La crise de chefferie de village qui couvait depuis lors à Anno, village situé à 25 km d’Agboville, chef-lieu de département et à 7 km de Loviguié, chef-lieu de sous-préfecture, a fini par connaître un pic. La population a été séquestrée par des jeunes qui ont dressé d’énormes barrières aux entrées dudit village, après la signature de l’arrêté préfectoral, le vendredi 8 juillet 2016, nommant Amonchi Marcellin comme le nouveau chef dudit village. La journée a connu une atmosphère particulière. L’on a frôlé le pire ce jour-là. Le village était au bord de l’implosion et a failli même basculer dans une violence inouïe. C’est le moins que l’on puisse dire après notre passage dans ce village de près de 20 000 âmes.
Il était 13 h 50 mn quand nous décollions d’Agboville après avoir été informés par un coup de fil anonyme que le village était au bord de l’affrontement. A 14h 12 mn à l’entrée du village d’Offa, village distant d’Anno de 10 km, nous croisons le cargo de la gendarmerie. Nous pensions alors avoir été mal informés. Et que la crise tant annoncée était désamorcée parce que les gendarmes rebroussaient chemin. Une seule idée nous a traversés : pourquoi ne pas rebrousser chemin aussi ? Nous décidons de continuer. Et à 1 km du pont de la rivière ‘Kavi ‘ qui sépare le village d’Offa, un passant nous informe que le dispositif mis en place par les jeunes pour protester contre la décision du préfet n’a aucunement changé. A quelques mètres du pont, une première barricade se fait voir. Il n’a fallu que 2 mn pour que nous soyons assaillis par les jeunes et des personnes âgées, surexcitées, nous interdisant l’accès au village. « Aucune voiture ne peut ni entrer ni sortir de ce village aujourd’hui. Nous sommes en état d’alerte maximale. Personne ne peut entrer ici », ont tenté de nous intimider les tenants du premier corridor. « D’ailleurs, qui êtes-vous ? », insiste un autre qui se fait un peu plus menaçant. Avant de nous demander de décliner notre identité. Après plusieurs discussions, ils se sont aperçus que nous sommes des journalistes. « Ah oui ! Si vous êtes des journalistes alors vous pouvez passer. D’ailleurs, on a été informé de votre arrivée », nous ont-ils rassurés, avant de donner des ordres pour qu’on nous ouvre le passage. Le premier barrage franchi, aussitôt, des femmes d’un certain âge, en tenue ‘Ovo’ qui signifie en langue locale Abbey ‘mauvais jour’ ne cessaient de scander « On veut Bousset ! On veut Bousset ! ». Quand d’autres s’en prenaient au préfet avec des phrases et des mots pas du tout tendres. Dans la foulée, des femmes vantaient le mérite de leur ‘poulain’ qui, selon elles, subi l’injustice de l’Administration. « Allo Bousset lui au moins partage avec la population ce qu’il a. Il est comme l’écureuil qui, quand il mange laisse tomber un peu pour que les autres mangent. Et nous sommes prêtes à mourir pour lui. », scandaient, des femmes postées à l’entrée du village, heureuses de leur bravoure. Comme si leur action présageait la victoire certaine d’Allo Bousset sur son rival Amonchi Marcellin qui venait de recevoir l’arrêté de nomination tôt dans la matinée de ce même vendredi 8 juillet. Et Pourtant… La traversée fut difficile. C’est à 14 h 45 mn que nous foulons le sol d’Anno où sont postés différents groupes de jeunes et de femmes qui se regardent en chiens de faïence. Les plus actifs sont ceux qui continuent de scander « Allo ! Allo ! ». Un autre groupe dont certains se sont badigeonnés de kaolin devisent à quelques mètres des barrages dressés par les partisans d’Allo Bousset. Suivant leurs faits et gestes sans pour autant daigner les provoquer. « Nous sommes ici parce que nous sommes heureux après une si longue attente. Nous venons d’obtenir l’arrêté de nomination du préfet qui fait d’Amonchi Marcellin le chef du village. Nous revenons de loin. », nous confie Amonchi Eudeste, un cultivateur de 39 ans qui n’a pas voulu ajouter outre mesure autres propos. A quelques 20 mètres du carrefour du nouveau chef nommé par le préfet, se trouve la cour du doyen Amonchi Saint Cast et d’autres chefs des 3 grandes familles du village, tous opposés à la décision du préfet et qui ruminent mal cette ‘défaite’. Nous échangeons sur la situation