Si l'industrie minière ivoirienne est jusqu'alors largement dominée par l’exploitation aurifère, d'autres minerais suscitent un intérêt particulier, du côté des opérateurs comme de l'Etat ivoirien qui compte sur ces ressources pour booster son PIB.
Sans équivoque, les experts s’accordent à dire que le sous-sol ivoirien est l’un des plus riches du continent noir. En son temps, le père de la nation moderne, Félix Houphouët-Boigny, avait délibérément décidé de ne pas toucher à ces ressources naturelles périssables en mettant l’accent sur l’exploitation agricole avec le binôme café-cacao. D’autres spéculations agricoles se sont progressivement ajoutées : l’hévéa, le palmier à huile, le coton, l’anacarde, etc. «Le succès de ce pays repose sur l’agriculture», tel était le slogan qui a régné entre 1960 et 1980, période du «miracle ivoirien». Les ressources générées par ces activités agricoles ont servi à construire tous les grands édifices qui font toujours la fierté des Ivoiriens, et les différents présidents qui ont succédé à Houphouët Boigny ont essayé de proroger cette valorisation de l’agriculture en faveur développement socio-économique.
L’avènement au pouvoir du président Alassane Ouattara, avec son ambition de l’émergence projetée en 2020, a changé la donne… L’accent est mis sur le développement des industries extractives comme second pilier de développement, en plus de l’agriculture. Le pays entame alors l’éclosion du secteur minier avec l’exploration puis l’exploitation du sous-sol ivoirien. Et la loi n°2014-138 du 24 mars 2014 portant code minier est venue donner un coup d’accélérateur à ce processus.
Une production aurifère en progression
L’industrie aurifère est pour le moment la principale ressource extraite du terroir ivoirien. De moins de 10 tonnes en 2011, la production nationale est passée à 18,6 tonnes en 2014 puis 23,5 tonnes en 2015, pour atteindre les 25,05 tonnes en 2016. Selon les statistiques collectées auprès du Groupement professionnel des miniers de Côte d’Ivoire (GPMCI), le chiffre d’affaires global de l’ensemble des quatre sociétés qui exploitent les cinq mines d’or industrielles du pays a atteint les 480 milliards de nos francs à fin 2016. Il s’agit de la mine d’or d’Ity (SMI), basée à Zouan-Hounien, à l’ouest du pays, qui a été exploitée une trentaine d’années durant par la société française «La Mancha». Elle est maintenant aux mains du groupe anglo-canadien Endevour Mining. Cette mine est suivie par la plus grande du pays, la mine d’or de Tongon, située dans le département de M’Bengué, à Korhogo, au nord. Elle appartient à un groupe international présidé par un homme d’affaires sud-africain, Dr Mark Bristow, le CEO de Randgold Resources. Endevour Mining, avant de racheter la SMI, détenait déjà la mine d’or d’Agaou, dans le centre-ouest du pays. Quant à la société Newcreast, elle exploite la mine d’or de Bonikro et celle de Hiré, dans la partie nord-ouest. À côté de ces multinationales qui exploitent l’or de façon industrielle, on dénombre également de petits exploitants semi-industriels et quelques artisans traditionnels. Sans oublier la centaine de camps d’orpailleurs clandestins qui causent beaucoup de tort à toute la chaîne de valeur.
Cette industrie aurifère génère plus de 8.000 emplois directs et sa contribution dans la formation du produit intérieur brut (PIB) du pays est estimée à 2%. Les industriels projettent maintenant d’atteindre 30 à 35 tonnes d’ici à 2020. Le gouvernement ivoirien, pour sa part, aimerait que la part de cette activité corresponde à 5% du PIB sur la même période, ce qui motive ces opérateurs, essentiellement des multinationales étrangères, à solliciter davantage de permis de recherche (160 demandes soumises à l’État à la fin juin). Rappelons également que le nouveau code minier ivoirien est un stimulus parce qu’il leur offre des avantages fiscaux et autres dispositions assez alléchantes.
