Alors que l’on croyait fini le feuilleton des morts en cascade dans les quartiers précaires, les éboulements ont refait surface. Comment en venir à bout ? Les mesures prises par le gouvernement sont-elles efficaces ? Nord-sud Quotidien ouvre le débat.
2008 : six morts à Gobelet ; 2009 : 21 morts au Banco1 ; 2010 : 7 morts au Zoo ; 2011 : 3 morts à Mossikro ; 2013 : un mort à Gobelet ; 2014 : 5 morts à Mossikro. Depuis six ans, les glissements de terrain tuent presque régulièrement dans les quartiers précaires d’Abidjan. Ils sont entrés dans les annales des autorités ivoiriennes comme un fléau à combattre au même titre que le cancer ou la fièvre Ebola. Mais tout comme pour ces deux pandémies, aucun remède ne semble pour l’instant adapté. En 2009, alors que l’un des éboulements les plus tragiques de l’histoire du pays frappait Banco1, une lueur est apparue au bout du tunnel : Le plan Organisation des secours (Osec). Piloté par le préfet d’Abidjan, Diakité Sidiki et épaulé par l’Office national de la protection civile (Onpc), cette cellule se donnait pour mission de sensibiliser les populations installées dans les zones sinistrées. L’une de ses missions et probablement la plus cruciale, était de trouver des sites de relocalisation pour ces personnes en danger. Hélas, l’espoir fait vite place à la désillusion. Malgré la bonne volonté des acteurs du plan Orsec, aucun site approprié ne s’offre à eux. De sorte qu’ils se voient obligés d’utiliser des écoles pour loger des victimes d’inondation. Lesquelles retourneront d’ailleurs occuper leurs maisons à la fin des pluies. Finalement, après d’incessantes campagnes de sensibilisations infructueuses, le plan Orsec tombe dans l’oubli. Au Banco1, le chef du village Ako Yapo, a fini par se faire une raison: « c’est lorsqu’il y a mort d’homme que nous voyons les autorités accourir ; quand la pluie disparaît, elles disparaissent aussi ». Ako Yapo avait proposé qu’on mette à leur disposition un nouveau site susceptible d’accueillir les habitants du Banco1 qui sont en danger. Dans le bled, en plus des glissements de terrain, les inondations et les pylônes électriques sont autant de menaces. Mais les idées du chef de village n’ont jamais trouvé une oreille attentive. A Gobelet (ndlr, côté Deux-Plateaux), la dernière fois que Karim Ouédraogo a entendu parler du plan Orsec, c’était en 2010, lorsque des commis ont débarqué dans le Talweg munis de carnets. « Ils ont pris des noms et sont repartis », affirme le porte-parole des résidents. Puis, note-t-il, il y a eu quelques réunions avec la marie de Cocody. Ensuite, plus rien. Silence radio jusqu’en 2012, lorsque Mamadou Sanogo prend les rênes du ministère de la Construction, du logement, de l’assainissement et de l’urbanisme. Un nouveau plan d’assainissement des quartiers précaires est lancé sur des chapeaux de roues. L’on initie une opération de remise d’appuis financiers du gouvernement aux populations installées dans les zones à risque afin qu’elles puissent se reloger. 6000 familles sont ciblées. Une ligne budgétaire de plus d’un milliard FCfa est dégagée pour le dédommagement de ces personnes, à hauteur de 150.000 F par famille. Le ministre lancera plus tard une série d’opérations de déguerpissement dont la plus mémorable aura lieu à Attécoubé, au quartier ‘’tombé-mort’’. Le célèbre quartier précaire ‘’Washington’’, à Cocody, sera le dernier à recevoir la visite des bulldozers de Mamadou Sanogo. Mais lorsque les bruits de moteur de ces engins s’arrêtent enfin et que la poussière retombe, c’est un sentiment de frustration qui anime la plupart des Ivoiriens. Les sites déguerpis sont en train d’être recolonisés au Banco1, à Attécoubé. Plusieurs familles ayant reçu les 150.000 F des autorités au fin de se trouver une maison plus sécurisée n’ont pas bougé d’un iota. La politique de suivi faisant toujours défaut sur le terrain, tous les efforts du gouvernement semblent bâclés. A l’image des commerçants déguerpis qui reviennent réoccuper leurs sites, les résidents des zones sinistrées affichent presqu’une impression de défiance à l’égard des autorités. C’est le cas de la famille Basoné, au Banco1 que nous avons maintes fois rencontrée. Où veut-on qu’ils aillent? Les maisons sont chères à Abidjan. Ces justifications sont en substance les mêmes qu’on attend à Abobo-Klouétcha, à Gobelet, à Mossikro. C’est un Mamadou Sanogo impuissant qui s’est rendu le 5 juin dernier à Attecoubé, pour présenter ses condoléances à Coulibaly N’Golo qui venait de perdre sa femme, ses deux enfants et son neveu dans un éboulement. En même temps qu’il octroyait une aide financière pour les obsèques, le ministre était offusqué de voir plusieurs des habitants occuper encore leurs baraques de fortune situées sur les flancs des collines. Finalement, que faut-il faire ? Après six ans de sensibilisation, de plans et de mesures, rien ne semble pouvoir venir à bout du problème. Le ministre avait estimé à 830 hectares l’espace nécessaire pour reloger les 6.000 familles installées dans les zones sinistrées. Mais il sait que le salut des populations concernées se trouve d’abord dans la fermeté des autorités. Aucun programme de fourniture de ces bleds en eau potable, aucune politique de santé, ni la mort elle-même ne saurait dissuader ces récalcitrants.