qui prévaut pendant plus de 3 quarts d’heure avant de faire une randonnée dans le village. Tout paraît pourtant calme. Des gens interrogés çà et là disent ne pas comprendre ce qui arrive à leur village. « Nous ne comprenons pas ce qui se passe. Depuis la mort du chef N’takpé Assandé, plus rien ne va dans ce village à cause de sa succession. L’histoire de notre village ressemble fort bien à celle de la Côte d’Ivoire. », lâchent des jeunes dames qui disent se mettre à l’écart de cette guéguerre qui, selon elles, peut s’envenimer du jour au lendemain. Il est presque 16 h mais le village ne grouille toujours pas de son monde habituel. Certaines indiscrétions font état d’un mouvement de population ayant déjà migré à Offa, village voisin, pour y trouver refuge. Cap sur le quartier marché où habite le chef de terre appelé aussi Nanan en pays Abbey, détenteur de la terre du village et de pouvoirs mystiques. Les mouvements du village n’inquiètent point le septuagénaire qui prenait le temps de se reposer. C’est à notre arrivée que son porte-parole est allé le tirer de son lit. A pas lourds et pesants, Nanan Achi Adagba nous invite à nous asseoir avant de se prêter à nos questions. La plus grande autorité du village crainte et respectée, selon la culture Abbey, dit ne pas être inquiétée par ces mouvements qu’il dit encourager d’ailleurs. Pour la simple raison que toujours selon lui, c’est la manifestation flagrante contre une injustice orchestrée par l’Administration. Avant d’indiquer qu’il n’est pas prêt à faire une seconde libation après avoir oint et confié Allo Bousset aux ancêtres. C’est à 16 h 34 mn que nous arrivons dans la cour de Amonchi Marcellin où étaient agglutinés jeunes et femmes badigeonnés de kaolin pour fêter leur victoire sur leur adversaire. C’est le Capitaine des Douanes ivoiriennes à la retraite, Abéoussi Edouard qui nous reçoit en l’absence du nouveau chef parti recevoir son arrêté et bloqué par les mouvements d’humeurs des partisans d’Allo Bousset. Il s’est contenté de retracer le processus qui a débuté après l’inhumation du chef défunt N’takpé Assandé. Refutant au passage les arguments du clan Allo pour indiquer que le choix de Amonchi Marcellin est pour combler un vide dans le village. Non sans s’offusquer du comportement des partisans de son poulain. Le calvaire qui nous attendait aux environs de 18 h 20 mn à notre retour était plus grave qu’à l’aller. Le corridor de sécurité est beaucoup plus renforcé. Nous mettons une trentaine de minutes avant de pouvoir franchir cette barrière longue de 8 mètres. Et les gendarmes qui s’étaient repliés à Agboville sont revenus avec un contingent de plus de 20 personnes. Signe que la terreur était présente dans le village. Le moindre geste et le moindre propos pourraient faciliter l’étincelle qui embrasera tout le village entier. Le lendemain matin c’est-à-dire le samedi 9 juillet, informés de l’intronisation d’Allo Bousset par le chef de terre et ses partisans, nous nous rendons à nouveau à Anno où la voie était dégagée. Mais le chef détenteur de l’arrêté préfectoral n’est toujours pas au village. Nous nous rendons au domicile de Allo Bousset qui nous entretient lui aussi sur la crise qui secoue le village. Qu’il dit ne pas comprendre étant donné que le choix de la population lors des concertations des 15 membres des 3 grandes familles s’est porté sur sa personne. Et que d’ailleurs, d’autres médiations des chefs de villages, des chefs de terre du département et du conseil régional ont confirmé et entériné le choix des sages du village. Taxant du coup la structure d’un groupe de cadres qui cherchent à le renverser. Tout semble reprendre pprogressivement. Seuls les partisans d’Allo Bousset pouvaient se faire voir dans les artères du village. A la place publique du village près de la maison du chef de terre, au-bas d’une immense bâtisse, les partisans d’Allo Bousset n’ont pas boudé leur plaisir de voir le chef de terre faire à nouveau une libation en faveur d’Allo Bousset qui apparaît comme le choix du village selon les us et coutumes. Au moment où nous quittions le village ce samedi, tout était calme mais l’intronisation du chef Amonchi Marcellin n’avait pas encore eu lieu. Nous y reviendrons.
