Le directeur général de Randgold Resources Côte d’Ivoire, qui assure la présidence de la faîtière des miniers ivoiriens, revient en détail sur les grands enjeux de cette industrie.
M. le Président, après deux années de mise en œuvre du nouveau code minier ivoirien, quelles sont vos sources de satisfaction ?
Après plus de vingt ans d’existence, l’ancien code minier promulgué par la loi n°95-553 du 18 juillet 1995 avait montré ses limites. Il était alors tout à fait indiqué qu’une loi plus adaptée à l’environnement, qui a beaucoup évolué, voit le jour. C’est la loi n°2014-138 du 24 mars 2014 portant Code minier à laquelle nous avons eu l’honneur de participer. Il y a eu une vraie participation des industriels que nous sommes pour arriver à ce nouveau code. Il est, pour nous, très consensuel, plus harmonieux et plus transparent. Ce code définit clairement le processus de demande et d’obtention des permis qui devrait favoriser le traitement équitable et rapide des dossiers. Et les procédures diffèrent pour les permis industriels, semi-industriels et artisanaux (orpaillage légal). Aujourd’hui, nous pouvons dire que le code minier ivoirien, comparé à d’autres, à travers des benchmarking, est l’un des meilleurs et des plus attractifs de la sous-région, de l’Afrique et même du monde entier. Ce qui a valu à la Côte d’Ivoire, il y a deux ans, le prix de l’innovation «Mines & Money» décerné au ministre Jean-Claude Brou, à Londres.
Il y a tout de même des difficultés…
On avait constaté une certaine lenteur dans l’application. Ce qui se comprend dans la mesure où il s’agit d’une nouvelle loi, et l’administration devait se doter de moyens techniques et humains pour suivre la mise en application. Six mois en arrière, nous faisions le constat des difficultés sur la question de l’attribution des permis, aussi bien de recherche que d’exploitation. Même si la procédure indique un délai de traitement des dossiers de 30 à 45 jours pour avoir une réponse dès qu’on dépose une demande, l’investisseur pouvait attendre des mois avant que le permis ne lui soit accordé. Il y a une nette amélioration présentement avec le nouveau cadastre minier mis en place, qui vient faciliter le traitement des dossiers d’octroi de permis de recherche. Nous sommes satisfaits à 80%, voire 90%. Et les plaintes des industriels se trouvent beaucoup plus au niveau de l’orpaillage clandestin. Un phénomène qui nous dépasse tous… Ce qui nécessite une prise de décision politique et son application effective à lutter farouchement contre ce phénomène. Lequel n’est pas propre à la Côte d’Ivoire mais touche plusieurs autres pays de la sous-région. Beaucoup d’actions sont entreprises mais les résultats sont jusque-là mitigés. Nous avons des satisfactions sur des périodes précises, mais la recolonisation des sites fait qu’on revient à la situation de départ. Il faut aujourd’hui arriver à pérenniser les actions sur le long terme.
L’octroi des autorisations d’exploitation à des artisans miniers par l’État ivoirien est-elle la solution idoine ?
Effectivement, c’est une solution parce qu’elle permet aux exploitants traditionnels d’être dans la régularité. Si des orpailleurs illégaux qui ne respectent pas la loi ne paient aucune taxe formelle à l’État, détruisent l’environnement par l’utilisation des produits chimiques, utilisent des enfants… ont désormais des autorisations d’exploitation, cela est une très bonne chose dans la mesure où l’État va leur octroyer des parcelles bien délimitées pour travailler officiellement. Ces personnes vont être encadrées pour exploiter l’or, conformément aux normes consignées dans la loi portant code minier ivoirien. Ils paieront les taxes nécessaires et tout le monde sera en sécurité. Le nouveau code prévoit toutes les dispositions en la matière pour être artisan minier. Une fois que ces exploitants artisanaux seront légalement installés et verront le bénéficie de leur travail, ces derniers vont contribuer à dénoncer et chasser les orpailleurs clandestins, puisque ces clandestins leur feront une concurrence déloyale.
