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Société Publié le vendredi 8 avril 2016 | AFP

Michel Field fait de son père un héros de roman (ENTRETIEN)

© AFP Par JOEL SAGET
Michel Field
Paris - Un prisonnier étranger en Côte d’Ivoire, vilipendé par la presse locale mais qui par "ingéniosité" va devenir directeur-adjoint de sa prison, on l’imagine bien dans un roman. Sauf que ce personnage a bien existé, "c’est mon père", dit Michel Field qui lui consacre son nouveau livre.

"Le vieux Blanc d’Abidjan dans sa prison de Yopougon", à paraître lundi
chez Julliard, relate le combat que mena en 1984 Michel Field, actuel
directeur de l’information de France Télévisions, pour faire libérer son père, Erwin, alors âgé de 70 ans et détenu en Côte d’Ivoire.

"Raconter cette histoire, c’est une forme d’hommage à mon père", explique
Michel Field au cours d’une entretien avec l’AFP, bien loin de l’agitation de
France Télévisions, où les syndicats contestent sa réorganisation des
rédactions.

Ce que raconte le journaliste dans ce roman est si extraordinaire qu’on a
souvent du mal à y croire. Mais "tout est vrai, même si quelques petites
inexactitudes ont pu se glisser ici ou là", assure-t-il.

Quel destin que celui d’Erwin Field, ce "petit prolo" juif socialiste
autrichien. Il fuit Vienne "skis aux pieds" le jour de l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne nazie en 1938, rejoint Toulon (où il rencontrera la mère de Michel) et bientôt le maquis, travaille à la chaîne en usine en
banlieue parisienne, devient ingénieur, quitte tout pour la Côte d’Ivoire où il sera conseiller technique au plus haut niveau de l’Etat.

Architecte d’une audacieuse et "très sociale" réforme du logement, il
atterrira finalement en prison, bouc-émissaire commode d’une gigantesque
affaire de détournements de fonds, qui se révèle être en fait un règlement de
comptes au sommet de l’Etat ivoirien.

Mais Michel Field, que l’on devine amoureux fou du continent africain, "où
la sensualité est partout", nous fait également rencontrer d’autres purs héros de roman comme Klaus, expatrié européen en Afrique dont on devine qu’il ne reviendra jamais sur le vieux continent "trop mesquin et hypocrite".

- Candide en Afrique -

Agé alors d’à peine 30 ans, Michel Field semble parfois être Candide en
Afrique. La description de sa rencontre avec Laurent Dona Fologo, ministre de
la Jeunesse et des Sports et, en même temps, directeur du grand quotidien
ivoirien Fraternité Matin, qui tire à boulets rouges sur Erwin Field, est
aussi drôle que terrifiante.

Après avoir concédé qu’Erwin Field était sans doute innocent, Fologo refuse de mettre fin à la campagne de presse qu’il déchaîne contre lui dans ses éditoriaux. "Il nous faut faire de la politique, même si la chose est cruelle (...) Si la vérité sort nue du puits, l’homme doit, par pudeur, détourner le regard", explique le ministre-journaliste au jeune Field... avant de lui proposer de le rejoindre dans une boîte de nuit de Treichville, le quartier "chaud" d’Abidjan.

"J’avais besoin de transmettre cette histoire à mes enfants", dit Michel Field mais "surtout, ajoute-t-il, j’avais envie de parler de cette génération
de gens dont le hasard a voulu qu’ils tutoient l’histoire".

Non sans mal, Michel Field décrochera un rendez-vous avec Félix Houphouët-Boigny. Comment trouver des chaussures convenables pour rencontrer le président? La réponse est bien sûr dans le roman. On apprendra aussi qu’il peut se révéler extrêmement précieux de bien connaître l’histoire de la IVe
République quand on parle à Houphouët.

Son père ne sera pas libéré, il sera même jugé et condamné à 20 ans de prison. Mais, derrière les apparences, tout est arrangé. Il est convenu que
"le vieux d’Abidjan" sera libéré après la consécration de la cathédrale de
Yamoussoukro, en août 1985, par Jean Paul II.

"Je n’avais qu’une peur, c’est que mon père s’évade avant", se souvient
Michel Field car, évidemment, son ingénieux père (chargé de la rénovation de
la prison !) avait le plan complet de l’établissement et de ses canalisations.

La fin du roman est si invraisemblable qu’elle ne peut-être que vraie.
Quand on le lui fait remarquer, Michel Field éclate de rire. "Je vous jure
qu’elle est authentique."

aje/fmi/bma
Par Alain JEAN-ROBERT
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