Je peux me targuer d’avoir vu, même si c’est en trente minutes d’escale, le fameux aéroport de Banjul. Après un séjour à Dakar et de retour sur Abidjan, l’avion, je ne sais plus quelle compagnie, à l’époque, je voyageais beaucoup, fit escale à Banjul. Mon premier constat fut de trouver l’aéroport grand et coquet pour un si petit pays. Une petite bande de terre que le premier président de la République du Sénégal « offrit » à son homologue gambien. Cela changera le destin d’un enfant dont le nom au Sénégal était Kanilai Yaya Abdoul Aziz Diémé et qui sera dans les registres de la Gambie Yaya Abdul Aziz Jammeh. Cet aéroport sera, dans ma vision, durant toutes heures du départ de l’ancien homme fort du pays de Kunta Kunté. Le village de Jofuré d’où fut pris l’ancêtre de l’Américain Alex Aley existe toujours en Gambie et attire chaque jour des touristes du pays de l’oncle Sam. Toute séparation est une déchirure. D’après les écrits de la presse internationale le départ de Jammeh était si émouvant que beaucoup de personnes ont pleuré sur le tarmac de l’aéroport. Moi-même en regardant, une heure après, les images du départ, je n’ai pu m’empêcher de couler des larmes abondantes. L’exil est comme la mort surtout si on ne sait pas le jour de son retour. Même quand on en veut à quelqu’un la mort ne peut que vous réconcilier. Les larmes que je versais et qui tombent chaque jour goutte à goutte étaient pour Fatou Assomby Bojang, la mère du fils. Chacun a la terre de son pays sous ses pas et ce n’est pas de gaieté de cœur qu’on le quitte. La mère du fils, vu son âge, sait qu’elle a peu de chance de revenir mourir dans sa terre natale ou d’y être inhumée. En y pensant on ne peut que couler des larmes. Yahya Jammeh a souvent parlé de Dieu et de sa mère. Il disait que son ascension dans la vie venait de sa mère qui a beaucoup prié pour lui. Toutes les mères africaines sont en des perpétuelles prières pour leurs enfants. Yahya Jammeh a bien raison d’expliquer l’origine de son ascension pour les prières à Dieu de sa maman. Tout Africain qui a réussi ne cessera jamais de le dire. Et ce n’est pas un hasard si un commandement de Dieu recommande d’honorer son père et sa mère afin d’avoir une longue vie. C’est le seul commandement de Dieu avec une promesse. Dans la société ou la tradition africaine, on explique l’échec d’un individu par le fait qu’il a été maudit par sa maman. Dans les négociations pour son exil hors de son pays, celui que la presse occidentale a baptisé de dictateur, a demandé que sa mère l’accompagne. Il a été dit que cette exigence a fait durer les négociations. Il avait bien raison cet ancien soldat qui prit le pouvoir avec quelques amis idéalistes, quand il avait moins de vingt-cinq ans et s’y installa. Vu l’ingratitude des peuples je ne suis pas certain que Fatou Assomby Assomby Bojang approuva ce coup de force. Ironie du sort, il n’y a pas longtemps, Yahya Jammeh fit rentrer d’exil de Dakar le président renversé pour qu’il épouse sa maman. On ne dit pas si Daouada (qui était David à l’indépendance) Kairaba Jawara a cédé. Mais cela montre tout simplement comment le fils tenait au bonheur de sa mère comme cela devrait être le cas de tout enfant devenu grand. Ce qui est extraordinaire dans la vie de la maman de Jammeh, ce sont les rumeurs qui avaient annoncé son décès au moment où les tractations battaient leur plein pour son départ du pays. En ce moment-même, elle recevait à son domicile de kdoly, dans un quartier résidentiel, les parents d’Adama Barrow. Cela montre la méchanceté des ennemis. Faire mal à son adversaire à travers sa mère. Les réseaux sociaux seront tôt ou tard les briseurs de la cohésion sociale. Fatou Asssomby Boyang recevant les parents de celui qui veut absolument chasser son fils du pays et du pouvoir est l’image que la politique africaine doit donner au monde. Battez entre vous mais que la fraternité africaine doit rester à jamais. Mon souhait personnel est que maman Fatou rentre au pays, retrouver sa maison, qu’on espère n’a pas été pillée et surtout qu’elle soit aussi une maman pour le nouveau président et qu’elle puisse aller voir une ou deux fois par an son fils et ses petits enfants dans n’importe quel pays où ils se retrouveront. L’exil dans un pays si lointain ne pourra pas convenir à cette vieille femme. Aller si loin ce n’est plus entendre sa langue maternelle, ne plus manger les aliments de son terroir, ne plus voir la famille élargie, ne plus regarder les danses et écouter les chansons du pays en live. A-t-elle encore la force d’apprendre l’espagnol ? L’exil est un déracinement. Heureusement qu’il existe la parole de Dieu. Elle est de tout temps et en tout lieu. Ainsi va l’Afrique. A la semaine prochaine.
Isaïe Biton Koulibaly
Isaïe Biton Koulibaly