La Direction de la Pharmacie et du Médicament (DPM) est l’organe de régulation de l’environnement du médicament en Côte d’Ivoire. Dr Rachel Ducan qui en assure la direction depuis 2011 nous renseigne sur les attributions de cette structure importante dans le paysage sanitaire ivoirien.
Magazine Santé : Qu’est-ce que la DPM ?
Dr Rachel DUNCAN : La DPM est une des huit directions centrales qui dépendent de la Direction générale de la santé du Ministère de la santé et de la lutte contre le sida. Elle a été créée par le décret n°61/34 du 14 janvier 1961. Elle a été réorganisée par un décret en 1969 puis un autre en 2006. Il y a toujours des décrets de réorganisation pour actualiser les fonctions.
La DPM a pour mission principale d’élaborer, mettre en œuvre et veillez à l’application de la politique pharmaceutique nationale. Nous élaborons donc des projets de textes législatifs et réglementaires en ce qui concerne le médicament. Nous avons également en charge la réglementation en matière d’enregistrement des médicaments, de produits cosmétiques, des produits d’hygiène corporelle, etc. Nous avons aussi en charge l’application de tout ce qui est convention internationale au niveau du médicament. Au niveau de l’Uemoa et de la Cedeao, c’est la DPM qui est chargé de faire appliquer la législation concernant les médicaments et d’assurer le suivi. Nous nous occupons des traités de psychotropes et de stupéfiants sur le plan réglementaire. Pour la répression, une autre structure s’en charge.
Nous réglementons l’exercice de la pharmacie et des laboratoires d’analyse médicale. La DPM, c’est la direction de la pharmacie. Même les programmations des officines, les contrôles à faire dans les pharmacies et les laboratoires, c’est la DPM qui s’en charge. Nous avons aussi en charge la pharmacovigilance, c’est-à-dire le suivi, comment le médicament se comporte sur le terrain. Cela suppose que nous avons un retour d’informations concernant les différents médicaments sur le marché. C’est avec le concours de la population et des prescripteurs que nous pouvons avoir toutes ces informations. Nous avons donc une mission qui se dégage en fonction de chaque sous-direction.
Nous avons quatre départements : la sous-direction du médicament, la sous-direction de la pharmacie et des laboratoires d’analyses médicales, la sous-direction de la pharmacovigilance et de la lutte contre les médicaments illicites et la sous-direction de la promotion de l’industrie pharmaceutique. S’agissant du personnel, nous avons 45 personnes dont 30 pharmaciens à peu près.
MS : Comment se font concrètement vos actions sur le terrain ?
Dr. RD : En termes d’activités au niveau de la DPM, que faisons-nous ? Nous contrôlons tout ce qui est importation de médicaments, de psychotropes et de produits. Quelque soit le médicament qui veut rentrer en Côte d’Ivoire de manière officielle, c’est la DPM qui donnera l’autorisation d’importer.
MS : Toute structure voulant faire venir des médicaments doit donc passer par la DPM ?
Dr. RD : Effectivement. Répond-il au critère pour faire rentrer des médicaments ? Tout médicament qui rentre sur le territoire doit avoir une autorisation de mise sur le marché. La commission qui s’en charge procède à une expertise qualité. Il y a des dossiers à fournir à l’UEMOA maintenant dans un format spécial et monté d’une certaine manière. Il y a aussi la visite du site de fabrication, même quand celui-ci se trouve hors de nos frontières. Cette autorisation est valable pour tout ce qui est médicament chimique. Toutefois, il faut noter qu’il existe des circuits parallèles. Mais nous y reviendrons.
MS : Quels sont les moyens dont dispose la DPM pour mener à bien ses missions ?
Dr RD : Nous disposons d’un budget annuel de près de 20 millions de francs CFA. Avec cette somme, nous ne pouvons pas aller très loin parce qu’en plus des projets de textes, nous devons mener des inspections sur le terrain. Cela fait partie des difficultés liées au fonctionnement de notre structure.
MS : Comment se fait la fixation des prix des médicaments ?
