Le Pape Jean Paul II qui a été pendant longtemps votre ami et que vous avez côtoyé de plus près comme premier ambassadeur ivoirien au Vatican, sera canonisé le dimanche 27 avril. Que vous inspire cette distinction ?
Quand il était archevêque de Cracovie (Pologne) il a été nommé membre du conseil pontifical des laïcs par le Pape Paul VI. Moi aussi c’est à ce moment là que je l’ai connu. On était au milieu des années 60 et il n’était pas encore cardinal. Il ne le sera qu’en 1968. Entre temps, j’ai été nommé ambassadeur en 1970 et comme je ne pouvais pas cumuler les deux fonctions parce que c’était incompatible, je me suis fait remplacer au Conseil par Mr Auguste Daubrey. Ce qui m’a le plus marqué chez Jean-Paul II, c’est le jour de son élection, en octobre 1978. Nous nous sommes rencontrés dans la cour de Saint-Pierre et c’est en me tenant par la main que nous avons fait notre entrée dans la Basilique. Il s’est enquis de ma famille et il voulait avoir des nouvelles de mes enfants. A la fin de la messe d’ouverture du conclave, lorsque fut chanté le «Veni creator spiritu», quand les cardinaux défilaient devant les ambassadeurs pour aller à la chapelle Sixtine et qu’est arrivé le tour du Cardinal Wojtila (futur Jean-Paul II) j’ai dit à mon épouse : « Vois-tu, celui là il ferait un bon pape. Malheureusement, il n’a pas de chance d’en être, parce qu’il n’est pas italien ». Alors, le jour de son élection, j’étais sur la place Saint-Pierre et j’avais mon petit poste de radio. Quand le Cardinal camerlingue a dit la formule « Habemnus papam » et que c’est le Cardinal Wojtila, j’ai sauté de joie et j’ai crié « je le connais ». Tous ceux qui étaient à côté de moi croyaient que c’était un africain. Alors ils m’ont demandé : « vous le connaissez ? Parle-t-il italien ? ». Elu en octobre 1978, les ambassadeurs au Vatican lui sont présentés au début de l’année suivante. A mon tour, lorsque le responsable du protocole lui a dit : « voici l’ambassadeur de Côte d’Ivoire », le Pape a répondu : « Ah ! Joseph Amichia c’est mon ami de longues dates ». C’est pourquoi, ayant su que l’année d’après, il ferait un grand voyage en Afrique, je lui ai fait savoir au nom de notre amitié, que s’il allait en Afrique sans visiter mon pays, ce serait un acte inamical. De son côté, il m’a dit qu’il voudrait bien venir en Côte d’Ivoire mais qu’il n’avait reçu aucune invitation ni du chef de l’Etat ni par l’archevêque. Finalement, il a foulé le sol ivoirien en 1980 et y est revenu deux autres fois. Il connaissait Abidjan, Yamoussoukro, Adzopé et devait même aller jusqu’à Korhogo. Hélas, cette dernière étape a été annulée.
Quelle forme de reconnaissance les Ivoiriens doivent-ils avoir ou exprimer vis-à-vis de ce Pape?
Il faut rappeler qu’avant d’être élu Pape, Jean-Paul II avait travaillé et connaissait donc bien le monde du travail, les laïcs et l’église. Pour les Ivoiriens, je peux dire d’une façon générale qu’il aimait bien la Côte d’Ivoire, pas seulement à cause du Président Houphouët-Boigny qui était devenu aussi son ami ou à cause du Cardinal Yago, mais parce qu’il appréciait beaucoup l’église catholique ivoirienne. Je rappelais récemment par ailleurs, que pour la Basilique Notre Dame de Yamoussoukro, il l’a acceptée à une condition : qu’on édifie à côté, l’hôpital St Joseph Moscati. Le Pape disant que la Basilique c’est pour les Chrétiens et que l’hôpital servira à tout le monde.
Cet hôpital catholique est construit et elle vient d’être livrée, en mars…
On a respecté la volonté du Pape Jean-Paul II et celle du Président Houphouët-Boigny. Je me rappelle que je suis allé trois fois à Paris avec les responsables qui devaient s’occuper de l’hôpital. C’est à Paris que l’architecte ivoirien, Roger M’bengue a été choisi sur ma proposition par le chef de l’Etat le Président Houphouët-Boigny.
