Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique a initié une réforme visant à introduire la licence professionnelle dans les grandes écoles privées. Cette réforme, si elle est salutaire, en raison des nombreux avantages, entre autres, capitalisation et transfert des crédits, qu’offre la licence professionnelle dans le cadre du LMD, souffre, néanmoins, dans sa mise en œuvre de sérieux dysfonctionnements qui altèrent tous les bienfaits que recèle le LMD.
D’abord, une réforme précipitée qui se fait au mépris des règles en vigueur
Décidée, seulement, fin septembre début octobre 2014, elle doit être mise en œuvre en janvier 2015.
Une procédure d’élaboration de programme bâclée
Selon la règlementation, c’est la direction de l’enseignement supérieur (DESUP) qui a compétence pour définir les programmes des diplômes des grandes écoles privées ou publiques.
Pour ce qui est donné de constater, les règles de méthodologies d’élaboration des curricula ne sont pas respectées. L’élaboration d’un programme de formation professionnelle obéit à une démarche consensuelle entre différents acteurs. Cela se traduit par la mise en place d’une équipe projet composée de professionnels (représentants du patronat, des chambres consulaires de métiers et du commerce, des salariés) de la DESUP, la Direction de l’Orientation des Examens de l’Enseignement Supérieur (DORES), la Direction des Enseignements Supérieurs Privés (DESPRIV) et les enseignants du supérieur.
Cette équipe doit constituer un dossier d’opportunité qui détermine le potentiel d’emploi et de recrutement des secteurs concernés, puis elle met en place un référentiel des activités professionnelles dans lequel l’emploi est décliné en fonctions, en activités et tâches à réaliser.
Ensuite l’élaboration des activités professionnelles en compétences et habiletés à acquérir que l’enseignant s’efforcera d’inculquer à ses apprenants.
Enfin les modalités de validation du diplôme qui portent sur le règlement des examens, contenu des épreuves, les conditions de déroulement, les conditions d’accès au diplôme.
Une fois achevé, le projet est présenté à l’équipe projet pour avis, c’est après que le ministre de tutelle prend l’arrêté de création du diplôme. Toute élaboration de programmes qui ne suit pas cette démarche est une simple navigation à vue.
Dans les faits, on s’est aperçu que le travail de réforme a été fait sous la houlette de l’UPESUP qui a mis à contribution les enseignants, des grandes écoles supérieures privées, qui quelque fois n’ont pas le grade requis pour mettre en place les contenus, les curricula sans que ne soient associés les directions techniques du MESRS ; à savoir la DESUP, la DORES et la DESPRIV. Une fois leur mission achevée, le projet a été déposé devant la Direction générale de l’enseignement supérieur (DGES) pour validation. Cette démarche n’a pas été suivie et la rentrée qui est supposée avoir lieu janvier ne peut se faire. C’est depuis le janvier 2015 que les maquettes du reste incomplètes sont mis ç la disposition des écoles. Sans aucune explication, or la mise en œuvre du programme LMD n’est pas donnée, elle doit être précédée d’une formation des acteurs tant au plan académique que pédagogique afin de maîtriser la gestion des évaluations qui reposent les Crédits d’Evaluation Capitalisables et Transférables.
Cette démarche spécieuse, de l’UPESUP, peut –elle permettre l’élaboration d’un contenu qui soit en adéquation avec les besoins des entreprises ? On peut en douter. Y a-t-il des chances que l’employabilité, si chère au ministre, soit au menu des nouveaux programmes universitaires des licences professionnelles ? Pas si sûr.
Une confusion entre le statut de grande école et le statut d’université privée
La préparation des diplômes post-BAC, techniques et professionnels (BTS, diplômes d’ingénieurs) est du ressort des grandes écoles privées tandis que la préparation aux diplômes supérieurs post –BAC d’enseignement général (Licence, maîtrise, DEA et doctorat) est l’apanage des universités publiques ou privées. Avec l’avènement du système LMD, certaines grandes écoles se sont vues accorder l’autorisation de préparer des licences et masters professionnels sans avoir le statut d’université privée. Or la distinction des grandes écoles et des universités privées est importante en ce sens que les universités exigent des conditions d’accès, un certain niveau de personnel, une méthodologie de cours, des méthodes d’évaluation qui sont différentes de ce qui a cours dans les grandes écoles privées. A ce titre d’ailleurs, il est prescrit aux universités privées de délivrer leurs diplômes universitaires en partenariat avec une université publique. Dans la logique de cette prescription, les grandes écoles privées ne peuvent, en l’état actuel, préparer au grade de La licence professionnelle, diplôme universitaire, sans avoir une convention avec une université publique. Ces grandes écoles devraient obtenir une autorisation de création et d’ouverture d’université privée. Elles devraient par la suite obtenir une convention avec une université publique afin d’obtenir une équivalence avec lesdites universités au cas où certains étudiants voudraient poursuivre leurs études jusqu’au doctorat. Sinon, de quel crédit peut bénéficier un diplôme qui est mise en œuvre sans aval des universités publiques ?