Combien d’autorisations l’État a-t-il déjà octroyé à ces exploitants artisanaux ?
Le ministre en charge des mines a récemment rendu public un communiqué qui parle de 45 autorisations d’exploitation semi-industrielles et artisanales octroyées.
Qu’en est-il des demandes de permis de recherche soumis par les industriels à l’État ?
Nous étions à plus de 160 demandes de permis de recherche en fin juin de cette année. Et les industriels veulent une célérité dans l’octroi de ces permis d’exploration. La société de recherche minière qui a mobilisé des moyens pour réaliser son activité ne peut pas attendre plus longtemps un permis sans lequel elle ne peut pas travailler. La société serait alors tentée d’aller dans un autre pays où l’octroi du permis est facilité. Par le passé, la Côte d’Ivoire a été une victime. La deuxième plus grande société d’exploitation minière au monde qui opère au Ghana voisin a été obligée de quitter le pays. La raison, cette société a attendu en vain son permis de recherche pendant que l’opérateur économique était prêt à investir. Avec les dispositions du nouveau code minier, cette compagnie est fort heureusement en train de frapper à nouveau à nos portes, en Côte d’Ivoire. Et nous espérons qu’elle sera mieux servie cette fois-ci. La présence d’une telle société serait l’une des meilleures publicités pour attirer plus d’investisseurs et renforcer le développement de l’industrie minière du pays.
Les industriels sont aussi confrontés aux difficultés de tarification sur le coût de l’électricité…
Il s’agit d’une problématique majeure pour l’industrie minière parce que l’électricité constitue le point de dépense le plus important dans l’exploitation minière. Sur les cinq plus gros clients de la Compagnie ivoirienne d’électricité (CIE), trois ou quatre sont des sociétés minières en exploitation. Les usines de traitement aurifère opérant sur des sites à faible teneur en minerai ont besoin d’avoir de l’électricité à un coût relativement bas pour tenir leurs charges d’exploitation. Chaque société avait pour cela cherché à avoir un tarif préférentiel, mais l’État a fait clairement comprendre qu’on ne pouvait pas avoir de tarif spécifique pour les miniers à cause de ses difficultés et engagements à booster le secteur énergétique du pays.
Il y a tout de même les problèmes relatifs aux investissements réalisés par les industriels en matière d’électricité ?
C’est un problème qui existe depuis longtemps. La plupart des compagnies aurifères ont été obligées de faire des investissements pour acheminer de l’électricité jusqu’à leurs usines, au moment où l’État n’était pas encore prêt à les faire. Et ces industriels devraient être remboursés ou bénéficier de tarifs préférentiels pour couvrir leurs investissements. Pour cela, des conventions ont été signées avec l’État en vue de sécuriser ces tarifs de l’électricité. Et ces miniers ont établi des conventions qui précisent, soit des tarifs préférentiels, soit une stabilité des coûts pendant la durée de vie de la mine, puisque les études de faisabilité sont basées sur ces principes.
Mais jusque-là il n'y a qu’une seule société sur les quatre en production qui bénéficie de ces tarifs préférentiels. Ces accords ne sont pas appliqués pour les autres sociétés qui exploitent l’or dans le pays. La raison évoquée par l’État ivoirien est que le secteur de l’électricité reste toujours déficitaire. Et les sociétés d’exploitation, en dehors de celle précitée, sont toujours soumises au tarif normal que la CIE applique à tous les industriels du pays. Le GPMCI continue les négociations avec l’État en vue de stabiliser les tarifs et éviter d’atteindre un certain coût qui pourrait handicaper l’industrie minière ivoirienne. Sans oublier les mécanismes de remboursement pour lesquels des commissions techniques ont été mises en place pour réfléchir. Et les industriels attendent qu’une solution idoine soit trouvée le plus tôt possible sur ce problème de l’électricité qui ne fait que perdurer…
Les industriels sont bien engagés dans le développement communautaire. Mais qu’est-ce que a réellement amené l’État à créer les Comités de développement miniers locaux (CDML) ?