Dr RD : La fixation des prix des médicaments se fait par décret. Au niveau de l’autorisation de mise sur le marché, des prix nous sont proposés. La commission va statuer sur ces propositions de prix pour voir s’ils ne sont pas trop élevés. Nous cherchons à baisser les prix au maximum. C’est cela l’avantage des médicaments génériques. Ce prix grossiste-fournisseur hors taxe est multiplié par 2 à peu près (1,99). Le résultat obtenu constitue le prix public. La marge a été fixée par décret.
MS : Combien de laboratoires pharmaceutiques sont représentés en Côte d’Ivoire ?
Dr RD : Nous avons beaucoup laboratoires parmi lesquelles se comptent les agences de matériels paramédicaux. Nous les avons mis ensemble. Il est donc difficile de vous donner un nombre pour les laboratoires pharmaceutiques uniquement. Nous pouvons toutefois les estimer à une centaine.
Il y a parmi ces laboratoires des usines locales de fabrication de médicaments. Nous en comptons quatre qui fonctionnent officiellement : Oléa, situé sur la route de Bingerville, Cipharm à Attoban, Lic Phama et Pharmivoire à Yopougon.
MS : Les conditions de création de laboratoire pharmaceutique n’expliquent-t-elles pas ce nombre réduit d’usines locales de fabrication de médicament ?
Dr RD : Les conditions sont accessibles à tous. Ce sont des investissements qui coutent chers. Il faut avoir des partenaires extérieurs. Mais nous sommes dans une politique d’émergence. Nous essayons d’attirer les investisseurs afin qu’ils viennent s’installer en Côte d’Ivoire plutôt que de toujours fabriquer les médicaments là-bas pour nous les envoyer par la suite. Mais il faut se résoudre à la réalité du marché. Celui qui s’installe ici doit rentabiliser son affaire. Il serait peut-être plus raisonnable de penser son business pour toute la sous-région. Le seul marché de la Côte d’Ivoire ne suffira pas bien qu’il représente près de 35% du marché de la sous-région. Ce pourcentage a baissé parce que dans le passé, nous atteignions 40%.
N’importe qui peut créer une usine de fabrication, pourvu que les conditions soient réunies. Il faut un directeur technique pharmacien, c’est-à-dire quelqu’un qui connait le domaine. Si quelqu’un nous montre sa volonté de vouloir ouvrir une usine, la Direction de la Pharmacie et du Médicament va l’accompagner sur le plan technique. Nous allons lui délivrer un document attestant qu’il peut commencer ses travaux. Cela s’appelle un accord de principe et ce document va lui faciliter toute la démarche administrative. Nous irons ensuite inspecter les machines et les locaux pour s’assurer qu’ils répondent aux normes de bonne pratique de fabrication.
MS : Quelle est votre collaboration avec des structures telles que la Nouvelle Pharmacie de la Santé Publique ou le Laboratoire National de Santé Publique ?
Dr RD : Nous travaillons étroitement avec le Laboratoire National de Santé Publique. C’est le LNSP qui effectue l’expertise de tous nos produits. Quand quelqu’un veut faire enregistrer un produit en Côte d’Ivoire, l’un des critères est de faire une expertise qualité du produit en question. Les résultats de cette expertise font partis des critères d’éligibilité de ce médicament. Le LNSP nous confirme donc la conformité du produit avec sa composition déclarée.
La DPM donne les autorisations d’importer ou d’enlever des médicaments sur le marché local. La Nouvelle PSP est donc obligée de se référer à nous pour tout ce qui est importation et enlèvement de médicaments. C’est un premier aspect de notre partenariat. En plus, au niveau des appels d’offres de la Nouvelle PSP, la DPM est partie prenante parce qu’étant l’autorité de régulation. Nous suivons donc les appels d’offres de la Nouvelle PSP.
MS : Après la mise sur le marché des médicaments, il y a-t-il un contrôle ?
Dr RD : Avant, nous ne le faisions pas parce que notre budget ne nous le permettait pas. Nous avons cherché des partenariats pour pouvoir le faire. Le Parsi, un programme de l’Union Européenne qui a décidé de nous financer. Nous avons alors repris les contrôles post-commercialisations depuis l’année dernière. Ces contrôles sont un élément de la pharmacovigilance. Nous allons faire des prélèvements chez les grossistes que nous analysons pour vérifier si la composition déclarée pour l’enregistrement du médicament est effectivement celle que nous retrouvons dans les produits sur le marché. Pour ce faire, nous travaillons avec la police sanitaire. Nous collaborons avec elle puisque nous sommes dans l’aspect trafic illicite de médicaments. C’est elle qui opère les saisies.
