Le ministre français de l’Economie et des Finances, Pierre Moscovici était samedi dernier à Abuja au Nigeria sur invitation des autorités de ce pays où se tenait la conférence annuelle des ministres africains de l’Economie et des Finances. A cette occasion, il s’est prononcé sur la santé de l’économie africaine.
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Vous avez été invité par le Nigeria à l’occasion de la conférence des ministres de l’Economie et des Finances. C’est un signe du renforcement de la relation entre la France et le Nigeria sur le plan politique ?
Assurément, c’est un signe de renforcement de cette relation. C’est lors de la visite du président, ici, pour le centenaire, que cette invitation avait été formulée par le président Jonathan, par ma collègue Ngozi Okonjo-Iweala, ministre des Finances du Nigeria. Et je pense que c’est une attention particulière, à la fois à ce que la France a pu faire en Afrique en prenant ses responsabilités au Mali, en République centrafricaine, et aussi au fait que nous sommes en train de définir une nouvelle approche de notre relation avec l’Afrique, une approche beaucoup plus équilibrée tournée vers l’économie. Le futur, c’est l’Afrique. Il y a ici une économie qui est une croissance de 5 % par an, sans avoir pour autant exploité tout son potentiel. Et pour ça, il faut qu’on soit capable de reconstruire une relation qui soit beaucoup plus respectueuse, beaucoup plus égalitaire, fondée sur l’investissement, sur la valorisation des savoir-faires, des compétences. Avec, aussi, la volonté d’accompagner le développement industriel et agricole de l’Afrique.
Le Nigeria est un grand pays anglophone. C’est donc une porte qui s’ouvre pour la France sur le monde anglophone, cette Afrique qui bouge beaucoup plus vite que l’Afrique francophone ?
Oui, c’est vrai qu’il y a un symbole à ce que ce soit un ministre français par essence francophone, qui soit le seul invité européen dans cette réunion. Et de notre part aussi c’est un geste qui a un sens. Ce que j’ai voulu dire en venant ici, c’est que pour nous cette relation doit se construire avec toute l’Afrique, bien sûr avec les pays dont nous sommes historiquement proches, mais aussi avec les pays de cette Afrique anglophone qui est en plein boom, en pleine expansion. J’ai rencontré ici aussi le ministre sud-africain de l’Economie et des Finances que je connais bien, parce que nous avons également une vocation à développer nos échanges.
Le rapport Védrine que j’ai commandé il y a quelques mois à un groupe d’experts avait montré que si nous multiplions par deux nos échanges dans les cinq ans qui viennent, et c’est tout à fait à notre portée, ça peut créer 200 000 emplois en France. Mais il faut le faire en ayant aussi des investissements en Afrique, créer des emplois en Afrique. C’est le principe de co-localisation. Et j’ai pu voir au Maroc que ça fonctionnait très bien : il y a une entreprise que j’ai visitée, qui s’appelle Aircelle, et il y a ce potentiel qu’il faut faire vivre, qu’il faut développer.
Vous avez rencontré votre homologue sud-africain. De quoi avez-vous parlé ?
On a évoqué les grandes questions multilatérales. Je pense que ce qui préoccupe les Sud-africains c’est cette idée que l’on pourrait, dans la communauté internationale, commencer à pointer du doigt les pays émergents, notamment les pays africains. J’ai tenu à les rassurer, parce que ce n’était pas du tout la tonalité du G20 à Sidney, où au contraire on a cherché à aplanir les choses. La Banque centrale américaine avait notamment montré son attention aux répercussions de l’évolution de sa politique monétaire sur les économies émergentes. Précisément, parce que ça pouvait aussi avoir une interaction en retour sur l’économie américaine. Et puis, il s’est préoccupé de la place de l’Afrique dans le système multilatéral, comme s’il existait encore un club d’Européens ou un club de pays développés. C’est vrai, bien sûr, que les Etats-Unis ont un statut particulier. C’est vrai que les Européens travaillent entre eux. C’est vrai qu’au G20 on trouve aussi bien Français, Allemands, Italiens, Espagnols. Mais je suis frappé par le fait qu’il y a de plus en plus une tonalité tournée vers le développement et vers l’émergence au G20. Mais il y a un point sur lequel il a raison – et je le rejoins totalement et je le dis à la fois en tant que ministre français, en tant qu’homme de gauche – il faut donner plus de place à l’Afrique dans cette gouvernance mondiale. Il faut donner plus de place, non seulement aux pays émergents, mais aux pays en développement.