Il est prévu comme l’exige la semestrialisation des évaluations que chaque université fasse ses évaluations en interne à la fin de chaque semestre. Mais la réforme introduit une innovation de taille : celle de l’organisation d’un examen national à la fin de la licence professionnelle 3 et va porter sur les enseignements spécifiques. On se demande alors comment vont être gérées les notes obtenues lors des examens nationaux. En outre cette forme d’évaluation s’oppose à l’esprit de flexibilité et de liberté de l’étudiant qui peut lui-même choisir son parcours en fonction des difficultés rencontrées lors de sa formation. Enfin, l’esprit du LMD est incompatible avec l’organisation d’un examen national en raison de l’autonomie de chaque université. Quel crédit peut-on accorder à des évaluations faites par les grandes écoles privées elles-mêmes, en leur sein ? De quels moyens disposent l’administration centrale pour certifier les évaluations faites en interne par ces écoles ? Quand on connait la qualité des enseignants de certaines grandes écoles il y a lieu de s’inquiéter. De plus, il ne faudra pas s’étonner de voir chaque année
Ensuite, une réforme solitaire avec l’exclusion du ministère de la fonction publique et de celui l’emploi et de la formation professionnelle
Cette réforme initiée par le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique se fait sans aucune concertation avec le ministère de l’éducation nationale et de l’enseignement technique, le ministère en charge de la formation professionnelle et de l’emploi et celui de la fonction publique et le patronat.
La reforme telle qu’elle est entreprise vient remettre en cause les règles d’accès à l’emploi. On le sait, l’accès à certains emplois tant dans la fonction publique que dans la formation professionnelle est soumis à un niveau BAC plus deux ans. Donc de niveau de technicien supérieur. Que deviendront tous ces concours s’ils doivent recruter dorénavant des cadres au lieu des techniciens supérieurs. Le gouvernement aura-t-il les moyens pour recruter ce personnel avec un salaire de cadre ? Cela paraît à l’évidence impossible.
Il est bon de savoir que les titulaires de BTS constituent dans la hiérarchie professionnelle des techniciens supérieurs qui effectuent des tâches d’exécution ou d’encadrement d’employés et ouvriers qualifiés ou qui travaillent sous les ordres des agents d’encadrement que sont les ingénieurs des techniques qui eux-mêmes travaillent sous les ordres des ingénieurs de conception. Dans nos entreprises, on le sait, les personnes qui effectuent des tâches d’exécution évidemment n’ont pas le même traitement salarial que celles qui exercent des tâches de commandement. Aussi un chef d’entreprise préférerait-il recruter des personnes qui lui reviendront moins chers que celles qui lui reviendront plus chers. En décidant la généralisation du LMD dans les grandes écoles il ya aura un renversement de la pyramide de la recherche de l’emploi. Ce sont les licenciés professionnels qui seront dans l’avenir plus nombreux que les techniciens supérieurs. Cela n’est pas une mauvaise en soi. Mais alors, quel sera le sort de nombreux titulaires du BTS pour la formation desquels l’Etat a énormément investi et qui sont en quête d’un premier emploi ? Ça va être purement et simplement du gâchis. A compétences égales, si un chef d’entreprise a un choix à faire entre un titulaire du BTS et un titulaire de la licence professionnel, il n’hésitera pas à faire le choix du titulaire du BTS puisque celui-ci lui reviendra moins cher. On aura simplement une pléthore de licenciés professionnels sur le marché du travail avec très peu d’emplois disponibles. Vous avez dit employabilité des étudiants ? A ce rythme, on y arrivera très vite. Ce manque de concertation entraine une situation ambigüe.
