Le procès de Gbagbo et Blé Goudé s’est ouvert le 28 janvier à La Haye. Dès l’entame, la parole a été donnée à la procureure pour exposer ses arguments. Le politologue Geoffroy Kouao, spécialiste du droit, analyse ici l’ensemble de la prestation de Fatou Bensouda.
L’Accusation est la partie poursuivante dans ce procès. C’est donc à Fatou Bensouda et ses services de fournir les preuves de la culpabilité des accusés. En vertu du principe sacro-saint de la présomption d’innocence dont jouissent les accusés Gbagbo et Blé Goudé, la charge des faits à prouver est lourde, puisque la procureure doit établir tous les éléments constitutifs des infractions et l’absence de tous les éléments susceptibles de les faire disparaître. En la matière, Madame Bensouda et ses collaborateurs ont été redoutables. En effet, l’Accusation a d’abord prouvé le préalable légal des infractions en visant tous les textes légaux du traité de Rome sur lesquels se fondent les poursuites.
Ensuite, la procureure a impeccablement démontré les éléments matériels constitutifs des infractions reprochées aux deux accusés. Elle a établi les actions et omissions ainsi que les circonstances aggravantes tout en démontrant que les faits matériels sont bien les œuvres des deux accusés ivoiriens. Tout ceci à l’aide d’éléments sonores et visuels.
Enfin, Bensouda a montré l’existence de l’élément moral. En effet, elle a prouvé, souvent maladroitement, l’intention de MM. Gbagbo et Goudé de participer ou de susciter la commission des actes incriminés.
Toutefois faisons attention aux critiques qui s’élèvent çà et là. La charge émotionnelle que dégage le procès ne doit pas occulter sa dimension scientifique. L’accusation est dans son rôle. Ce n’est pas Madame Bensouda qui crée la crise ivoirienne et donc ce n’est pas à elle de réconcilier les Ivoiriens. Elle ne fait que dire le droit, selon sa science et sa conscience. Si les Ivoiriens étaient aussi exigeants et critiques envers leurs gouvernants comme ils le sont avec la procureure de la Cpi, non seulement la crise aurait été évitée mais la Côte d’Ivoire serait réconciliée avec elle-même.
Le lundi et le mardi, la Défense devrait pouvoir démonter toute l’argumentation de l’Accusation, pourvu qu’elle soit plus méthodique, scientifique et non émotionnelle. A l’observation, sa tâche est aisée, car dans ce cas-ci, les accusés ne sont pas des auteurs matériels mais des présumés auteurs intellectuels.
En sus, la qualification des infractions, au regard du traité de Rome, manque d’exactitude et de pertinence. La prestation de la Défense va déterminer l’issue du procès.
Mais l’intervention active de la partie civile, c’est-à-dire des victimes, peut tout bouleverser. Nous sommes partis pour une belle bataille judiciaire qui malheureusement écorche déjà l’image de la Côte d’Ivoire en faisant d’elle un Etat de droit commun.
Propos recueillis par S. DEBAILLY
L’Accusation est la partie poursuivante dans ce procès. C’est donc à Fatou Bensouda et ses services de fournir les preuves de la culpabilité des accusés. En vertu du principe sacro-saint de la présomption d’innocence dont jouissent les accusés Gbagbo et Blé Goudé, la charge des faits à prouver est lourde, puisque la procureure doit établir tous les éléments constitutifs des infractions et l’absence de tous les éléments susceptibles de les faire disparaître. En la matière, Madame Bensouda et ses collaborateurs ont été redoutables. En effet, l’Accusation a d’abord prouvé le préalable légal des infractions en visant tous les textes légaux du traité de Rome sur lesquels se fondent les poursuites.
Ensuite, la procureure a impeccablement démontré les éléments matériels constitutifs des infractions reprochées aux deux accusés. Elle a établi les actions et omissions ainsi que les circonstances aggravantes tout en démontrant que les faits matériels sont bien les œuvres des deux accusés ivoiriens. Tout ceci à l’aide d’éléments sonores et visuels.
Enfin, Bensouda a montré l’existence de l’élément moral. En effet, elle a prouvé, souvent maladroitement, l’intention de MM. Gbagbo et Goudé de participer ou de susciter la commission des actes incriminés.
Toutefois faisons attention aux critiques qui s’élèvent çà et là. La charge émotionnelle que dégage le procès ne doit pas occulter sa dimension scientifique. L’accusation est dans son rôle. Ce n’est pas Madame Bensouda qui crée la crise ivoirienne et donc ce n’est pas à elle de réconcilier les Ivoiriens. Elle ne fait que dire le droit, selon sa science et sa conscience. Si les Ivoiriens étaient aussi exigeants et critiques envers leurs gouvernants comme ils le sont avec la procureure de la Cpi, non seulement la crise aurait été évitée mais la Côte d’Ivoire serait réconciliée avec elle-même.
Le lundi et le mardi, la Défense devrait pouvoir démonter toute l’argumentation de l’Accusation, pourvu qu’elle soit plus méthodique, scientifique et non émotionnelle. A l’observation, sa tâche est aisée, car dans ce cas-ci, les accusés ne sont pas des auteurs matériels mais des présumés auteurs intellectuels.
En sus, la qualification des infractions, au regard du traité de Rome, manque d’exactitude et de pertinence. La prestation de la Défense va déterminer l’issue du procès.
Mais l’intervention active de la partie civile, c’est-à-dire des victimes, peut tout bouleverser. Nous sommes partis pour une belle bataille judiciaire qui malheureusement écorche déjà l’image de la Côte d’Ivoire en faisant d’elle un Etat de droit commun.
Propos recueillis par S. DEBAILLY