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Économie Publié le lundi 4 septembre 2017 | Fraternité Matin

Jean-Marie Ackah : " La Côte d’Ivoire n’a pas encore le tissu de champions qu’elle mérite "

© Fraternité Matin Par Cyprien K.
Le Directeur Général du port autonome d`Abidjan rencontre le président du patronat ivoirien
Mardi 04 juin 2017. Abidjan. M. Hien Sié, Directeur Général du port autonome d`Abidjan a eu une rencontre avec le président du patronat ivoirien, Jean-Marie Ackah à la maison de l’entreprise. Photo: Jean-Marie Ackah, président de la CGECI
Le «patron des patrons» dresse le bilan de la première mission économique organisée par la Confédération à la mi-juillet à Conakry.

Quel bilan pouvez-vous faire de la première mission économique organisée par la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (Cgeci) en Guinée ?

Nous en tirons un bilan globalement satisfaisant. Tout d’abord, nous sommes satisfaits par le niveau de mobilisation des entreprises ivoiriennes qui ont pris part à cette mission économique, nous en avons dénombré environ une cinquantaine.
Ce qui, pour nous, est une source de grande satisfaction. Deuxièmement, nous en tirons un bilan très largement positif, au regard de l’écho favorable que cette mission a eu en Guinée, et au plus haut niveau de l’Etat guinéen. De manière tout à fait, exceptionnelle, nous avons pendant ces deux jours de travaux, eu le privilège d’être reçu en audience, d’abord par le Premier ministre, dès notre arrivée à Conakry et par-dessus tout, nous avons eu deux audiences avec le Président de la République de Guinée, le Professeur Alpha Condé. L’intérêt manifesté par les plus hautes autorités guinéennes démontre que le secteur privé ivoirien est bien perçu dans la sous-région, par les différents pays frères. Il nous appartient à nous, entrepreneurs ivoiriens, de nous s’inscrire dans cette logique de sortie de nos frontières. Bien sûr, comme c’était une première, nous savons qu’il y a des choses à parfaire dans l’organisation, et nous en tiendrons compte. Il y a eu au cours de ces journées, un panel de haut niveau sur les opportunités d’investissement dans les deux pays, ainsi que des rencontres B to B.

Que s’est-il passé au cours de ces B to B ? Y a –t-il eu des amorces de partenariats entre entreprises ivoiriennes et guinéennes au cours de ce forum ?

Nous avons eu effectivement un panel de haut niveau, qui nous a présenté les opportunités d’investissement en Guinée; elles sont diverses. Les B to B ont, quant à eux, permis aux entrepreneurs ivoiriens présents, de nouer les premiers contacts avec leurs homologues guinéens. Je dis bien, premiers contacts car, nous-mêmes entreprises ivoiriennes, devons apprendre à nous internationaliser, à aller à l’extérieur. Vous convenez avec moi, que ce n’est pas au cours de mission de 48 h, que se finalisent forcément des contrats. Nous allons, à la suite de cette mission, opérer un suivi avec les différentes entreprises qui ont participé, et cela va nous permettre de concrétiser le maximum de contacts, ou le maximum de B to Be qui ont été amorcés. L’objectif de la mission était de créer cet effet d’amorce. Il appartient à présent aux entreprises de travailler sur la poursuite de ces contrats, sur la structuration de projets concrets. J’ai bon espoir car, certains membres de la délégation avec qui j’ai eu des échanges informels, sont déterminés à revenir eux-mêmes dans les prochaines semaines en Guinée, pour approfondir ces premiers contacts.

Vous avez suggéré, à l’entame de cette mission, la création d’un groupe d’impulsion de la coopération entre la Guinée et la Côte d’Ivoire. Où en est ce projet ?

Nous avons effectivement amorcé l’idée d’un groupe d’impulsion économique bilatéral. Les discussions sont bien avancées sur le sujet ; cette vision est partagée par les secteurs privés des deux parties. Comme vous le savez, le secteur privé guinéen aujourd’hui, est dans une phase de restructuration au niveau de son organisation, de ses instances, et nous avons prévu de laisser au secteur privé guinéen, le temps de parfaire cette restructuration qui lui permettra de parler d’une seule et unique voix. La Côte d’Ivoire est citée en exemple en Guinée et dans plusieurs autres pays africains à travers le modèle de la Cgeci qui a permis d’avoir une seule organisation représentative de l’ensemble du secteur privé ivoirien. Nos homologues guinéens ont été impressionnés par ce modèle d’organisation de la Cgeci et sont décidés, avec l’appui de leur gouvernement, - avec au premier rang, le Président de la République guinéenne, le Professeur Alpha Condé, qui nous a demandés de soutenir nos homologues- à parachever leur organisation dans les prochaines semaines. Et ainsi, nous pourrons aller à la finalisation de ce cadre de partenariat qui fera l’objet d’une signature solennelle, certainement au mois de septembre à l’occasion de la prochaine tenue des assises de la Cgeci dénommées Cgeci Academy 2017, pour lesquelles la Guinée sera un des pays invités d’honneur.