Un système d’enseignement technique et professionnel à double vitesse
Malgré tout, la réforme, ne supprime pas le programme de BTS. Celui-ci continue de subsister dans les lycées techniques et les centres de bureautique de communication et de gestion (CBCG). Les grandes écoles privées qui le désirent aussi pourront de ce fait continuer de préparer le diplôme de BTS. Cette situation va créer un système d’enseignement supérieur à double vitesse. D’un côté les grandes écoles ayant opté pour le LMD et qui préparerons leurs étudiants en trois ans pour des compétences ou des habiletés tandis que de l’autre côté les lycées techniques, les établissements professionnels et d’autres grandes écoles vont préparer leurs étudiants en deux ans. L’autre problème que cette situation pourrait engendrer est le fait que les textes qui régissent le BTS émanent du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, ce qui fait que les lycées techniques et CBCG bien que continuant d’enseignement programme de BTS ne pourront pas organiser les examens y relatifs.
Puis, la remise en cause des passerelles de l’enseignement professionnel avec l’exclusion des titulaires du BT et des non titulaires du BAC ayant eu 8 de moyenne.
Parce que la licence professionnelle est un diplôme universitaire, ne peuvent y accéder que les élèves ayant obtenu le BAC ou un diplôme équivalent. Cela pose le problème des élèves titulaires du Brevet de Technicien (BT) et ceux qui sont non titulaires du BAC avaient la possibilité, avec 8 de moyenne obtenu audit examen, de faire une année préparatoire pour faire le BTS.
En effet, le BT est un diplôme professionnel qui permet à son titulaire d’avoir les aptitudes d’un employé ou un ouvrier spécialisé qualifié et a pour vocation l’accès direct à l’emploi. Ce diplôme ne donne pas donc accès à des études universitaires. Il lui donne le droit de poursuite d’études techniques et professionnelles tel que le BTS. Avec la généralisation de la licence professionnelle, le titulaire du BT ne peut en principe pas accéder aux études universitaires. Ce diplôme n’est pas admis en équivalence avec le BAC raison pour laquelle un élève titulaire du BT désirant s’inscrire à l’université est obligé de faire le BAC technique.
Enfin, les non titulaires du BAC qui étaient admis en année préparatoire sont les grands perdants de la réforme du BTS. Il leur est demandé de refaire simplement le BAC. Or, le système d’année préparatoire a permis à de nombreuses personnes d’obtenir leur BTS et donc d’avoir les compétences nécessaires pour travailler dans une entreprise. Pourquoi dans un pays sous développé, on peut fermer cette porte d’accès à l’emploi à ces personnes ? C’est tout le paradoxe de cette réforme.
La licence est un diplôme universitaire, à ce titre, selon les textes en vigueur, ne sont autorisés à enseigner à ce niveau que les enseignants-chercheurs. Combien sont ces enseignants ? Couvrent-ils toutes les disciplines professionnelles ? Les grandes écoles seront-elles prêtes à payer le salaire qu’il faut pour ces enseignants ? Pourquoi vouloir nécessairement introduire la licence professionnelle de façon intégrale alors qu’on n’est pas prêts.
Enfin, Le jackpot pour les fondateurs de grandes écoles
Avec le programme BTS, un étudiant était pris en charge pour deux ans (durée normale de ses études) en cas de redoublement il avait droit à une année supplémentaire de pris en charge. La réforme veut que les trois ans que durent les études, de la licence professionnelle, soit dorénavant prise en charge, intégralement, par l’Etat. En cas de redoublement, c’est l’étudiant qui paie lui-même sa scolarité. Les heures de cours ont été réduites au tiers pour de nombreuses disciplines. Exemple, un cours, qui se faisait autrefois en 120 heures annuelles, passe maintenant à 20 h voire 30 h. c’est dire que l’affaire est très juteuse pour les promoteurs de grandes écoles. Mais cela se fait au mépris de l’intérêt de l’étudiant dont les parents ne peuvent s’offrir le luxe de payer des études de licence professionnelle à leurs enfants. On se rend compte donc, qu’en dessous de la réforme les fondateurs font une opération financière très intéressante. Tel que fonctionne le LMD, les redoublements ne seront pas rares. Et l’avenir de certains enfants risque d’être compromis.
Mes propositions.