MS : Quelle regard portez-vous sur le phénomène des médicaments de la rue ?
Dr RD : Le phénomène des médicaments de la rue est arrivée par différentes sources. Les médicaments rentrent forcement par des circuits parallèles parce qu’a un moment ou un autre, l’on arrive à quadriller le circuit officiel. C’est surtout les circuits parallèles qui renflouent les médicaments de la rue. Il faut dire que ce phénomène n’est pas propre à la Côte d’Ivoire ? On retrouve ce phénomène partout en Afrique. Les gens ont remarqué qu’il y avait beaucoup d’argent à se faire dans le médicament et ils s’y sont mis. C’est un monopole pharmaceutique. Mais tout le monde devient pharmacien par la force des choses parce qu’il y a de l’argent à prendre là-bas.
Au niveau du Ministère de la santé et de la lutte contre le sida, faire seulement des saisies de suffit pas. Au niveau de la sous-direction de la pharmacovigilance, la DPM avait organisé des ateliers. Dans le plan d’action qui en est ressorti, il était question de mettre en place un comité national de lutte contre le trafic illicite des médicaments. Le ministère de la santé seul ne peut pas lutter contre ce phénomène. Cette lutte doit être transversale. Plusieurs ministères ont donc été impliqués dans cette lutte : les ministères de la sécurité, de l’intérieur, de la justice, la douane, etc. c’est tout le monde qui doit lutter contre ce trafic. Ce comité a commencé à travailler. Il a même déjà fait des saisies de près de 17 tonnes. Mais avant cela, il y avait eu une opération avec Interpole qui devait s’effectuer dans tous les pays de la sous-région en même temps. C’était vraiment difficile mais nous l’avons quand même fait en Côte d’Ivoire. C’était dans le courant de Mai-Juin 2014 et cela a permis de saisir 189 tonnes de médicaments. Cette opération s’est faite concomitamment dans cinq villes : Abidjan, San-Pedro, Bouaké, Daloa et… Nous avons le concours de l’ordre national des pharmaciens qui a préfinancé cette action. C’était une très belle opération. Tous les stocks saisis ont été détruits. A Bonon, dans la région de Daloa, il y avait d’énormes entrepôts de médicaments. Tous ces magasins ont été détruits mais à l’heure où je vous parle, ils se sont tous reconstitués. Ils ont une faculté de récupération extraordinaire. A Bouaké, ils ont des magasins entiers ouverts en pleine rue. C’est donc la régularité de ce genre d’action qui pourrait décourager les acteurs de ce phénomène. Je pense que le ministre de la santé et de la lutte contre le sida partage d’ailleurs cette vision et prévoit entreprendre des actions en ce sens.
MS : Certains médicaments qui sont vendus dans les officines pharmaceutiques se retrouvent aussi dans les rues…
Dr RD : Des personnes peuvent venir acheter les médicaments dans les pharmacies et aller les revendre en détail. On dirait que les médicaments ne sont pas à la portée des populations mais de quels médicaments parlons-nous dans ce cas ? Il y a des médicaments qui peuvent être achetés sans ordonnance. Quand une personne passe de pharmacie en pharmacie pour acheter ces médicaments, elle a son stock à la fin son tour. Elle peut donc aller revendre tous ces médicaments en détail. Il est vrai qu’au niveau des pharmacies, il peut avoir des déviations. Rien n’est parfait de toutes les façons. Mais ce n’est pas là la source principale.
Ce qui me fait le plus peur, c’est les médicaments comme ceux de la tuberculose et du sida que l’on vend dans la rue. Ces médicaments sont en générale distribués gratuitement dans les formations sanitaires à des malades particuliers. Que font ces médicaments dans la rue ?
Au-delà des saisies, il faut des actions permanentes de sensibilisation. La population ne doit plus penser qu’il est plus aisé de prendre les médicaments dans les rues plutôt que dans les pharmacies.
MS : Pourquoi n’entendons-nous plus parler des médicaments génériques ?