C’est pour prévenir les conflits sociaux entre les investisseurs et les communautés villageoises autour des champs d’exploitation minière. Et ces conflits ont vraiment démarré avec l’installation du pipeline pétrolier aux larges de Jacqueville. L’État, voulant éviter ce genre de problèmes et établir des règles qui s’appliquent à tous, a inséré le concept de CDML dans la nouvelle loi instituant le Code minier en tenant aussi compte des recommandations de la Banque mondiale. Ce code exige qu’il y ait un CDML là où chaque mine est implantée. Et le comité de gestion est présidé par le préfet de la région. Les industriels, eux, apporte une contribution de 0,5% de leur chiffre d’affaires annuel dans un fonds pour financer des projets de développement communautaire. Le CDML a la responsabilité de gérer ces fonds et de mener des projets en accord avec les parties prenantes (les démembrements de l’administration publique, les communautés villageoises et les industriels). L’idée principale est que les populations riveraines bénéficient réellement des retombées de ces fonds pour leur développement socio-économique. Ces projets doivent être agréés dans un plan d’activités, et non accorder des faveurs à tel ou tel individu de la localité ou d’ailleurs.
Quel est aujourd’hui votre regard sur la gestion de ces fonds ?
La responsabilité du GPMCI est de s’assurer que les sociétés minières respectent leurs engagements en reversant effectivement les 0,5% annuels, et veiller à ce que les fonds soient bien utilisés. Jusque-là, je pense que cet argent est bien géré dans la majeure partie des cas. Il y a tout de même quelques petites difficultés qui surgissent d’une zone par rapport à une autre, dues, peut-être, à la perception ou au manque de compréhension de ces fonds de la part des certaines personnes. Nous avions même demandé aux sociétés minières d’aider à la formation des membres des CDML pour une gestion optimale de ces fonds et mettre en place des plans de développement communautaire, parce qu’il nous est déjà revenu le cas d’une localité où le mode de répartition des ressources posait problème. Des villages plus proches des usines qui réclament plus du fait de leur proximité, des cadres qui veillent s’ingérer dans la gestion de ces fonds, etc.
Quels sont les vrais avantages réels de ces CDML ?
Les populations ne viennent plus directement se plaindre auprès des industriels pour revendiquer quoi que ce soit. Le CDML devient alors l’interface… Et il est aussi important de bien établir la différence entre les responsabilités régaliennes de l’État et celles des miniers qui viennent s’installer. On a longtemps constaté des situations où des populations viennent demander des choses à l’investisseur dont ce n'est pas le ressort. Les CDML sont aujourd’hui présents pour mieux clarifier les choses avec les communautés villageoises. L’industriel a tout de même à sa discrétion la possibilité de poser des actions complémentaires qu’il juge nécessaires. Dans le cas de la mine d’or de Tongon qui est en train d’investir dans un vaste projet agro-industriel, l’étude de faisabilité a évalué ce projet à plus de 10 milliards FCFA. Il s’agit d’un projet intégré qui comprend le développement agricole, la transformation et la commercialisation. Sans ignorer la mise en place de toutes les infrastructures nécessaires. Cette société a aussi mis en place un système de financement par la création d’une institution de microfinance pour octroyer des prêts à des taux d’intérêt très réduits. Et ce dispositif marche très bien, avec un taux de remboursement au-delà de 90% à 95%. Ce qui permet aux populations de développer de petits projets d’agriculture, d’élevage, de commerce, etc. Et les jeunes qui n’ont pas trouvé d’emploi sur la mine de Tongon parviennent à vivre décemment de leurs initiatives privées. L’idée, pour cet industriel, est l’héritage qu’il veut laisser aux communautés riveraines une fois sa mine fermée dans trois à quatre ans.
