«C’était un MASA de la reprise. Et toute reprise est difficile ». Ces propos du ministre de la Culture et de la Francophonie, Maurice Bandaman, tenus le jeudi dernier au Palais de la Culture lors de la visite de la Première Dame de Côte d’Ivoire, Mme Dominique Ouattara au village du MASA, résume les imperfections qui ont émaillé l’organisation de la 8ème édition du Marché des arts du spectacle africain. Laquelle, pour rappel, s’est tenue du 1er au 8 mars dernier à Abidjan, Adzopé, Bassam et Bouaké, autour du thème : « Les arts du spectacle face au défi du numérique ».
Pour autant, ils n’excusent pas les couacs constatés durant ce MASA et qui ont outré beaucoup de festivaliers. A commencer par le booking tardif et déficient des billets d’avion. « Des billets ont été envoyés à des festivaliers, sans qu’ils ne soient informés à temps. Du coup, certains sont venus par la route alors qu’on leur avait acheté un billet d’avion », déplore David Sanon, l’un des administrateurs de la compagnie Tamadia, du Burkina Faso. A cela s’ajoutent une déprogrammation des spectacles, le non respect des horaires des prestations artistiques, les difficultés de transport des festivaliers de leur hôtel aux lieux des spectacles ou encore au village du festival installé au Palais de la Culture de Treichville. Autre talon d’Achille de ce MASA 2014, la défection du public notamment lors des spectacles de danse et de théâtre, ce qui s’explique d’une part, par le désintérêt du public pour ces deux disciplines, et d’autre part par le fait qu’il n’était pas bien informé de l’événement. Pour certains festivaliers, ce ne fut pas non plus une bonne idée d’éclater les spectacles du MASA dans une ville d’Abidjan en chantier, avec ses nombreux bouchons.
A ce MASA, il a manqué également un vrai espace de rencontres d’affaires entre les professionnels, qui ont plus échangé les cartes de visite dans le hall de l’hôtel Ibis, ou sur l’espace gastronomique du village du MASA, que lors des rencontres professionnelles à l’Institut Français de Côte d’Ivoire, au Plateau. Par le passé, c’était au tour des stands d’exposition, que tourneurs, directeurs de festivals, producteurs et artistes nouaient des contacts pour d’éventuelles futures collaborations.
Les uns mis dans les autres, ces couacs ont perturbé la bonne marche de ce MASA 2014 et rendu ainsi le retour tant attendu de ce marché, après sept années d’un coma profond, quelque peu pénible. De toute évidence, il y a eu beaucoup de problèmes à ce MASA 2014. Faut-il pour autant jeter la pierre à la Direction générale du MASA, pilotée par le Professeur Konaté et ses différents conseillers ? Peut-être oui. Peut-être non.
Beaucoup de difficultés, mais aussi des bons points…
Mais, ce qu’il faut savoir, c’est qu’ils ont fait ce MASA avec le cœur et le courage, et surtout avec les moyens du bord, un budget relativement moindre que ceux des MASA précédents. Et en plus, le Pr Konaté l’a avoué pendant le MASA devant quelques journalistes, l’argent est arrivé tard, précisément le lundi 24 février soit à … 5 jours de l’ouverture officielle de l’événement. Sans argent, point besoin de faire un dessin pour comprendre que toute organisation est presque vouée à l’échec. Et puis, on ne le dit peut-être pas assez, les organisateurs n’ont eu que six mois pour organiser ce MASA alors qu’il faut au moins deux années pour le faire. Il a fallu, pour le Pr Konaté et ses collaborateurs, se multiplier par 10, 20 voire 30 pour que le MASA se tienne. Sans compter les longues nuits d’insomnie et le stress qui accompagne l’organisation d’une telle manifestation.
Ce qui comptait à leurs yeux, c’était de relever le défi de la résurrection du MASA. Ce qu’ils ont d’ailleurs réussi en faisant revenir le MASA. L’important n’était-il pas, comme l’a si bien souligné Mme Youma Fall, Directrice de la Diversité et du Développement culturels à l’OIF, que le MASA revienne ? Si l’on s’inscrit dans cette logique, on peut donc dire que le défi a été relevé. Le MASA, pour paraphraser les chrétiens, a été « ressuscité ». D’autant que dans la grisaille, tout n’a quand même pas été noir, même si ça a été difficile.
