L’Afrique du Sud est en proie depuis deux semaines à une série de violences xénophobes. Les étrangers, précisément les nigérians, sont accusés d’être des criminels, de trafic de drogue et de prostitution. Le 24 février dernier, des manifestations contre des étrangers ont éclaté dans le pays de Jacob Zuma. Individus tailladés, commerces pillées, ces scènes ne sont pas nouvelles dans un pays en proie à des difficultés économiques et une crise sociale. En 2008, une première vague anti-étrangers s’abattait sur le pays suivie en 2015 d’une autre, extrêmement violente. Dans cette interview Luvuyo Mato, le Conseiller politique à l’Ambassade sud-africaine à Abidjan, décrit les mesures prises par le gouvernement sud-africain pour mettre fin aux violences xénophobes.
L’Afrique du Sud fait peur aux étrangers. Le pays est secoué depuis quelques semaines par une escalade de violences xénophobes. Comment cela a-t-il pu arriver ?
Notre pays est reconnu et caractérisé par les valeurs qu’incarnaient Nelson Mandela. Il y en a deux qui sont essentielles pour nous, «M’Butu» et « Nobatopélé». Lorsque nous disons «M’Butu», nous voulons dire qu’aucun d’entre nous ne peut vivre sans son prochain, chaque être humain a besoin de son prochain pour vivre et la notion de « Nobatopélé» veut dire que tout ce que nous faisons est dans l’intérêt de l’autre, du peuple. Nous sommes centrés sur le bien-être d’autrui et je pense que ce sont des valeurs qui sont partagées par tous sur le continent.
Comment est-ce qu’avec toutes ces valeurs, le pays a pu basculer brusquement dans la violence ?
Nous vivons une lutte ardue pour le peu de possibilité qui s’offre à une frange de la population. Nos ressources sont limitées par rapport aux besoins de la population et il est vrai que c’est pendant les démonstrations comme cette situation que certaines personnes ont détourné le but du vrai combat pour plutôt s’acharner contre les biens des étrangers, sinon la population se plaint de ne pas recevoir assez d’opportunités comme des emplois.
La population manifeste contre quatre problèmes essentiels qui sont sur la table en Afrique du Sud. Ce sont le manque d’emploi, le manque d’opportunité économique, le problème crucial de la drogue avec son corollaire qui est le quatrième point, la prostitution. Donc, voilà les quatre raisons des protestations. Malheureusement, ces manifestations ont été détournées de leurs objectifs et sont devenues une chasse aux étrangers pour assouvir des desseins personnels. Il s’agit donc pour nous de nous asseoir pour bien réfléchir aux solutions.
Ces violences xénophobes sont récurrentes et perdurent, qu’est-ce qui expliquent cela ?
En 2015, nous avons eu ce genre de problème et en 2008. Les problèmes que nous avons listés sont majeurs et ils gangrènent les grandes villes. Par exemple en 2008, le gouvernement a mis sur pied une commission qui a travaillé en parité avec la cellule nationale de défense et de droit de l’homme qui a rendu son verdict en identifiant quatre problèmes majeurs et ces quatre problèmes sont liés aux quatre causes que nous avons citées. La commission a indiqué le manque de relation entre les structures qui canalisent les installations anarchiques et les populations, le manque de visibilité (réactivité) de la police lorsque ce genre de situation survient et la corruption.
Cependant, cette commission n’a pas pu établir qu’il y a une animosité active entre les nationaux et les non nationaux. On constate que lorsque la population sort pour manifester contre les problèmes sociaux, il y a des gens qui en profitent pour aller casser les biens d’autrui. Ces problèmes on ne les résout pas avec un coup de baguette magique ou avec un stylo. Notre gouvernement est en train de travailler à cela.
Que fait donc le gouvernement sud-africain pour mettre fin aux récurrentes violences meurtrières contre les étrangers africains ?
J’aimerais vous rassurer que le peuple sud-africain dans sa majorité, avec tout le gouvernement, rejette avec la plus grande force toutes formes de violences envers qui que ce soit, étrangers ou non. A la suite des événements malheureux, 136 personnes ont été arrêtées. Ces personnes vont subir la rigueur de la loi, tel que je connais les principes de mon pays.
En plus des mesures de sécurité qui ont été prises et sont en train d’être prises, le gouvernement a décidé d’inclure dans la recherche des solutions toutes les sensibilités qui vivent sur le territoire donc les communautés sud-africaines et étrangères. Nous continuons notre travail de communication directe avec les communautés pour arriver à des solutions beaucoup plus durables. Nous n’allons pas nous laisser gagner par le désespoir, c’est notre travail de nous battre pour atteindre le résultat escompté et faire en sorte que l’Afrique du Sud soit une terre d’asile pour ceux qui veulent y vivent.