Mais il se trouve que la mine de Tongon n’a pas de CDML proprement dit…
Chaque nouvelle mine qui s’implante, après le code de 2014, doit automatiquement implanter d’une CDML. Le cas de la mine de Tongon se comprend dans la mesure où son exploitation a démarré sous l’ancien code minier. Mais la philosophie de Randgold Resources comprenait déjà un genre de CDML mis en place dans les exploitations minières au Mali. En Côte d’Ivoire, elle a fait autant avec le préfet qui a pris un arrêté préfectoral pour instituer ce comité. Les directions de l’agriculture, des mines, y sont représentées. Et chaque village a trois représentants : la chefferie, les jeunes et les femmes. C’est ce qui transparaît un peu dans la version actuelle des CDML adoptée par l’État ivoirien. La mine de Tongon prélevait déjà un montant sur son bénéfice annuel pour financer directement plusieurs projets communautaires. Il lui est maintenant demande de faire en sorte que son allocation soit en adéquation avec les 0,5% du chiffre d’affaires recommandés par le nouveau code minier.
Qu’en est-il des autres sociétés qui exerçaient avant l’avènement du nouveau code ?
Il y a Newcreast, qui a maintenant un CDML à cause de l’exploitation d’un autre gisement aurifère avec son nouveau permis d’exploitation d’or. Du coup, cette société est entrée sous le régime du nouveau code minier et obligée d’installer sa CDML. Quant à la société des mines d’Ity, la plus vieille mine du pays, elle a maintenant son CDML. Elle n’en avait pas par le passé, malgré le fait que la société menait beaucoup d’actions communautaires depuis sa création, mais cela ne se faisait pas dans un cadre strictement CDML. Cette mine est depuis quelques années sous le contrôle du groupe anglo-canadien Endeavour Mining qui, lui, impulse une nouvelle dynamique.
Pour finir, comment voyez-vous les perspectives de l’économie minière en Côte d’Ivoire ?
Elles sont très bonnes […]. Tout le monde voit la Côte d’Ivoire comme le nouvel eldorado minier avec l’attractivité de son nouveau code minier. Avec les permis d’exploitation et de recherche déjà octroyés et ceux en attente, le pays amorce un décollage progressif de son industrie minière. Le fait qu’on permette à des sociétés minières de faire beaucoup plus d’exploration est un atout réel. L’État doit alors encourager les sociétés qui ont les capacités financières, techniques et opérationnelles à accéder facilement à des permis de recherche, plutôt que de limiter ces permis. En fait, le ministère en charge des mines vient de sortir une circulaire qui limite le nombre de permis par compagnie en fonction de ses capacités financières, expériences, etc. Si la société veut aller au-delà, elle doit rendre l’un de ses permis, et ainsi de suite […]. La Côte d’Ivoire, qui dispose d’un fort potentiel minier et détient environ 30% du birrimien de toute l’Afrique de l’Ouest – la roche contenant le minerai aurifère et propice à la découverte des mines d’or –, est encore sous-exploitée par rapport à certains pays comme le Ghana et le Mali. Grâce à la volonté politique du gouvernement, et depuis que le président Alassane Ouattara a décidé de faire de l’industrie minière le second pilier de l’économie nationale, les lignes ont commencé à bouger. Mais l’État doit aussi préserver cette attractivité en évitant d’instaurer de nouvelles taxes qui pèseraient sur l’émergence de l’industrie minière ivoirienne. Il faut que l’industrie minière ne soit plus un secteur marginal de l’économie nationale. Avec un chiffre d’affaires global évalué à 480 milliards FCFA en 2016, l’industrie aurifère ne représente qu’environ 2% du produit intérieur brut (PIB) ivoirien. Si elle atteint 9% à 10% du PIB, ce serait déjà une avancée très remarquable.
