La définition d’un coup d’Etat varie en fonction du bon vouloir et des intérêts bien compris de la communauté internationale et cautionnés par ses Etats voisins. La « désignation » du Président de la Transition Michel Kafando est anticonstitutionnelle. Le Burkina Faso fonctionnera, au moins pour douze mois, avec des institutions montées de toute pièce.
Comme un jeu de lego les institutions de la transition se mettent progressivement en place. Depuis l’irruption sur la scène publique des uniformes kaki, au lendemain du départ précipité du Sphinx de Kosyam, Ouagadougou semble retrouver une certaine sérénité.
Surgit de nulle part, le lieutenant-colonel Isaac Zida occupa l’espace en s’arrogeant tous les attributs d’un Chef d’Etat. Quelles étaient ses réelles intentions ? Comment a-t-il pu prendre place parmi les manifestants et les leaders de partis politiques ? N’était-ce pas une décision prise en concertation entre le président Blaise Compaoré et le général Gilbert Diendéré que de le dépêcher Place de la Révolution pour essayer de garder la main sur le pouvoir ? En tout cas, un officier du Régiment de la Sécurité Présidentielle (RSP) qui prenait fait et cause pour le peuple incitait, de prime abord, de la méfiance et beaucoup de suspicions. L’attitude et les mesures prises par les militaires, dès les premiers jours, faisaient craindre l’instauration d’une junte : suspension de la Constitution, dissolution de l’Assemblée Nationale. Ainsi le peuple qui s’est sacrifié, en versant son sang, allait être dépossédé de sa victoire…
L’Union Africaine, comme à son habitude, menace d’emblée de mettre au ban le Burkina Faso. Tandis que les chefs d’Etat de la CEDEAO - John Dramani Mahama du Ghana, Goodluck Jonathan du Nigeria et Macky Sall du Sénégal - sont venus en nombre pour sonder les « kakis » et surtout de leur demander instamment d’infléchir leur position. La jurisprudence des Capitaines – Daddis Camara (Guinée) et Sanogo (Mali) - ont fait sans doute réfléchir à deux fois les officiers burkinabés : d’une part, la prise du pouvoir par la force ne reste plus jamais impunie ; d’autre part, un trop long processus de sortie de crise risquerait d’isoler le pays et se payera par une impopularité grandissante.
Ainsi l’armée finit par négocier une solution mi-chèvre mi-chou, transcrite dans la Charte de la Transition. Le deal était le suivant : pour l’Exécutif, la présidence de la Transition sera dirigée par un civil et l’armée gardera la haute-main sur le gouvernement. Tandis qu’un organe législatif de 90 membres – le Conseil National de Transition (CNT) – permettra de « caser » ceux qui ont mené la lutte. Un comité de Désignation composé d’une vingtaine de membres aura la lourde charge de nommer un Président de la République de Transition. C’est un Contrat à Durée Déterminée (CDD) qui courra jusqu’au mois de novembre 2015, date de la fin de la mandature du président Blaise Compoaré.
Pour la nomination du Chef de l’Etat, chaque composante des forces vives de la Nation - l’armée, la société civile, les partis d’opposition les autorités religieuses et traditionnelles - fut tenue de donner un short-list dans un délai imparti. Au final, cinq personnalités ont été retenues :
L’opposition et de la société civile ont misé sur deux journalistes : Newton Ahmed Barry qui dirige l’hebdomadaire l’Evènement et Chériff Sy Moumina, directeur de publication de l’hebdomadaire Bendré. Ils ont obtenu leur légitimité par le fait que leurs médias ont été très critiques vis-à-vis du l’ancien régime. L’armée a joué sur un registre plus large en diversifiant le profil des candidatures : un homme d’église l’archevêque de Bobo Dioulasso Mgr Ouédraogo ; un diplomate Michel Kafando et une femme, qui plus est ex-ministre Joséphine Ouédraogo. D’entrée, l’archevêque de Bobo Dioulasso, très tôt pressenti, a déclaré qu’il n’était pas intéressé par le job et préférait se consacrer à son ministère actuel.
