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Économie Publié le jeudi 15 janvier 2015 | Cote d’Ivoire Economie

Développement du secteur primaire: Le point sur le Plan national de développement agricole

© Cote d’Ivoire Economie Par DR
Activités gouvernementales : le ministre Coulibaly Sangafowa multiplie les rencontres préparatoires de la Conférence mondiale sur le cacao
Abidjan. Cabinet du ministre de l`Agriculture. Le ministre Coulibaly Sangafowa multiplie les rencontres préparatoires de la Conférence mondiale sur le cacao prévue à Abidjan. Photo: le ministre Coulibaly et le Directeur exécutif de l`ICCO, Dr Jean-Marc Anga
Jusque-là, l’économie ivoirienne reste fortement dominée par l’agriculture. Il convient cependant de renforcer encore ce secteur pour atteindre l’émergence en 2020. Un constat qui a justifié la mise en œuvre du Plan national d’investissement agricole (PNIA) 2012-2015. Mais à une année de l’échéance, les résultats semblent encore peu probants…

Selon les statistiques de la Banque mondiale, la part de l’agriculture dans le produit intérieur brut (PIB) ivoirien était de 47,9% en 1960 pour descendre jusqu’à 22,9% en 2006. Puis le secteur agricole a repris sa vitalité pour se stabiliser entre 23,9% et 26,9% de 2007 à 2012. Conscients de son importance, les pays membres de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) sont convenus de la mise en place du Programme détaillé de développement de l'agriculture africaine (PDDAA), issu du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad) en juillet 2003. Le but visé étant l'amélioration et la promotion de l'agriculture à travers Afrique et l’investissement massif dans l’agriculture. Ce qui a amené les chefs d'Etats africains, réunis au Mozambique (Accord de Maputo), à prendre l’engagement d’allouer 10% de leur budget national à l'agriculture à l'horizon 2008. Fortes de toutes ces exigences, les autorités ivoiriennes ont conçu leur Plan national d’investissement agricole (PNIA) 2012-2015. Celui-ci avait fait l’objet d’un engagement de l’ensemble des parties prenantes, traduit par un pacte national signé au cours d’une table ronde les 26 et 27 juillet 2010. Et après la dernière crise traversée par le pays, les autorités ivoiriennes ont actualisé ce document pour arriver au Plan d’investissement détaillé (PID), adopté au cours du Conseil des ministres le 8 août 2012. Ce dispositif vise à accompagner la mise en œuvre du Programme national d'investissement agricole (PNIA) qui s’inscrit, depuis lors, dans le Plan national de développement (PND) 2012-2015.

Des objectifs ambitieux
Pour la période de cinq ans, les autorités ivoiriennes ont fixé des objectifs hautement ambitieux pour le secteur agricole. De façon spécifique, le PNIA a été bâti pour relancer la croissance agricole et atteindre un taux de 9% par an d’ici 2015, afin de stimuler la croissance économique nationale. De même, il veut réduire la pauvreté de 50 à 15% à l’horizon 2020 et créer 2.400.000 emplois d’ici à 2015 dans le secteur agricole ivoirien. On note aussi le fait de vouloir assurer la sécurité alimentaire sur toute l’étendue du territoire ivoirien de 2002 à 2015, stimuler le tissu agro-industriel et favoriser la transformation locale d’au moins 50% des produits agricoles. Tels sont les objectifs extraits de la version finale du PNIA. A cet effet, une autre table ronde des bailleurs de fonds s’est tenue les 12 et 13 septembre 2012 à Abidjan. Ce qui a permis de recueillir 2.040,50 milliards de FCFA comme intentions d’investissement auprès du secteur privé et des partenaires techniques et financiers, contre des besoins évalués à 2.002,818 milliards FCFA. D’où une couverture des besoins en investissement de l’ordre de 101,6 %. Une année après, le Premier ministre, Daniel Kablan Duncan, a procédé à l’installation des organes de gestion, le 19 septembre 2013, à savoir le Comité national de pilotage et le Secrétariat technique.