Propos recueillis par Jean-Jacques Amond
M. le Président, après deux années de mise en œuvre du nouveau code minier ivoirien, quelles sont vos sources de satisfaction ?
Après plus de vingt ans d’existence, l’ancien code minier promulgué par la loi n°95-553 du 18 juillet 1995 avait montré ses limites. Il était alors tout à fait indiqué qu’une loi plus adaptée à l’environnement, qui a beaucoup évolué, voit le jour. C’est la loi n°2014-138 du 24 mars 2014 portant Code minier à laquelle nous avons eu l’honneur de participer. Il y a eu une vraie participation des industriels que nous sommes pour arriver à ce nouveau code. Il est, pour nous, très consensuel, plus harmonieux et plus transparent. Ce code définit clairement le processus de demande et d’obtention des permis qui devrait favoriser le traitement équitable et rapide des dossiers. Et les procédures diffèrent pour les permis industriels, semi-industriels et artisanaux (orpaillage légal). Aujourd’hui, nous pouvons dire que le code minier ivoirien, comparé à d’autres, à travers des benchmarking, est l’un des meilleurs et des plus attractifs de la sous-région, de l’Afrique et même du monde entier. Ce qui a valu à la Côte d’Ivoire, il y a deux ans, le prix de l’innovation «Mines & Money» décerné au ministre Jean-Claude Brou, à Londres.
Il y a tout de même des difficultés…
On avait constaté une certaine lenteur dans l’application. Ce qui se comprend dans la mesure où il s’agit d’une nouvelle loi, et l’administration devait se doter de moyens techniques et humains pour suivre la mise en application. Six mois en arrière, nous faisions le constat des difficultés sur la question de l’attribution des permis, aussi bien de recherche que d’exploitation. Même si la procédure indique un délai de traitement des dossiers de 30 à 45 jours pour avoir une réponse dès qu’on dépose une demande, l’investisseur pouvait attendre des mois avant que le permis ne lui soit accordé. Il y a une nette amélioration présentement avec le nouveau cadastre minier mis en place, qui vient faciliter le traitement des dossiers d’octroi de permis de recherche. Nous sommes satisfaits à 80%, voire 90%. Et les plaintes des industriels se trouvent beaucoup plus au niveau de l’orpaillage clandestin. Un phénomène qui nous dépasse tous… Ce qui nécessite une prise de décision politique et son application effective à lutter farouchement contre ce phénomène. Lequel n’est pas propre à la Côte d’Ivoire mais touche plusieurs autres pays de la sous-région. Beaucoup d’actions sont entreprises mais les résultats sont jusque-là mitigés. Nous avons des satisfactions sur des périodes précises, mais la recolonisation des sites fait qu’on revient à la situation de départ. Il faut aujourd’hui arriver à pérenniser les actions sur le long terme.
L’octroi des autorisations d’exploitation à des artisans miniers par l’État ivoirien est-elle la solution idoine ?
Effectivement, c’est une solution parce qu’elle permet aux exploitants traditionnels d’être dans la régularité. Si des orpailleurs illégaux qui ne respectent pas la loi ne paient aucune taxe formelle à l’État, détruisent l’environnement par l’utilisation des produits chimiques, utilisent des enfants… ont désormais des autorisations d’exploitation, cela est une très bonne chose dans la mesure où l’État va leur octroyer des parcelles bien délimitées pour travailler officiellement. Ces personnes vont être encadrées pour exploiter l’or, conformément aux normes consignées dans la loi portant code minier ivoirien. Ils paieront les taxes nécessaires et tout le monde sera en sécurité. Le nouveau code prévoit toutes les dispositions en la matière pour être artisan minier. Une fois que ces exploitants artisanaux seront légalement installés et verront le bénéficie de leur travail, ces derniers vont contribuer à dénoncer et chasser les orpailleurs clandestins, puisque ces clandestins leur feront une concurrence déloyale.
