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Politique Publié le vendredi 20 novembre 2015 | L’intelligent d’Abidjan

Contribution : Après les attentas de Paris, tout est mélangé

Dans une de ses chansons, le regretté reggaeman TANGARA Speed Gogha criait de sa voix caverneuse : « Tout est mélangé ! » Après les attentats du 14 novembre 2015 à Paris, c’est l’impression que nous renvoie le monde.

Premièrement, parce que jusqu’à présent, l’idée d’endroits sûrs était toujours collée aux villes d’Occident comme Paris, qui fait d’ailleurs rêver tous les touristes du monde. Voir Paris attaquée de la sorte, malgré tout le dispositif sécuritaire dont dispose la France, laisse à douter et crée la trouille en soi, même à des dizaines de milliers de kilomètres. On se surprend à se dire, comme les habitants de certains sous-quartiers d’Abobo à la merci des jeunes délinquants affublés du sale surnom de « microbes », les parisiens ne sont donc pas, eux-aussi, à l’abri de la furie de jeunes aux intentions malveillantes ? A la seule différence que, les mobiles poursuivis dans les deux cas, ne sont pas superposables.
Deuxièmement, par les atteintes (nécessaires) aux libertés individuelles que commande la situation, avec l’instauration de l’état d’urgence en France et le projet de modification de la constitution par le Président français. Des observateurs voient là, une façon d’agir du pouvoir exécutif, qui supplante quasiment les autres pouvoirs (législatif et judiciaire.) Voici ce qu’en dit La ligue des droits de l’Homme (LdH) dans un communiqué publié le 16 novembre 2015 sur son site : « Le peu de précisions apportées par le président de la République quant au contenu exact des réformes envisagées et la rapidité avec laquelle le Parlement est sommé de les entériner atteste que le pouvoir exécutif entend imposer sa vision d’une démocratie où ce dernier l’emporte sur les autres pouvoirs et sur les libertés individuelles. » Daesh est-il là en train d’atteindre un de ses objectifs ? A savoir, créer la peur et tuer la démocratie.

Troisièmement, parce qu’à écouter les explications des spécialistes, on trouve difficilement les voies de compréhension de ce qui arrive. Par exemple, pendant qu’on insiste sur le fait que ces jeunes sont en rupture de ban avec la société, on se rend compte qu’un des kamikazes était jusqu’à ce qu’il démissionne il y a deux mois, chauffeur de bus à la RATP. C’est dire qu’il avait une situation qui lui permettait de vivre paisiblement. Quelle raison valable peut alors le pousser à abandonner son boulot, pour préférer aller se faire exploser, en tuant volontairement et de façon spectaculaire ses concitoyens ?
Quatrièmement, le leitmotiv « la vie est belle, il faut en profiter » prend ici un coup, quand on assiste à un tel déni de la vie, surtout venant de jeunes. Pourquoi mourir volontairement et violemment deviendrait-il plus salutaire que vivre ? N’est-ce pas là, une impasse à laquelle nous conduit le modèle sociétal régnant ? Si ces jeunes en sont arrivés à banaliser leur vie et celle des autres, n’est-ce pas parce que la société, elle-même, a contribué à la banaliser ?
Cinquièmement, en se penchant sur l’ogre que constitue aujourd’hui l’Etat Islamique (EI). Un groupe armé, né de la chute du régime bassiste sunnite de Saddam Hussein, à la suite de l’invasion d’une coalition occidentale. On croyait alors se débarrasser d’un dictateur qui menaçait la stabilité sous-régionale. On a plutôt participé à créer, vingt ans après, un groupe armé radical et menaçant, qui arrive à étendre ses tentacules, pour l’instant, au Moyen-Orient, à l’Afrique et à l’Europe.

De fait, L’EI existe et s’étend parce qu’il dispose de moyens financiers considérables, par la vente du pétrole. Questions : Avec qui l’EI commerce-t-il ? N’a-t-on pas les moyens de l’asphyxier financièrement comme ce fut le cas avec Al qaïda ? D’où, la nécessité pour les décideurs du monde de mener une introspection.
Sixièmement, l’EI prétend combattre « l’ordre impie régnant » et travailler à l’avènement « d’un califat musulman » où serait appliquée la législation islamique. Pour autant, par le chaos et l’intolérance qu’il propage, son projet de société est contestable à plus d’un titre. D’abord, parce que la vie de tout être est sacrée : « … Ne tuez point la vie qu’Allah a rendue sacrée. » (Coran, chap. 17, verset 33.) Ensuite, parce que l’islam laisse le libre choix en matière de religion : « Nulle contrainte en religion ! » (Coran, chap.2, verset 256.) Enfin, parce que cette interprétation rigoriste et littéraliste de l’islam est loin du message et du vécu du prophète Mouhammad (paix et bénédiction sur lui.) Car, l’islam est d’essence une religion d’ouverture et de tolérance qui exhorte à la rencontre de l’autre et à l’universel : « Ô hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entreconnaissiez. Le plus noble d’entre vous, auprès d’Allah, est le plus pieux… » (Coran, chap. 49, verset 13) Aussi, une telle vision de l’islam ne pourrait prospérer.

Septièmement, la situation actuelle qui chamboule l’existant et crée les amalgames les plus inimaginables, du fait du comportement d’une minorité de musulmans, ne laisse plus de choix à la majorité. Il est temps, que celle-ci organise des rencontres, que des réflexions soient menées et que des remises en cause internes se fassent. Pour ne plus qu’une minorité dicte sa loi et parle au nom de la majorité. Cela, pour que des clarifications nettes soient faites et qu’un discours sans ambiguïté soit délivré, surtout à l’endroit des jeunes.
Huitièmement, cette situation faire émerger encore une fois, la problématique de la famille et de l’éducation des enfants. On comprend ici qu’elle doit être principalement au centre des préoccupations des décideurs publics et de la société. Sans y apporter de réponse viable et durable, notre société paraîtra toujours fragile et vulnérable.

NURUDINE OYEWOLE
onurudine@yahoo.fr
COMMUNICATEUR
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