Les ambitions du manganèse
C’est la seconde ressource naturelle qui a commencé à être extraite, bien qu'étant encore à un état embryonnaire. Trois sociétés sont pour l’instant sur le terrain. La première est la Compagnie minière du Littoral (CML), basée à Lauzoua, à Guitry, suivie par Bondoukou Manganese SA (BMSA) et Ivoire Manganese, toutes deux appartenant au groupe Taurian Steel. Leur production globale a été évaluée à 207.000 tonnes au cours de l’année écoulée. Ce second axe de l’industrie minière ivoirienne génère près de 500 emplois directs pour un chiffre d’affaires cumulé à 6,2 milliards FCFA à fin 2016. Soulignons que seulement deux sociétés ont produit dans la période indiquée. Et la totalité du manganèse ivoirien est destinée à l’exportation vers deux principales destinations : l’Inde et la Chine. D’ailleurs, l’État vient d’octroyer un permis d’exploitation à une nouvelle société indienne qui, elle, va exploiter cette matière première à Dikodougou (Korhogo), dans le nord du pays. Shilloh Manganèse est alors en pleine construction et devrait démarrer ses activités d’exploitation sous peu.
Le nickel, le petit poucet
Une seule société est sur cet axe minier et n'a démarré ses activités que cette année. La Compagnie minière du Bafing (CMB) est un consortium d’opérateurs économiques grecs associés à quelques investisseurs locaux. Une filiale de la multinationale IC Nickel. Ses travaux de recherche sur le périmètre du permis de recherche n° 587, situé dans les départements de Touba et Biankouma, ont abouti à la découverte d'un gisement économiquement rentable de nickel. Elle a alors commencé à exploiter le nickel dans cette partie du pays avec de grandes perspectives. La convention qui porte sur les gisements de nickel de Sipilou prend en compte des sites dans le Grand Ouest ivoirien (les départements de Biankouma et Touba). Le potentiel est évalué à plus de 300 millions de tonnes de minerai, en attente d’être cuvé et acheminé hors du pays. IC Nickel veut pour cela investir 130 milliards FCFA, pour tirer profit des exploitations des gisements de Foungbesso, Moyango et Viala (FMV). Et on parle pour cette partie de réserves estimées à 60 millions de tonnes de minerai, ayant une teneur en nickel évaluée à 1,84%. Cette société, avec qui l’État a signé cette convention, va extraire le nickel ivoirien sur vingt à vingt-cinq ans et compte générer environ 500 emplois permanents.
Un autre acteur se signale cependant. Sama Nickel est la société à laquelle l’État a récemment octroyé un permis d’exploration. Elle est depuis lors en phase de recherche dans la localité de Sipoulou, vers la frontière de la Guinée. Et, aux dernières nouvelles, la société est dans une phase de recherche très avancée qui augure des résultats probants pour arriver à l’installation de la deuxième société d’exploitation de nickel en Côte d’Ivoire. Les mois à venir nous situeront.
La bauxite arrive…
L’État ivoirien veut aller à fond dans sa volonté d’exploiter le sous-sol. Et cela transparaît clairement… En témoigne la signature de la convention intervenue le 3 octobre dernier entre le ministre de l’Industrie de des Mines, Jean-Claude Brou, et Michel Bictogo, le PCA de la société Lagune Exploitation Afrique (LEA). Cet accord donne ainsi le vert à cette société pour exploiter les gisements de bauxite sur des sites de Bénéné-1 et 2, Elinzoué, Agbossou, N’Guinou et Afféré-1 et 2, dans le département de Bongouanou, dans la région du Morounou, au centre-est du pays. «C’est une grande première dans notre pays. Et la société va employer environ 240 personnes, essentiellement des Ivoiriens de façon permanente avec beaucoup d’emplois indirects», explique le ministre ivoirien en charge des mines. On parle même de plus de 1.000 emplois indirects. Les ressources de bauxite sont estimées à plus de 18 millions de tonnes, avec une teneur de 46% d’alumine sur le plateau de Bénéné, qui pourrait être portées à environ 20 millions de tonnes. Le projet a un taux de rendement interne (TRI) de 37,40%. Et cette dernière trouvaille minière va être financée à hauteur de 26 milliards FCFA sur une durée d’exploitation de vingt ans. Elle se fera en trois phases, dont la production de bauxite calcinée, et tout le minerai va une fois de plus être exporté. «Le signe de satisfaction dans la signature de cette convention est qu’il s’agit d’une entreprise ivoirienne, parce que le président de la République ne cesse de demander aux Ivoiriens de s’intéresser à son industrie minière», nous dit pour conclure le ministre Jean-Claude Brou.