Combien d’autorisations l’État a-t-il déjà octroyé à ces exploitants artisanaux ?
Le ministre en charge des mines a récemment rendu public un communiqué qui parle de 45 autorisations d’exploitation semi-industrielles et artisanales octroyées.
Qu’en est-il des demandes de permis de recherche soumis par les industriels à l’État ?
Nous étions à plus de 160 demandes de permis de recherche en fin juin de cette année. Et les industriels veulent une célérité dans l’octroi de ces permis d’exploration. La société de recherche minière qui a mobilisé des moyens pour réaliser son activité ne peut pas attendre plus longtemps un permis sans lequel elle ne peut pas travailler. La société serait alors tentée d’aller dans un autre pays où l’octroi du permis est facilité. Par le passé, la Côte d’Ivoire a été une victime. La deuxième plus grande société d’exploitation minière au monde qui opère au Ghana voisin a été obligée de quitter le pays. La raison, cette société a attendu en vain son permis de recherche pendant que l’opérateur économique était prêt à investir. Avec les dispositions du nouveau code minier, cette compagnie est fort heureusement en train de frapper à nouveau à nos portes, en Côte d’Ivoire. Et nous espérons qu’elle sera mieux servie cette fois-ci. La présence d’une telle société serait l’une des meilleures publicités pour attirer plus d’investisseurs et renforcer le développement de l’industrie minière du pays.
Les industriels sont aussi confrontés aux difficultés de tarification sur le coût de l’électricité…
Il s’agit d’une problématique majeure pour l’industrie minière parce que l’électricité constitue le point de dépense le plus important dans l’exploitation minière. Sur les cinq plus gros clients de la Compagnie ivoirienne d’électricité (CIE), trois ou quatre sont des sociétés minières en exploitation. Les usines de traitement aurifère opérant sur des sites à faible teneur en minerai ont besoin d’avoir de l’électricité à un coût relativement bas pour tenir leurs charges d’exploitation. Chaque société avait pour cela cherché à avoir un tarif préférentiel, mais l’État a fait clairement comprendre qu’on ne pouvait pas avoir de tarif spécifique pour les miniers à cause de ses difficultés et engagements à booster le secteur énergétique du pays.
Il y a tout de même les problèmes relatifs aux investissements réalisés par les industriels en matière d’électricité ?
C’est un problème qui existe depuis longtemps. La plupart des compagnies aurifères ont été obligées de faire des investissements pour acheminer de l’électricité jusqu’à leurs usines, au moment où l’État n’était pas encore prêt à les faire. Et ces industriels devraient être remboursés ou bénéficier de tarifs préférentiels pour couvrir leurs investissements. Pour cela, des conventions ont été signées avec l’État en vue de sécuriser ces tarifs de l’électricité. Et ces miniers ont établi des conventions qui précisent, soit des tarifs préférentiels, soit une stabilité des coûts pendant la durée de vie de la mine, puisque les études de faisabilité sont basées sur ces principes.
Mais jusque-là il n'y a qu’une seule société sur les quatre en production qui bénéficie de ces tarifs préférentiels. Ces accords ne sont pas appliqués pour les autres sociétés qui exploitent l’or dans le pays. La raison évoquée par l’État ivoirien est que le secteur de l’électricité reste toujours déficitaire. Et les sociétés d’exploitation, en dehors de celle précitée, sont toujours soumises au tarif normal que la CIE applique à tous les industriels du pays. Le GPMCI continue les négociations avec l’État en vue de stabiliser les tarifs et éviter d’atteindre un certain coût qui pourrait handicaper l’industrie minière ivoirienne. Sans oublier les mécanismes de remboursement pour lesquels des commissions techniques ont été mises en place pour réfléchir. Et les industriels attendent qu’une solution idoine soit trouvée le plus tôt possible sur ce problème de l’électricité qui ne fait que perdurer…
Les industriels sont bien engagés dans le développement communautaire. Mais qu’est-ce que a réellement amené l’État à créer les Comités de développement miniers locaux (CDML) ?