Raphaël Tanoh
2008 : six morts à Gobelet ; 2009 : 21 morts au Banco1 ; 2010 : 7 morts au Zoo ; 2011 : 3 morts à Mossikro ; 2013 : un mort à Gobelet ; 2014 : 5 morts à Mossikro. Depuis six ans, les glissements de terrain tuent presque régulièrement dans les quartiers précaires d’Abidjan. Ils sont entrés dans les annales des autorités ivoiriennes comme un fléau à combattre au même titre que le cancer ou la fièvre Ebola. Mais tout comme pour ces deux pandémies, aucun remède ne semble pour l’instant adapté. En 2009, alors que l’un des éboulements les plus tragiques de l’histoire du pays frappait Banco1, une lueur est apparue au bout du tunnel : Le plan Organisation des secours (Osec). Piloté par le préfet d’Abidjan, Diakité Sidiki et épaulé par l’Office national de la protection civile (Onpc), cette cellule se donnait pour mission de sensibiliser les populations installées dans les zones sinistrées. L’une de ses missions et probablement la plus cruciale, était de trouver des sites de relocalisation pour ces personnes en danger. Hélas, l’espoir fait vite place à la désillusion. Malgré la bonne volonté des acteurs du plan Orsec, aucun site approprié ne s’offre à eux. De sorte qu’ils se voient obligés d’utiliser des écoles pour loger des victimes d’inondation. Lesquelles retourneront d’ailleurs occuper leurs maisons à la fin des pluies. Finalement, après d’incessantes campagnes de sensibilisations infructueuses, le plan Orsec tombe dans l’oubli. Au Banco1, le chef du village Ako Yapo, a fini par se faire une raison: « c’est lorsqu’il y a mort d’homme que nous voyons les autorités accourir ; quand la pluie disparaît, elles disparaissent aussi ». Ako Yapo avait proposé qu’on mette à leur disposition un nouveau site susceptible d’accueillir les habitants du Banco1 qui sont en danger. Dans le bled, en plus des glissements de terrain, les inondations et les pylônes électriques sont autant de menaces. Mais les idées du chef de village n’ont jamais trouvé une oreille attentive. A Gobelet (ndlr, côté Deux-Plateaux), la dernière fois que Karim Ouédraogo a entendu parler du plan Orsec, c’était en 2010, lorsque des commis ont débarqué dans le Talweg munis de carnets. « Ils ont pris des noms et sont repartis », affirme le porte-parole des résidents. Puis, note-t-il, il y a eu quelques réunions avec la marie de Cocody. Ensuite, plus rien. Silence radio jusqu’en 2012, lorsque Mamadou Sanogo prend les rênes du ministère de la Construction, du logement, de l’assainissement et de l’urbanisme. Un nouveau plan d’assainissement des quartiers précaires est lancé sur des chapeaux de roues. L’on initie une opération de remise d’appuis financiers du gouvernement aux populations installées dans les zones à risque afin qu’elles puissent se reloger. 6000 familles sont ciblées. Une ligne budgétaire de plus d’un milliard FCfa est dégagée pour le dédommagement de ces personnes, à hauteur de 150.000 F par famille. Le ministre lancera plus tard une série d’opérations de déguerpissement dont la plus mémorable aura lieu à Attécoubé, au quartier ‘’tombé-mort’’. Le célèbre quartier précaire ‘’Washington’’, à Cocody, sera le dernier à recevoir la visite des bulldozers de Mamadou Sanogo. Mais lorsque les bruits de moteur de ces engins s’arrêtent enfin et que la poussière retombe, c’est un sentiment de frustration qui anime la plupart des Ivoiriens. Les sites déguerpis sont en train d’être recolonisés au Banco1, à Attécoubé. Plusieurs familles ayant reçu les 150.000 F des autorités au fin de se trouver une maison plus sécurisée n’ont pas bougé d’un iota. La politique de suivi faisant toujours défaut sur le terrain, tous les efforts du gouvernement semblent bâclés. A l’image des commerçants déguerpis qui reviennent réoccuper leurs sites, les résidents des zones sinistrées affichent presqu’une impression de défiance à l’égard des autorités. C’est le cas de la famille Basoné, au Banco1 que nous avons maintes fois rencontrée. Où veut-on qu’ils aillent? Les maisons sont chères à Abidjan. Ces justifications sont en substance les mêmes qu’on attend à Abobo-Klouétcha, à Gobelet, à Mossikro. C’est un Mamadou Sanogo impuissant qui s’est rendu le 5 juin dernier à Attecoubé, pour présenter ses condoléances à Coulibaly N’Golo qui venait de perdre sa femme, ses deux enfants et son neveu dans un éboulement. En même temps qu’il octroyait une aide financière pour les obsèques, le ministre était offusqué de voir plusieurs des habitants occuper encore leurs baraques de fortune situées sur les flancs des collines. Finalement, que faut-il faire ? Après six ans de sensibilisation, de plans et de mesures, rien ne semble pouvoir venir à bout du problème. Le ministre avait estimé à 830 hectares l’espace nécessaire pour reloger les 6.000 familles installées dans les zones sinistrées. Mais il sait que le salut des populations concernées se trouve d’abord dans la fermeté des autorités. Aucun programme de fourniture de ces bleds en eau potable, aucune politique de santé, ni la mort elle-même ne saurait dissuader ces récalcitrants.
Raphaël Tanoh