Que pensez-vous et ressentez-vous donc pour la canonisation de Jean-Paul II ?
Je suis très heureux que ce Pape soit nommé Saint, et soit désormais vénéré sur les autels de l’église catholique. Vraiment, il mérite d’être canonisé à cause de ce qu’il a fait et ce qu’il a été. Il voyait déjà ce qu’il fallait pour l’église pour devenir saint, à savoir, faire continuellement des efforts afin de mériter la miséricorde de Dieu. Les fidèles l’avaient réclamé « Saint, tout de suite ». Comme vous le savez, dans les temps anciens, Saint Pierre et les autres, n’ont pas eu une commission pour déclarer ou décider de leur sainteté et donc pour les canoniser. Ce sont les fidèles qui disaient qu’un tel, tel qu’il a vécu, est un Saint. Jean-Paul II a vécu en effet comme un Saint.
Que dites-vous à propos du Pape Jean XXIII que vous avez bien connu aussi ?
J’étais membre du Mouvement mondial des travailleurs et nous avons été reçus à Rome par le Pape Jean XXIII. Notre groupe m’avait désigné comme son porte-parole. J’ai donc parlé au Pape et je l’ai notamment remercié pour sa première encyclique « Pacem IN Terris » Pacemint Teris (Paix sur la Terre). Dans sa réponse, il nous a dit : « vous me remerciez pour l’encyclique, mais je n’ai employé que des phrases que mes prédécesseurs ont déjà employées. Le seul avantage c’est que j’ai utilisé des mots que vous comprenez. N’oublions pas que l’homme avait été Nonce en France à partir de 1944 jusqu’en 1953 quant il a été nommé cardinal. Il comprenait comme il parlait bien français qu’il a pratiqué là-bas. Notre visite au Pape Jean XXIII a eu lieu peu avant sa mort, en 1963. C’est dans le train qui me ramenait de Rome à Paris après cette visite, que j’ai appris d’abord qu’il était malade.
Propos recueillis par Lebry Léon Francis, Journaliste
Quand il était archevêque de Cracovie (Pologne) il a été nommé membre du conseil pontifical des laïcs par le Pape Paul VI. Moi aussi c’est à ce moment là que je l’ai connu. On était au milieu des années 60 et il n’était pas encore cardinal. Il ne le sera qu’en 1968. Entre temps, j’ai été nommé ambassadeur en 1970 et comme je ne pouvais pas cumuler les deux fonctions parce que c’était incompatible, je me suis fait remplacer au Conseil par Mr Auguste Daubrey. Ce qui m’a le plus marqué chez Jean-Paul II, c’est le jour de son élection, en octobre 1978. Nous nous sommes rencontrés dans la cour de Saint-Pierre et c’est en me tenant par la main que nous avons fait notre entrée dans la Basilique. Il s’est enquis de ma famille et il voulait avoir des nouvelles de mes enfants. A la fin de la messe d’ouverture du conclave, lorsque fut chanté le «Veni creator spiritu», quand les cardinaux défilaient devant les ambassadeurs pour aller à la chapelle Sixtine et qu’est arrivé le tour du Cardinal Wojtila (futur Jean-Paul II) j’ai dit à mon épouse : « Vois-tu, celui là il ferait un bon pape. Malheureusement, il n’a pas de chance d’en être, parce qu’il n’est pas italien ». Alors, le jour de son élection, j’étais sur la place Saint-Pierre et j’avais mon petit poste de radio. Quand le Cardinal camerlingue a dit la formule « Habemnus papam » et que c’est le Cardinal Wojtila, j’ai sauté de joie et j’ai crié « je le connais ». Tous ceux qui étaient à côté de moi croyaient que c’était un africain. Alors ils m’ont demandé : « vous le connaissez ? Parle-t-il italien ? ». Elu en octobre 1978, les ambassadeurs au Vatican lui sont présentés au début de l’année suivante. A mon tour, lorsque le responsable du protocole lui a dit : « voici l’ambassadeur de Côte d’Ivoire », le Pape a répondu : « Ah ! Joseph Amichia c’est mon ami de longues dates ». C’est pourquoi, ayant su que l’année d’après, il ferait un grand voyage en Afrique, je lui ai fait savoir au nom de notre amitié, que s’il allait en Afrique sans visiter mon pays, ce serait un acte inamical. De son côté, il m’a dit qu’il voudrait bien venir en Côte d’Ivoire mais qu’il n’avait reçu aucune invitation ni du chef de l’Etat ni par l’archevêque. Finalement, il a foulé le sol ivoirien en 1980 et y est revenu deux autres fois. Il connaissait Abidjan, Yamoussoukro, Adzopé et devait même aller jusqu’à Korhogo. Hélas, cette dernière étape a été annulée.