Vous parliez du rééquilibrage de la politique africaine de la France. Il y a un rééquilibrage géographique qui se joue là, avec ce renforcement de la relation entre le Nigeria et la France, puisque jusqu’à maintenant le poids lourd de l’économie africaine c’est l’Afrique du Sud...
Oui, le Nigeria est aussi un poids lourd maintenant. Pour nous ce n’est pas tellement un enjeu de rééquilibrage. C’est plus un enjeu d’expansion, au bon sens du terme. Moi, je tiens beaucoup à nos relations traditionnelles avec nos grands partenaires que sont la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Maroc. Je tiens énormément aux pays de la zone franc. Il ne s’agit pas de reculer là pour se placer ailleurs, mais il s’agit de nous ouvrir de nouveaux horizons, de nous ouvrir de nouvelles perspectives. Et de ce point de vue-là, l’Afrique du Sud et le Nigeria, deux géants africains, sont des pays avec lesquels nous devons absolument développer notre relation. C’est ce qu’a fait le président de la République, qui s‘est rendu dans ces deux pays. C’est ce que je fais aussi.
Concernant la zone franc, il y a de plus en plus de critiques au sein des pays africains sur l’arrimage du Fcfa à l’euro. Ce serait un frein à la compétitivité des pays francophones, qui décollent moins vite que leurs voisins anglophones. Qu’est-ce que vous avez à répondre à ces critiques ?
Nous, la France, sommes disponibles pour continuer à travailler avec les pays de la zone franc. Et ils y tiennent beaucoup. Evidemment ensuite, il y a des aménagements à apporter. Je crois notamment qu’il faut avancer beaucoup dans l’intégration régionale pour rendre ces économies plus efficaces. Dans un récent sommet de la zone franc à Paris, l’an dernier, à Bercy, il avait été démontré qu’une intégration régionale plus poussée pouvait aller jusqu’à créer 2 % de croissance en plus – 2 % dans ces pays. Donc, plutôt que de remettre en cause le prince de la zone franc – et évidemment il peut l’être si un jour nos partenaires souhaitaient un autre système – il faut plutôt avancer vers plus d’intégration.
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Vous avez été invité par le Nigeria à l’occasion de la conférence des ministres de l’Economie et des Finances. C’est un signe du renforcement de la relation entre la France et le Nigeria sur le plan politique ?
Assurément, c’est un signe de renforcement de cette relation. C’est lors de la visite du président, ici, pour le centenaire, que cette invitation avait été formulée par le président Jonathan, par ma collègue Ngozi Okonjo-Iweala, ministre des Finances du Nigeria. Et je pense que c’est une attention particulière, à la fois à ce que la France a pu faire en Afrique en prenant ses responsabilités au Mali, en République centrafricaine, et aussi au fait que nous sommes en train de définir une nouvelle approche de notre relation avec l’Afrique, une approche beaucoup plus équilibrée tournée vers l’économie. Le futur, c’est l’Afrique. Il y a ici une économie qui est une croissance de 5 % par an, sans avoir pour autant exploité tout son potentiel. Et pour ça, il faut qu’on soit capable de reconstruire une relation qui soit beaucoup plus respectueuse, beaucoup plus égalitaire, fondée sur l’investissement, sur la valorisation des savoir-faires, des compétences. Avec, aussi, la volonté d’accompagner le développement industriel et agricole de l’Afrique.
Le Nigeria est un grand pays anglophone. C’est donc une porte qui s’ouvre pour la France sur le monde anglophone, cette Afrique qui bouge beaucoup plus vite que l’Afrique francophone ?
Oui, c’est vrai qu’il y a un symbole à ce que ce soit un ministre français par essence francophone, qui soit le seul invité européen dans cette réunion. Et de notre part aussi c’est un geste qui a un sens. Ce que j’ai voulu dire en venant ici, c’est que pour nous cette relation doit se construire avec toute l’Afrique, bien sûr avec les pays dont nous sommes historiquement proches, mais aussi avec les pays de cette Afrique anglophone qui est en plein boom, en pleine expansion. J’ai rencontré ici aussi le ministre sud-africain de l’Economie et des Finances que je connais bien, parce que nous avons également une vocation à développer nos échanges.
