D’un naturel souriant, la poignée de mains franche et une barbiche soigneusement entretenue, celui que l’on surnomme "Serge Dubois" nourrit tous les jours un peu plus un espoir : vivre en Europe. Âgé d’une trentaine d’années, cet archiviste s’est déjà lancé deux fois dans ce qu’il appelle "l’aventure" : la traversée de l’Afrique à la découverte de l’Occident.
Titulaire d’un Brevet de technicien supérieur (BTS) en archivistique, Serge, originaire de l’Est de la Côte d’Ivoire, porte un regard sévère sur sa société : "depuis 2010 et la crise post-électorale, je ne vote plus, nos dirigeants n’ont aucun compte à rendre. Et mon diplôme ne vaut plus rien depuis le passage au niveau système de licence-master-doctorat".
En parallèle, cet homme cultivé suit de près l’actualité française et européenne. "Là-bas, on vote des lois par rapport aux conditions de vie. On ne laisse pas vivre les gens dans des conditions exécrables".
En dépit des fréquents drames humains liés aux voyages de migrants rejoignant le Vieux continent et des conditions de vie précaires des immigrés clandestins en France, Serge tente le tout pour le tout.
Sans femme ni enfant, "parce que ce serait vivre dans l’anxiété vu tout ce monde que j’aurais laissé derrière moi", il part à la rentrée 2010, quelques mois semaines avant les élections présidentielles.
"Je ne voulais quand même pas risquer ma vie. Mais j’étais déterminé", résume-t-il.
À ce moment, il prend la lointaine destination de l’Australie, un pays à propos duquel il a entendu qu’il était aisé d’immigrer. Il entame son périple avec un de ses amis, et prend la direction de Ouagadougou au Burkina Faso, en prenant les transports en commun. Il décolle quelques jours après pour Malabo, en Guinée Équatoriale. Il s’y fait faire des faux papiers, qui conduisent les deux compères en Afrique du Sud, où un vol les attend pour le Pacifique.
"Tout était prêt", se souvient-il, le regard plongé dans son passé. Mais au moment de franchir la douane, l’identité des acolytes est découverte. "On nous a mis en prison", lâche-t-il avec un rire gêné. Serge et son ami passent trois mois de solitude dans un centre de rétention avant de retrouver la route "de la maison". "J’étais en mauvaise santé à cette époque. Je voulais rentrer au pays pour me refaire une santé financière et psychologique". Mais la route du retour est plus longue que prévue. Il passe six mois à vivre du peu d’argent qu’il lui reste à Ouagadougou, puis rentre à Abidjan, où sa famille, qui n’était pas au courant de son escapade, le sermonne vertement.
Mais il en faut plus pour décourager l’archiviste. Un an plus tard, fin 2012, il rassemble de nouvelles économies et reprend la route, de la France cette fois-ci. Il part pour Libreville, et se fait faire des papiers gabonais. "J’ai dû mettre mon honneur de côté et vivre de petits boulots en attendant d’avoir un visa pour la France", raconte Serge Dubois. Un an plus tard, fin 2013, il s’apprête à prendre l’avion qui rendra son rêve possible lorsque deux agents de la police judiciaire viennent l’arrêter à l’aéroport. "Je leur ai finalement tout raconté, je prenais des risques… J’ai fini par demander à rentrer à Abidjan, ce que j’ai fait vers mars 2014."
Conscient de sa chance dans son malheur, celle de n’avoir pas été violenté ni emprisonné très longtemps, Serge n’a pas renoncé à son espoir. "Au cours de mes voyages, j’ai été confronté à beaucoup d’égoïsme et de malhonnêteté. Je veux faire un dernier voyage, une bonne fois pour toute", déplore-t-il.
Au total, il a dépensé près de 5 millions de francs CFA dans ses deux voyages. "Avec tout cet argent, j’aurais pu beaucoup investir en Côte d’Ivoire, regrette-t-il. Mais c’est la vie." Bien conscient des difficultés de la vie en Europe, il résume sa philosophie de la sorte : "Il faut parfois vivre très dur en Europe pour vivre heureux en Afrique".
