Plus de 100 jeunes filles ont été enlevées hier mardi dans un lycée de la ville de Chibok, dans l'Etat de Borno (nord-est du Nigeria). Des enlèvements attribués aux islamistes de Boko Haram. Tout comme le lundi dernier, un double attentat a eu lieu dans une gare routière de la capitale Abuja et a fait plus de 71 morts et 124 blessés, celui attribué également à cette secte de tueurs. Gilles Yabi, consultant indépendant sur les pays d'Afrique de l'Ouest, estime qu'à moyen terme l'ensemble régional est potentiellement menacé.
Cet acte terroriste est attribué au groupe islamiste Boko Haram. C’est le plus meurtrier qu’ait connu la capitale du Nigeria ?
Oui, même s’il y a déjà eu un attentat contre le siège des Nations unies à Abuja il y a quelques années, mais avec un bilan beaucoup moins important. Mais il ne faut pas oublier que ce n’est pas le plus important de la série des violences commises par ces bandits. Il y a eu à Kano notamment plus de 250 morts au début de l’année 2012. Et on a eu au cours des derniers mois également une série d’attaques extrêmement violentes contre des collèges, contre des lycées. Et donc on est vraiment dans une série d’attentats et de pur terrorisme au Nigeria, en particulier dans la moitié nord du pays.
Est-ce que le Nigeria glisse petit à petit dans un cycle de violences ?
Ce n’est pas nouveau, les attaques de Boko Haram ont commencé autour de l’année 2010, même si le groupe lui existe depuis bien plus longtemps. Cette escalade de la violence a démarré à partir de l’assassinat de leur ancien leader par la police nigériane en 2009. Puis un autre leader, Abubakar Shekau, a pris la tête du groupe. Et là on est dans un scénario réellement d’éclatement du groupe en plusieurs factions qui ne sont pas nécessairement coordonnées, ce qui rend extrêmement difficile la lutte contre cette forme de terrorisme. Il est important d’inscrire cette violence de ces tueurs dans le contexte plus général de la violence politique au Nigeria. Il y a un lien très clair entre la corruption dans ce pays et la négligence de plusieurs régions avec ce cycle de la violence.
Est-ce que le gouvernement a le pouvoir de lutter contre ces actions terroristes ?
On le voit à nouveau. Le gouvernement semble avoir tout tenté ces dernières années. Le président Goodluck Jonathan n’arrête pas de promettre, à la suite de chaque attentat, une réaction décisive contre ce groupe. Il y a eu un état d’urgence qui a été proclamé dans trois Etats du nord du Nigeria depuis l’an dernier : les Etats de Borno de Yobe et d’Adamawa. Malgré ce déploiement militaire extrêmement important, y compris l’utilisation d’hélicoptères et donc de moyens aériens par l’armée nigériane, ces terroristes continuent à frapper, cette fois-ci à nouveau à cinq kilomètres d’Abuja, la capitale fédérale. Ce n’est même pas dans la zone du nord-est du pays où le groupe est le plus solidement implanté. Cela montre bien l’incapacité du gouvernement nigérian à répondre à leur violence.
Il y a très peu de solutions à court terme, parce que cette situation a été créée par la déliquescence du pays sur les plans économique, politique, et quasiment éthique. Et cela produit aujourd’hui un cycle de violences qui est extrêmement difficile à contenir.
Quelles sont les motivations de ce groupe Boko Haram qui sème la terreur au Nigeria ?