Quels sont les rapports de l’Afrique du Sud avec les pays dont les ressortissants ont eu à subir ces violences ?
Les relations de l’Afrique du Sud avec les pays des personnes qui sont affectées par cette situation ne souffrent d’aucune animosité. Nous avons une très large communauté zimbabwéenne qui vit en Afrique du Sud, et cela depuis très longtemps. Nos relations sont assez solides, c’est la même chose avec le Nigéria, nous avons d’excellentes relations bilatérales. L’Afrique du Sud connait son rôle sur le continent, nous savons que nous ne pouvons exister sans le reste du continent, nous avons besoin que le continent soit en paix. En matière de politique extérieure, notre pays s’est toujours engagé à la résolution de conflit sur le continent. Nous sommes convaincus que l’Afrique du Sud à un rôle spécial à jouer sur le continent de telle sorte que la paix prévale et l’économie puisse se construire. Nous sommes engagés à l’intérieure de l’Union africaine, notre vision c’est faire en sorte qu’avec les moyens que nous avons, nous puissions tirer tout le continent vers l’avant.
Lorsque nous vivons les affres de la colonisation et de l’apartheid, les pays africains ont accueilli ceux de nos concitoyens qui essayaient d’échapper à ce joug. Beaucoup de pays africains ont contribué à notre lutte. Les sud-africains ne peuvent pas être différents des autres. En Afrique du Sud tous les peuples sont représentés de presque tous les continents.
L’Afrique du Sud est une puissance en Afrique, des ressortissants d’autres pays cherchent à y aller pour la recherche de l’eldorado, alors qu’elle est la politique migratoire du pays ?
En ce qui concerne notre politique de migration, nous n’avons rien changé, c’est la même politique qui est en place et nous n’avons aucune intention de la modifier ou de la changer. Tous les africains sont libres d’enter en Afrique du Sud dans le respect des règles du voyage. Au niveau de la communauté économique des Etats d’Afrique Australe (SADEC), nous avons mis en place des régulations, afin que dans la région nous puissions circuler sans restriction. C’est une idée que nous partageons aussi à l’intérieur de l’Union africaine, car nous croyons au panafricanisme. L’Afrique du Sud a déposé des propositions pour que sur tout le continent africain la libre circulation soit une réalité. Nous sommes pour la proposition du passeport africain de l’Union Africaine, c’est l’une de nos politiques, nous la pratiquons déjà en Afrique Australe et il serait intéressant qu’on arrive à convaincre tout le monde d’accepter la mise en place de cette mesure. Nous sommes convaincus de la renaissance africaine et elle ne peut se réaliser que lorsque les africains travailleront ensemble. Je vois mal l’Afrique du Sud se replier sur elle-même comme une île dans un océan et penser pouvoir mettre en pratique sa vision de la renaissance africaine. C’est lorsque nous serons sur le continent en train de travailler échanger nos expériences avec les autres pays frères que nous pourrons atteindre ce but. Et nous y sommes vraiment engagés.
Les manifestants se plaignent également du nombre trop élevés de migrants en Afrique du Sud, est-ce que cela ne cause pas de problème à la politique d’immigration d’ouverture ?
Nous vivons sur des idéaux, c’est comme ça que nous avons été bâtis. L’ouverture de l’Afrique du sud au reste du continent est un idéal à atteindre. Nous travaillons pour cela. Les idéaux sont des buts qui ont été réfléchis, les sociétés sud africaines et les hommes d’affaires Sud Africains sont partout sur le continent. Notre idéal d’ouverture à notre niveau est déjà en marche. L’Afrique du Sud profite du continent et vice-versa. C’est un partenariat gagnant-gagnant. Et nous sommes convaincus que c’est seulement ainsi que nous allons pouvoir construire une Afrique solide. Notre objectif, c’est de pouvoir nous asseoir avec les nationaux et les étrangers pour leur montrer les vrais problèmes.
On constate que les relations Côte d’Ivoire et l’Afrique du Sud sont un peu timides. Qu’est-ce qui explique cette léthargie dans la coopération entre les deux pays ?
Les relations entre la Côte d’Ivoire et l’Afrique du Sud sont très fortes et enracinées. Depuis très longtemps les deux pays sont engagés dans les relations diplomatiques. Nous avons eu des occasions de recevoir le Président Alassane Ouattara en Afrique du Sud dans le contexte multilatéral. Les relations entre lui et le Président Zuma sont fortes. Les Présidents Jacob Zuma et Alassane Ouattara ont présidé ensemble la grande commission mixte de coopération entre les deux pays, qui a été ratifié en 2015. Cette commission mixte ouvre la voie à une coopération plus renforcée. Il y a au moins une cinquantaine de sociétés sud-africaines sur le sol ivoirien. C’est pratiquement chaque jour que nous recevons des délégations d’hommes d’affaires sud-africains qui viennent en prospection. Les relations entre les deux pays sont au beau fixe, nous continuons de travailler au rapprochement, nous espérons que très bientôt les visites officielles reprendront.