Le rapport Védrine que j’ai commandé il y a quelques mois à un groupe d’experts avait montré que si nous multiplions par deux nos échanges dans les cinq ans qui viennent, et c’est tout à fait à notre portée, ça peut créer 200 000 emplois en France. Mais il faut le faire en ayant aussi des investissements en Afrique, créer des emplois en Afrique. C’est le principe de co-localisation. Et j’ai pu voir au Maroc que ça fonctionnait très bien : il y a une entreprise que j’ai visitée, qui s’appelle Aircelle, et il y a ce potentiel qu’il faut faire vivre, qu’il faut développer.
Vous avez rencontré votre homologue sud-africain. De quoi avez-vous parlé ?
On a évoqué les grandes questions multilatérales. Je pense que ce qui préoccupe les Sud-africains c’est cette idée que l’on pourrait, dans la communauté internationale, commencer à pointer du doigt les pays émergents, notamment les pays africains. J’ai tenu à les rassurer, parce que ce n’était pas du tout la tonalité du G20 à Sidney, où au contraire on a cherché à aplanir les choses. La Banque centrale américaine avait notamment montré son attention aux répercussions de l’évolution de sa politique monétaire sur les économies émergentes. Précisément, parce que ça pouvait aussi avoir une interaction en retour sur l’économie américaine. Et puis, il s’est préoccupé de la place de l’Afrique dans le système multilatéral, comme s’il existait encore un club d’Européens ou un club de pays développés. C’est vrai, bien sûr, que les Etats-Unis ont un statut particulier. C’est vrai que les Européens travaillent entre eux. C’est vrai qu’au G20 on trouve aussi bien Français, Allemands, Italiens, Espagnols. Mais je suis frappé par le fait qu’il y a de plus en plus une tonalité tournée vers le développement et vers l’émergence au G20. Mais il y a un point sur lequel il a raison – et je le rejoins totalement et je le dis à la fois en tant que ministre français, en tant qu’homme de gauche – il faut donner plus de place à l’Afrique dans cette gouvernance mondiale. Il faut donner plus de place, non seulement aux pays émergents, mais aux pays en développement.
Vous parliez du rééquilibrage de la politique africaine de la France. Il y a un rééquilibrage géographique qui se joue là, avec ce renforcement de la relation entre le Nigeria et la France, puisque jusqu’à maintenant le poids lourd de l’économie africaine c’est l’Afrique du Sud...
Oui, le Nigeria est aussi un poids lourd maintenant. Pour nous ce n’est pas tellement un enjeu de rééquilibrage. C’est plus un enjeu d’expansion, au bon sens du terme. Moi, je tiens beaucoup à nos relations traditionnelles avec nos grands partenaires que sont la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Maroc. Je tiens énormément aux pays de la zone franc. Il ne s’agit pas de reculer là pour se placer ailleurs, mais il s’agit de nous ouvrir de nouveaux horizons, de nous ouvrir de nouvelles perspectives. Et de ce point de vue-là, l’Afrique du Sud et le Nigeria, deux géants africains, sont des pays avec lesquels nous devons absolument développer notre relation. C’est ce qu’a fait le président de la République, qui s‘est rendu dans ces deux pays. C’est ce que je fais aussi.
Concernant la zone franc, il y a de plus en plus de critiques au sein des pays africains sur l’arrimage du Fcfa à l’euro. Ce serait un frein à la compétitivité des pays francophones, qui décollent moins vite que leurs voisins anglophones. Qu’est-ce que vous avez à répondre à ces critiques ?
Nous, la France, sommes disponibles pour continuer à travailler avec les pays de la zone franc. Et ils y tiennent beaucoup. Evidemment ensuite, il y a des aménagements à apporter. Je crois notamment qu’il faut avancer beaucoup dans l’intégration régionale pour rendre ces économies plus efficaces. Dans un récent sommet de la zone franc à Paris, l’an dernier, à Bercy, il avait été démontré qu’une intégration régionale plus poussée pouvait aller jusqu’à créer 2 % de croissance en plus – 2 % dans ces pays. Donc, plutôt que de remettre en cause le prince de la zone franc – et évidemment il peut l’être si un jour nos partenaires souhaitaient un autre système – il faut plutôt avancer vers plus d’intégration.