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Afrique Publié le mercredi 14 mai 2014 | L’Inter

Présence militaire étrangère sur le continent : Quand l’Afrique confie sa sécurité à l’occident

© L’Inter Par DR
Crise malienne : Lancement de l`opération Serval, opération militaire en appui aux forces armées maliennes
L`armée française au mali
Longtemps restée à l’abri de la menace jihadiste et des autres formes de criminalité transcontinentale, l’Afrique est depuis quelque temps la terre de prédilection des malfaiteurs de tout acabit. Mal préparé à affronter un tel fléau, le continent souffre d’un vide sécuritaire, que les forces militaires des puissances occidentales sont appelées à combler.

Les crises qui ont pendant de longues années ensanglanté l’Afrique post-indépendance, ont été internes. La plupart sont des conflits à relent politique ou ethnique. Ce fut le cas des guerres du Biaffra, d’Angola, de la Somalie, du Soudan, du Rwanda pour ne citer que ceux-là. Mais depuis la fin des années 1990, une nouvelle forme de violence est apparue sur le continent. Il s’agit du jihadisme, la guerre menée par les islamistes dans le but d’imposer leur doctrine : la charia ou loi islamique. Les meneurs de cette guerre ont pour nom, les Shebab somaliens, le Groupe salafiste pour la prédication et le combat, (GSPC) rebaptisé depuis sa déroute en Algérie, Al Qaida au Maghreb islamique, (AQMI) et le dernier né, Boko Haram, l’obscure secte nigériane dont le nom signifie ’’l’éducation occidentale est un péché’’. Les différentes armées du continent qui ne se préoccupaient jusque-là que de la sécurité des chefs d’Etat et des territoires qu’il gouvernaient, ont affiché une totale impuissance à affronter ce crime transfrontalier. L’exemple le plus récent est celui du Mali. En 2012 ce qui avait été perçu dès les premiers coups de canon, comme une lutte pour l’autodétermination des Touaregs du nord, s’est vite révélé comme une véritable guerre menée par une multitude de mouvements islamistes pour faire de ce vaste territoire qu’est l’Azawad, un autre sanctuaire de la nébuleuse Al-Qaïda.

L’Occident appelé à la rescousse pour combler le vide sécuritaire

L’armée malienne qui venait de bouter du pouvoir le président Amadou Toumani Touré pour son incapacité à lui donner les moyens nécessaires pour repousser les agresseurs, a vite jeté l’éponge devant l’infernale avancée des jihadistes. Il a fallu la prompte intervention de la France le 11 janvier 2013, pour stopper les combattants enturbannés. Au plus fort de l’opération Serval, nom de code de l’intervention française au Mali, Paris avait déployé 5000 militaires sur le sol malien. Aujourd’hui, ils ne sont plus qu’un millier dans ce pays qui reste cependant sous étroite surveillance militaire française. Lors de sa récente tournée ouest-africaine qu’il a bouclée le lundi 12 mai par la Mauritanie, après les étapes ivoirienne et sénégalaise, le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian a annoncé une réorganisation du dispositif français. Quelque 3000 soldats resteront en permanence dans la zone sahélo-saharienne, c’est-à-dire dans la vaste région qui regroupe le Nord-Mali, le Nord-Niger et le Tchad. La force française ’’Licorne’’ d’Abidjan Port-Bouet, en Côte d’Ivoire, désormais baptisée Forces Françaises en Côte d’Ivoire (FFCI), sera la base opérationnelle de ce nouveau dispositif militaire français de la sous-région. Depuis décembre 2013, la France a entamé une autre opération militaire sur le continent, notamment en République Centrafricaine. L’opération ’’Sangaris’’, à la différence de Serval au Mali, n’est pas destinée à combattre une armée extérieure, mais plutôt à éviter qu’une crise interne entre ’’Anti-balaka’’ (milices chrétiens-animistes) et ’’Séléka’’ (rebelles majoritairement musulmans), ne dégénère en guerre ethnico- religieuse, ou pire en un autre génocide, après celui du Rwanda. Hollande qui avait affirmé en 2012 à sa prise du pouvoir que la France ne sera plus le gendarme de l’Afrique, se retrouve plutôt aujourd’hui dans le rôle de soldat du feu. En effet, c’est en véritable pompier que Paris est intervenu au Mali et en Centrafrique. Le président français est même devenu le chantre de la sécurité du continent, en organisant l’année dernière un sommet à l’Elysée sur la sécurité en Afrique qui a réuni un grand nombre de dirigeants du continent. François Hollande a convoqué un autre sommet qui va réunir dans la capitale française le samedi 17 mai prochain, le président nigérian et ses voisins du Bénin, du Cameroun, du Tchad et du Niger. La lutte contre Boko Haram, le groupe terroriste qui ensanglante le Nigeria et étend ses activités au-delà des frontières de ce pays, sera au centre de cette rencontre à laquelle la France a associé les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Le spectaculaire rapt, le 14 avril dernier de plus de 200 jeunes lycéennes que la secte menace de vendre ou de marier de force, a provoqué une véritable levée de boucliers de la communauté internationale. Outre la France, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la Chine, et Israël, ont proposé leurs services pour retrouver ces filles.