Quant aux deux derniers, ils ont un avantage vis-à-vis des autres candidats : leurs expériences dans des grandes institutions internationales. Madame Joséphine Ouédraogo est passée par la Commission Economique des Nations-Unies pour l’Afrique (CEA) alors que Michel Kafando a représenté par deux fois - entre 1981 et 1982 et de 1998 à 2011 - son pays au siège de l’ONU à New-York. Au pays de l’Homme Intègre un mur invisible sépare le monde en deux : les pour ou les contre Sankara. Ce clivage implicite marquera chaque personnalité politique tout au long de son parcours politique. Joséphine Ouédraogo fut ministre de l’Essor Familial et de la Solidarité entre 1984 et 1987. Alors que Michel Kafando a été ministre des Affaires Etrangères au sein du gouvernement du Premier Ministre Thomas Sankara, sous la présidence de Jean-Baptiste Ouedraougou en 1982. Les deux hommes auraient eu quelques mésententes sur la manière de mener la diplomatie de la Haute-Volta et surtout ils étaient diamétralement opposés idéologiquement.
Une carrière dans une institution internationale offre un double avantage : un bonus sur le CV et le carnet d’adresses. Ce qui était un handicap pour les deux journalistes impétrants présentés par l’opposition.
Pour quelques mois, Michel Kafando le diplomate retraité sera obligé d’abandonner son élevage de vaches et de poulet à Saponé pour une noble cause : sauver la Patrie en danger ! Il cumulera la Présidence de la Transition et le portefeuille de ministre des Affaires Etrangères. Cette double casquette arrange bien les canaux diplomatiques ; elle leur permet d’avoir un seul interlocuteur en face et d’éviter le chef de gouvernement Isaac Zida.
L’évolution de la situation burkinabé a été scrutée depuis plusieurs capitales : Accra qui préside actuellement la CEDEAO, Addis-Abeba pour l’Union Africaine, Paris et Washington pour des raisons géopolitiques. Le jour de l’investiture de Michel Kafando, plusieurs Chefs d’Etat – Mauritanie (UA), Ghana (CEDEAO), Togo, Bénin, Mali, Niger – ont fait le déplacement ; une manière de réhabiliter le Burkina Faso. Cette représentation massive permettait-elle de cautionner le rétablissement d’une Constitution suspendue, quelques semaines auparavant ? Les américains ont pour principe de ne jamais coopérer avec un chef d’Etat n’ayant pas obtenu l’onction du suffrage universel : c’est le cas du Burkina Faso actuellement. La communauté internationale s’est donc arrangée pour maquiller le coup d’Etat et rétablir un ersatz de la Constitution. Ainsi donc les avions de reconnaissance américains resteront à Ouagadougou car l’oncle Sam n’a que la Mauritanie et le Burkina Faso comme pieds à terre pour surveiller le Sahel.
Sur les 26 postes ministériels, l’armée a trusté quatre postes-clés : le Premier-Ministre cumule le ministère de la Défense ; le colonel Auguste Denise Barry, ex-ministre de la Sécurité en 2011, s’occupera de l’Administration Territoriale de la Décentralisation et de la Sécurité (MATDS) ; le colonel David Kabré, Porte-parole du lieutenant-colonel Isaac Zida, sera aux Sports ; enfin Boubacar Ba a pris ses fonctions au très stratégique ministère des Mines et de l’Energie. Joséphine Ouédraogo a obtenu le poste de Garde des Sceaux – en guise de lot de consolation - tandis qu'Augustin Loada, enseignant-universitaire et figure éminente de la société civile, a été nommé à la Fonction Publique. Adama Sagnon qui a hérité du ministère de la Culture a dû démissionner, quelques jours après sa nomination. Face à la pression de la société civile qui reprochait à cet ancien procureur d’avoir « classer » le dossier Norbert Zongo.
