergeant spirituellement, psychologiquement, moralement, culturellement : en somme un individu humainement construit, devenant plus humain, qui bâtira une cité émergente où l’Amour et le respect de tout homme seront portés au centre de tout. Oui, il faut promouvoir l’Ivoirien nouveau qui se conjuguera non en termes d’avoir, mais qui se définira à partir de son capital d’être. Alors, les nombreuses infrastructures économiques achevées ou en cours de réalisation dans tout le pays, auront la chance de durer dans le temps. Il est plus que vrai que l’avenir de notre pays dépend du respect du bien commun que nous aurons transmis comme héritage à nos concitoyens habitués à n’avoir aucune considération pour la chose commune, prompts à détruire l’acquis, prétextant que c’est l’affaire de l’Etat. Le discours social de l’Eglise ne met-il pas un point d’honneur à convier tout disciple du Christ et tout homme de bonne volonté à promouvoir le bien commun dont il définit le sens et les contours : « parce que les liens humains s’intensifient et s’étendent peu à peu à l’univers entier, le bien commun c’est-à-dire cet ensemble de conditions sociales qui permettent tant au groupe qu’à chacun de ses membres, d’atteindre leur perfection d’une façon plus totale et plus aisée, prend aujourd’hui une extension de plus en plus universelle et par la suite recouvre des droits et des devoirs qui concernent tout le genre humain » (Gaudium et Spes N° 26 § 1).
Chers frères, chères sœurs.
Nous ne saurons terminer cette lettre sans revenir au Thème de l’Année Pastorale que nous vous invitons à méditer personnellement et en communauté, en s’en appropriant dans toute sa densité au profit de nos frères et sœurs qui gisent sous l’ombre de la mort : « L’Eglise-Famille-De-Dieu Evangélisatrice au service de la Vie ». Pourrions-nous, par exemple, recueillir des vivres en vue d’assister ceux et celles des nôtres dont l’Eglise-Famille que nous sommes est le seul espoir ? Pourrions-nous aussi faire un effort pour demander, chacun et chacune, la Messe afin de rendre grâce à Dieu pour tous les biens qu’Il nous accorde, et pour les malades la santé, et pour nos défunts, le repos éternel ? Oui, au nom du Dieu de l’Amour que tous nous confessons, vous hommes de Dieu, vous tous croyants et vous hommes de bonne volonté, nous devons travailler tous pour que s’inaugure sur notre terre, la civilisation de l’Amour qui mette en avant l’homme comme la route de toute société. Le bienheureux Jean-Paul II a dit que l’homme est la route de l’Eglise. C’est sur cette route que l’évêque d’Odienné voudrait convier tous les filles et fils de son diocèse à s’engager résolument en ce temps de Carême pour vivre la Solennité de la Résurrection avec un cœur qui aura su partager avec autrui, prier et louer Dieu. Ainsi saura-t-il au sortir de ce carême avancer encore au large de la foi chrétienne et de l’amour pour les hommes. Créé à l’image et à la ressemblance du Dieu d’Amour et de Vie et sauvé en ces temps qui sont les derniers par le Verbe de Dieu fait chair dans la force de l’Esprit, l’homme, route de l’Eglise et de notre société nous permettra d’inventer de nouveaux chemins d’évangélisation par la proximité plus dynamique avec Jésus-Christ et avec les plus démunis de notre société. Chers, frères et sœurs, saurons-nous, une nouvelle fois et de nouvelle manière, écouter ce que l’Esprit dit à notre Eglise d’Odienné, en ce temps favorable du Carême 2014 ?
Que Dieu par son Esprit en Jésus-Christ bénisse tous vos efforts de conversion et de réconciliation avec le prochain pour être réconciliation avec Dieu !