Il n’était pas nécessaire de faire étaler l’ancien programme de BTS sur les trois ans de LMD. Il aurait été plus simple de convertir simplement le BTS en licence 1 et 2 en lui accordant 120 Crédits d’Evaluation Capitalisable et Transférable (CECT) et la réforme serait bien réussie. De sorte qu’un programme de licence professionnelle 3 aurait pu être confectionné pour permettre à tous les apprenants détenteurs du BTS de se valoriser. Cela correspondrait bien à l’esprit du LMD qui veut que la licence professionnelle 3 soit l’année de la spécialisation.
La semestrialisation des cours et des évaluations facilitent le travail de l’étudiant qui était obligé autrefois de réviser les cours de deux ans d’études pour obtenir le BTS. En effet, avec le LMD, à la fin de chaque semestre, chaque unité d’enseignement est évaluée, immédiatement, par un examen et après quoi, l’étudiant attaque de nouvelles unités d’enseignement pour de nouvelles évaluations. Cette formule a l’avantage d’éviter que les étudiants reçoivent des cours pour lesquels l’évaluation finale ne se déroulerait que deux ans plus tard. Situation qui peut expliquer, en partie, la fraude qui avait cours pendant les examens et les mauvais résultats à la fin desdits examens.
L’autre avantage du système est de faire en sorte que les étudiants n’attendent pas trois ans pour pouvoir travailler dès lors qu’au bout de deux ans ils ont acquis des compétences et des habiletés qui leur permettent d’effectuer des tâches d’exécution ou d’agent de maîtrise dans certaines entreprises.
Une réforme, dans ce sens, évitera le système à double vitesse auquel on risque d’être confronté. Il aura, en outre, l’intérêt d’éviter de grande réforme au niveau de la fonction publique, de la formation professionnelle et de l’emploi.
Faut-il le rappeler, le BTS est de tradition française, il est prolongement naturel des diplômes d’enseignement professionnel et technique des collèges et lycées d’enseignement professionnels et techniques à savoir le Certificat d’Aptitude Professionnel (CAP), le Brevet d’Etudes Professionnel (BEP), Le Brevet Professionnel (BP) et le Brevet de Technicien (BT). C’est pourquoi, son fonctionnement s’est toujours fait sous la tutelle du Ministère de l’Education Nationale en France, particulièrement, dans les lycées et grandes écoles privées bien que le BTS soit un diplôme post BAC. Dans le cadre de la réforme du LMD en France, le BTS, dans sa formule traditionnelle, a été converti en 120 CECT. Il se fait toujours et obligatoirement en deux ans et est sanctionné par un examen national.
Contrairement aux pays anglo-saxon où le système LMD est intégral, en ce sens que c’est le seul système en vigueur, en France, deux systèmes se côtoient sans s’exclure. En effet, le BTS côtoie le LMD et s’intègre intelligemment au système, en constituant les licences professionnelles 1 et 2 avec 120 crédits acquis au titulaire du BTS.
C’est pourquoi, à compter de maintenant, il faut que le gouvernement prenne la décision de confier la gestion de l’enseignement du BTS au ministère de l’emploi et l’enseignement professionnel. C’est techniquement le seul ministère qui est organisé et outillé pour la gestion des enseignements techniques et professionnels. Il dispose de toutes les compétences techniques et professionnelles (structures de formation des formateurs, inspecteurs, expériences) pour une bonne gestion de ce grade d’enseignement. Le gouvernement devra surtout éviter de prendre en charge pour trois ans des formations de licences professionnelles. Ces prises en charges doivent être simplement rétrocédées au ministère de l’enseignement technique et professionnel pour une gestion efficiente des BTS. Ce ministère devrait retrouver, alors, la plénitude de ses attributions, l’enseignement technique et professionnel, quitte à lui ajouter l’emploi. La Côte d’Ivoire ne peut pas se payer le luxe de former des milliers de cadres (licenciés professionnels) chaque année et ne pas leur trouver du travail. Déjà que la situation avec les titulaires du BTS n’est pas reluisante.
A défaut, il faut revenir sur la réforme telle qu’initiée, il vaut mieux maintenir le BTS tel qu’il était et le convertir en licence 1 et 2 qui seront obligatoirement pris en charge par l’Etat avec une année de redoublement et accorder une prise en charge supplémentaire pour des étudiants brillants afin préparer la de licence professionnelle 3 aux meilleurs étudiants.