Les Etats-Unis, l’autre puissance militaire étrangère sur le continent

Jusque dans les années 1960, l’Afrique en général et l’Afrique au Sud du Sahara en particulier n’ont jamais été une véritable priorité stratégique pour le Pentagone, le ministère américain de la Défense. En octobre 1993 à Mogadiscio en Somalie, l’opération ’’Restaure hope’’, (Restaurer l’espoir), véritable première expérience des GI’S, les forces spéciales américaines sur le continent, a été une déroute traumatisante pour l’armée la plus puissante de la planète qui a dû plier bagages face aux Shebabs somaliens. En 1998, deux sanglants attentats frappent les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie. Washington qui a vu la main d’Al Qaïda derrière ce coup, frappe des cibles du groupe terroriste au Soudan. Les Américains se rendront compte après les attentats du 11 septembre 2001, que ce pays avait servi pendant quelque temps de refuge à Oussama Ben Laden, le commanditaire dudit attentat. L’année suivante, George W. Bush décide d’inscrire l’Afrique comme l’un des points du monde concernés par la stratégie américaine de lutte contre le terrorisme. En 2007 le continent devient même l’un des pôles de la lutte contre la nébuleuse terroriste avec la création de ’’AFRICOM’’, le commandement militaire régional africain. A la différence des soldats français plus habitués à combattre sur le continent, les Américains n’osent plus jeter leurs hommes sur des terres africaines qu’ils redoutent particulièrement. Estimés à quelque 5000 hommes, les forces américaines en Afrique se consacrent plus à la formation des armées nationales à travers des programmes régionaux. La moitié de l’effectif, soit 2500 hommes, est cantonnée sur la base de Djibouti, également principale base des drones américains dans le monde. Le reste est disséminé sur le continent, notamment en Ethiopie, aux Seychelles, au Niger. Une partie est aussi présente en Ouganda et en RDC où elle traque des seigneurs de guerre accusés de crimes contre l’humanité. C’est le cas des chefs rebelles ougandais Joseph Kony, le patron de la LRA, l’Armée de Résistance du Seigneur et du Congolais Bosco Ntaganda, arrêté à Kigali au Rwanda le 18 mars 2013. La coopération militaire américaine en Afrique est surtout très active dans le domaine du renseignement fourni par les satellites et les drones, ces petits avions téléguidés bourrés d’électronique.

Derrière la lutte contre le terrorisme, la protection des intérêts économiques

Le combat que mènent toutes ces puissances militaires occidentales aux côtés de l’Afrique, vise aussi à sécuriser les énormes intérêts économiques de ces pays, notamment les Etats-Unis et la France sur le continent. Depuis quelque temps, le golfe de Guinée est devenu la principale route des tankers qui viennent s’approvisionner en pétrole. Or cette voie maritime qui relie les producteurs de brut africains que sont le Nigeria, l’Angola, la Guinée équatoriale et le Gabon, n’est plus très sûre. L’US Navy, la marine américaine est donc constamment dans ces eaux infestées de pirates, pour protéger ses cargaison d’or noir. Les Etats-Unis ont depuis quelques années sensiblement diminué leur approvisionnement au Moyen Orient au profit du brut africain qui représente aujourd’hui 15% des achats américains. Les préoccupations sécuritaires de la France au Nigeria, un pays qui n’est pas traditionnellement dans sa sphère d’influence, sont aussi guidées par le souci de protéger les énormes investissements du groupe pétrolier Total dans l’offshore au Nigeria. La Chine dont les échanges avec le Nigeria ont atteint 1800 milliards de Fcfa en 2013, s’est aussi invitée dans ce combat multinational contre Boko Haram.

Charles d’Almeida
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