Fait à Odienné, le 1er mars 2014
Monseigneur Antoine KONE
Evêque d’Odienné
Chers fils, filles, frères et sœurs chrétiens du diocèse d'Odienné ;
Chers frères et amis musulmans sur le territoire diocésain d'Odienné, et vous tous hommes et femmes de bonne volonté,
Voici de nouveau le carême que l’Eglise dans son expertise en humanité et en spiritualité nous offre encore! Voici venu ce temps de grâce offert par Dieu dans sa grande bonté pour inviter une fois encore son peuple au désert afin de parler à son cœur et obtenir de Lui sa conversion, son renoncement à ses penchants mauvais en vue d’une vie de communion profonde avec Lui et d’une ouverture sur le frère, sur la sœur. C’est le moment opportun, le temps favorable pour écouter l’Esprit de Dieu toujours à l’œuvre dans notre monde ! Par l’Esprit, jadis, Dieu a parlé aux hommes à travers les Prophètes. Aujourd’hui encore, Dieu nous adresse une parole de réconfort et d’encouragement pour nous permettre de nous affranchir de nous-mêmes pour nous laisser habiter par Lui, son Esprit de vie ! Voici donc, s’ouvrant devant nous ces jours graves où nous allons éduquer progressivement notre corps et notre esprit à la docilité de l’Esprit du Père pour un renouvellement authentique de notre être total afin de devenir individuellement et ensemble, avec le Christ et en Lui victorieux de Satan, une chance, que dire, une bénédiction pour nos frères et sœurs en quête d’un mieux-vivre.
Mes frères, mes sœurs,
Voici le carême chrétien tel que nous le comprenons et l’annonçons urbi et orbi au moment où nous nous apprêtons instamment à vivre la quadragésime, ces 40 jours de vérité devant notre Dieu, face à nous-mêmes et vis-à-vis du frère. Oui, c’est tout notre être qui est mis en examen à l’écoute de la Parole de Dieu qui, telle une épée, nous transperce de part en part. Nous devons faire metanoia, c’est-à-dire, opérer un retournement douloureux de nous-mêmes, changeant radicalement notre manière de penser, de parler et d’agir. Bref, nous devons accéder à une stature nouvelle de nous-mêmes en nous déprenant de nous-mêmes, en nous dessaisissant de nous-mêmes, pour nous ouvrir sur l’horizon eschatologique de Dieu, disons sur la vision heureuse que Dieu a de l’avenir de l’humanité. Oui, le carême, c’est le temps de l’homme pour Dieu qui se met à son écoute après lui avoir parlé tout le temps. Le temps favorable de l’écoute de Dieu qui n’arrête jamais d’interpeller l’homme à la conversion, à la communion avec Lui. Pensons un instant que Dieu nous veut unis tout le temps à Lui, et nous mesurerons la gravité de nos inattentions à la Parole qui sauve en nous rendant heureux dès ici-bas ! Il faut donner à Dieu toute sa place et reconnaître en l’autre tout en l’accueillant et le célébrant, un don de Dieu fait à chacun de nous dans notre destin commun de partager ensemble la vie de Dieu offerte dans l’Esprit par le Crucifié de Golgotha un vendredi de notre histoire. Oui, nous devrons nous approprier ici et maintenant l’évènement Jésus-Christ comme unique Sacrement de Salut de toute l’humanité en quête de plénitude de vie. Quelles populations dans ce pays et particulièrement dans ce Nord de l’Eburnie comprennent des gens qui ne cherchent pas à être adultes et heureux de l’être ? L’Eglise nous offre cet espace de bonheur à travers l’effort de la conversion. Nos traditions africaines des initiations ont labouré le chemin pour Dieu, car Dieu les avait préparées à cela. Quels efforts ne demande-t-on pas aux futurs initiés dans ces traditions pour entrer dans l’âge adulte des initiés et des savants de la tradition ? L’Eglise poursuit cet effort de maturation ou de mûrissement des cœurs, avec ce plus que pour elle l’initiation n’est jamais achevée. Elle le sera dans la communion totale avec le Christ dans la gloire de Dieu !
Voici le temps favorable, voici le jour du Salut.
Aussi, pour parvenir à une telle conversion qui nous met en état de crise socio-anthropologique et théologique afin d’extirper en nous tout ce qui nous retient loin du Christ et de Son Salut d’Amour et de Vie, l’Eglise en tant que Mère et Maîtresse de Vie “Ecclesia Mater et Magistra“, vient à notre secours en mettant à notre disposition, des vertus. Ce sont les vertus traditionnelles fondamentales de jeûne, de prière et de partage. Le jeûne en tant que renoncement à tout ce qui met en péril la vie de grâce ; la prière comme relation intime aux rencontres personnelles avec Dieu ; le partage-charité comme sommet de la vie chrétienne et aboutissement logique de l’exercice du jeûne et de la vie de prière.
