Abidjan - La Cour pénale internationale (CPI) décidera avant la fin de la semaine du sort de l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo: sa décision, procès ou remise en liberté, pèsera lourd dans un pays cherchant à tourner la page d’une décennie de crise.
Une remise en liberté serait un séisme pour la Côte d’Ivoire, où la prochaine présidentielle, prévue en octobre 2015, est d’une importance cruciale pour ce pays déchiré en 2010-2011 par des violences postélectorales qui avaient fait quelque 3.000 morts.
Laurent Gbagbo, 69 ans, est accusé par la CPI d’être "co-auteur indirect" - c’est-à-dire le donneur d’ordre - de quatre chefs de crimes contre l’humanité commis durant cette crise meurtrière, née de son refus de reconnaître la victoire de son rival Alassane Ouattara à la présidentielle de novembre 2010.
M. Gbagbo et le parti qu’il a créé, le Front populaire ivoirien (FPI), "ont
déclenché une guerre avec comme conséquence la mort de plus de 3.000
personnes", a accusé cette semaine le Rassemblement des républicains (RDR), le
parti du président Ouattara. "On ne se retrouve pas à la CPI par hasard", a
souligné le porte-parole Joël N’Guessan dans un communiqué.
Arrêté en avril 2011 par les forces pro-Ouattara appuyées par la France et
l’ONU à l’issue de deux semaines de guerre, transféré à La Haye sept mois plus
tard, Laurent Gbagbo donne du fil à retordre à ses accusateurs, affirment
chaque jour les journaux qui le soutiennent.
Selon un proche du dossier, il est en tout cas bien plus difficile de
démontrer que quelqu’un est donneur d’ordre d’un crime que de prouver la
responsabilité d’un exécutant.
La chambre préliminaire de la CPI, qui doit déterminer quelles suites
donner à la procédure, a jusqu’à vendredi pour communiquer sa décision.
Deux cas de figure sont envisageables: soit elle valide les charges contre
M. Gbagbo et un procès pourra débuter, soit elle les estime insuffisantes et
il pourrait être placé en liberté provisoire.
- ’156 morts’ -
Mais le bureau du procureur se dit "confiant", estimant avoir "fait son
travail". L’accusation a collecté "des éléments de preuve" sur des crimes "que
nous estimons que Laurent Gbagbo a commis", explique un membre du bureau,
Amady Ba.
En juin 2013, les juges de la CPI, doutant de la solidité du dossier,
avaient pourtant demandé des informations ou éléments de preuve
supplémentaires au procureur.
"Nous avons collecté et produit" ces "éléments d’information additionnels",
fait valoir M. Ba.
Côté défense, on dit vouloir en finir au plus vite: la chambre préliminaire
"joue sa crédibilité" et doit "abandonner" les charges, assène Habiba Touré,
une avocate de l’ex-chef d’Etat.
"On impute 156 morts au président. Mais les charges ne sont pas du tout
suffisantes. Elles ne tiennent pas et n’ont jamais tenu", estime-t-elle.
Dans l’hypothèse où les arguments de la défense seraient retenus, le bureau
du procureur pourrait toutefois faire appel ou demander une requalification
des faits, empêchant toute libération.
A Abidjan, les pro-Gbagbo, qui promettent depuis trois ans l’élargissement
de leur leader, se mobilisent alors que l’heure de vérité approche.
Le FPI "exige" la libération "immédiate et sans condition" de l’ancien
président, "homme de paix" victime d’une détention "arbitraire", et son
"retour en Côte d’Ivoire".
La CPI détient également Charles Blé Goudé, qui fut un homme-clé du régime
Gbagbo à la tête du mouvement des "Jeunes patriotes". Lui aussi est soupçonné
de crimes contre l’humanité, comme l’ancienne Première dame Simone Gbagbo, que
le régime ivoirien a refusé de livrer à La Haye.
La CPI comme la justice ivoirienne ont jusqu’à présent inquiété seulement
des figures du camp Gbagbo alors que parmi les soutiens du président Ouattara,
d’ex-chefs de guerre sont également accusés de graves crimes durant la
dernière crise.
Les partisans de M. Gbagbo et des organisations de la société civile
dénoncent sans relâche une "justice des vainqueurs".