Moussa SANGARE
08 B.P. 2462 Abidjan 08
m.sangarebarry@gmail.com
D’abord, une réforme précipitée qui se fait au mépris des règles en vigueur
Décidée, seulement, fin septembre début octobre 2014, elle doit être mise en œuvre en janvier 2015.
Une procédure d’élaboration de programme bâclée
Selon la règlementation, c’est la direction de l’enseignement supérieur (DESUP) qui a compétence pour définir les programmes des diplômes des grandes écoles privées ou publiques.
Pour ce qui est donné de constater, les règles de méthodologies d’élaboration des curricula ne sont pas respectées. L’élaboration d’un programme de formation professionnelle obéit à une démarche consensuelle entre différents acteurs. Cela se traduit par la mise en place d’une équipe projet composée de professionnels (représentants du patronat, des chambres consulaires de métiers et du commerce, des salariés) de la DESUP, la Direction de l’Orientation des Examens de l’Enseignement Supérieur (DORES), la Direction des Enseignements Supérieurs Privés (DESPRIV) et les enseignants du supérieur.
Cette équipe doit constituer un dossier d’opportunité qui détermine le potentiel d’emploi et de recrutement des secteurs concernés, puis elle met en place un référentiel des activités professionnelles dans lequel l’emploi est décliné en fonctions, en activités et tâches à réaliser.
Ensuite l’élaboration des activités professionnelles en compétences et habiletés à acquérir que l’enseignant s’efforcera d’inculquer à ses apprenants.
Enfin les modalités de validation du diplôme qui portent sur le règlement des examens, contenu des épreuves, les conditions de déroulement, les conditions d’accès au diplôme.
Une fois achevé, le projet est présenté à l’équipe projet pour avis, c’est après que le ministre de tutelle prend l’arrêté de création du diplôme. Toute élaboration de programmes qui ne suit pas cette démarche est une simple navigation à vue.
Dans les faits, on s’est aperçu que le travail de réforme a été fait sous la houlette de l’UPESUP qui a mis à contribution les enseignants, des grandes écoles supérieures privées, qui quelque fois n’ont pas le grade requis pour mettre en place les contenus, les curricula sans que ne soient associés les directions techniques du MESRS ; à savoir la DESUP, la DORES et la DESPRIV. Une fois leur mission achevée, le projet a été déposé devant la Direction générale de l’enseignement supérieur (DGES) pour validation. Cette démarche n’a pas été suivie et la rentrée qui est supposée avoir lieu janvier ne peut se faire. C’est depuis le janvier 2015 que les maquettes du reste incomplètes sont mis ç la disposition des écoles. Sans aucune explication, or la mise en œuvre du programme LMD n’est pas donnée, elle doit être précédée d’une formation des acteurs tant au plan académique que pédagogique afin de maîtriser la gestion des évaluations qui reposent les Crédits d’Evaluation Capitalisables et Transférables.
Cette démarche spécieuse, de l’UPESUP, peut –elle permettre l’élaboration d’un contenu qui soit en adéquation avec les besoins des entreprises ? On peut en douter. Y a-t-il des chances que l’employabilité, si chère au ministre, soit au menu des nouveaux programmes universitaires des licences professionnelles ? Pas si sûr.
Une confusion entre le statut de grande école et le statut d’université privée
La préparation des diplômes post-BAC, techniques et professionnels (BTS, diplômes d’ingénieurs) est du ressort des grandes écoles privées tandis que la préparation aux diplômes supérieurs post –BAC d’enseignement général (Licence, maîtrise, DEA et doctorat) est l’apanage des universités publiques ou privées. Avec l’avènement du système LMD, certaines grandes écoles se sont vues accorder l’autorisation de préparer des licences et masters professionnels sans avoir le statut d’université privée. Or la distinction des grandes écoles et des universités privées est importante en ce sens que les universités exigent des conditions d’accès, un certain niveau de personnel, une méthodologie de cours, des méthodes d’évaluation qui sont différentes de ce qui a cours dans les grandes écoles privées. A ce titre d’ailleurs, il est prescrit aux universités privées de délivrer leurs diplômes universitaires en partenariat avec une université publique. Dans la logique de cette prescription, les grandes écoles privées ne peuvent, en l’état actuel, préparer au grade de La licence professionnelle, diplôme universitaire, sans avoir une convention avec une université publique. Ces grandes écoles devraient obtenir une autorisation de création et d’ouverture d’université privée. Elles devraient par la suite obtenir une convention avec une université publique afin d’obtenir une équivalence avec lesdites universités au cas où certains étudiants voudraient poursuivre leurs études jusqu’au doctorat. Sinon, de quel crédit peut bénéficier un diplôme qui est mise en œuvre sans aval des universités publiques ?
