x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Faits Divers Publié le vendredi 19 août 2016 | AIP

Côte d’Ivoire/ Dans l’univers des élèves qui exercent un job de vacances à Dimbokro (Reportage)

Les vacances scolaires, destinées au repos des élèves et personnels d'encadrement après neuf mois d'apprentissage ponctués d'examens, sont pour certains élèves consacrées à l'exercice d'activités génératrices de revenus, communément appelées "job de vacances". A un peu moins d'un mois de la reprise des cours, des élèves filles et garçons exercent de petits jobs de vacances à Dimbokro pour "s’en sortir", c'est-à-dire se faire de l'argent, à l'instar de bien d'autres élèves dans nombre de localités, pour argumentent-ils, aider leurs parents à faire face aux frais d'écolage.

Dimbokro. Jour de marché de la ville. Il est 6 h 30 mn. La voie traversant le marché est bondé de monde. Des cris. Des appels. Des pleurs d’enfants. En cette matinée de mercredi, vendeurs et vendeuses, tous sont affairés. Occupés à disposer leurs marchandises sur les étals. Ici, ce sont des tomates. Là, des aubergines. « Y a aubergines hein ! Approchez ! C’est moins cher. 200 ! 200 ! », crie, à tue-tête pour dominer le vacarme, une marchande qui a fini d’entasser sa marchandise. Des femmes, à la recherche de denrées aux prix abordables, panier ou sachet à la main s’approchent, contemplent un instant et, sans dire mot s’éloignent.

C’est dans cette ambiance qu’apparait Sangaré Aboubacar, 13 ans, élève en classe de cinquième au collège moderne de la ville, poussant une brouette remplie de sacs de manioc. L’adolescent, filiforme, à la musculature frêle, peine à se frayer un chemin, malgré sa volonté. Aussi, utilise-t-il sa voix comme klaxon pour l’attention au milieu du tohu-bohu et cette marée humaine, et avancer. « Piiiii ! Pipiiii ! Pardonnez ! Laisser passer ! ». S’écrie l’enfant.

"(...). Mes parents vivent à Abidjan. Ils travaillent là-bas. Dans le travail de brouette, je gagne au moins entre 2000 ou 3000 FCFA par jour. Mes parents sont d’accord avec moi quand je pousse la brouette. Je loue la brouette chez un monsieur à 250 FCFA par jour. Je dors à Comikro chez ma grand-mère. C’est à 6h du matin que j’arrive à la gare pour y repartir à 18 h. L’argent que je gagne, je le donne à ma grand-mère", explique le jeune garçon, habillé dans un tee-shirt vert qui a perdu de son éclat et mouillé par une grosse transpiration due aux efforts fournis.

Il raconte avoir pris ces sacs de manioc à l’avenue pour les envoyer à la grande voie vers la mairie afin que sa cliente puisse prendre un taxi pour se rendre à Belle-ville son quartier. « J’ai demandé 200 FCFA à la vieille mère mais comme c’est moi qui prend toujours ces bagages, elle dit qu’elle va me donner Togo- cinquante (150 FCFA) », précise l’adolescent.

A l’image de Sangaré, d'autres élèves en vacances font le pousse-pousse. Il y a par exemple les deux frères Soussy. Agés respectivement de 19 et 20 ans, Gaston et Modeste qui passent en première au lycée de la ville, font ce travail pour préparer leur rentrée scolaire.

"Nous ne sommes pas des Bakroman (enfants de la rue). Nous ne prenons pas de café noir ni de drogue ou autres substances qui peuvent nous nuire plus tard. Nous sommes venus grouiller pour avoir notre jeton d’ici la rentrée. On peut donc rentrer à la maison avec 2000 FCFA ou 2500 FCFA par jour. Cet argent, c’est ma maman qui garde ça pour nous. A la rentrée, nous achetons nos fournitures", dit Modeste. Avec sérénité, l’adolescent évoque l’impact de l’éducation familiale de base dans l’avenir de chaque individu.

Un autre, Doukouré Ousseyni, sept ans, cire les chaussures. "Je vais à l’école et c’est mon job de vacances. Je gagne entre 1000 et 1500 FCFA par jour. C’est mon papa qui est un couturier qui m’a donné l’argent au départ pour acheter le matériel. Quand j’ai l’argent, je peux payer mes fournitures, mon argent de COGES et/ou donner à mes parents. Si on dit d’arrêter cela je ne vais pas accepter car je gagne un peu dedans", avoue l’enfant, souriant. Un sac en bandoulière contenant certainement son matériel de travail, le gamin, habillé dans une chemise et une culotte peu propres, s’éloigne le visage comme subitement illuminé par une certaine fierté.

Au marché du vivrier, vend Saré Mariam, élève en Terminale. Depuis les résultats du Bac, elle aide sa maman, en cette période de vacances. « Je vends pour ma maman. J’étais en Terminale année mais le Bac n’a pas marché. Etant en vacances, je viens l’aider. On vend quatre bottes de salade à 100 FCFA au lieu de 200 FCFA, il y a quelques mois. Le carton de carottes s’achètait à 800 FCFA contre 1100 FCFA », informe-t-elle.

Eliane Yao, 15 ans, élève en classe de seconde dans un collège privé de la place, a préféré rester à Dimbokro, malgré la volonté de ses parents de la faire partir en vacances à Abidjan chez son grand frère qui y travaille. « J’aime la coiffure, je suis restée ici pour apprendre le métier avec ma grande sœur. Je m’occupe des clients quand ma sœur sort pour ses courses. Je compte aller plus tard dans une école pour mieux apprendre et être une grande coiffeuse. Mes parents m’y encouragent mais ils disent de privilégier les études », raconte la jeune fille.

Affoussiata Ouédraogo et sa mère vendent du maïs braisé. Assises autour d’un gros fourneau contenant du feu, elle se fait ce travail pour aider sa famille. « Je vais faire comment. Si je ne fais pas ça, j’aurai des problèmes pour acheter ma pommade et faire mes petits besoins », dit la jeune fille.

"Je fais l’apprentissage avec mon oncle chauffeur. Pendant les vacances je l’accompagne dans les villages. A la rentrée mon oncle achète toutes mes fournitures et me donne de l’argent de poche. Ici les autres chauffeurs et apprentis sont gentils avec moi. Mon oncle m’encourage d’aller loin dans les études", explique Coulibaly Moussa, élève en classe de troisième qui espère décrocher son Brevet d’étude du premier cycle (BEPC).

Cédric Assié, 19 ans, a décroché son Bac cette année. En attendant son orientation à l’Université ou dans une grande école, il a eu un emploi de vacances en tant que commercial dans une agence de téléphonie. Chaque jour, dès 6 h, il se rend dans la succursale, habillé d’un tee-shirt estampillé du sigle et logo de la société. « C’est juste un mois mais c’est bon que de traîner à la maison ou derrière les amis qui ne pensent qu’à consommer de l’alcool ou faire de faux trucs », dit le jeune homme.

En attendant la rentrée scolaire fixée au 15 septembre par le ministère ivoirien de l’Education nationale, ces élèves, Fousseyni, Affoussiata et Soussy, exercent leurs activités pour améliorer leurs conditions de vie. Souvent en violation de la loi sur le travail des enfants.

Reportage réalisé par Komara Ibrahim, Chef du Bureau Régional AIP Dimbokro

ask
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Titrologie

Toutes les vidéos Titrologie à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