Les populations de plusieurs villages riverains du parc du mont Péko ne décolèrent pas. Suite à la destruction de leurs plantations par des agents de l’Office ivoirien de protection des parcs et réserves (Oipr) basés dans les villes de Duékoué et Kouibly, ils ont exprimé leur colère le vendredi 29 janvier 2016, au cours d’une cérémonie publique dans le village de Diébly, qui recevait pour la circonstance, le député Oulata Gaoudi Pierre, fils de cette localité. A cette occasion, le porte-parole des victimes, Nahi Bah, a décrié la tragédie qu’ils vivent. «La situation que nous vivons est dramatique. Plusieurs paysans des villages périphériques du mont Péko se sont vus dépossédés de leurs plantations après la dernière tracée des limites du parc en décembre dernier. Nous voulons dire à travers cette rencontre que nous ne sommes pas d’accord avec la nouvelle délimitation du parc. Les premières délimitations nous ont expropriés de plusieurs terres cultivables. Au moment où nous luttons pour bénéficier d’un déclassement du parc, c’est au contraire une nouvelle délimitation qui vient nous arracher tout. Qu’allons devenir sans nos plantations? Nous sommes âgés et ne pouvons plus travailler mais que feront nos enfants sans terre ni cultures? N’est-ce pas les livrer au chômage pour les traiter de bandits?», a questionné le chef Nahi Bah qui s’est fait plus menaçants: «Aujourd’hui, nous, peuples proches du mont Péko, subissons toutes sortes d’humiliations. On a l’impression qu’on ne veut pas qu’on existe. Si l’Etat ne veut pas nous écouter, nous allons prendre notre destin en main car un homme qui a faim n’est pas un homme libre», a-t-il mis en garde dans un tonnerre d’applaudissement. Puis, à genoux, se faisant plus conciliant, il va ajouter : «Je demande pardon aux autorités et surtout au chef de l’Etat de revoir leurs positions. Cette nouvelle limite annexe carrément notre village et nos plantations. Nous sommes 250 familles à nous mettre à genoux pour leur demander pardon. Au lieu de nous prendre nos terres, que les autorités nous octroient plutôt des parcelles de terre du parc pour nous permettre de survivre», s’est exprimé le chef Nahi Bah. Pour sa part, le président du collectif des chefs de villages du canton Tahouaké, Mahan Joseph dit Mahan Paya, s’est, au nom de ses pairs, dit indigné par les nouvelles mesures prises par les autorités pour l’agrandissement du parc. «Pourquoi l’ouest doit toujours cristalliser les regards des autres peuples de la Côte d’Ivoire ? Au moment où le pays s’engage résolument vers la paix sociale, de nouvelles vagues de protestations voient le jour chez nous. Peut-on, à l’heure actuelle, parler de nouvelles délimitations quand on sait que les premières limites sont toujours sources de conflits? Le chef de l’Etat qui a donné de la valeur aux chefs coutumiers ne va tout de même pas accepter que ses relais que nous sommes, soyons dans des situations inconfortables. Il est temps que le peuple Wê qui aspire à une vie meilleure soit rétabli dans ses droits», a lancé Mahan Paya. L’honorable Oulata Gaoudi Pierre a joué la carte de l’apaisement: «En ma qualité de député et fils de cette région, je vous appelle au calme. Quand un chef de terre s’agenouille devant une assemblée pour demander pardon, c’est tout un symbole. C’est un aveu d’impuissance qui doit interpeller les gouvernants dont je suis l’un des représentants. Le problème foncier à l’ouest doit être traité avec parcimonie. Diébly n’est pas hors du parc mais dans le parc. Sa situation géographique fait de lui le village le plus proche de la montagne du mont Péko», a déclaré l’honorable Gaoudi. Se tournant vers les victimes, il s’est voulu rassurant. «Soyez calmes. Le président de la République ne peut pas être tranquille s’il y a du bruit ici. Il travaille plutôt à améliorer votre condition de vie. J’ai confiance que vos doléances seront traduites et une solution sera trouvée. Il faut que vous soyez les propriétaires terriens. Ne vous laissez pas surtout emporter par la colère. Je traduirai fidèlement vos angoisses et il y aura des solutions », a conclu le député de Bangolo sous-préfecture et le canton Tahouaké. Notons que depuis le 22 décembre, plusieurs paysans des villages de Diébly, Bouobly, Gonié ont vu leurs plantations détruites par l’Oipr sous prétexte qu’elles font partie du parc.
Dan Serge GONTY
Dan Serge GONTY