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Société Publié le mercredi 8 juillet 2015 | AFP

Inculpations de chefs rebelles pro-Ouattara: un grand pas pour la justice ivoirienne (PAPIER GENERAL)

© AFP Par SIA KAMBOU
Côte d’Ivoire: Simone Gbagbo, l’ex-"Dame de fer" face à la justice
Abidjan - L’inculpation de chefs rebelles ayant soutenu le président Alassane Ouattara pour des crimes commis pendant la crise postélectorale de 2010-2011 constitue une avancée majeure pour la justice ivoirienne, critiquée pour son côté partisan, à trois mois de la
présidentielle.

"Une vingtaine d’inculpations" ont été prononcées contre d’anciens rebelles partisans de M. Ouattara et d’ex-militaires fidèles à l’ancien chef de l’Etat Laurent Gbagbo, a déclaré à l’AFP Patrick Baudouin, le président de la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH).

"Dès cette semaine, d’autres suivront", a affirmé une source judiciaire, confirmant des informations révélées lundi par l’hebdomadaire Jeune Afrique.

Parmi les inculpés se trouvent Chérif Ousmane et Losseni Fofana, dit "Loss", deux importants com’zones (commandants de zone) pendant la crise, qui occupent désormais des postes à responsabilité dans les forces de sécurité ivoiriennes, a indiqué à l’AFP une source proche du dossier.

Le général Georges Guiai Bi Poin, pilier du système sécuritaire de M. Gbagbo, en fait également partie, a-t-on appris de même source.

"Tous sont inculpés dans le cadre d’une procédure dont les chefs d’accusation concernent les crimes les plus graves commis pendant la crise", a poursuivi cette source.

Cette avancée judiciaire majeure intervient à trois mois de la présidentielle d’octobre, dont le chef de l’Etat ivoirien, critiqué pour son bilan en termes de justice, est le grand favori.

"Si les élections peuvent aider à faire avancer la justice, tant mieux.

Mais personne ne comprendrait qu’un tel mouvement s’arrête après les élections", a commenté Florent Geel, responsable Afrique pour la FIDH.

Les inculpations, qui marquent "un rééquilibrage" des poursuites, donnent "un nouvel élan aux enquêtes en cours", a observé Patrick Baudouin.

L’opposition et la société civile dénonçaient jusqu’alors la "justice des vainqueurs" en vigueur en Côte d’Ivoire, où cinq mois de crise postélectorale - née du refus du président Laurent Gbagbo de reconnaître sa défaite face à Alassane Ouattara - ont fait plus de 3.000 morts en 2010-2011.

Plus de quatre ans après les faits, les seules personnalités d’envergure poursuivies pour ces crimes étaient des partisans de l’ancien régime.

L’ex-Première dame Simone Gbagbo, réclamée par la Cour pénale internationale, où les autorités ivoiriennes refusent de la transférer, a été condamnée en mars à 20 ans de prison pour "atteinte à la sûreté de l’Etat". La société civile a dénoncé les "insuffisances préoccupantes" de son procès.

- ’Jusqu’au bout’ -

"C’est pour cela qu’il faut laisser à la justice le temps de travailler. Il faut éviter un nouveau procès sans preuves, comme celui de Mme Gbagbo", a rappelé un cadre d’ONG, sous couvert d’anonymat.

Le 25 juin, 19 organisations nationales et internationales, s’inquiétant d’"informations concordantes" relatives à la "clôture" des enquêtes sur la crise postélectorale, avaient écrit une lettre ouverte à M. Ouattara pour l’enjoindre de les maintenir "ouvertes".

"Il n’est pas question d’arrêter quoi que ce soit. Les choses iront jusqu’au bout, et cela prendra le temps qu’il faudra", avait répondu le soir-même le chef de l’Etat.

Reste à voir si ces inculpations aboutiront à des procès, ce qui ne semble pas garanti au vu des positions occupées par les personnes mises en examen, selon la source judiciaire.

"Si les gens sont dans les bonnes grâces du pouvoir, ils ne seront jamais interpellés. Aucun magistrat n’aura le courage de voir le ciel lui tomber sur la tête", a-t-elle estimé.

Chérif Ousmane est actuellement commandant en second du Groupe de sécurité du président de la République (GSPR), une unité d’élite. Losseni Fofana, quant à lui, occupe le poste de chef de la Brigade de sécurisation de l’Ouest (BSO) de la Côte d’Ivoire.

Il y a une "crainte" de "manipulations" autour de ces inculpations, a remarqué un militant important des droits de l’Homme, sous couvert d’anonymat.

"Il ne faudrait pas que certains ex-combattants croient qu’ils se sont battus pour un pouvoir qui est en train de les lâcher, a-t-il ajouté. Parce qu’ils ont encore des hommes en armes qui pourraient créer des troubles."

Les violences postélectorales de 2010-2011 ont constitué l’épilogue d’une décennie de crise politico-militaire (2002-2011), qui avait notamment provoqué la partition en deux de la Côte d’Ivoire.

jf/bds
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