Mes frères, mes sœurs,
Le carême chrétien vu sous cet angle, va au-delà de la simple question du manger et du boire. Il est une prise de conscience de notre état de créature tourmentée par des sentiments d’incomplétude ontologique et en tension-ouverture-accomplissement vers le Dieu de l’absolue plénitude. Si nous connaissions bien nos traditions africaines ancestrales, nous devons tous tendre, nous les chrétiens à la sainteté tous les jours par des efforts constants de renoncement à nous-mêmes pour vivre la vérité de la vie en Christ et vivre pour les autres. Et les non-chrétiens devraient chercher tous à devenir des fidèles du Christ parce que ce qu’ils cherchent désespérément ailleurs dans les pratiques occultes, la vie heureuse, le Christ la leur offre dans la lumière de l’enseignement et des pratiques sacramentels de l’Eglise. Mes frères, mes sœurs et vous hommes et femmes de bonne volonté, nous devons prendre l’engagement de vivre autrement ce carême-ci, au regard de l’abondante actualité de notre Diocèse et partant, de toute la cité Eburnéenne. Oui, comment saurions-nous entrer en carême sans porter fortement en nous le souci de notre jeunesse en proie à l’alcool et enclin à la drogue ; candidate à la délinquance dans les amas urbains et dans nos campagnes abandonnées à la famine et à la misère, trouvant refuge dans les caves, les bars climatisés, les bars à ciel ouvert ; ou assis dans les grins-thé-club d’évasion où l’on passe le clair du temps à parler de tout et de rien, se disputant pour rien, attendant l’occasion rêvée de la visite d’un aîné-cadre de la région ou d’un homme politique pour soutirer sans honte quelques sous qui ne sauraient nous sortir de la misère ? Oui, l’alcool frelaté, conservé dans les petits sachets empochables et vendu à vil prix, a dressé fortement sa tente dans nos villes et villages et est en passe de rassembler toute notre jeunesse sous son ombre de mort. Et telle une fiancée qu’on chérit et à qui l’on donne tous les petits noms de caresse, les dénominations se bousculent et se chevauchent tels des cabris, sur les lèvres inspirées des adeptes de Bacchus (le Dieu du vin) : Zed – Barack Obama – Striker – Tchièfari – Koubé – Colaforce – Odenden – et Calao, baptisé sous le nom affectif de : « Calao n’aime pas foutaise ». Il n’y a donc pas lieu de s’étonner que nos routes et autoroutes soient devenues des lieux de rendez-vous avec la mort. Et au lieu de s’en inquiéter sérieusement et prendre des mesures qui s’en suivent, d’aucuns en mal de publicité ou gagnés par les démons de la superstition et de l’intox, voient-là l’action d’une main invisible. Cette main invisible, c’est notre inconscience à tous, et la témérité-bravoure inutile de ceux et celles qui se croient capables d’ingurgiter toutes sortes d’alcool à doses démesurées. Les clients comme les vendeurs qui se multiplient sans paiement de patente, sont aussi responsables les uns que les autres. Aussi est-il fallacieux le raisonnement qui dit qu’il n’y aurait pas de vendeur s’il n’y avait pas de consommateur ou de consommateur sans vendeur. Il suffit à chacun de prendre conscience de sa responsabilité par rapport à la société en commençant par sa cellule familiale ! Alors, devant cet état de fait fort regrettable, l’on est en droit de poser des réserves quant au souhait ardent de tous de voir advenir très prochainement l’émergence de l’Eburnie. L’émergence de la Côte d’Ivoire ? Avec quel type d’hommes ? L’émergence se décrète-t-elle ? Aussi, c’est fort dommage de confiner l’émergence dans les seuls couloirs de l’économie et du social. L’émergence de la Côte d’Ivoire commencera avec l’émergence de ses habitants surtout des plus jeunes qui constituent son avenir. Ou tout au moins l’émergence socio-économique de la Cité Eburnéenne devra s’accompagner de l’émergence des hommes et femmes de ce pays ; mais allons plus loin, l’émergence du pays devra se baser sur l’émergence et la responsabilité des individus et des communautés. Et les politiques devront s’en convaincre encore plus et avoir une pensée et diriger une action plus