Ahou Moayé
Correspondant permanent à Agboville
Il était 13 h 50 mn quand nous décollions d’Agboville après avoir été informés par un coup de fil anonyme que le village était au bord de l’affrontement. A 14h 12 mn à l’entrée du village d’Offa, village distant d’Anno de 10 km, nous croisons le cargo de la gendarmerie. Nous pensions alors avoir été mal informés. Et que la crise tant annoncée était désamorcée parce que les gendarmes rebroussaient chemin. Une seule idée nous a traversés : pourquoi ne pas rebrousser chemin aussi ? Nous décidons de continuer. Et à 1 km du pont de la rivière ‘Kavi ‘ qui sépare le village d’Offa, un passant nous informe que le dispositif mis en place par les jeunes pour protester contre la décision du préfet n’a aucunement changé. A quelques mètres du pont, une première barricade se fait voir. Il n’a fallu que 2 mn pour que nous soyons assaillis par les jeunes et des personnes âgées, surexcitées, nous interdisant l’accès au village. « Aucune voiture ne peut ni entrer ni sortir de ce village aujourd’hui. Nous sommes en état d’alerte maximale. Personne ne peut entrer ici », ont tenté de nous intimider les tenants du premier corridor. « D’ailleurs, qui êtes-vous ? », insiste un autre qui se fait un peu plus menaçant. Avant de nous demander de décliner notre identité. Après plusieurs discussions, ils se sont aperçus que nous sommes des journalistes. « Ah oui ! Si vous êtes des journalistes alors vous pouvez passer. D’ailleurs, on a été informé de votre arrivée », nous ont-ils rassurés, avant de donner des ordres pour qu’on nous ouvre le passage. Le premier barrage franchi, aussitôt, des femmes d’un certain âge, en tenue ‘Ovo’ qui signifie en langue locale Abbey ‘mauvais jour’ ne cessaient de scander « On veut Bousset ! On veut Bousset ! ». Quand d’autres s’en prenaient au préfet avec des phrases et des mots pas du tout tendres. Dans la foulée, des femmes vantaient le mérite de leur ‘poulain’ qui, selon elles, subi l’injustice de l’Administration. « Allo Bousset lui au moins partage avec la population ce qu’il a. Il est comme l’écureuil qui, quand il mange laisse tomber un peu pour que les autres mangent. Et nous sommes prêtes à mourir pour lui. », scandaient, des femmes postées à l’entrée du village, heureuses de leur bravoure. Comme si leur action présageait la victoire certaine d’Allo Bousset sur son rival Amonchi Marcellin qui venait de recevoir l’arrêté de nomination tôt dans la matinée de ce même vendredi 8 juillet. Et Pourtant… La traversée fut difficile. C’est à 14 h 45 mn que nous foulons le sol d’Anno où sont postés différents groupes de jeunes et de femmes qui se regardent en chiens de faïence. Les plus actifs sont ceux qui continuent de scander « Allo ! Allo ! ». Un autre groupe dont certains se sont badigeonnés de kaolin devisent à quelques mètres des barrages dressés par les partisans d’Allo Bousset. Suivant leurs faits et gestes sans pour autant daigner les provoquer. « Nous sommes ici parce que nous sommes heureux après une si longue attente. Nous venons d’obtenir l’arrêté de nomination du préfet qui fait d’Amonchi Marcellin le chef du village. Nous revenons de loin. », nous confie Amonchi Eudeste, un cultivateur de 39 ans qui n’a pas voulu ajouter outre mesure autres propos. A quelques 20 mètres du carrefour du nouveau chef nommé par le préfet, se trouve la cour du doyen Amonchi Saint Cast et d’autres chefs des 3 grandes familles du village, tous opposés à la décision du préfet et qui ruminent mal cette ‘défaite’. Nous échangeons sur la situation qui prévaut pendant plus de 3 quarts d’heure avant de faire une randonnée dans le village. Tout paraît pourtant calme. Des gens interrogés çà et là disent ne pas comprendre ce qui arrive à leur village. « Nous ne comprenons pas ce qui se passe. Depuis la mort du chef N’takpé Assandé, plus rien ne va dans ce village à cause de sa succession. L’histoire de