Ce groupe revendique l’application de la loi islamique, la charia, au Nigeria et en particulier dans la moitié nord du pays. Au départ, il s’attaquait aussi aux leaders religieux musulmans et aux responsables politiques du Nord ; les gouverneurs des Etats du nord du Nigeria précisément, parce qu’il estimait qu’au fond il s’agissait de musulmans qui n’étaient pas tout à fait honnêtes dans leur volonté d’appliquer la charia. Il y a un certain nombre d’Etats qui ont adopté la charia, mais au fond ce groupe de rebelles estime que cela ne correspond pas du tout aux promesses qui leur avaient d’ailleurs été faites à l’époque de Mohamed Youssouf. Aujourd’hui, il est clair qu’ils ne s’attendent pas à ce que leur revendication centrale soit écoutée, mais on est dans un cycle aussi de vengeance par rapport à l’Etat nigérian. Et malheureusement avec l’approche d’une élection présidentielle l’année prochaine - d’élections générales au Nigeria - on risque d’avoir de plus en plus une violence qui sera difficile à attribuer systématiquement à Boko Haram. Parce qu’on est aussi dans un pays où il y a une tradition de violence politique à l’approche d’élections, que ce soit au niveau fédéral ou au niveau local.
La répétition de ces actes terroristes au Nigeria peut-elle déstabiliser l’équilibre régional ?
Le Nigeria est un pays extrêmement important, le plus peuplé d’Afrique, devenu paradoxalement la première économie du continent africain. Cela a été proclamé, d’ailleurs, il y a quelques semaines. On voit bien que, malgré sa puissance économique, ce pays est embarqué dans un cycle de violences qui est extrêmement grave. Pour l’instant, ce cycle de violences, limité au nord, débordant ponctuellement à Abuja, mais pas vraiment à Lagos - poumon économique - n'empêche pas le pays de continuer à fonctionner. A Lagos, on est très loin d’Abuja et on est encore plus loin de ce qui se passe dans les Etats du Nord-Est. La déstabilisation régionale est possible, en particulier si l’élection à venir en 2015 se traduit par un déferlement de violence. On risque alors d’avoir une jonction de cette violence dans le Nord avec une possibilité d’attentats jusqu’à Abuja. On risque en outre d’avoir des foyers de violence dans le Middle Belt, où se produisent traditionnellement des affrontements à connotation ethnique, mais qui sont fondamentalement politiques et économiques. On risque enfin d’avoir un retour de la violence dans la zone pétrolifère du Delta du Niger, d'où est originaire l’actuel président du Nigeria. On avance vers une période qui va être extrêmement critique pour la stabilité du Nigeria évidemment. Si le Nigeria est fragilisé, c’est l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest qui sera menacé.
Source : rfi.fr
Cet acte terroriste est attribué au groupe islamiste Boko Haram. C’est le plus meurtrier qu’ait connu la capitale du Nigeria ?
Oui, même s’il y a déjà eu un attentat contre le siège des Nations unies à Abuja il y a quelques années, mais avec un bilan beaucoup moins important. Mais il ne faut pas oublier que ce n’est pas le plus important de la série des violences commises par ces bandits. Il y a eu à Kano notamment plus de 250 morts au début de l’année 2012. Et on a eu au cours des derniers mois également une série d’attaques extrêmement violentes contre des collèges, contre des lycées. Et donc on est vraiment dans une série d’attentats et de pur terrorisme au Nigeria, en particulier dans la moitié nord du pays.
Est-ce que le Nigeria glisse petit à petit dans un cycle de violences ?
Ce n’est pas nouveau, les attaques de Boko Haram ont commencé autour de l’année 2010, même si le groupe lui existe depuis bien plus longtemps. Cette escalade de la violence a démarré à partir de l’assassinat de leur ancien leader par la police nigériane en 2009. Puis un autre leader, Abubakar Shekau, a pris la tête du groupe. Et là on est dans un scénario réellement d’éclatement du groupe en plusieurs factions qui ne sont pas nécessairement coordonnées, ce qui rend extrêmement difficile la lutte contre cette forme de terrorisme. Il est important d’inscrire cette violence de ces tueurs dans le contexte plus général de la violence politique au Nigeria. Il y a un lien très clair entre la corruption dans ce pays et la négligence de plusieurs régions avec ce cycle de la violence.
Est-ce que le gouvernement a le pouvoir de lutter contre ces actions terroristes ?