vigoureuse en ce domaine. Dans le bois sacré, on n’apprend pas à se droguer ni à se soûler ni encore moins à se laisser aller au gré de tout vent de pensée et de libertinage dans lequel excellents, disons se perdent corps et biens, les jeunes gens comme les jeunes filles éprises, ces dernières de gains par trop faciles, surtout quand ils arrivent de l’Occident ! Oui, l’émergence du pays c’est d’abord l’homme émergeant spirituellement, psychologiquement, moralement, culturellement : en somme un individu humainement construit, devenant plus humain, qui bâtira une cité émergente où l’Amour et le respect de tout homme seront portés au centre de tout. Oui, il faut promouvoir l’Ivoirien nouveau qui se conjuguera non en termes d’avoir, mais qui se définira à partir de son capital d’être. Alors, les nombreuses infrastructures économiques achevées ou en cours de réalisation dans tout le pays, auront la chance de durer dans le temps. Il est plus que vrai que l’avenir de notre pays dépend du respect du bien commun que nous aurons transmis comme héritage à nos concitoyens habitués à n’avoir aucune considération pour la chose commune, prompts à détruire l’acquis, prétextant que c’est l’affaire de l’Etat. Le discours social de l’Eglise ne met-il pas un point d’honneur à convier tout disciple du Christ et tout homme de bonne volonté à promouvoir le bien commun dont il définit le sens et les contours : « parce que les liens humains s’intensifient et s’étendent peu à peu à l’univers entier, le bien commun c’est-à-dire cet ensemble de conditions sociales qui permettent tant au groupe qu’à chacun de ses membres, d’atteindre leur perfection d’une façon plus totale et plus aisée, prend aujourd’hui une extension de plus en plus universelle et par la suite recouvre des droits et des devoirs qui concernent tout le genre humain » (Gaudium et Spes N° 26 § 1).
Chers frères, chères sœurs.
Nous ne saurons terminer cette lettre sans revenir au Thème de l’Année Pastorale que nous vous invitons à méditer personnellement et en communauté, en s’en appropriant dans toute sa densité au profit de nos frères et sœurs qui gisent sous l’ombre de la mort : « L’Eglise-Famille-De-Dieu Evangélisatrice au service de la Vie ». Pourrions-nous, par exemple, recueillir des vivres en vue d’assister ceux et celles des nôtres dont l’Eglise-Famille que nous sommes est le seul espoir ? Pourrions-nous aussi faire un effort pour demander, chacun et chacune, la Messe afin de rendre grâce à Dieu pour tous les biens qu’Il nous accorde, et pour les malades la santé, et pour nos défunts, le repos éternel ? Oui, au nom du Dieu de l’Amour que tous nous confessons, vous hommes de Dieu, vous tous croyants et vous hommes de bonne volonté, nous devons travailler tous pour que s’inaugure sur notre terre, la civilisation de l’Amour qui mette en avant l’homme comme la route de toute société. Le bienheureux Jean-Paul II a dit que l’homme est la route de l’Eglise. C’est sur cette route que l’évêque d’Odienné voudrait convier tous les filles et fils de son diocèse à s’engager résolument en ce temps de Carême pour vivre la Solennité de la Résurrection avec un cœur qui aura su partager avec autrui, prier et louer Dieu. Ainsi saura-t-il au sortir de ce carême avancer encore au large de la foi chrétienne et de l’amour pour les hommes. Créé à l’image et à la ressemblance du Dieu d’Amour et de Vie et sauvé en ces temps qui sont les derniers par le Verbe de Dieu fait chair dans la force de l’Esprit, l’homme, route de l’Eglise et de notre société nous permettra d’inventer de nouveaux chemins d’évangélisation par la proximité plus dynamique avec Jésus-Christ et avec les plus démunis de notre société. Chers, frères et sœurs, saurons-nous, une nouvelle fois et de nouvelle manière, écouter ce que l’Esprit dit à notre Eglise d’Odienné, en ce temps favorable du Carême 2014 ?
Que Dieu par son Esprit en Jésus-Christ bénisse tous vos efforts de conversion et de réconciliation avec le prochain pour être réconciliation avec Dieu !
Fait à Odienné, le 1er mars 2014
Monseigneur Antoine KONE
Evêque d’Odienné