Le Conseil National de Transition (CNT), l’organe législatif intérimaire s’est choisi comme président l’un des candidats malheureux à la présidence de la Transition : Chériff Sy Moumina. Il a été élu par ses pairs par 71 voix sur 90. Reste maintenant à compléter les institutions et les dispositifs qui mèneraient le Burkina Faso vers des élections transparentes et équitables : la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), le code électoral, des lois organiques…
Quelles missions pour cette courte période transitoire ?
Depuis le début du mois de décembre, Michel Kafando a signé le décret présidentiel créant la Commission de la Réconciliation Nationale et des Réformes (CRNR). Quel est le périmètre de cet organe et quelle est la durée de son mandat ? Plus de 27 ans après l’assassinat de Thomas Sankara, le pays de l’Homme Intègre voudrait enfin entamer un travail de catharsis. Juste après sa désignation, une des premières décisions du président Michel Kafando fut la suivante : autoriser des investigations pour identifier le corps de Thomas Sankara. Le Premier Ministre Isaac Zida n’est pas en reste. Il a annoncé également que le dossier de l’assassinat du président Thomas Sankara serait « entièrement ouvert » ; qu’au besoin le Burkina demanderait au Maroc « l’extradition » de l’ancien président Blaise Compaoré.
Par une série d’effets d’annonce, les dirigeants actuels ont ouvert la boîte de Pandore. Ce genre de dossier exige un temps assez long qui dépassera la période de transition. Ont-ils fait ses déclarations pour donner du gage aux opposants du régime de Blaise Compaoré ? En tant que ministre de la Défense, la réforme de l’armée devait être sa priorité. A ce titre le général Gilbert Diendéré – chef état-major particulier de Blaise Compaoré donc supérieur hiérarchique direct d’Isaac Zida - a été démis de ses fonctions par le président Michel Kafando. Il a été remplacé par le commandant Théophile Nikièma, ancien chef du Bureau « Opérations et Instruction » du RSP et aussi directeur de la Documentation Extérieure c’est-à-dire le service de renseignements du palais de Kosyam.
Le lieutenant-colonel Isaac Zida et le commandant Théophile Nikièma resteront-ils loyaux vis-à-vis du général Gilbert Diendéré ? Le Burkina Faso a pu désamorcer cette crise politique du 30 octobre qui a entraîné la chute de Blaise Compaoré sans trop d’anicroches. L’entrée en scène des éléments du RSP, au moment des échauffourées, aurait pu déclencher une guerre civile. Ne vaudrait-il pas mieux se focaliser sur la tenue des élections plutôt que d’éclabousser le général Gilbert Diendéré et d’autres personnalités civiles et militaires encore vivants, en exhumant le dossier Sankara ?
Comment éviter la chasse aux sorcières ? Deux directeurs généraux de grandes entreprises nationales, jugés proches de la famille du président déchu, ont déjà été limogés : Jean-Baptiste Bérehoundougou de Société Nationale Burkinabè des Hydrocarbures (SONABHY) et Jean Christophe Ilboudo de la Société Nationale Burkinabè d'Electricité (SONABEL). Un acte de contrition n’exonère pas totalement les dérives du passé mais il contribue à l’apaisement ; telle a été la récente démarche de Gilbert Noël Ouédraogo de l’Alliance pour la Démocratie et la Fédération - Rassemblement Démocratique Africain (ADF-RDA), un parti politique affilé à l’ancienne mouvance présidentielle. Tout comme cet hommage de la Nation rendu au sept personnes tombées sous les balles lors des évènements du 30 et 31 octobre. Ils reposent désormais au cimetière de Gounghin.
La CRNR survivra-t-elle au-delà de la fin de la période de transition ? Maintenant que toutes les institutions sont mises en place, les hommes et les partis politiques vont maintenant occupés les devants de la scène. Aucun cador n’a voulu occuper un siège aussi bien au sein de l’Exécutif qu’au niveau du CNT ; ce qui vaut - de facto - une interdiction de se présenter aux suffrages universels. Les candidats aux élections présidentielles sont dans les starting-blocks. La création du CNT fut l’occasion pour le CFOP, la coalition de l’opposition, de s’auto-dissoudre. La bataille commencera certainement au tout début de l’année 2015.