C’est pour prévenir les conflits sociaux entre les investisseurs et les communautés villageoises autour des champs d’exploitation minière. Et ces conflits ont vraiment démarré avec l’installation du pipeline pétrolier aux larges de Jacqueville. L’État, voulant éviter ce genre de problèmes et établir des règles qui s’appliquent à tous, a inséré le concept de CDML dans la nouvelle loi instituant le Code minier en tenant aussi compte des recommandations de la Banque mondiale. Ce code exige qu’il y ait un CDML là où chaque mine est implantée. Et le comité de gestion est présidé par le préfet de la région. Les industriels, eux, apporte une contribution de 0,5% de leur chiffre d’affaires annuel dans un fonds pour financer des projets de développement communautaire. Le CDML a la responsabilité de gérer ces fonds et de mener des projets en accord avec les parties prenantes (les démembrements de l’administration publique, les communautés villageoises et les industriels). L’idée principale est que les populations riveraines bénéficient réellement des retombées de ces fonds pour leur développement socio-économique. Ces projets doivent être agréés dans un plan d’activités, et non accorder des faveurs à tel ou tel individu de la localité ou d’ailleurs.
Quel est aujourd’hui votre regard sur la gestion de ces fonds ?
La responsabilité du GPMCI est de s’assurer que les sociétés minières respectent leurs engagements en reversant effectivement les 0,5% annuels, et veiller à ce que les fonds soient bien utilisés. Jusque-là, je pense que cet argent est bien géré dans la majeure partie des cas. Il y a tout de même quelques petites difficultés qui surgissent d’une zone par rapport à une autre, dues, peut-être, à la perception ou au manque de compréhension de ces fonds de la part des certaines personnes. Nous avions même demandé aux sociétés minières d’aider à la formation des membres des CDML pour une gestion optimale de ces fonds et mettre en place des plans de développement communautaire, parce qu’il nous est déjà revenu le cas d’une localité où le mode de répartition des ressources posait problème. Des villages plus proches des usines qui réclament plus du fait de leur proximité, des cadres qui veillent s’ingérer dans la gestion de ces fonds, etc.
Quels sont les vrais avantages réels de ces CDML ?
Les populations ne viennent plus directement se plaindre auprès des industriels pour revendiquer quoi que ce soit. Le CDML devient alors l’interface… Et il est aussi important de bien établir la différence entre les responsabilités régaliennes de l’État et celles des miniers qui viennent s’installer. On a longtemps constaté des situations où des populations viennent demander des choses à l’investisseur dont ce n'est pas le ressort. Les CDML sont aujourd’hui présents pour mieux clarifier les choses avec les communautés villageoises. L’industriel a tout de même à sa discrétion la possibilité de poser des actions complémentaires qu’il juge nécessaires. Dans le cas de la mine d’or de Tongon qui est en train d’investir dans un vaste projet agro-industriel, l’étude de faisabilité a évalué ce projet à plus de 10 milliards FCFA. Il s’agit d’un projet intégré qui comprend le développement agricole, la transformation et la commercialisation. Sans ignorer la mise en place de toutes les infrastructures nécessaires. Cette société a aussi mis en place un système de financement par la création d’une institution de microfinance pour octroyer des prêts à des taux d’intérêt très réduits. Et ce dispositif marche très bien, avec un taux de remboursement au-delà de 90% à 95%. Ce qui permet aux populations de développer de petits projets d’agriculture, d’élevage, de commerce, etc. Et les jeunes qui n’ont pas trouvé d’emploi sur la mine de Tongon parviennent à vivre décemment de leurs initiatives privées. L’idée, pour cet industriel, est l’héritage qu’il veut laisser aux communautés riveraines une fois sa mine fermée dans trois à quatre ans.
