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Économie Publié le lundi 21 décembre 2015 |

Centre-Ouest ivoirien: La mine d’or de Gamina exploitée illégalement un mois après sa fermeture (REPORTAGE)

Dans la brume sablée de l’harmattan, la route étroite et poussiéreuse s’arrête brusquement, après une vingtaine de kilomètres de trajet en partant de Daloa (Centre-ouest du pays) pour laisser place à la vaste étendue de terre éventrée qu’est la mine d’or de Gamina.



Creusée au piolet sur une profondeur d’une quinzaine de mètres, longue d’une centaine de mètres, la mine n’est accessible que par un chemin tortueux et cabossé, compliquant le passage aux véhicules les plus larges.



Exploité clandestinement depuis l’après-crise post-électorale de 2010-2011, le site a été fermé en novembre 2015 par la gendarmerie "en raison de risques environnementaux et sécuritaires", mais continue de faire l’objet de divers trafics et contrebandes.



Quelques semaines après l’intervention des forces de l’ordre, il ne reste que des vestiges du départ précipité des quelque 16.000 travailleurs qui travaillaient sur le site, selon un rapport de l’Organisation des Nations Unies. Sur des tas de gravats, des morceaux de bois s’amoncellent au milieu des sachets d’eau vide. Des planches flottent sur un marécage qui remplit le bas de la mine. Des remblais de plusieurs mètres, sur les côtés, accentuent un peu plus la profondeur de l’endroit.



Le lieu témoigne encore d’une activité économique intensive. "Il y avait un marché à côté, on y vendait plusieurs kilogrammes d’or par jour", témoigne Claude, ancien "clando", du nom des exploitants du métal précieux. Évincé du site en même temps que ses nombreux collègues en novembre, ce Burkinabé d’une vingtaine d’années s’est désormais rabattu sur les champs de cacao voisins.



La prostitution faisait florès, également. "De nombreuses Nigérianes venaient se prostituer près de la mine", témoigne Herman, un ancien travailleur, de passage sur sa mobylette, lui-aussi reconverti dans le cacao, pour qui la fermeture du lieu "a fait mal", le privant de ses moyens de subsistance.



Rapportant plus de 97 millions de dollars (40 milliards de Francs CFA) par année selon l’ONU, la mine d’or de Gamina se nimbe d’un halo de mystère au sujet de ses propriétaires. Plusieurs fois attribué dans les médias au commandant en second de la Garde républicaine et ancien chef rebelle Issiaka Ouattara, dit "Wattao", le site appartiendrait à "beaucoup d’investisseurs" selon les anciens travailleurs, qui les désignent par les prénoms de Karim ou de "Monsieur Seydou".



"Au commencement, ce n’était qu’un petit trou, et au fur et à mesure qu’ils ont commencé à gagner de l’argent, le trou s’est élargi", témoigne Herman, habitant de Zaibo, qui évoque "plusieurs dizaines de morts" dans des accidents liés à la profondeur croissante de l’exploitation.



"Un jour, un ami a provoqué un éboulement, ça a tué quatre personnes dont lui-même", se souvient, le souffle court, Innocent, ancien "clando" désormais de retour aux champs. Risqué, ce commerce "n’a pas plu aux planteurs, il y avait beaucoup d’insécurité et de braquages", détaille Herman.



Avec un gramme d’or qui se vendait 13.000 FCFCA, le métal précieux attirait des convoitises. "Des femmes empoisonnaient parfois les sauces de leurs plats", pour détrousser les mineurs, évoque Claude, selon qui le risque reste toujours présent.



Pourtant habilité à exploiter le bois de la zone correspondant à la mine, le groupe menuisier Coulibaly Bois s’exaspère à cet égard de ne toujours pas pouvoir accéder au périmètre. "On n’ose pas s’approcher, le lieu reste risqué et rempli de gens dangereux", déplore Souleymane Coulibaly, responsable des ressources humaines de l’entreprise, depuis son bureau en bois vernis de Daloa.



Véritable ville fantôme, les vestiges de la mine de Gamina continuent de fasciner. Des bruissements imperceptibles font trembler les fourrés, des nuages de poussière s’agitent au loin sur les sentiers, donnant l’impression que le lieu n’a jamais été totalement déserté.



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