Alex ZAKA
Comme un jeu de lego les institutions de la transition se mettent progressivement en place. Depuis l’irruption sur la scène publique des uniformes kaki, au lendemain du départ précipité du Sphinx de Kosyam, Ouagadougou semble retrouver une certaine sérénité.
Surgit de nulle part, le lieutenant-colonel Isaac Zida occupa l’espace en s’arrogeant tous les attributs d’un Chef d’Etat. Quelles étaient ses réelles intentions ? Comment a-t-il pu prendre place parmi les manifestants et les leaders de partis politiques ? N’était-ce pas une décision prise en concertation entre le président Blaise Compaoré et le général Gilbert Diendéré que de le dépêcher Place de la Révolution pour essayer de garder la main sur le pouvoir ? En tout cas, un officier du Régiment de la Sécurité Présidentielle (RSP) qui prenait fait et cause pour le peuple incitait, de prime abord, de la méfiance et beaucoup de suspicions. L’attitude et les mesures prises par les militaires, dès les premiers jours, faisaient craindre l’instauration d’une junte : suspension de la Constitution, dissolution de l’Assemblée Nationale. Ainsi le peuple qui s’est sacrifié, en versant son sang, allait être dépossédé de sa victoire…
L’Union Africaine, comme à son habitude, menace d’emblée de mettre au ban le Burkina Faso. Tandis que les chefs d’Etat de la CEDEAO - John Dramani Mahama du Ghana, Goodluck Jonathan du Nigeria et Macky Sall du Sénégal - sont venus en nombre pour sonder les « kakis » et surtout de leur demander instamment d’infléchir leur position. La jurisprudence des Capitaines – Daddis Camara (Guinée) et Sanogo (Mali) - ont fait sans doute réfléchir à deux fois les officiers burkinabés : d’une part, la prise du pouvoir par la force ne reste plus jamais impunie ; d’autre part, un trop long processus de sortie de crise risquerait d’isoler le pays et se payera par une impopularité grandissante.
Ainsi l’armée finit par négocier une solution mi-chèvre mi-chou, transcrite dans la Charte de la Transition. Le deal était le suivant : pour l’Exécutif, la présidence de la Transition sera dirigée par un civil et l’armée gardera la haute-main sur le gouvernement. Tandis qu’un organe législatif de 90 membres – le Conseil National de Transition (CNT) – permettra de « caser » ceux qui ont mené la lutte. Un comité de Désignation composé d’une vingtaine de membres aura la lourde charge de nommer un Président de la République de Transition. C’est un Contrat à Durée Déterminée (CDD) qui courra jusqu’au mois de novembre 2015, date de la fin de la mandature du président Blaise Compoaré.
Pour la nomination du Chef de l’Etat, chaque composante des forces vives de la Nation - l’armée, la société civile, les partis d’opposition les autorités religieuses et traditionnelles - fut tenue de donner un short-list dans un délai imparti. Au final, cinq personnalités ont été retenues :
L’opposition et de la société civile ont misé sur deux journalistes : Newton Ahmed Barry qui dirige l’hebdomadaire l’Evènement et Chériff Sy Moumina, directeur de publication de l’hebdomadaire Bendré. Ils ont obtenu leur légitimité par le fait que leurs médias ont été très critiques vis-à-vis du l’ancien régime. L’armée a joué sur un registre plus large en diversifiant le profil des candidatures : un homme d’église l’archevêque de Bobo Dioulasso Mgr Ouédraogo ; un diplomate Michel Kafando et une femme, qui plus est ex-ministre Joséphine Ouédraogo. D’entrée, l’archevêque de Bobo Dioulasso, très tôt pressenti, a déclaré qu’il n’était pas intéressé par le job et préférait se consacrer à son ministère actuel.
