Plus d'un an après la libération du Nord Mali des mains des groupes jihadistes, la situation de la région de Kidal demeure une véritable énigme. La ville n'est ni autonome, ni sous le contrôle de l'Etat malien. La France qui a chassé les islamistes des trois grandes villes que sont Tombouctou, Gao et Kidal, a permis à l'armée régulière de se redéployer dans les deux premières, sauf à Kidal où, réduite à un rôle de figurante, la poignée de militaires maliens est contrainte à une cohabitation, qui se passe d'ailleurs très mal, avec les rebelles du Mouvement National pour la Libération de l'Azawad (Mnla), la rébellion armée qui revendique l'indépendance de ce vaste territoire. Quel intérêt cette zone a pour la France, pour bénéficier de ce statut dérogatoire? L'attitude de la France est d'autant plus indéchiffrable, qu'elle reste sans réaction devant la propension de plus en plus affichée du Mnla à défier le pouvoir central. En décembre 2013, quelque temps après sa nomination, l'ancien premier ministre Oumar Tatam Ly a dû ajourner sa visite à Kidal, parce que tout simplement, le Mnla ne voulait pas de lui dans son fief. Lorsque son successeur, Moussa Mara s'est lui entêté à s'y rendre ce week-end, il a failli laisser sa peau. Les hostilités engagées par le Mnla à son arrivée, se sont déroulées au nez et à la barbe des soldats français qui auraient pu réprimer cette provocation de trop de la rébellion. Paris est-il dans un ''deal'' avec les rebelles touaregs à Kidal? La question mérite d'être posée. Interrogé en marge du sommet de l'Elysée sur la paix et la sécurité en Afrique, en décembre 2013, François Hollande a justifié ce traitement de faveur à l'égard du Mnla. Selon lui, ce mouvement rebelle a soutenu les soldats de l'opération Serval dans la traque aux islamistes. Mais, la France est soupçonnée de ménager cette rébellion pour deux autres raisons. La première est qu'elle veut l'utiliser comme intermédiaire pour faciliter les négociations avec les groupes terroristes qui détiennent des otages occidentaux dans la bande sahélo- saharienne. La deuxième est qu'elle entend s'en servir éventuellement comme moyen de pression sur Bamako lors de certaines négociations. On comprend dès lors pourquoi Paris presse Bamako à ouvrir le dialogue avec le Mnla. Ce double jeu ne plaît évidemment pas à IBK qui a fini par s'exaspérer à la veille du sommet de l'Elysée du 6 décembre 2013: «La communauté internationale nous oblige à négocier sur notre sol avec des gens qui ont pris les armes contre l'Etat... Dans quelle comedia dell'arte sommes nous?» C'est le même ras-le-bol, que l'actuel premier ministre malien Moussa Mara a exprimé hier à Gao, en affirmant que le Mali va mener ''une guerre sans merci aux terroristes''. Certes la comédie française a assez duré, mais que peut le fragile régime d'IBK dont la survie ne dépend que de Paris ?
Charles d'Almeida
Charles d'Almeida