De ce MASA, qui accueilli 60 troupes d’Afrique, d’Europe et d’Amérique et 500 artistes, il faut le reconnaître, on note, au-delà de toutes les péripéties connues ici et là, quelques motifs de satisfaction, à savoir le succès de la journée dédiée aux élèves du primaire et du secondaire (MASA Jeunes Publics), qui a vu déferler au Palais de la culture, le mercredi 5 mars, près de 4000 jeunes ; de la scène musique qui a drainé, les soirs, toujours au Palais de la culture, des milliers de spectateurs et également accueilli de grandes voix de la musique, tant féminines que masculines, de Côte d’Ivoire et d’ailleurs. Avec en toile de fond une soirée Afriky Mousso, dédiée le vendredi 7 mars, à la femme à l’occasion de la Journée internationale de la femme, très appréciée par le public. Que dire des soirées d’ouverture et de clôture, qui ont offert aux Ivoiriens et festivaliers venus divers horizons, deux grands moments de fête, meublés par les prestations de grosses stars de la musique africaine dont P-Square, Magic System, Alpha Blondy, Jimmy Hope... pour ne citer qu’eux. Autre belle satisfaction de ce MASA 2014, le plateau de l’OIF qui a donné l’opportunité à quelques artistes d’exprimer leur talent devant le public abidjanais, entre autres les chanteurs Moussa Xlim (Canada), Jean Jean Roosevelt(Haïti), Biya Lunkoyi ( RD Congo), le conteur canadien Guertin…
Ce n’est pas tout, l’un des bons points de ce MASA 2014 est sans doute la présence de plus de 200 diffuseurs et promoteurs de spectacles, dont une bonne dizaine de directeurs de festivals d’Afrique. Ce que le MASA, même pendant son époque glorieuse, n’avait jusque-là pas réussi. On n’oublie pas les débats enrichissants lors du forum sur le thème, les arts de la scène face au défi du numérique, et naturellement du colloque, qui a poussé la réflexion sur les « Théâtres d’Afrique et des Diasporas au féminin». Enfin, l’idée de donner une dimension festival à ce MASA avec des scènes éclatées à Abidjan (Abobo, Koumassi et Yopougon), puis des plateaux à Grand-Bassam et Bouaké a permis aux Abidjanais qui ne pouvait pas se déplacer au Palais de la culture, de voir des artistes, qu’ils ne voient qu’à la télé, dans leur quartier. De toute évidence, le MASA, qui ambitionne, selon M. Clément Duhaime, Administrateur de l’OIF (Organisation Internationale de la Francophonie), de devenir la plus grande plateforme culturelle du continent, à toute sa place dans cette Afrique en pleine mutation et qui fait face aux enjeux du numérique. Maintenant que le « bébé est réveillé», pour emprunter cette image à Mme Youma Fall, l’espoir est permis pour la prochaine édition en 2016, qui se tiendra, manifestement, dans un Palais de la culture totalement rénové. «Le prochain MASA sera le MASA du grand retour» a promis le Pr Konaté, lors de la clôture de la présente édition. A condition, bien entendu, de tirer les leçons pratiques de l’expérience de cette année…
Y. Sangaré
Pour autant, ils n’excusent pas les couacs constatés durant ce MASA et qui ont outré beaucoup de festivaliers. A commencer par le booking tardif et déficient des billets d’avion. « Des billets ont été envoyés à des festivaliers, sans qu’ils ne soient informés à temps. Du coup, certains sont venus par la route alors qu’on leur avait acheté un billet d’avion », déplore David Sanon, l’un des administrateurs de la compagnie Tamadia, du Burkina Faso. A cela s’ajoutent une déprogrammation des spectacles, le non respect des horaires des prestations artistiques, les difficultés de transport des festivaliers de leur hôtel aux lieux des spectacles ou encore au village du festival installé au Palais de la Culture de Treichville. Autre talon d’Achille de ce MASA 2014, la défection du public notamment lors des spectacles de danse et de théâtre, ce qui s’explique d’une part, par le désintérêt du public pour ces deux disciplines, et d’autre part par le fait qu’il n’était pas bien informé de l’événement. Pour certains festivaliers, ce ne fut pas non plus une bonne idée d’éclater les spectacles du MASA dans une ville d’Abidjan en chantier, avec ses nombreux bouchons.
A ce MASA, il a manqué également un vrai espace de rencontres d’affaires entre les professionnels, qui ont plus échangé les cartes de visite dans le hall de l’hôtel Ibis, ou sur l’espace gastronomique du village du MASA, que lors des rencontres professionnelles à l’Institut Français de Côte d’Ivoire, au Plateau. Par le passé, c’était au tour des stands d’exposition, que tourneurs, directeurs de festivals, producteurs et artistes nouaient des contacts pour d’éventuelles futures collaborations.
Les uns mis dans les autres, ces couacs ont perturbé la bonne marche de ce MASA 2014 et rendu ainsi le retour tant attendu de ce marché, après sept années d’un coma profond, quelque peu pénible. De toute évidence, il y a eu beaucoup de problèmes à ce MASA 2014. Faut-il pour autant jeter la pierre à la Direction générale du MASA, pilotée par le Professeur Konaté et ses différents conseillers ? Peut-être oui. Peut-être non.