Il est prévu comme l’exige la semestrialisation des évaluations que chaque université fasse ses évaluations en interne à la fin de chaque semestre. Mais la réforme introduit une innovation de taille : celle de l’organisation d’un examen national à la fin de la licence professionnelle 3 et va porter sur les enseignements spécifiques. On se demande alors comment vont être gérées les notes obtenues lors des examens nationaux. En outre cette forme d’évaluation s’oppose à l’esprit de flexibilité et de liberté de l’étudiant qui peut lui-même choisir son parcours en fonction des difficultés rencontrées lors de sa formation. Enfin, l’esprit du LMD est incompatible avec l’organisation d’un examen national en raison de l’autonomie de chaque université. Quel crédit peut-on accorder à des évaluations faites par les grandes écoles privées elles-mêmes, en leur sein ? De quels moyens disposent l’administration centrale pour certifier les évaluations faites en interne par ces écoles ? Quand on connait la qualité des enseignants de certaines grandes écoles il y a lieu de s’inquiéter. De plus, il ne faudra pas s’étonner de voir chaque année
Ensuite, une réforme solitaire avec l’exclusion du ministère de la fonction publique et de celui l’emploi et de la formation professionnelle
Cette réforme initiée par le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique se fait sans aucune concertation avec le ministère de l’éducation nationale et de l’enseignement technique, le ministère en charge de la formation professionnelle et de l’emploi et celui de la fonction publique et le patronat.
La reforme telle qu’elle est entreprise vient remettre en cause les règles d’accès à l’emploi. On le sait, l’accès à certains emplois tant dans la fonction publique que dans la formation professionnelle est soumis à un niveau BAC plus deux ans. Donc de niveau de technicien supérieur. Que deviendront tous ces concours s’ils doivent recruter dorénavant des cadres au lieu des techniciens supérieurs. Le gouvernement aura-t-il les moyens pour recruter ce personnel avec un salaire de cadre ? Cela paraît à l’évidence impossible.
Il est bon de savoir que les titulaires de BTS constituent dans la hiérarchie professionnelle des techniciens supérieurs qui effectuent des tâches d’exécution ou d’encadrement d’employés et ouvriers qualifiés ou qui travaillent sous les ordres des agents d’encadrement que sont les ingénieurs des techniques qui eux-mêmes travaillent sous les ordres des ingénieurs de conception. Dans nos entreprises, on le sait, les personnes qui effectuent des tâches d’exécution évidemment n’ont pas le même traitement salarial que celles qui exercent des tâches de commandement. Aussi un chef d’entreprise préférerait-il recruter des personnes qui lui reviendront moins chers que celles qui lui reviendront plus chers. En décidant la généralisation du LMD dans les grandes écoles il ya aura un renversement de la pyramide de la recherche de l’emploi. Ce sont les licenciés professionnels qui seront dans l’avenir plus nombreux que les techniciens supérieurs. Cela n’est pas une mauvaise en soi. Mais alors, quel sera le sort de nombreux titulaires du BTS pour la formation desquels l’Etat a énormément investi et qui sont en quête d’un premier emploi ? Ça va être purement et simplement du gâchis. A compétences égales, si un chef d’entreprise a un choix à faire entre un titulaire du BTS et un titulaire de la licence professionnel, il n’hésitera pas à faire le choix du titulaire du BTS puisque celui-ci lui reviendra moins cher. On aura simplement une pléthore de licenciés professionnels sur le marché du travail avec très peu d’emplois disponibles. Vous avez dit employabilité des étudiants ? A ce rythme, on y arrivera très vite. Ce manque de concertation entraine une situation ambigüe.