notre village ressemble fort bien à celle de la Côte d’Ivoire. », lâchent des jeunes dames qui disent se mettre à l’écart de cette guéguerre qui, selon elles, peut s’envenimer du jour au lendemain. Il est presque 16 h mais le village ne grouille toujours pas de son monde habituel. Certaines indiscrétions font état d’un mouvement de population ayant déjà migré à Offa, village voisin, pour y trouver refuge. Cap sur le quartier marché où habite le chef de terre appelé aussi Nanan en pays Abbey, détenteur de la terre du village et de pouvoirs mystiques. Les mouvements du village n’inquiètent point le septuagénaire qui prenait le temps de se reposer. C’est à notre arrivée que son porte-parole est allé le tirer de son lit. A pas lourds et pesants, Nanan Achi Adagba nous invite à nous asseoir avant de se prêter à nos questions. La plus grande autorité du village crainte et respectée, selon la culture Abbey, dit ne pas être inquiétée par ces mouvements qu’il dit encourager d’ailleurs. Pour la simple raison que toujours selon lui, c’est la manifestation flagrante contre une injustice orchestrée par l’Administration. Avant d’indiquer qu’il n’est pas prêt à faire une seconde libation après avoir oint et confié Allo Bousset aux ancêtres. C’est à 16 h 34 mn que nous arrivons dans la cour de Amonchi Marcellin où étaient agglutinés jeunes et femmes badigeonnés de kaolin pour fêter leur victoire sur leur adversaire. C’est le Capitaine des Douanes ivoiriennes à la retraite, Abéoussi Edouard qui nous reçoit en l’absence du nouveau chef parti recevoir son arrêté et bloqué par les mouvements d’humeurs des partisans d’Allo Bousset. Il s’est contenté de retracer le processus qui a débuté après l’inhumation du chef défunt N’takpé Assandé. Refutant au passage les arguments du clan Allo pour indiquer que le choix de Amonchi Marcellin est pour combler un vide dans le village. Non sans s’offusquer du comportement des partisans de son poulain. Le calvaire qui nous attendait aux environs de 18 h 20 mn à notre retour était plus grave qu’à l’aller. Le corridor de sécurité est beaucoup plus renforcé. Nous mettons une trentaine de minutes avant de pouvoir franchir cette barrière longue de 8 mètres. Et les gendarmes qui s’étaient repliés à Agboville sont revenus avec un contingent de plus de 20 personnes. Signe que la terreur était présente dans le village. Le moindre geste et le moindre propos pourraient faciliter l’étincelle qui embrasera tout le village entier. Le lendemain matin c’est-à-dire le samedi 9 juillet, informés de l’intronisation d’Allo Bousset par le chef de terre et ses partisans, nous nous rendons à nouveau à Anno où la voie était dégagée. Mais le chef détenteur de l’arrêté préfectoral n’est toujours pas au village. Nous nous rendons au domicile de Allo Bousset qui nous entretient lui aussi sur la crise qui secoue le village. Qu’il dit ne pas comprendre étant donné que le choix de la population lors des concertations des 15 membres des 3 grandes familles s’est porté sur sa personne. Et que d’ailleurs, d’autres médiations des chefs de villages, des chefs de terre du département et du conseil régional ont confirmé et entériné le choix des sages du village. Taxant du coup la structure d’un groupe de cadres qui cherchent à le renverser. Tout semble reprendre pprogressivement. Seuls les partisans d’Allo Bousset pouvaient se faire voir dans les artères du village. A la place publique du village près de la maison du chef de terre, au-bas d’une immense bâtisse, les partisans d’Allo Bousset n’ont pas boudé leur plaisir de voir le chef de terre faire à nouveau une libation en faveur d’Allo Bousset qui apparaît comme le choix du village selon les us et coutumes. Au moment où nous quittions le village ce samedi, tout était calme mais l’intronisation du chef Amonchi Marcellin n’avait pas encore eu lieu. Nous y reviendrons.
Ahou Moayé
Correspondant permanent à Agboville