Mais il se trouve que la mine de Tongon n’a pas de CDML proprement dit…
Chaque nouvelle mine qui s’implante, après le code de 2014, doit automatiquement implanter d’une CDML. Le cas de la mine de Tongon se comprend dans la mesure où son exploitation a démarré sous l’ancien code minier. Mais la philosophie de Randgold Resources comprenait déjà un genre de CDML mis en place dans les exploitations minières au Mali. En Côte d’Ivoire, elle a fait autant avec le préfet qui a pris un arrêté préfectoral pour instituer ce comité. Les directions de l’agriculture, des mines, y sont représentées. Et chaque village a trois représentants : la chefferie, les jeunes et les femmes. C’est ce qui transparaît un peu dans la version actuelle des CDML adoptée par l’État ivoirien. La mine de Tongon prélevait déjà un montant sur son bénéfice annuel pour financer directement plusieurs projets communautaires. Il lui est maintenant demande de faire en sorte que son allocation soit en adéquation avec les 0,5% du chiffre d’affaires recommandés par le nouveau code minier.
Qu’en est-il des autres sociétés qui exerçaient avant l’avènement du nouveau code ?
Il y a Newcreast, qui a maintenant un CDML à cause de l’exploitation d’un autre gisement aurifère avec son nouveau permis d’exploitation d’or. Du coup, cette société est entrée sous le régime du nouveau code minier et obligée d’installer sa CDML. Quant à la société des mines d’Ity, la plus vieille mine du pays, elle a maintenant son CDML. Elle n’en avait pas par le passé, malgré le fait que la société menait beaucoup d’actions communautaires depuis sa création, mais cela ne se faisait pas dans un cadre strictement CDML. Cette mine est depuis quelques années sous le contrôle du groupe anglo-canadien Endeavour Mining qui, lui, impulse une nouvelle dynamique.
Pour finir, comment voyez-vous les perspectives de l’économie minière en Côte d’Ivoire ?
Elles sont très bonnes […]. Tout le monde voit la Côte d’Ivoire comme le nouvel eldorado minier avec l’attractivité de son nouveau code minier. Avec les permis d’exploitation et de recherche déjà octroyés et ceux en attente, le pays amorce un décollage progressif de son industrie minière. Le fait qu’on permette à des sociétés minières de faire beaucoup plus d’exploration est un atout réel. L’État doit alors encourager les sociétés qui ont les capacités financières, techniques et opérationnelles à accéder facilement à des permis de recherche, plutôt que de limiter ces permis. En fait, le ministère en charge des mines vient de sortir une circulaire qui limite le nombre de permis par compagnie en fonction de ses capacités financières, expériences, etc. Si la société veut aller au-delà, elle doit rendre l’un de ses permis, et ainsi de suite […]. La Côte d’Ivoire, qui dispose d’un fort potentiel minier et détient environ 30% du birrimien de toute l’Afrique de l’Ouest – la roche contenant le minerai aurifère et propice à la découverte des mines d’or –, est encore sous-exploitée par rapport à certains pays comme le Ghana et le Mali. Grâce à la volonté politique du gouvernement, et depuis que le président Alassane Ouattara a décidé de faire de l’industrie minière le second pilier de l’économie nationale, les lignes ont commencé à bouger. Mais l’État doit aussi préserver cette attractivité en évitant d’instaurer de nouvelles taxes qui pèseraient sur l’émergence de l’industrie minière ivoirienne. Il faut que l’industrie minière ne soit plus un secteur marginal de l’économie nationale. Avec un chiffre d’affaires global évalué à 480 milliards FCFA en 2016, l’industrie aurifère ne représente qu’environ 2% du produit intérieur brut (PIB) ivoirien. Si elle atteint 9% à 10% du PIB, ce serait déjà une avancée très remarquable.
Propos recueillis par Jean-Jacques Amond