Un système d’enseignement technique et professionnel à double vitesse
Malgré tout, la réforme, ne supprime pas le programme de BTS. Celui-ci continue de subsister dans les lycées techniques et les centres de bureautique de communication et de gestion (CBCG). Les grandes écoles privées qui le désirent aussi pourront de ce fait continuer de préparer le diplôme de BTS. Cette situation va créer un système d’enseignement supérieur à double vitesse. D’un côté les grandes écoles ayant opté pour le LMD et qui préparerons leurs étudiants en trois ans pour des compétences ou des habiletés tandis que de l’autre côté les lycées techniques, les établissements professionnels et d’autres grandes écoles vont préparer leurs étudiants en deux ans. L’autre problème que cette situation pourrait engendrer est le fait que les textes qui régissent le BTS émanent du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, ce qui fait que les lycées techniques et CBCG bien que continuant d’enseignement programme de BTS ne pourront pas organiser les examens y relatifs.
Puis, la remise en cause des passerelles de l’enseignement professionnel avec l’exclusion des titulaires du BT et des non titulaires du BAC ayant eu 8 de moyenne.
Parce que la licence professionnelle est un diplôme universitaire, ne peuvent y accéder que les élèves ayant obtenu le BAC ou un diplôme équivalent. Cela pose le problème des élèves titulaires du Brevet de Technicien (BT) et ceux qui sont non titulaires du BAC avaient la possibilité, avec 8 de moyenne obtenu audit examen, de faire une année préparatoire pour faire le BTS.
En effet, le BT est un diplôme professionnel qui permet à son titulaire d’avoir les aptitudes d’un employé ou un ouvrier spécialisé qualifié et a pour vocation l’accès direct à l’emploi. Ce diplôme ne donne pas donc accès à des études universitaires. Il lui donne le droit de poursuite d’études techniques et professionnelles tel que le BTS. Avec la généralisation de la licence professionnelle, le titulaire du BT ne peut en principe pas accéder aux études universitaires. Ce diplôme n’est pas admis en équivalence avec le BAC raison pour laquelle un élève titulaire du BT désirant s’inscrire à l’université est obligé de faire le BAC technique.
Enfin, les non titulaires du BAC qui étaient admis en année préparatoire sont les grands perdants de la réforme du BTS. Il leur est demandé de refaire simplement le BAC. Or, le système d’année préparatoire a permis à de nombreuses personnes d’obtenir leur BTS et donc d’avoir les compétences nécessaires pour travailler dans une entreprise. Pourquoi dans un pays sous développé, on peut fermer cette porte d’accès à l’emploi à ces personnes ? C’est tout le paradoxe de cette réforme.
La licence est un diplôme universitaire, à ce titre, selon les textes en vigueur, ne sont autorisés à enseigner à ce niveau que les enseignants-chercheurs. Combien sont ces enseignants ? Couvrent-ils toutes les disciplines professionnelles ? Les grandes écoles seront-elles prêtes à payer le salaire qu’il faut pour ces enseignants ? Pourquoi vouloir nécessairement introduire la licence professionnelle de façon intégrale alors qu’on n’est pas prêts.
Enfin, Le jackpot pour les fondateurs de grandes écoles
Avec le programme BTS, un étudiant était pris en charge pour deux ans (durée normale de ses études) en cas de redoublement il avait droit à une année supplémentaire de pris en charge. La réforme veut que les trois ans que durent les études, de la licence professionnelle, soit dorénavant prise en charge, intégralement, par l’Etat. En cas de redoublement, c’est l’étudiant qui paie lui-même sa scolarité. Les heures de cours ont été réduites au tiers pour de nombreuses disciplines. Exemple, un cours, qui se faisait autrefois en 120 heures annuelles, passe maintenant à 20 h voire 30 h. c’est dire que l’affaire est très juteuse pour les promoteurs de grandes écoles. Mais cela se fait au mépris de l’intérêt de l’étudiant dont les parents ne peuvent s’offrir le luxe de payer des études de licence professionnelle à leurs enfants. On se rend compte donc, qu’en dessous de la réforme les fondateurs font une opération financière très intéressante. Tel que fonctionne le LMD, les redoublements ne seront pas rares. Et l’avenir de certains enfants risque d’être compromis.
Mes propositions.