Dr RD : Les médicaments génériques sont de bons médicaments contrairement à ce que l’on pourrait croire. Ces médicaments sont tombés dans le domaine public. Un laboratoire qui invente un médicament dispose d’un temps pour rentabiliser. Après quoi, la copie du médicament devient possible. Ces médicaments ont les mêmes principes actifs que le médicament original et à l’avantage d’avoir un coût réduit.
MS : Quels sont les défis majeurs que compte relever la DPM ?
Dr RD : L’un des défis majeurs de la DPM est d’arriver à bout du phénomène des médicaments de la rue. Nous aspirons aussi à une DPM plus forte bien que nous soyons conscients de notre importance dans le système du médicament en Côte d’Ivoire. Plus fort, c’est avoir plus de moyen, changer de statut. Le changement de statut est prévu et c’est même une directive de l’Uemoa.
Revenant sur le phénomène des médicaments de la rue, je pense que la Couverture Maladie Universelle va aider à l’enrayer. Tout le monde pourra s’acheter des médicaments. Les clients de ces bonnes dames font donc baisser parce que beaucoup d’entre eux vont rentrer dans le circuit officiel. Ces médicaments sont de toutes sortes et arrivent même par pinasse. Il y a des médicaments périmés et même des contrefaçons. On peut contrefaire avec n’importe quoi et on trouvera des médicaments sans principe actif, des médicaments sur dosés ou sous-dosés, etc.
MS : Quelles sont les difficultés auxquelles la DPM est-elle confrontée ?
Dr RD : Si nous avions plus de moyens, nous serions plus efficace forcement. Nous n’avons qu’un seul véhicule qui est vieillissant d’ailleurs. Mais nous attendons beaucoup de nos partenaires qui nous ont fait des promesses en ce sens. On pense avoir au moins un véhicule en plus, d’ici peu, pour faire les missions.
MS : Quels sont les directeurs qui se sont succédés à la tête de la DPM depuis sa création ?
Dr RD : Depuis sa création, la DPM a eu plusieurs directeurs :
Depuis 2011 : Dr Rachel Duncan,
2010 : Pr Ange D. Yapi,
2005 - 2010: Pr Michel Aké,
2002 - 2005: Pr Anglade Malan,
2000 - 2002: Pr Djeneba Bamba,
1998 : Pr Savali.
Magazine Santé : Qu’est-ce que la DPM ?
Dr Rachel DUNCAN : La DPM est une des huit directions centrales qui dépendent de la Direction générale de la santé du Ministère de la santé et de la lutte contre le sida. Elle a été créée par le décret n°61/34 du 14 janvier 1961. Elle a été réorganisée par un décret en 1969 puis un autre en 2006. Il y a toujours des décrets de réorganisation pour actualiser les fonctions.
La DPM a pour mission principale d’élaborer, mettre en œuvre et veillez à l’application de la politique pharmaceutique nationale. Nous élaborons donc des projets de textes législatifs et réglementaires en ce qui concerne le médicament. Nous avons également en charge la réglementation en matière d’enregistrement des médicaments, de produits cosmétiques, des produits d’hygiène corporelle, etc. Nous avons aussi en charge l’application de tout ce qui est convention internationale au niveau du médicament. Au niveau de l’Uemoa et de la Cedeao, c’est la DPM qui est chargé de faire appliquer la législation concernant les médicaments et d’assurer le suivi. Nous nous occupons des traités de psychotropes et de stupéfiants sur le plan réglementaire. Pour la répression, une autre structure s’en charge.
Nous réglementons l’exercice de la pharmacie et des laboratoires d’analyse médicale. La DPM, c’est la direction de la pharmacie. Même les programmations des officines, les contrôles à faire dans les pharmacies et les laboratoires, c’est la DPM qui s’en charge. Nous avons aussi en charge la pharmacovigilance, c’est-à-dire le suivi, comment le médicament se comporte sur le terrain. Cela suppose que nous avons un retour d’informations concernant les différents médicaments sur le marché. C’est avec le concours de la population et des prescripteurs que nous pouvons avoir toutes ces informations. Nous avons donc une mission qui se dégage en fonction de chaque sous-direction.