Après sa première comparution devant la CPI en décembre 2011, Laurent
Gbagbo clamait fièrement: "On ira jusqu’au bout". Son avocate, Habiba Touré,
l’assure: il se montrait ces derniers jours "assez serein".
jf/ck/tmo/mba
Une remise en liberté serait un séisme pour la Côte d’Ivoire, où la prochaine présidentielle, prévue en octobre 2015, est d’une importance cruciale pour ce pays déchiré en 2010-2011 par des violences postélectorales qui avaient fait quelque 3.000 morts.
Laurent Gbagbo, 69 ans, est accusé par la CPI d’être "co-auteur indirect" - c’est-à-dire le donneur d’ordre - de quatre chefs de crimes contre l’humanité commis durant cette crise meurtrière, née de son refus de reconnaître la victoire de son rival Alassane Ouattara à la présidentielle de novembre 2010.
M. Gbagbo et le parti qu’il a créé, le Front populaire ivoirien (FPI), "ont
déclenché une guerre avec comme conséquence la mort de plus de 3.000
personnes", a accusé cette semaine le Rassemblement des républicains (RDR), le
parti du président Ouattara. "On ne se retrouve pas à la CPI par hasard", a
souligné le porte-parole Joël N’Guessan dans un communiqué.
Arrêté en avril 2011 par les forces pro-Ouattara appuyées par la France et
l’ONU à l’issue de deux semaines de guerre, transféré à La Haye sept mois plus
tard, Laurent Gbagbo donne du fil à retordre à ses accusateurs, affirment
chaque jour les journaux qui le soutiennent.
Selon un proche du dossier, il est en tout cas bien plus difficile de
démontrer que quelqu’un est donneur d’ordre d’un crime que de prouver la
responsabilité d’un exécutant.
La chambre préliminaire de la CPI, qui doit déterminer quelles suites
donner à la procédure, a jusqu’à vendredi pour communiquer sa décision.
Deux cas de figure sont envisageables: soit elle valide les charges contre
M. Gbagbo et un procès pourra débuter, soit elle les estime insuffisantes et
il pourrait être placé en liberté provisoire.
- ’156 morts’ -
Mais le bureau du procureur se dit "confiant", estimant avoir "fait son
travail". L’accusation a collecté "des éléments de preuve" sur des crimes "que
nous estimons que Laurent Gbagbo a commis", explique un membre du bureau,
Amady Ba.
En juin 2013, les juges de la CPI, doutant de la solidité du dossier,
avaient pourtant demandé des informations ou éléments de preuve
supplémentaires au procureur.
"Nous avons collecté et produit" ces "éléments d’information additionnels",
fait valoir M. Ba.
Côté défense, on dit vouloir en finir au plus vite: la chambre préliminaire
"joue sa crédibilité" et doit "abandonner" les charges, assène Habiba Touré,
une avocate de l’ex-chef d’Etat.
"On impute 156 morts au président. Mais les charges ne sont pas du tout
suffisantes. Elles ne tiennent pas et n’ont jamais tenu", estime-t-elle.
Dans l’hypothèse où les arguments de la défense seraient retenus, le bureau
du procureur pourrait toutefois faire appel ou demander une requalification
des faits, empêchant toute libération.
A Abidjan, les pro-Gbagbo, qui promettent depuis trois ans l’élargissement
de leur leader, se mobilisent alors que l’heure de vérité approche.
Le FPI "exige" la libération "immédiate et sans condition" de l’ancien
président, "homme de paix" victime d’une détention "arbitraire", et son
"retour en Côte d’Ivoire".
La CPI détient également Charles Blé Goudé, qui fut un homme-clé du régime
Gbagbo à la tête du mouvement des "Jeunes patriotes". Lui aussi est soupçonné
de crimes contre l’humanité, comme l’ancienne Première dame Simone Gbagbo, que
le régime ivoirien a refusé de livrer à La Haye.
La CPI comme la justice ivoirienne ont jusqu’à présent inquiété seulement
des figures du camp Gbagbo alors que parmi les soutiens du président Ouattara,
d’ex-chefs de guerre sont également accusés de graves crimes durant la
dernière crise.
Les partisans de M. Gbagbo et des organisations de la société civile
dénoncent sans relâche une "justice des vainqueurs".
Après sa première comparution devant la CPI en décembre 2011, Laurent
Gbagbo clamait fièrement: "On ira jusqu’au bout". Son avocate, Habiba Touré,
l’assure: il se montrait ces derniers jours "assez serein".
jf/ck/tmo/mba