Il n’était pas nécessaire de faire étaler l’ancien programme de BTS sur les trois ans de LMD. Il aurait été plus simple de convertir simplement le BTS en licence 1 et 2 en lui accordant 120 Crédits d’Evaluation Capitalisable et Transférable (CECT) et la réforme serait bien réussie. De sorte qu’un programme de licence professionnelle 3 aurait pu être confectionné pour permettre à tous les apprenants détenteurs du BTS de se valoriser. Cela correspondrait bien à l’esprit du LMD qui veut que la licence professionnelle 3 soit l’année de la spécialisation.
La semestrialisation des cours et des évaluations facilitent le travail de l’étudiant qui était obligé autrefois de réviser les cours de deux ans d’études pour obtenir le BTS. En effet, avec le LMD, à la fin de chaque semestre, chaque unité d’enseignement est évaluée, immédiatement, par un examen et après quoi, l’étudiant attaque de nouvelles unités d’enseignement pour de nouvelles évaluations. Cette formule a l’avantage d’éviter que les étudiants reçoivent des cours pour lesquels l’évaluation finale ne se déroulerait que deux ans plus tard. Situation qui peut expliquer, en partie, la fraude qui avait cours pendant les examens et les mauvais résultats à la fin desdits examens.
L’autre avantage du système est de faire en sorte que les étudiants n’attendent pas trois ans pour pouvoir travailler dès lors qu’au bout de deux ans ils ont acquis des compétences et des habiletés qui leur permettent d’effectuer des tâches d’exécution ou d’agent de maîtrise dans certaines entreprises.
Une réforme, dans ce sens, évitera le système à double vitesse auquel on risque d’être confronté. Il aura, en outre, l’intérêt d’éviter de grande réforme au niveau de la fonction publique, de la formation professionnelle et de l’emploi.
Faut-il le rappeler, le BTS est de tradition française, il est prolongement naturel des diplômes d’enseignement professionnel et technique des collèges et lycées d’enseignement professionnels et techniques à savoir le Certificat d’Aptitude Professionnel (CAP), le Brevet d’Etudes Professionnel (BEP), Le Brevet Professionnel (BP) et le Brevet de Technicien (BT). C’est pourquoi, son fonctionnement s’est toujours fait sous la tutelle du Ministère de l’Education Nationale en France, particulièrement, dans les lycées et grandes écoles privées bien que le BTS soit un diplôme post BAC. Dans le cadre de la réforme du LMD en France, le BTS, dans sa formule traditionnelle, a été converti en 120 CECT. Il se fait toujours et obligatoirement en deux ans et est sanctionné par un examen national.
Contrairement aux pays anglo-saxon où le système LMD est intégral, en ce sens que c’est le seul système en vigueur, en France, deux systèmes se côtoient sans s’exclure. En effet, le BTS côtoie le LMD et s’intègre intelligemment au système, en constituant les licences professionnelles 1 et 2 avec 120 crédits acquis au titulaire du BTS.
C’est pourquoi, à compter de maintenant, il faut que le gouvernement prenne la décision de confier la gestion de l’enseignement du BTS au ministère de l’emploi et l’enseignement professionnel. C’est techniquement le seul ministère qui est organisé et outillé pour la gestion des enseignements techniques et professionnels. Il dispose de toutes les compétences techniques et professionnelles (structures de formation des formateurs, inspecteurs, expériences) pour une bonne gestion de ce grade d’enseignement. Le gouvernement devra surtout éviter de prendre en charge pour trois ans des formations de licences professionnelles. Ces prises en charges doivent être simplement rétrocédées au ministère de l’enseignement technique et professionnel pour une gestion efficiente des BTS. Ce ministère devrait retrouver, alors, la plénitude de ses attributions, l’enseignement technique et professionnel, quitte à lui ajouter l’emploi. La Côte d’Ivoire ne peut pas se payer le luxe de former des milliers de cadres (licenciés professionnels) chaque année et ne pas leur trouver du travail. Déjà que la situation avec les titulaires du BTS n’est pas reluisante.
A défaut, il faut revenir sur la réforme telle qu’initiée, il vaut mieux maintenir le BTS tel qu’il était et le convertir en licence 1 et 2 qui seront obligatoirement pris en charge par l’Etat avec une année de redoublement et accorder une prise en charge supplémentaire pour des étudiants brillants afin préparer la de licence professionnelle 3 aux meilleurs étudiants.
Moussa SANGARE
08 B.P. 2462 Abidjan 08
m.sangarebarry@gmail.com