Nous avons quatre départements : la sous-direction du médicament, la sous-direction de la pharmacie et des laboratoires d’analyses médicales, la sous-direction de la pharmacovigilance et de la lutte contre les médicaments illicites et la sous-direction de la promotion de l’industrie pharmaceutique. S’agissant du personnel, nous avons 45 personnes dont 30 pharmaciens à peu près.
MS : Comment se font concrètement vos actions sur le terrain ?
Dr. RD : En termes d’activités au niveau de la DPM, que faisons-nous ? Nous contrôlons tout ce qui est importation de médicaments, de psychotropes et de produits. Quelque soit le médicament qui veut rentrer en Côte d’Ivoire de manière officielle, c’est la DPM qui donnera l’autorisation d’importer.
MS : Toute structure voulant faire venir des médicaments doit donc passer par la DPM ?
Dr. RD : Effectivement. Répond-il au critère pour faire rentrer des médicaments ? Tout médicament qui rentre sur le territoire doit avoir une autorisation de mise sur le marché. La commission qui s’en charge procède à une expertise qualité. Il y a des dossiers à fournir à l’UEMOA maintenant dans un format spécial et monté d’une certaine manière. Il y a aussi la visite du site de fabrication, même quand celui-ci se trouve hors de nos frontières. Cette autorisation est valable pour tout ce qui est médicament chimique. Toutefois, il faut noter qu’il existe des circuits parallèles. Mais nous y reviendrons.
MS : Quels sont les moyens dont dispose la DPM pour mener à bien ses missions ?
Dr RD : Nous disposons d’un budget annuel de près de 20 millions de francs CFA. Avec cette somme, nous ne pouvons pas aller très loin parce qu’en plus des projets de textes, nous devons mener des inspections sur le terrain. Cela fait partie des difficultés liées au fonctionnement de notre structure.
MS : Comment se fait la fixation des prix des médicaments ?
Dr RD : La fixation des prix des médicaments se fait par décret. Au niveau de l’autorisation de mise sur le marché, des prix nous sont proposés. La commission va statuer sur ces propositions de prix pour voir s’ils ne sont pas trop élevés. Nous cherchons à baisser les prix au maximum. C’est cela l’avantage des médicaments génériques. Ce prix grossiste-fournisseur hors taxe est multiplié par 2 à peu près (1,99). Le résultat obtenu constitue le prix public. La marge a été fixée par décret.
MS : Combien de laboratoires pharmaceutiques sont représentés en Côte d’Ivoire ?
Dr RD : Nous avons beaucoup laboratoires parmi lesquelles se comptent les agences de matériels paramédicaux. Nous les avons mis ensemble. Il est donc difficile de vous donner un nombre pour les laboratoires pharmaceutiques uniquement. Nous pouvons toutefois les estimer à une centaine.
Il y a parmi ces laboratoires des usines locales de fabrication de médicaments. Nous en comptons quatre qui fonctionnent officiellement : Oléa, situé sur la route de Bingerville, Cipharm à Attoban, Lic Phama et Pharmivoire à Yopougon.
MS : Les conditions de création de laboratoire pharmaceutique n’expliquent-t-elles pas ce nombre réduit d’usines locales de fabrication de médicament ?
Dr RD : Les conditions sont accessibles à tous. Ce sont des investissements qui coutent chers. Il faut avoir des partenaires extérieurs. Mais nous sommes dans une politique d’émergence. Nous essayons d’attirer les investisseurs afin qu’ils viennent s’installer en Côte d’Ivoire plutôt que de toujours fabriquer les médicaments là-bas pour nous les envoyer par la suite. Mais il faut se résoudre à la réalité du marché. Celui qui s’installe ici doit rentabiliser son affaire. Il serait peut-être plus raisonnable de penser son business pour toute la sous-région. Le seul marché de la Côte d’Ivoire ne suffira pas bien qu’il représente près de 35% du marché de la sous-région. Ce pourcentage a baissé parce que dans le passé, nous atteignions 40%.
N’importe qui peut créer une usine de fabrication, pourvu que les conditions soient réunies. Il faut un directeur technique pharmacien, c’est-à-dire quelqu’un qui connait le domaine. Si quelqu’un nous montre sa volonté de vouloir ouvrir une usine, la Direction de la Pharmacie et du Médicament va l’accompagner sur le plan technique. Nous allons lui délivrer un document attestant qu’il peut commencer ses travaux. Cela s’appelle un accord de principe et ce document va lui faciliter toute la démarche administrative. Nous irons ensuite inspecter les machines et les locaux pour s’assurer qu’ils répondent aux normes de bonne pratique de fabrication.