On le voit à nouveau. Le gouvernement semble avoir tout tenté ces dernières années. Le président Goodluck Jonathan n’arrête pas de promettre, à la suite de chaque attentat, une réaction décisive contre ce groupe. Il y a eu un état d’urgence qui a été proclamé dans trois Etats du nord du Nigeria depuis l’an dernier : les Etats de Borno de Yobe et d’Adamawa. Malgré ce déploiement militaire extrêmement important, y compris l’utilisation d’hélicoptères et donc de moyens aériens par l’armée nigériane, ces terroristes continuent à frapper, cette fois-ci à nouveau à cinq kilomètres d’Abuja, la capitale fédérale. Ce n’est même pas dans la zone du nord-est du pays où le groupe est le plus solidement implanté. Cela montre bien l’incapacité du gouvernement nigérian à répondre à leur violence.
Il y a très peu de solutions à court terme, parce que cette situation a été créée par la déliquescence du pays sur les plans économique, politique, et quasiment éthique. Et cela produit aujourd’hui un cycle de violences qui est extrêmement difficile à contenir.
Quelles sont les motivations de ce groupe Boko Haram qui sème la terreur au Nigeria ?
Ce groupe revendique l’application de la loi islamique, la charia, au Nigeria et en particulier dans la moitié nord du pays. Au départ, il s’attaquait aussi aux leaders religieux musulmans et aux responsables politiques du Nord ; les gouverneurs des Etats du nord du Nigeria précisément, parce qu’il estimait qu’au fond il s’agissait de musulmans qui n’étaient pas tout à fait honnêtes dans leur volonté d’appliquer la charia. Il y a un certain nombre d’Etats qui ont adopté la charia, mais au fond ce groupe de rebelles estime que cela ne correspond pas du tout aux promesses qui leur avaient d’ailleurs été faites à l’époque de Mohamed Youssouf. Aujourd’hui, il est clair qu’ils ne s’attendent pas à ce que leur revendication centrale soit écoutée, mais on est dans un cycle aussi de vengeance par rapport à l’Etat nigérian. Et malheureusement avec l’approche d’une élection présidentielle l’année prochaine - d’élections générales au Nigeria - on risque d’avoir de plus en plus une violence qui sera difficile à attribuer systématiquement à Boko Haram. Parce qu’on est aussi dans un pays où il y a une tradition de violence politique à l’approche d’élections, que ce soit au niveau fédéral ou au niveau local.
La répétition de ces actes terroristes au Nigeria peut-elle déstabiliser l’équilibre régional ?
Le Nigeria est un pays extrêmement important, le plus peuplé d’Afrique, devenu paradoxalement la première économie du continent africain. Cela a été proclamé, d’ailleurs, il y a quelques semaines. On voit bien que, malgré sa puissance économique, ce pays est embarqué dans un cycle de violences qui est extrêmement grave. Pour l’instant, ce cycle de violences, limité au nord, débordant ponctuellement à Abuja, mais pas vraiment à Lagos - poumon économique - n'empêche pas le pays de continuer à fonctionner. A Lagos, on est très loin d’Abuja et on est encore plus loin de ce qui se passe dans les Etats du Nord-Est. La déstabilisation régionale est possible, en particulier si l’élection à venir en 2015 se traduit par un déferlement de violence. On risque alors d’avoir une jonction de cette violence dans le Nord avec une possibilité d’attentats jusqu’à Abuja. On risque en outre d’avoir des foyers de violence dans le Middle Belt, où se produisent traditionnellement des affrontements à connotation ethnique, mais qui sont fondamentalement politiques et économiques. On risque enfin d’avoir un retour de la violence dans la zone pétrolifère du Delta du Niger, d'où est originaire l’actuel président du Nigeria. On avance vers une période qui va être extrêmement critique pour la stabilité du Nigeria évidemment. Si le Nigeria est fragilisé, c’est l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest qui sera menacé.
Source : rfi.fr