Dès votre arrivée à Conakry, vous avez exhorté vos homologues des patronats guinéens à l’unité. Le Président Condé vous a, à son tour, demandé d’aider vos homologues à s’unir au sein d’une seule organisation, et ils se sont engagés à le faire. La magie Jean-Marie Ackah a donc opéré, une fois de plus. Quels sentiments cela vous procure-t-il ?

C’est une source bien sûr une grande source de satisfaction, d’être présenté par les plus hautes autorités de ce pays frère. Ce résultat est le fruit d’un travail de longue haleine qui a démarré, depuis des décennies, avec des précurseurs comme Joseph Aka Anghui, le président Marcel Zadi Kessy, feu le président Diack Diawar, et mon prédécesseur Jean Kacou Diagou, jusqu’à moimême. C’est ce long processus qui nous a permis de bien cerner les avantages et les inconvénients de chaque situation. Que la Cgeci soit citée en exemple aujourd’hui est donc une source de satisfaction, mais aussi de grande responsabilité. La Cgeci a l’obligation de demeurer un mouvement patronal uni, et a encore à parachever son unité au niveau national. C’est un processus qui est en cours nous discutons avec d’autres collègues, parce que l’entreprise ivoirienne, in fine, est unique, qu’elle soit grande, moyenne ou petite. Les problèmes des entreprises ivoiriennes sont globalement les mêmes avec bien sûr, des spécificités pour chaque secteur, mais nous avons besoin de parler d’une même voix. Nous avons dit que le président du patronat, bien que décrit dans l’imaginaire comme le patron des patrons, n’est en fait, pour moi, que le porte-parole des patrons. Plus nous porterons les préoccupations des entreprises, plus celles-ci se retrouveront dans notre action, et plus nous pourrons bâtir une organisation patronale unie et solidaire.

La Cgeci Academy de septembre prochain est très attendue. En quoi consistera-t-elle ?

La Cgeci Academy est un moment important dans le calendrier annuel du mouvement patronal ivoirien. C’est véritablement la rentrée économique du secteur privé ivoirien. Sous d’autres cieux, on parle d’universités d’été. La Cgeci Academy sera donc un moment central de notre organisation, mais aura davantage un rôle plus large. Ce sera certes un espace pour promouvoir l’esprit entrepreneurial chez nos jeunes notamment, mais aussi le cadre de rencontres des dirigeants et chefs d’entreprises qui auront ainsi un moment dans l’année pour partager leurs préoccupations et regarder ensemble l’avenir. Ce sera aussi une occasion pour le secteur privé de faire une pause avec le gouvernement pour faire l’évaluation du travail effectué pendant une année, à travers le comité de concertation. Le volet jeunesse sera maintenu, mais la Cgeci Academy sera davantage l’affaire des entreprises et des chefs d’entreprises. Nous avons choisi comme thème pour cette année: devenir un champion. C’est un thème qui me tient particulièrement à cœur. Nous pensons que la Côte d’Ivoire n’a pas le tissu d’entreprises, le tissu de champions économiques qu’elle mérite. Au regard de la taille économique de notre pays, du niveau de structuration de notre économie, nous n’avons pas le tissu d’entrepreneurs et de champions suffisamment représentatif de ce dynamisme. Nous travaillons à essayer d’améliorer les choses. Nous disons que l’Etat a un rôle important à jouer, et nous formons beaucoup d’espoir sur une totale prise en compte par l’Etat de son rôle moteur pour permettre l’émergence de champions nationaux. Mais le secteur privé a aussi son rôle à jouer et c’est pour atteindre cet objectif que nous avons conçu, au niveau du bureau un programme d’action, que nous mettons en œuvre, avec une certaine cohérence. Notre mission en Guinée répondait aussi à cet objectif. Nous ne pouvons pas prétendre former des champions nationaux si nous ne sommes pas capables d’amener nos entreprises à sortir de leurs frontières nationales pour aller dans les pays voisins, pour aller dans la sous-région. La Côte d’Ivoire bénéficie d’un a priori d’expertises, de ressources humaines de qualité, et d’un tissu économique solide sur lequel nos entreprises peuvent s’appuyer pour s’internationaliser. Il est de notre responsabilité d’amener nos entreprises à dépasser les frontières, pour devenir des champions sous régionaux et africains. Nous y croyons, et nous y travaillons.

Propos recueillis à Conakry par Valentin Mbougueng
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