Quant aux deux derniers, ils ont un avantage vis-à-vis des autres candidats : leurs expériences dans des grandes institutions internationales. Madame Joséphine Ouédraogo est passée par la Commission Economique des Nations-Unies pour l’Afrique (CEA) alors que Michel Kafando a représenté par deux fois - entre 1981 et 1982 et de 1998 à 2011 - son pays au siège de l’ONU à New-York. Au pays de l’Homme Intègre un mur invisible sépare le monde en deux : les pour ou les contre Sankara. Ce clivage implicite marquera chaque personnalité politique tout au long de son parcours politique. Joséphine Ouédraogo fut ministre de l’Essor Familial et de la Solidarité entre 1984 et 1987. Alors que Michel Kafando a été ministre des Affaires Etrangères au sein du gouvernement du Premier Ministre Thomas Sankara, sous la présidence de Jean-Baptiste Ouedraougou en 1982. Les deux hommes auraient eu quelques mésententes sur la manière de mener la diplomatie de la Haute-Volta et surtout ils étaient diamétralement opposés idéologiquement.
Une carrière dans une institution internationale offre un double avantage : un bonus sur le CV et le carnet d’adresses. Ce qui était un handicap pour les deux journalistes impétrants présentés par l’opposition.
Pour quelques mois, Michel Kafando le diplomate retraité sera obligé d’abandonner son élevage de vaches et de poulet à Saponé pour une noble cause : sauver la Patrie en danger ! Il cumulera la Présidence de la Transition et le portefeuille de ministre des Affaires Etrangères. Cette double casquette arrange bien les canaux diplomatiques ; elle leur permet d’avoir un seul interlocuteur en face et d’éviter le chef de gouvernement Isaac Zida.
L’évolution de la situation burkinabé a été scrutée depuis plusieurs capitales : Accra qui préside actuellement la CEDEAO, Addis-Abeba pour l’Union Africaine, Paris et Washington pour des raisons géopolitiques. Le jour de l’investiture de Michel Kafando, plusieurs Chefs d’Etat – Mauritanie (UA), Ghana (CEDEAO), Togo, Bénin, Mali, Niger – ont fait le déplacement ; une manière de réhabiliter le Burkina Faso. Cette représentation massive permettait-elle de cautionner le rétablissement d’une Constitution suspendue, quelques semaines auparavant ? Les américains ont pour principe de ne jamais coopérer avec un chef d’Etat n’ayant pas obtenu l’onction du suffrage universel : c’est le cas du Burkina Faso actuellement. La communauté internationale s’est donc arrangée pour maquiller le coup d’Etat et rétablir un ersatz de la Constitution. Ainsi donc les avions de reconnaissance américains resteront à Ouagadougou car l’oncle Sam n’a que la Mauritanie et le Burkina Faso comme pieds à terre pour surveiller le Sahel.
Sur les 26 postes ministériels, l’armée a trusté quatre postes-clés : le Premier-Ministre cumule le ministère de la Défense ; le colonel Auguste Denise Barry, ex-ministre de la Sécurité en 2011, s’occupera de l’Administration Territoriale de la Décentralisation et de la Sécurité (MATDS) ; le colonel David Kabré, Porte-parole du lieutenant-colonel Isaac Zida, sera aux Sports ; enfin Boubacar Ba a pris ses fonctions au très stratégique ministère des Mines et de l’Energie. Joséphine Ouédraogo a obtenu le poste de Garde des Sceaux – en guise de lot de consolation - tandis qu'Augustin Loada, enseignant-universitaire et figure éminente de la société civile, a été nommé à la Fonction Publique. Adama Sagnon qui a hérité du ministère de la Culture a dû démissionner, quelques jours après sa nomination. Face à la pression de la société civile qui reprochait à cet ancien procureur d’avoir « classer » le dossier Norbert Zongo.
Le Conseil National de Transition (CNT), l’organe législatif intérimaire s’est choisi comme président l’un des candidats malheureux à la présidence de la Transition : Chériff Sy Moumina. Il a été élu par ses pairs par 71 voix sur 90. Reste maintenant à compléter les institutions et les dispositifs qui mèneraient le Burkina Faso vers des élections transparentes et équitables : la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), le code électoral, des lois organiques…
Quelles missions pour cette courte période transitoire ?