MS : Quelle est votre collaboration avec des structures telles que la Nouvelle Pharmacie de la Santé Publique ou le Laboratoire National de Santé Publique ?
Dr RD : Nous travaillons étroitement avec le Laboratoire National de Santé Publique. C’est le LNSP qui effectue l’expertise de tous nos produits. Quand quelqu’un veut faire enregistrer un produit en Côte d’Ivoire, l’un des critères est de faire une expertise qualité du produit en question. Les résultats de cette expertise font partis des critères d’éligibilité de ce médicament. Le LNSP nous confirme donc la conformité du produit avec sa composition déclarée.
La DPM donne les autorisations d’importer ou d’enlever des médicaments sur le marché local. La Nouvelle PSP est donc obligée de se référer à nous pour tout ce qui est importation et enlèvement de médicaments. C’est un premier aspect de notre partenariat. En plus, au niveau des appels d’offres de la Nouvelle PSP, la DPM est partie prenante parce qu’étant l’autorité de régulation. Nous suivons donc les appels d’offres de la Nouvelle PSP.
MS : Après la mise sur le marché des médicaments, il y a-t-il un contrôle ?
Dr RD : Avant, nous ne le faisions pas parce que notre budget ne nous le permettait pas. Nous avons cherché des partenariats pour pouvoir le faire. Le Parsi, un programme de l’Union Européenne qui a décidé de nous financer. Nous avons alors repris les contrôles post-commercialisations depuis l’année dernière. Ces contrôles sont un élément de la pharmacovigilance. Nous allons faire des prélèvements chez les grossistes que nous analysons pour vérifier si la composition déclarée pour l’enregistrement du médicament est effectivement celle que nous retrouvons dans les produits sur le marché. Pour ce faire, nous travaillons avec la police sanitaire. Nous collaborons avec elle puisque nous sommes dans l’aspect trafic illicite de médicaments. C’est elle qui opère les saisies.
MS : Quelle regard portez-vous sur le phénomène des médicaments de la rue ?
Dr RD : Le phénomène des médicaments de la rue est arrivée par différentes sources. Les médicaments rentrent forcement par des circuits parallèles parce qu’a un moment ou un autre, l’on arrive à quadriller le circuit officiel. C’est surtout les circuits parallèles qui renflouent les médicaments de la rue. Il faut dire que ce phénomène n’est pas propre à la Côte d’Ivoire ? On retrouve ce phénomène partout en Afrique. Les gens ont remarqué qu’il y avait beaucoup d’argent à se faire dans le médicament et ils s’y sont mis. C’est un monopole pharmaceutique. Mais tout le monde devient pharmacien par la force des choses parce qu’il y a de l’argent à prendre là-bas.
Au niveau du Ministère de la santé et de la lutte contre le sida, faire seulement des saisies de suffit pas. Au niveau de la sous-direction de la pharmacovigilance, la DPM avait organisé des ateliers. Dans le plan d’action qui en est ressorti, il était question de mettre en place un comité national de lutte contre le trafic illicite des médicaments. Le ministère de la santé seul ne peut pas lutter contre ce phénomène. Cette lutte doit être transversale. Plusieurs ministères ont donc été impliqués dans cette lutte : les ministères de la sécurité, de l’intérieur, de la justice, la douane, etc. c’est tout le monde qui doit lutter contre ce trafic. Ce comité a commencé à travailler. Il a même déjà fait des saisies de près de 17 tonnes. Mais avant cela, il y avait eu une opération avec Interpole qui devait s’effectuer dans tous les pays de la sous-région en même temps. C’était vraiment difficile mais nous l’avons quand même fait en Côte d’Ivoire. C’était dans le courant de Mai-Juin 2014 et cela a permis de saisir 189 tonnes de médicaments. Cette opération s’est faite concomitamment dans cinq villes : Abidjan, San-Pedro, Bouaké, Daloa et… Nous avons le concours de l’ordre national des pharmaciens qui a préfinancé cette action. C’était une très belle opération. Tous les stocks saisis ont été détruits. A Bonon, dans la région de Daloa, il y avait d’énormes entrepôts de médicaments. Tous ces magasins ont été détruits mais à l’heure où je vous parle, ils se sont tous reconstitués. Ils ont une faculté de récupération extraordinaire. A Bouaké, ils ont des magasins entiers ouverts en pleine rue. C’est donc la régularité de ce genre d’action qui pourrait décourager les acteurs de ce phénomène. Je pense que le ministre de la santé et de la lutte contre le sida partage d’ailleurs cette vision et prévoit entreprendre des actions en ce sens.