Quelle forme de reconnaissance les Ivoiriens doivent-ils avoir ou exprimer vis-à-vis de ce Pape?
Il faut rappeler qu’avant d’être élu Pape, Jean-Paul II avait travaillé et connaissait donc bien le monde du travail, les laïcs et l’église. Pour les Ivoiriens, je peux dire d’une façon générale qu’il aimait bien la Côte d’Ivoire, pas seulement à cause du Président Houphouët-Boigny qui était devenu aussi son ami ou à cause du Cardinal Yago, mais parce qu’il appréciait beaucoup l’église catholique ivoirienne. Je rappelais récemment par ailleurs, que pour la Basilique Notre Dame de Yamoussoukro, il l’a acceptée à une condition : qu’on édifie à côté, l’hôpital St Joseph Moscati. Le Pape disant que la Basilique c’est pour les Chrétiens et que l’hôpital servira à tout le monde.
Cet hôpital catholique est construit et elle vient d’être livrée, en mars…
On a respecté la volonté du Pape Jean-Paul II et celle du Président Houphouët-Boigny. Je me rappelle que je suis allé trois fois à Paris avec les responsables qui devaient s’occuper de l’hôpital. C’est à Paris que l’architecte ivoirien, Roger M’bengue a été choisi sur ma proposition par le chef de l’Etat le Président Houphouët-Boigny.
Que pensez-vous et ressentez-vous donc pour la canonisation de Jean-Paul II ?
Je suis très heureux que ce Pape soit nommé Saint, et soit désormais vénéré sur les autels de l’église catholique. Vraiment, il mérite d’être canonisé à cause de ce qu’il a fait et ce qu’il a été. Il voyait déjà ce qu’il fallait pour l’église pour devenir saint, à savoir, faire continuellement des efforts afin de mériter la miséricorde de Dieu. Les fidèles l’avaient réclamé « Saint, tout de suite ». Comme vous le savez, dans les temps anciens, Saint Pierre et les autres, n’ont pas eu une commission pour déclarer ou décider de leur sainteté et donc pour les canoniser. Ce sont les fidèles qui disaient qu’un tel, tel qu’il a vécu, est un Saint. Jean-Paul II a vécu en effet comme un Saint.
Que dites-vous à propos du Pape Jean XXIII que vous avez bien connu aussi ?
J’étais membre du Mouvement mondial des travailleurs et nous avons été reçus à Rome par le Pape Jean XXIII. Notre groupe m’avait désigné comme son porte-parole. J’ai donc parlé au Pape et je l’ai notamment remercié pour sa première encyclique « Pacem IN Terris » Pacemint Teris (Paix sur la Terre). Dans sa réponse, il nous a dit : « vous me remerciez pour l’encyclique, mais je n’ai employé que des phrases que mes prédécesseurs ont déjà employées. Le seul avantage c’est que j’ai utilisé des mots que vous comprenez. N’oublions pas que l’homme avait été Nonce en France à partir de 1944 jusqu’en 1953 quant il a été nommé cardinal. Il comprenait comme il parlait bien français qu’il a pratiqué là-bas. Notre visite au Pape Jean XXIII a eu lieu peu avant sa mort, en 1963. C’est dans le train qui me ramenait de Rome à Paris après cette visite, que j’ai appris d’abord qu’il était malade.
Propos recueillis par Lebry Léon Francis, Journaliste