Réalisée par Fanta Gnoungo
L’Afrique du Sud fait peur aux étrangers. Le pays est secoué depuis quelques semaines par une escalade de violences xénophobes. Comment cela a-t-il pu arriver ?
Notre pays est reconnu et caractérisé par les valeurs qu’incarnaient Nelson Mandela. Il y en a deux qui sont essentielles pour nous, «M’Butu» et « Nobatopélé». Lorsque nous disons «M’Butu», nous voulons dire qu’aucun d’entre nous ne peut vivre sans son prochain, chaque être humain a besoin de son prochain pour vivre et la notion de « Nobatopélé» veut dire que tout ce que nous faisons est dans l’intérêt de l’autre, du peuple. Nous sommes centrés sur le bien-être d’autrui et je pense que ce sont des valeurs qui sont partagées par tous sur le continent.
Comment est-ce qu’avec toutes ces valeurs, le pays a pu basculer brusquement dans la violence ?
Nous vivons une lutte ardue pour le peu de possibilité qui s’offre à une frange de la population. Nos ressources sont limitées par rapport aux besoins de la population et il est vrai que c’est pendant les démonstrations comme cette situation que certaines personnes ont détourné le but du vrai combat pour plutôt s’acharner contre les biens des étrangers, sinon la population se plaint de ne pas recevoir assez d’opportunités comme des emplois.
La population manifeste contre quatre problèmes essentiels qui sont sur la table en Afrique du Sud. Ce sont le manque d’emploi, le manque d’opportunité économique, le problème crucial de la drogue avec son corollaire qui est le quatrième point, la prostitution. Donc, voilà les quatre raisons des protestations. Malheureusement, ces manifestations ont été détournées de leurs objectifs et sont devenues une chasse aux étrangers pour assouvir des desseins personnels. Il s’agit donc pour nous de nous asseoir pour bien réfléchir aux solutions.
Ces violences xénophobes sont récurrentes et perdurent, qu’est-ce qui expliquent cela ?
En 2015, nous avons eu ce genre de problème et en 2008. Les problèmes que nous avons listés sont majeurs et ils gangrènent les grandes villes. Par exemple en 2008, le gouvernement a mis sur pied une commission qui a travaillé en parité avec la cellule nationale de défense et de droit de l’homme qui a rendu son verdict en identifiant quatre problèmes majeurs et ces quatre problèmes sont liés aux quatre causes que nous avons citées. La commission a indiqué le manque de relation entre les structures qui canalisent les installations anarchiques et les populations, le manque de visibilité (réactivité) de la police lorsque ce genre de situation survient et la corruption.
Cependant, cette commission n’a pas pu établir qu’il y a une animosité active entre les nationaux et les non nationaux. On constate que lorsque la population sort pour manifester contre les problèmes sociaux, il y a des gens qui en profitent pour aller casser les biens d’autrui. Ces problèmes on ne les résout pas avec un coup de baguette magique ou avec un stylo. Notre gouvernement est en train de travailler à cela.
Que fait donc le gouvernement sud-africain pour mettre fin aux récurrentes violences meurtrières contre les étrangers africains ?
J’aimerais vous rassurer que le peuple sud-africain dans sa majorité, avec tout le gouvernement, rejette avec la plus grande force toutes formes de violences envers qui que ce soit, étrangers ou non. A la suite des événements malheureux, 136 personnes ont été arrêtées. Ces personnes vont subir la rigueur de la loi, tel que je connais les principes de mon pays.
En plus des mesures de sécurité qui ont été prises et sont en train d’être prises, le gouvernement a décidé d’inclure dans la recherche des solutions toutes les sensibilités qui vivent sur le territoire donc les communautés sud-africaines et étrangères. Nous continuons notre travail de communication directe avec les communautés pour arriver à des solutions beaucoup plus durables. Nous n’allons pas nous laisser gagner par le désespoir, c’est notre travail de nous battre pour atteindre le résultat escompté et faire en sorte que l’Afrique du Sud soit une terre d’asile pour ceux qui veulent y vivent.
Quels sont les rapports de l’Afrique du Sud avec les pays dont les ressortissants ont eu à subir ces violences ?