JEAN-JACQUES AMOND
Sans équivoque, les experts s’accordent à dire que le sous-sol ivoirien est l’un des plus riches du continent noir. En son temps, le père de la nation moderne, Félix Houphouët-Boigny, avait délibérément décidé de ne pas toucher à ces ressources naturelles périssables en mettant l’accent sur l’exploitation agricole avec le binôme café-cacao. D’autres spéculations agricoles se sont progressivement ajoutées : l’hévéa, le palmier à huile, le coton, l’anacarde, etc. «Le succès de ce pays repose sur l’agriculture», tel était le slogan qui a régné entre 1960 et 1980, période du «miracle ivoirien». Les ressources générées par ces activités agricoles ont servi à construire tous les grands édifices qui font toujours la fierté des Ivoiriens, et les différents présidents qui ont succédé à Houphouët Boigny ont essayé de proroger cette valorisation de l’agriculture en faveur développement socio-économique.
L’avènement au pouvoir du président Alassane Ouattara, avec son ambition de l’émergence projetée en 2020, a changé la donne… L’accent est mis sur le développement des industries extractives comme second pilier de développement, en plus de l’agriculture. Le pays entame alors l’éclosion du secteur minier avec l’exploration puis l’exploitation du sous-sol ivoirien. Et la loi n°2014-138 du 24 mars 2014 portant code minier est venue donner un coup d’accélérateur à ce processus.
Une production aurifère en progression
L’industrie aurifère est pour le moment la principale ressource extraite du terroir ivoirien. De moins de 10 tonnes en 2011, la production nationale est passée à 18,6 tonnes en 2014 puis 23,5 tonnes en 2015, pour atteindre les 25,05 tonnes en 2016. Selon les statistiques collectées auprès du Groupement professionnel des miniers de Côte d’Ivoire (GPMCI), le chiffre d’affaires global de l’ensemble des quatre sociétés qui exploitent les cinq mines d’or industrielles du pays a atteint les 480 milliards de nos francs à fin 2016. Il s’agit de la mine d’or d’Ity (SMI), basée à Zouan-Hounien, à l’ouest du pays, qui a été exploitée une trentaine d’années durant par la société française «La Mancha». Elle est maintenant aux mains du groupe anglo-canadien Endevour Mining. Cette mine est suivie par la plus grande du pays, la mine d’or de Tongon, située dans le département de M’Bengué, à Korhogo, au nord. Elle appartient à un groupe international présidé par un homme d’affaires sud-africain, Dr Mark Bristow, le CEO de Randgold Resources. Endevour Mining, avant de racheter la SMI, détenait déjà la mine d’or d’Agaou, dans le centre-ouest du pays. Quant à la société Newcreast, elle exploite la mine d’or de Bonikro et celle de Hiré, dans la partie nord-ouest. À côté de ces multinationales qui exploitent l’or de façon industrielle, on dénombre également de petits exploitants semi-industriels et quelques artisans traditionnels. Sans oublier la centaine de camps d’orpailleurs clandestins qui causent beaucoup de tort à toute la chaîne de valeur.
Cette industrie aurifère génère plus de 8.000 emplois directs et sa contribution dans la formation du produit intérieur brut (PIB) du pays est estimée à 2%. Les industriels projettent maintenant d’atteindre 30 à 35 tonnes d’ici à 2020. Le gouvernement ivoirien, pour sa part, aimerait que la part de cette activité corresponde à 5% du PIB sur la même période, ce qui motive ces opérateurs, essentiellement des multinationales étrangères, à solliciter davantage de permis de recherche (160 demandes soumises à l’État à la fin juin). Rappelons également que le nouveau code minier ivoirien est un stimulus parce qu’il leur offre des avantages fiscaux et autres dispositions assez alléchantes.