NMI
Titulaire d’un Brevet de technicien supérieur (BTS) en archivistique, Serge, originaire de l’Est de la Côte d’Ivoire, porte un regard sévère sur sa société : "depuis 2010 et la crise post-électorale, je ne vote plus, nos dirigeants n’ont aucun compte à rendre. Et mon diplôme ne vaut plus rien depuis le passage au niveau système de licence-master-doctorat".
En parallèle, cet homme cultivé suit de près l’actualité française et européenne. "Là-bas, on vote des lois par rapport aux conditions de vie. On ne laisse pas vivre les gens dans des conditions exécrables".
En dépit des fréquents drames humains liés aux voyages de migrants rejoignant le Vieux continent et des conditions de vie précaires des immigrés clandestins en France, Serge tente le tout pour le tout.
Sans femme ni enfant, "parce que ce serait vivre dans l’anxiété vu tout ce monde que j’aurais laissé derrière moi", il part à la rentrée 2010, quelques mois semaines avant les élections présidentielles.
"Je ne voulais quand même pas risquer ma vie. Mais j’étais déterminé", résume-t-il.
À ce moment, il prend la lointaine destination de l’Australie, un pays à propos duquel il a entendu qu’il était aisé d’immigrer. Il entame son périple avec un de ses amis, et prend la direction de Ouagadougou au Burkina Faso, en prenant les transports en commun. Il décolle quelques jours après pour Malabo, en Guinée Équatoriale. Il s’y fait faire des faux papiers, qui conduisent les deux compères en Afrique du Sud, où un vol les attend pour le Pacifique.
"Tout était prêt", se souvient-il, le regard plongé dans son passé. Mais au moment de franchir la douane, l’identité des acolytes est découverte. "On nous a mis en prison", lâche-t-il avec un rire gêné. Serge et son ami passent trois mois de solitude dans un centre de rétention avant de retrouver la route "de la maison". "J’étais en mauvaise santé à cette époque. Je voulais rentrer au pays pour me refaire une santé financière et psychologique". Mais la route du retour est plus longue que prévue. Il passe six mois à vivre du peu d’argent qu’il lui reste à Ouagadougou, puis rentre à Abidjan, où sa famille, qui n’était pas au courant de son escapade, le sermonne vertement.
Mais il en faut plus pour décourager l’archiviste. Un an plus tard, fin 2012, il rassemble de nouvelles économies et reprend la route, de la France cette fois-ci. Il part pour Libreville, et se fait faire des papiers gabonais. "J’ai dû mettre mon honneur de côté et vivre de petits boulots en attendant d’avoir un visa pour la France", raconte Serge Dubois. Un an plus tard, fin 2013, il s’apprête à prendre l’avion qui rendra son rêve possible lorsque deux agents de la police judiciaire viennent l’arrêter à l’aéroport. "Je leur ai finalement tout raconté, je prenais des risques… J’ai fini par demander à rentrer à Abidjan, ce que j’ai fait vers mars 2014."
Conscient de sa chance dans son malheur, celle de n’avoir pas été violenté ni emprisonné très longtemps, Serge n’a pas renoncé à son espoir. "Au cours de mes voyages, j’ai été confronté à beaucoup d’égoïsme et de malhonnêteté. Je veux faire un dernier voyage, une bonne fois pour toute", déplore-t-il.
Au total, il a dépensé près de 5 millions de francs CFA dans ses deux voyages. "Avec tout cet argent, j’aurais pu beaucoup investir en Côte d’Ivoire, regrette-t-il. Mais c’est la vie." Bien conscient des difficultés de la vie en Europe, il résume sa philosophie de la sorte : "Il faut parfois vivre très dur en Europe pour vivre heureux en Afrique".
NMI