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Économie Publié le samedi 22 août 2015 | Le Quotidien d’Abidjan

Enquête express : vente de pain à la criée / Des commerçants défient l’Etat

© Le Quotidien d’Abidjan Par DR
Du pain
Le décret portant organisation de la distribution et de la vente de pain pris par l’Etat Ivoirien, est entré en vigueur depuis le 1er janvier 2015. Malgré l’interdiction, la vente de pain à la criée se poursuit. Mieux, la baguette est cédée même à 200 FCFA par certains détaillants.

Vêtu d’un tee-shirt marron et d’une culotte de couleur bleue, un livreur de pains, vient juste d’arrêter son vélo devant un kiosque à café, à proximité du petit marché du Plateau Dokui. Ce vendredi 14 août, il dépose délicatement son sac contenant une vingtaine de pains sur le comptoir. L’horloge du propriétaire du kiosque marque 6 heures. Quelques minutes plus tard, Diallo, le tenancier du kiosque, lui remet de l’argent et notre livreur prend congé de lui. Comme lui, nombreux sont les contributeurs de pains qui continuent leurs activités dans la capitale économique ivoirienne. Nonobstant la décision gouvernementale. On se souvient que pour des mesures d’hygiène alimentaire et de non contamination du pain, la pratique de cette activité devrait dorénavant être soumise à l’obtention d’une autorisation délivrée par le maire de chaque commune ou zone, à la suite d’un examen pulmonaire pour des précautions d’hygiène. Par cette mesure donc, l’Etat entend faire éviter à la population ivoirienne certaines maladies contagieuses.

Le pain toujours vendu à la criée
M. Olivier Kla, 28 ans, livreur de pains dans la commune de Cocody précisément à Angré, à la 7ème Tranche et au Château affirme poursuivre son activité dans la mesure où elle est sa seule source de revenus. « J’exerce cette activité depuis plus de 6 ans pour subvenir aux besoins de ma famille » explique t-il. M. Kla dit vendre environ 275 baguettes de pains par jour et réaliser un bénéfice de 6075 F Cfa. « La mesure d’interdiction de la vente de pain à la criée de l’Etat a conduit nombre de mes collègues du chômage », déplore t-il. « L’Etat tout comptant lutter contre le taux élevé du chômage prend des décrets pour supprimer ceux qui existent déjà, même informels fussent-ils. j’ai l’impression que tout est fait pour augmenter le taux de chômeurs », fait savoir Mme Fanta Sylla, commerçante de pain au grand marché d’Abobo estimant que l’Etat devrait encourager les personnes qui exercent les petites activités. « Je continue cette activité malgré moi. Pour la question d’hygiène, les commerçants peuvent changer de comportement. Par exemple, emballer le pain dans du papier ou le mettre dans des box » propose t-elle. M. Jerôme Kouassi, grossiste-détaillant dénonce quant à lui cette décision du gouvernement. « A cause de cette mesure les boulangers refusent de nous livrer le pain » s’indigne-t-il ajoutant que cette activité a pour but de soulager les clients et réduire par la même occasion la pauvreté.

Bonne affaire pour les boulangers
Des boulangers saluent et continuent de saluer cette mesure gouvernementale. En effet, les boulangeries dont les propriétaires sont des citoyens libanais respectent les mesures prises par le gouvernement. Selon des revendeurs interrogés, ils ne leur livrent plus le pain. En effet, avant la prise de cette mesure, les boulangers livraient le pain à 100 F Cfa la baguette. Il appartenait donc aux livreurs de majorer le prix. Ainsi, ils livraient le pain à 125 F Cfa aux détaillants. Le pain est ensuite vendu à 150 F Cfa aux consommateurs. Cependant, aujourd’hui, des boulangeries dont les activités prospèrent préfèrent vendre le pain à 150 F Cfa directement aux consommateurs. De cette façon, leur chiffre d’affaires s’accroit. Il est bon de noter que si certaines boulangeries respectent jusqu’à ce jour la mesure, d’autres continuent de travailler avec les livreurs et détaillants. « Je remercie certaines boulangeries qui continuent de nous aider », soutient M. Ettien Félicien, livreur à Yopougon-Toits Rouges. Selon lui, ce sont des milliers de jeunes qui ont été encore mis à la rue avec cette mesure. C’est pourquoi, il estime que le gouvernement aurait dû avoir une concertation avec les vendeurs de pains avant la prise de cette décision.

La baguette de pain commercialisée à 200 F Cfa
La mesure d’interdiction veut que le transport du pain dans les charrettes, les véhicules de transport en commun, la distribution ambulante à pied ou les ventes de porte à porte, et dans les boutiques de quartiers sont interdits. Cette mesure n’est pas respectée par certaines boulangeries, si même, elle est scrupuleusement respectée dans des boutiques de quartiers, notamment Cocody, II Plateaux etc. Mais la baguette de pain est cédée à 200 F Cfa par les commerçantes de pains et condiments. En effet, elles foulent au pied la déclaration des boulangers et pâtissiers de Côte d’Ivoire. La fédération interprofessionnelle des patrons boulangers et pâtissiers de Côte d’Ivoire affirme que le prix de la baguette de pain reste inchangé et demeure à 150 F Cfa. Les commerçantes qui cèdent la baguette de pain à 200 F Cfa font de la surenchère.
Rosemonde Kouadio
Légende : les baguettes de pains toujours commercialisées dans des boutiques de quartiers malgré l’interdiction du gouvernement.

Encadré
Une décision qui n’a pas de sens

Les décisions prises par le gouvernement ivoirien peinent véritablement à s’appliquer. En témoigne la vente de pain à la criée qui continue malgré l’arrêté N°37 du 01/07/2013 du ministère du Commerce, de l’Artisanat et de la Promotion des Pme, portant organisation de la distribution et la vente du pain. La question qui se pose est de savoir pourquoi les décisions prises par l’Etat ne sont pas respectées ? Est-ce un problème de suivi ou un manque de rigueur des autorités ? En réalité, cette décision et bien d’autres, ne prennent pas en compte les préoccupations et les réalités existentielles des citoyens, et ces mesures ne sont pas suivies de mesures d’accompagnement. Par exemple, le gouvernement pouvait en lieu et place de cette interdiction, mener une campagne pour sensibiliser les revendeurs. Et ce, afin de leur expliquer l’importance de l’hygiène et surtout les exhorter à couvrir le pain avec des papiers films ou les mettre dans des box conçus à cet effet. Une chose est sûre, malgré la campagne de sensibilisation de six mois faite auprès des opérateurs du secteur avant l’entrée en vigueur de cette décision, il y a de cela 8 mois ,elle a du mal à s’appliquer sur le terrain. Et pourtant, cette activité génératrice de revenus permet aux acteurs de se mettre à l’abri du besoin et faire face à d’autres charges familiales. Que fait donc le comité de surveillance et de vigilance qui devrait être mis en place par zone avec pour rôle principal la prévention des violations des dispositions contenues dans l’arrêté ?

R.K
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