Les ambitions du manganèse
C’est la seconde ressource naturelle qui a commencé à être extraite, bien qu'étant encore à un état embryonnaire. Trois sociétés sont pour l’instant sur le terrain. La première est la Compagnie minière du Littoral (CML), basée à Lauzoua, à Guitry, suivie par Bondoukou Manganese SA (BMSA) et Ivoire Manganese, toutes deux appartenant au groupe Taurian Steel. Leur production globale a été évaluée à 207.000 tonnes au cours de l’année écoulée. Ce second axe de l’industrie minière ivoirienne génère près de 500 emplois directs pour un chiffre d’affaires cumulé à 6,2 milliards FCFA à fin 2016. Soulignons que seulement deux sociétés ont produit dans la période indiquée. Et la totalité du manganèse ivoirien est destinée à l’exportation vers deux principales destinations : l’Inde et la Chine. D’ailleurs, l’État vient d’octroyer un permis d’exploitation à une nouvelle société indienne qui, elle, va exploiter cette matière première à Dikodougou (Korhogo), dans le nord du pays. Shilloh Manganèse est alors en pleine construction et devrait démarrer ses activités d’exploitation sous peu.
Le nickel, le petit poucet
Une seule société est sur cet axe minier et n'a démarré ses activités que cette année. La Compagnie minière du Bafing (CMB) est un consortium d’opérateurs économiques grecs associés à quelques investisseurs locaux. Une filiale de la multinationale IC Nickel. Ses travaux de recherche sur le périmètre du permis de recherche n° 587, situé dans les départements de Touba et Biankouma, ont abouti à la découverte d'un gisement économiquement rentable de nickel. Elle a alors commencé à exploiter le nickel dans cette partie du pays avec de grandes perspectives. La convention qui porte sur les gisements de nickel de Sipilou prend en compte des sites dans le Grand Ouest ivoirien (les départements de Biankouma et Touba). Le potentiel est évalué à plus de 300 millions de tonnes de minerai, en attente d’être cuvé et acheminé hors du pays. IC Nickel veut pour cela investir 130 milliards FCFA, pour tirer profit des exploitations des gisements de Foungbesso, Moyango et Viala (FMV). Et on parle pour cette partie de réserves estimées à 60 millions de tonnes de minerai, ayant une teneur en nickel évaluée à 1,84%. Cette société, avec qui l’État a signé cette convention, va extraire le nickel ivoirien sur vingt à vingt-cinq ans et compte générer environ 500 emplois permanents.
Un autre acteur se signale cependant. Sama Nickel est la société à laquelle l’État a récemment octroyé un permis d’exploration. Elle est depuis lors en phase de recherche dans la localité de Sipoulou, vers la frontière de la Guinée. Et, aux dernières nouvelles, la société est dans une phase de recherche très avancée qui augure des résultats probants pour arriver à l’installation de la deuxième société d’exploitation de nickel en Côte d’Ivoire. Les mois à venir nous situeront.
La bauxite arrive…
L’État ivoirien veut aller à fond dans sa volonté d’exploiter le sous-sol. Et cela transparaît clairement… En témoigne la signature de la convention intervenue le 3 octobre dernier entre le ministre de l’Industrie de des Mines, Jean-Claude Brou, et Michel Bictogo, le PCA de la société Lagune Exploitation Afrique (LEA). Cet accord donne ainsi le vert à cette société pour exploiter les gisements de bauxite sur des sites de Bénéné-1 et 2, Elinzoué, Agbossou, N’Guinou et Afféré-1 et 2, dans le département de Bongouanou, dans la région du Morounou, au centre-est du pays. «C’est une grande première dans notre pays. Et la société va employer environ 240 personnes, essentiellement des Ivoiriens de façon permanente avec beaucoup d’emplois indirects», explique le ministre ivoirien en charge des mines. On parle même de plus de 1.000 emplois indirects. Les ressources de bauxite sont estimées à plus de 18 millions de tonnes, avec une teneur de 46% d’alumine sur le plateau de Bénéné, qui pourrait être portées à environ 20 millions de tonnes. Le projet a un taux de rendement interne (TRI) de 37,40%. Et cette dernière trouvaille minière va être financée à hauteur de 26 milliards FCFA sur une durée d’exploitation de vingt ans. Elle se fera en trois phases, dont la production de bauxite calcinée, et tout le minerai va une fois de plus être exporté. «Le signe de satisfaction dans la signature de cette convention est qu’il s’agit d’une entreprise ivoirienne, parce que le président de la République ne cesse de demander aux Ivoiriens de s’intéresser à son industrie minière», nous dit pour conclure le ministre Jean-Claude Brou.
JEAN-JACQUES AMOND