Des premiers résultats peu satisfaisants…
A une année de son terme, il paraît judicieux de porter un regard critique face aux objectifs stratégiques assignés au PNIA. Premièrement, la croissance agricole qui doit atteindre un taux de 9% par an d’ici 2015. De 1960 à 1980, la Côte d’Ivoire a enregistré une croissance de 4,54% par an, contre 1,11% sur la période 1981-1993, 4,61% entre 1994 et 1998, et 1,14% sur la période 1999-2010. Ces données proviennent du rapport d’expertise de l’Association ivoirienne des sciences agronomiques (AISA), de juillet 2010. Ces trois dernières années, le secteur primaire affiche une croissance estimée à 5,6%. Telle est l’hypothèse de référence pour élaborer le budget de l’Etat en 2014. Toutefois, l’on se rend compte que la croissance dans le secteur agricole était de 4,54% pendant la période de gloire, c’est-à-dire de 1960 à 1980. A ce moment, l’Etat allouait plus de 25% du budget à l’agriculture. Aujourd’hui, il est question de doubler cette performance alors que les investissements ne sont pas aussi accentués que pas le passé. Nous sommes à seulement 1,9% au budget 2014. Atteindre une croissance de 9% l’an semble donc bien difficile à réaliser, sauf à donner un vrai coup d’accélérateur au processus. D’autre part, le PNIA veut réduire la pauvreté dans le milieu rural. Mais de 2012 à 2014, qu’est-ce qui a changé réellement dans le milieu agricole ? Peu de choses au vu de la misère qui gangrène encore l’univers paysan ivoirien, car la situation semble la même que dix années en arrière. Et l’inflation ne fait qu’aggraver cette situation déjà précaire en zone rurale. Même si quelques acteurs de la filière café-cacao parviennent à tirer leur épingle du jeu, il n’en va pas de même pour les agriculteurs de façon générale.

L’emploi et la sécurité alimentaire, des sujets préoccupants
Par ailleurs, il est donc question de créer 2,4 millions d’emplois d’ici 2015 dans le secteur agricole. «Grâce à cette politique agricole, les chiffres fournis par le secrétaire technique et le directeur de la planification en Côte d’Ivoire, attestent bien que 87.000 emplois ont, jusqu’à présent, été créés», a précisé le Premier ministre Daniel Kablan Duncan lors de l’installation des organes de décision, le 19 septembre 2013. Quels résultats en fin d’année 2014 ? Pas encore de réponses. Peut-être 150.000, 250.000 ou 500.000 d’emplois générés ? Dans tous les cas, l’atteinte de l’objectif de 2,4 millions d’emplois dans le secteur agricole semble très peu probable compte tenu du peu de temps qui reste. Sauf si des actions titanesques sont déployées sur la dernière ligne droite, en 2015. Le quatrième objectif vise à assurer la sécurité alimentaire du pays en 2015. Au constat, la Côte d’Ivoire reste encore très dépendante de l’extérieur pour certains produits alimentaires. Le cas plus visible est celui du riz, où le pays importe jusqu’à 900.000 tonnes l’année pour combler le déficit de sa consommation, estimé à 1,5 million de tonnes. Plusieurs initiatives sont prises à travers la Stratégie nationale pour le développement de la riziculture (SNDR), qui vise à atteindre une production de 1,9 million de tonnes de riz pour assurer l’autosuffisance du pays en 2016. L’heure est donc venue d’amplifier les actions de terrain, et partout dans le pays car qu’il y a suffisamment de terres arables. Il ne reste que la volonté, et surtout les financements, pour atteindre le niveau optimal de modernisation de l’agriculture ivoirienne. L’émergence sous-entend une agriculture plus intense et moderne dans un pays. Un autre vrai challenge ! Le cinquième objectif concerne la transformation de 50% des matières premières. Selon le diagnostic du Plan national de développement (PND), le taux de transformation de cacao se situe autour de 27%. Aujourd’hui, le niveau est autour 35%, tandis que la noix brut de cajou à moins de 5%.

Un financement toujours hypothétique
Le 13 septembre 2012, il est ressorti qu’un total de 421 milliards FCFA était acquis au terme de la table ronde. Soit 159,475 milliards FCFA d'investissements en cours d'exécution et 261,54 milliards FCFA d'investissements programmés pour être exécutés en 2013. Depuis lors, il n y a pas encore de chiffre officiel donnés sur les investissements effectivement mobilisés. Rappelons que les intentions s’évaluaient à 2.040,50 de milliards FCFA. Où en sommes-nous exactement ? La préoccupation demeure. Les partenaires au développement répondent-ils tous favorablement à leurs promesses ? On ne dispose pas d’estimations exactes ! Par ailleurs, les résultats observés sur le terrain par rapport aux objectifs stratégiques témoignent que le financement du plan agricole reste encore problématique. Si les résultats stratégiques sont peu probants, il va sans dire que les financements y sont pour quelque chose. D’aucuns évoqueront le fait que le Programme national d’investissement agricole peine à trouver tous les financements nécessaires, selon des sources proches du dossier. Une manière de dire que bailleurs de fonds ne tiennent pas réellement leurs engagements. D’où l’interpellation des pouvoirs publics, une fois de plus, à compter majoritairement sur les ressources propres au pays pour de telles initiatives. En réalité, l’Etat n’a rien prévu, idem pour le PND 2012-2015. Que deviendra le PNIA sans les bailleurs de fonds ? Une préoccupation exposée dans un hebdomadaire économique de Côte d’Ivoire, juste après la table ronde d’Abidjan, et qui reste encore d’actualité… A une année de l’échéance du PNIA 2012-2015, l’on relève quelques indicateurs positifs, mais surtout beaucoup d’autres challenges à relever pour un vrai décollage de l’agriculture ivoirienne.