Les relations de l’Afrique du Sud avec les pays des personnes qui sont affectées par cette situation ne souffrent d’aucune animosité. Nous avons une très large communauté zimbabwéenne qui vit en Afrique du Sud, et cela depuis très longtemps. Nos relations sont assez solides, c’est la même chose avec le Nigéria, nous avons d’excellentes relations bilatérales. L’Afrique du Sud connait son rôle sur le continent, nous savons que nous ne pouvons exister sans le reste du continent, nous avons besoin que le continent soit en paix. En matière de politique extérieure, notre pays s’est toujours engagé à la résolution de conflit sur le continent. Nous sommes convaincus que l’Afrique du Sud à un rôle spécial à jouer sur le continent de telle sorte que la paix prévale et l’économie puisse se construire. Nous sommes engagés à l’intérieure de l’Union africaine, notre vision c’est faire en sorte qu’avec les moyens que nous avons, nous puissions tirer tout le continent vers l’avant.
Lorsque nous vivons les affres de la colonisation et de l’apartheid, les pays africains ont accueilli ceux de nos concitoyens qui essayaient d’échapper à ce joug. Beaucoup de pays africains ont contribué à notre lutte. Les sud-africains ne peuvent pas être différents des autres. En Afrique du Sud tous les peuples sont représentés de presque tous les continents.
L’Afrique du Sud est une puissance en Afrique, des ressortissants d’autres pays cherchent à y aller pour la recherche de l’eldorado, alors qu’elle est la politique migratoire du pays ?
En ce qui concerne notre politique de migration, nous n’avons rien changé, c’est la même politique qui est en place et nous n’avons aucune intention de la modifier ou de la changer. Tous les africains sont libres d’enter en Afrique du Sud dans le respect des règles du voyage. Au niveau de la communauté économique des Etats d’Afrique Australe (SADEC), nous avons mis en place des régulations, afin que dans la région nous puissions circuler sans restriction. C’est une idée que nous partageons aussi à l’intérieur de l’Union africaine, car nous croyons au panafricanisme. L’Afrique du Sud a déposé des propositions pour que sur tout le continent africain la libre circulation soit une réalité. Nous sommes pour la proposition du passeport africain de l’Union Africaine, c’est l’une de nos politiques, nous la pratiquons déjà en Afrique Australe et il serait intéressant qu’on arrive à convaincre tout le monde d’accepter la mise en place de cette mesure. Nous sommes convaincus de la renaissance africaine et elle ne peut se réaliser que lorsque les africains travailleront ensemble. Je vois mal l’Afrique du Sud se replier sur elle-même comme une île dans un océan et penser pouvoir mettre en pratique sa vision de la renaissance africaine. C’est lorsque nous serons sur le continent en train de travailler échanger nos expériences avec les autres pays frères que nous pourrons atteindre ce but. Et nous y sommes vraiment engagés.
Les manifestants se plaignent également du nombre trop élevés de migrants en Afrique du Sud, est-ce que cela ne cause pas de problème à la politique d’immigration d’ouverture ?
Nous vivons sur des idéaux, c’est comme ça que nous avons été bâtis. L’ouverture de l’Afrique du sud au reste du continent est un idéal à atteindre. Nous travaillons pour cela. Les idéaux sont des buts qui ont été réfléchis, les sociétés sud africaines et les hommes d’affaires Sud Africains sont partout sur le continent. Notre idéal d’ouverture à notre niveau est déjà en marche. L’Afrique du Sud profite du continent et vice-versa. C’est un partenariat gagnant-gagnant. Et nous sommes convaincus que c’est seulement ainsi que nous allons pouvoir construire une Afrique solide. Notre objectif, c’est de pouvoir nous asseoir avec les nationaux et les étrangers pour leur montrer les vrais problèmes.
On constate que les relations Côte d’Ivoire et l’Afrique du Sud sont un peu timides. Qu’est-ce qui explique cette léthargie dans la coopération entre les deux pays ?
Les relations entre la Côte d’Ivoire et l’Afrique du Sud sont très fortes et enracinées. Depuis très longtemps les deux pays sont engagés dans les relations diplomatiques. Nous avons eu des occasions de recevoir le Président Alassane Ouattara en Afrique du Sud dans le contexte multilatéral. Les relations entre lui et le Président Zuma sont fortes. Les Présidents Jacob Zuma et Alassane Ouattara ont présidé ensemble la grande commission mixte de coopération entre les deux pays, qui a été ratifié en 2015. Cette commission mixte ouvre la voie à une coopération plus renforcée. Il y a au moins une cinquantaine de sociétés sud-africaines sur le sol ivoirien. C’est pratiquement chaque jour que nous recevons des délégations d’hommes d’affaires sud-africains qui viennent en prospection. Les relations entre les deux pays sont au beau fixe, nous continuons de travailler au rapprochement, nous espérons que très bientôt les visites officielles reprendront.
Réalisée par Fanta Gnoungo