MS : Certains médicaments qui sont vendus dans les officines pharmaceutiques se retrouvent aussi dans les rues…
Dr RD : Des personnes peuvent venir acheter les médicaments dans les pharmacies et aller les revendre en détail. On dirait que les médicaments ne sont pas à la portée des populations mais de quels médicaments parlons-nous dans ce cas ? Il y a des médicaments qui peuvent être achetés sans ordonnance. Quand une personne passe de pharmacie en pharmacie pour acheter ces médicaments, elle a son stock à la fin son tour. Elle peut donc aller revendre tous ces médicaments en détail. Il est vrai qu’au niveau des pharmacies, il peut avoir des déviations. Rien n’est parfait de toutes les façons. Mais ce n’est pas là la source principale.
Ce qui me fait le plus peur, c’est les médicaments comme ceux de la tuberculose et du sida que l’on vend dans la rue. Ces médicaments sont en générale distribués gratuitement dans les formations sanitaires à des malades particuliers. Que font ces médicaments dans la rue ?
Au-delà des saisies, il faut des actions permanentes de sensibilisation. La population ne doit plus penser qu’il est plus aisé de prendre les médicaments dans les rues plutôt que dans les pharmacies.
MS : Pourquoi n’entendons-nous plus parler des médicaments génériques ?
Dr RD : Les médicaments génériques sont de bons médicaments contrairement à ce que l’on pourrait croire. Ces médicaments sont tombés dans le domaine public. Un laboratoire qui invente un médicament dispose d’un temps pour rentabiliser. Après quoi, la copie du médicament devient possible. Ces médicaments ont les mêmes principes actifs que le médicament original et à l’avantage d’avoir un coût réduit.
MS : Quels sont les défis majeurs que compte relever la DPM ?
Dr RD : L’un des défis majeurs de la DPM est d’arriver à bout du phénomène des médicaments de la rue. Nous aspirons aussi à une DPM plus forte bien que nous soyons conscients de notre importance dans le système du médicament en Côte d’Ivoire. Plus fort, c’est avoir plus de moyen, changer de statut. Le changement de statut est prévu et c’est même une directive de l’Uemoa.
Revenant sur le phénomène des médicaments de la rue, je pense que la Couverture Maladie Universelle va aider à l’enrayer. Tout le monde pourra s’acheter des médicaments. Les clients de ces bonnes dames font donc baisser parce que beaucoup d’entre eux vont rentrer dans le circuit officiel. Ces médicaments sont de toutes sortes et arrivent même par pinasse. Il y a des médicaments périmés et même des contrefaçons. On peut contrefaire avec n’importe quoi et on trouvera des médicaments sans principe actif, des médicaments sur dosés ou sous-dosés, etc.
MS : Quelles sont les difficultés auxquelles la DPM est-elle confrontée ?
Dr RD : Si nous avions plus de moyens, nous serions plus efficace forcement. Nous n’avons qu’un seul véhicule qui est vieillissant d’ailleurs. Mais nous attendons beaucoup de nos partenaires qui nous ont fait des promesses en ce sens. On pense avoir au moins un véhicule en plus, d’ici peu, pour faire les missions.
MS : Quels sont les directeurs qui se sont succédés à la tête de la DPM depuis sa création ?
Dr RD : Depuis sa création, la DPM a eu plusieurs directeurs :
Depuis 2011 : Dr Rachel Duncan,
2010 : Pr Ange D. Yapi,
2005 - 2010: Pr Michel Aké,
2002 - 2005: Pr Anglade Malan,
2000 - 2002: Pr Djeneba Bamba,
1998 : Pr Savali.