Le Sara en renfort !
A Abidjan, le Salon international de l’agriculture et des ressources animales (Sara 2015) est prévu du 3 au 12 avril 2015. Il refait son apparition après quinze années de disette, de 1997 et 1999. La troisième édition du Sara affiche donc ses objectifs : «Le Salon est ouvert à tous les acteurs des domaines de l’agriculture, des ressources animales et halieutiques, des eaux et forêts, de l’agro-industrie et de l’écotourisme». Hormis l’aspect promotionnel, les investisseurs internationaux venant de pays africains, européens, asiatiques et américains sont très attendus à Abidjan. Cette édition se déroulera autour du thème de la promotion de l’investissement agricole durable, avec pour slogan «Sara 2015, le rendez-vous de l’agri-business». Une occasion idoine pour présenter, une fois de plus, toutes les potentialités du pays. Le vrai but est de capter des investissements directs étrangers (IDE). Si, jusque-là, le financement du PNIA 2012-2015 coince, le Sara vient comme un vrai stimulus pour relancer la machine agricole du pays. Ce sont 600 à 800 exposants, ainsi que 500.000 visiteurs, qui sont attendus. L’édition 2015 arrive donc «à point nommé», a précisé le Premier ministre, Daniel Kablan Duncan. Vu l’engouement qui a prévalu autour des éditions précédentes, le Sara 2015 vient comme le recours ultime pour accélérer la croissance du secteur agricole, avec pour corollaire des investissements réels à capitaliser. Soulignons que le Sara intervient à l’année de clôture du PNIA 2012-2015. Un événement qui s’avère donc hautement stratégique !

Moins de 2% du budget national alloué à l’agriculture
A l’instar des autres pays africains, la Côte d’Ivoire a pris l’engagement d’octroyer 10% de son budget au secteur agricole à Maputo en 2003. Dix ans après, les réalités ivoiriennes sont très loin d’être satisfaisantes. Le 12 novembre 2013, l’International Food Policy Reseach Institute (IFDRI) a produit un rapport qui précise que «au total, treize pays – le Burundi, le Burkina Faso, l’Éthiopie, le Ghana, la Guinée, Madagascar, le Malawi, le Mali, le Niger, la République démocratique du Congo, le Sénégal, la Zambie, et le Zimbabwe – ont atteint ou dépassé l’objectif de 10% au cours d’une ou plusieurs années depuis 2003». Quant à la Côte d’Ivoire, les dotations affectées aux dépenses pro-pauvres se chiffrent à 1.517,7 milliards, (soit 9,7% du PIB), représentant 35,7% du budget national en 2014. A l’intérieur, l’on se rend compte que l’Etat n’a octroyé que 1,9% de son budget à l’agriculture et le développement rural. Seulement 81,9 milliards FCFA pour l’agriculture sur le budget global annuel (de 4.248,3 milliards FCFA), contre 72,1 milliards 2013. Or la norme voudrait que l’Etat alloue plus de 424 milliards de son budget à l’agriculture. Un décalage patent ! Disons que les priorités du gouvernement sont donc ailleurs… A savoir l’éducation (836,3 milliards, soit 19,7%) et la santé (263,3 milliards, soit 6,7%) en 2014. Dans cette répartition, l’agriculture vient en cinquième position sur les onze axes prioritaires du gouvernement ivoirien (voir tableau). «Moins de 2% du budget national est consacré actuellement au secteur, contre 25% au début des années 80», avait souligné le ministre ivoirien de l’Agriculture, Coulibaly Sangafowa, dans son discours liminaire lors des «Matinales d’information du Gouvernement», organisé par le Centre d’information et de communication gouvernementale (CICG), le 12 septembre 2011. Il avait fait un bon constat, mais trois années plus tard le secteur agricole est encore à la traîne, avec seulement 1,9% des ressources octroyées. Ce qui laisse entrevoir que l’agriculture ne pèse qu’insuffisamment sur le budget de l’Etat ivoirien. En somme, l’on pourrait aisément affirmer que le retard qu’accuse le secteur agricole ivoirien est lié à son déficit de financement. En quelle année la Côte d’Ivoire pourrait-elle atteindre l’objectif des 10% alloués à l’agriculture ? La préoccupation reste d’actualité. Si le pays veut vraiment donner vive allure à son secteur agricole et aller à l’émergence, il faut vite changer les tendances pour que l’agricole soit au cœur du développement. Voici un secteur qui rapporte près de 25% au produit intérieur brut (PIB) du pays, mais l’investissement dans ce milieu ne semble pas être une vraie priorité. Il est en déphasage avec les engagements que le gouvernement a, lui-même, pris sur l’échiquier international. Un véritable paradoxe…

Assane De YAPY
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