Beaucoup de difficultés, mais aussi des bons points…
Mais, ce qu’il faut savoir, c’est qu’ils ont fait ce MASA avec le cœur et le courage, et surtout avec les moyens du bord, un budget relativement moindre que ceux des MASA précédents. Et en plus, le Pr Konaté l’a avoué pendant le MASA devant quelques journalistes, l’argent est arrivé tard, précisément le lundi 24 février soit à … 5 jours de l’ouverture officielle de l’événement. Sans argent, point besoin de faire un dessin pour comprendre que toute organisation est presque vouée à l’échec. Et puis, on ne le dit peut-être pas assez, les organisateurs n’ont eu que six mois pour organiser ce MASA alors qu’il faut au moins deux années pour le faire. Il a fallu, pour le Pr Konaté et ses collaborateurs, se multiplier par 10, 20 voire 30 pour que le MASA se tienne. Sans compter les longues nuits d’insomnie et le stress qui accompagne l’organisation d’une telle manifestation.
Ce qui comptait à leurs yeux, c’était de relever le défi de la résurrection du MASA. Ce qu’ils ont d’ailleurs réussi en faisant revenir le MASA. L’important n’était-il pas, comme l’a si bien souligné Mme Youma Fall, Directrice de la Diversité et du Développement culturels à l’OIF, que le MASA revienne ? Si l’on s’inscrit dans cette logique, on peut donc dire que le défi a été relevé. Le MASA, pour paraphraser les chrétiens, a été « ressuscité ». D’autant que dans la grisaille, tout n’a quand même pas été noir, même si ça a été difficile.
De ce MASA, qui accueilli 60 troupes d’Afrique, d’Europe et d’Amérique et 500 artistes, il faut le reconnaître, on note, au-delà de toutes les péripéties connues ici et là, quelques motifs de satisfaction, à savoir le succès de la journée dédiée aux élèves du primaire et du secondaire (MASA Jeunes Publics), qui a vu déferler au Palais de la culture, le mercredi 5 mars, près de 4000 jeunes ; de la scène musique qui a drainé, les soirs, toujours au Palais de la culture, des milliers de spectateurs et également accueilli de grandes voix de la musique, tant féminines que masculines, de Côte d’Ivoire et d’ailleurs. Avec en toile de fond une soirée Afriky Mousso, dédiée le vendredi 7 mars, à la femme à l’occasion de la Journée internationale de la femme, très appréciée par le public. Que dire des soirées d’ouverture et de clôture, qui ont offert aux Ivoiriens et festivaliers venus divers horizons, deux grands moments de fête, meublés par les prestations de grosses stars de la musique africaine dont P-Square, Magic System, Alpha Blondy, Jimmy Hope... pour ne citer qu’eux. Autre belle satisfaction de ce MASA 2014, le plateau de l’OIF qui a donné l’opportunité à quelques artistes d’exprimer leur talent devant le public abidjanais, entre autres les chanteurs Moussa Xlim (Canada), Jean Jean Roosevelt(Haïti), Biya Lunkoyi ( RD Congo), le conteur canadien Guertin…
Ce n’est pas tout, l’un des bons points de ce MASA 2014 est sans doute la présence de plus de 200 diffuseurs et promoteurs de spectacles, dont une bonne dizaine de directeurs de festivals d’Afrique. Ce que le MASA, même pendant son époque glorieuse, n’avait jusque-là pas réussi. On n’oublie pas les débats enrichissants lors du forum sur le thème, les arts de la scène face au défi du numérique, et naturellement du colloque, qui a poussé la réflexion sur les « Théâtres d’Afrique et des Diasporas au féminin». Enfin, l’idée de donner une dimension festival à ce MASA avec des scènes éclatées à Abidjan (Abobo, Koumassi et Yopougon), puis des plateaux à Grand-Bassam et Bouaké a permis aux Abidjanais qui ne pouvait pas se déplacer au Palais de la culture, de voir des artistes, qu’ils ne voient qu’à la télé, dans leur quartier. De toute évidence, le MASA, qui ambitionne, selon M. Clément Duhaime, Administrateur de l’OIF (Organisation Internationale de la Francophonie), de devenir la plus grande plateforme culturelle du continent, à toute sa place dans cette Afrique en pleine mutation et qui fait face aux enjeux du numérique. Maintenant que le « bébé est réveillé», pour emprunter cette image à Mme Youma Fall, l’espoir est permis pour la prochaine édition en 2016, qui se tiendra, manifestement, dans un Palais de la culture totalement rénové. «Le prochain MASA sera le MASA du grand retour» a promis le Pr Konaté, lors de la clôture de la présente édition. A condition, bien entendu, de tirer les leçons pratiques de l’expérience de cette année…
Y. Sangaré