Depuis le début du mois de décembre, Michel Kafando a signé le décret présidentiel créant la Commission de la Réconciliation Nationale et des Réformes (CRNR). Quel est le périmètre de cet organe et quelle est la durée de son mandat ? Plus de 27 ans après l’assassinat de Thomas Sankara, le pays de l’Homme Intègre voudrait enfin entamer un travail de catharsis. Juste après sa désignation, une des premières décisions du président Michel Kafando fut la suivante : autoriser des investigations pour identifier le corps de Thomas Sankara. Le Premier Ministre Isaac Zida n’est pas en reste. Il a annoncé également que le dossier de l’assassinat du président Thomas Sankara serait « entièrement ouvert » ; qu’au besoin le Burkina demanderait au Maroc « l’extradition » de l’ancien président Blaise Compaoré.
Par une série d’effets d’annonce, les dirigeants actuels ont ouvert la boîte de Pandore. Ce genre de dossier exige un temps assez long qui dépassera la période de transition. Ont-ils fait ses déclarations pour donner du gage aux opposants du régime de Blaise Compaoré ? En tant que ministre de la Défense, la réforme de l’armée devait être sa priorité. A ce titre le général Gilbert Diendéré – chef état-major particulier de Blaise Compaoré donc supérieur hiérarchique direct d’Isaac Zida - a été démis de ses fonctions par le président Michel Kafando. Il a été remplacé par le commandant Théophile Nikièma, ancien chef du Bureau « Opérations et Instruction » du RSP et aussi directeur de la Documentation Extérieure c’est-à-dire le service de renseignements du palais de Kosyam.
Le lieutenant-colonel Isaac Zida et le commandant Théophile Nikièma resteront-ils loyaux vis-à-vis du général Gilbert Diendéré ? Le Burkina Faso a pu désamorcer cette crise politique du 30 octobre qui a entraîné la chute de Blaise Compaoré sans trop d’anicroches. L’entrée en scène des éléments du RSP, au moment des échauffourées, aurait pu déclencher une guerre civile. Ne vaudrait-il pas mieux se focaliser sur la tenue des élections plutôt que d’éclabousser le général Gilbert Diendéré et d’autres personnalités civiles et militaires encore vivants, en exhumant le dossier Sankara ?
Comment éviter la chasse aux sorcières ? Deux directeurs généraux de grandes entreprises nationales, jugés proches de la famille du président déchu, ont déjà été limogés : Jean-Baptiste Bérehoundougou de Société Nationale Burkinabè des Hydrocarbures (SONABHY) et Jean Christophe Ilboudo de la Société Nationale Burkinabè d'Electricité (SONABEL). Un acte de contrition n’exonère pas totalement les dérives du passé mais il contribue à l’apaisement ; telle a été la récente démarche de Gilbert Noël Ouédraogo de l’Alliance pour la Démocratie et la Fédération - Rassemblement Démocratique Africain (ADF-RDA), un parti politique affilé à l’ancienne mouvance présidentielle. Tout comme cet hommage de la Nation rendu au sept personnes tombées sous les balles lors des évènements du 30 et 31 octobre. Ils reposent désormais au cimetière de Gounghin.
La CRNR survivra-t-elle au-delà de la fin de la période de transition ? Maintenant que toutes les institutions sont mises en place, les hommes et les partis politiques vont maintenant occupés les devants de la scène. Aucun cador n’a voulu occuper un siège aussi bien au sein de l’Exécutif qu’au niveau du CNT ; ce qui vaut - de facto - une interdiction de se présenter aux suffrages universels. Les candidats aux élections présidentielles sont dans les starting-blocks. La création du CNT fut l’occasion pour le CFOP, la coalition de l’opposition, de s’auto-dissoudre. La bataille commencera certainement au tout début de l’année 2015.
Alex ZAKA