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Société Publié le vendredi 1 mai 2015 | AFP

Au Liberia, les soldats perdus de la crise ivoirienne craignent toujours de rentrer

© AFP Par DR
Duékoué: Les personnes déplacées du camp de Niambly trouvent un nouveau refug
22 Juillet 2012. Duékoué. Un aperçu de l`atmosphère après l` attaque du camp des personnes déplacées dans l`ouest de Côte-d`Ivoire.
Zwedru (Liberia) - Quatre ans après l'arrivée au pouvoir du président Alassane Ouattara à l'issue de meurtrières violences post-électorales, certains de ses farouches opposants réfugiés au Liberia voisin redoutent toujours des représailles en cas de retour au pays.

Des centaines de partisans armés du président déchu Laurent Gbabgo ont trouvé asile au Liberia, après avoir fui Abidjan et l'Ouest ivoirien, où les tensions interethniques ont dégénéré en massacres en 2011.

"Je n'ai pas vu mes enfants depuis cinq ans. Chaque fois que je veux rentrer, des amis proches de l'actuel régime m'en dissuadent", affirme un ancien chef de milice, Maho Pohoulou Syprien.

Lors de l'élection présidentielle de novembre 2010, organisée après des années de reports, le président sortant Laurent Gbagbo refuse de reconnaître sa défaite face à l'ex-Premier ministre Ouattara.

S'ensuivent six mois de violences réciproques qui vont faire au moins 3.000 morts, selon des organisations de défense des droits de l'Homme et les Nations unies.

Plusieurs centaines de civils Guéré, ethnie favorable à M. Gbagbo, sont ainsi massacrés dans la ville de Duékoué par des hommes favorables à Ouattara, selon des défenseurs des droits de l'Homme dont les bilans varient.

De nombreux Ivoiriens originaires du Nord et des étrangers sont également tués à la même période, le 29 mars 2011, près de la localité voisine de Guiglo, alors sous contrôle des forces pro-Gbagbo, selon les mêmes sources.

Les pro-Gbagbo ont fui le 30 mars Guiglo, avant l'entrée des hommes d'Alassane Ouattara, grossissant l'exode d'Ivoiriens vers le Liberia, qui atteindra 200.000 personnes.

- 'Interminables journées d'ennui' -

Syprien, un chef des "jeunes patriotes", une milice pro-Gbabgo à Guiglo, fait partie des centaines d'anciens partisans du président déchu dans le camp de réfugiés de l'ONU près de Zwedru (sud-est du Liberia) qui abrite environ 15.000 personnes pour une capacité de 27.000 places.

Ses enfants sont restés à Guiglo, mais s'il se réjouit de les savoir en vie, il se désole qu'ils grandissent loin de lui.

"Tous mes biens, ma maison, mes voitures, tout a été détruit. Je n'ai rien emmené avec moi. Mon plus jeune fils est né en 2011 et deux mois après, j'ai quitté le pays. Je ne sais même pas à quoi il ressemble", soupire-t-il.

Bahibo Stéphane, 41 ans, un autre vétéran des forces pro-Gbagbo affirme que tout ce qu'il a laissé derrière lui manque: "Les amis, les parents, mon métier, la camaraderie de l'armée".

"C'est le début d'une autre journée d'ennui, comme les centaines que j'ai passées dans ce camp: ça devient insupportable", dit-il.

Comme de nombreux anciens combattants de la guerre civile, les deux hommes restent évasifs sur leur éventuelle participation à des violations des droits de l'Homme.

Le rapatriement progressif des réfugiés du Liberia, interrompu l'été dernier à cause de l'épidémie d'Ebola qui a ravagé le pays, a repris en avril à la faveur de la décrue du virus.

Sur 38.000 réfugiés restants, le Liberia, la Côte d'Ivoire et le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) espèrent pouvoir en faire revenir 15.000 d'ici la fin de l'année.

Mais les anciens miliciens craignent d'être inquiétés pour leur implication dans les violences de 2011.

Bahibo Stéphane dit avoir été illégalement détenu en 2012 à Abidjan, après avoir répondu à un appel du nouveau pouvoir pour rejoindre l'armée du président Ouattara.

Il dit s'être évadé un mois après en sautant par-dessus le mur de la prison, pour retourner au Liberia.

"Cela a fait changer d'avis les candidats au retour. Les gens ordinaires peuvent rentrer mais, pour nous les soldats, c'est difficile", explique-t-il.

Bahibo Stéphane dit pourtant vouloir réintégrer l'armée, quel que soit le président. "J'ai été formé par le gouvernement avec l'argent du contribuable, donc je ne suis pas au service d'un président en particulier, mais de l'État".

"Je n'ai rien contre le président Ouattara. J'admire le travail qu'il fait en Côte d'Ivoire et je suis fier de lui", assure-t-il de l'homme qui sera candidat à sa réélection lors de la présidentielle d'octobre. Son ancien rival, Laurent Gbagbo, attend pour sa part dans une cellule à La Haye (Pays-Bas) d'être jugé par la Cour pénale internationale (CPI).

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