Je soutiens le projet de métro d’Abidjan pour quatre raisons. Les voici. A lire ci-dessous. Par André Silver Konan, journaliste-écrivain, analyste politique.
C’était il y a près de 40 ans. Nous sommes en 1978. Félix Houphouët-Boigny projette, dans son plan de développement des transports et de la ville d’Abidjan, un métro, pour... 1990. 27 ans plus tard, le projet n’a toujours pas vu le jour et Abidjan est devenue une capitale désorganisée avec ses gares sauvages, ses gnambros violents et des gbaka conduits pour la plupart par des jeunes excités, n’ayant aucun respect pour la vie de leurs clients. C’est cela que nous voulons pour notre Abidjan, en 2025 ?
Ma position est donc très claire : je soutiens fermement le projet de construction du métro d’Abidjan, le quatrième en Afrique subsaharienne (si je ne m’abuse), après ceux de Pretoria (2002), d’Addis-Abeba (2015) et de Lagos (qui devrait être inauguré en ce mois de décembre). Je soutiens ce projet pour plusieurs raisons.
Mais avant, levons tout de suite une équivoque, pour mettre tout le monde à l’aise. Le coût ne me semble pas excessif. Le métro de Lagos, c’est 45 km pour 12 stations. Coût : 452 milliards FCFA. Le métro d’Abidjan, c’est 37.5 km pour 20 stations. L’un est plus long mais comporte moins de stations, or ce sont les stations qui donnent tout leur sens au métro.
Mais ce n’est pas tout. Le métro d’Abidjan, c’est surtout un viaduc (si tu comprends pas français, ça veut dire que c’est un ouvrage d’art ferroviaire qui passe sur une vaste étendue d’eau #JeDeconne) qui sera construit sur la lagune ébrié. C’est aussi 40 passerelles piétonnes. Le métro d’Abidjan vaut donc très bien ces 918.34 milliards FCFA. Bref. Voici mes raisons.
Première raison du soutien au métro d’Abidjan
Je l’ai expliquée plus haut. Il faut bien qu’un jour, ce projet vieux de 40 ans, voit le jour. Et si nous partons du postulat qu’il y a une insuffisance en matière de transport de masse, on ne peut pas maudire ce projet, quand bien même il aurait été lancé par Alassane Ouattara (parce que c’est bien là le fond du problème, nul n’est dupe). Si cela vous emmerdait tant que ce soit Ouattara qui lance ce projet en 2017, il aurait fallu voter pour Nicolas Dioulo en 2000...
Plus sérieusement et c’est la deuxième raison : je ne vois pas qui, après Houphouët aurait pu lancer ce projet. Je m’explique. Le métro d’Abidjan (sauf erreur de ma part) ne faisait pas partie des douze chantiers de l’Éléphant d’Afrique d’Henri Konan Bédié. Robert Guéi était juste là pour la transition et Laurent Gbagbo n’avait pas de leadership international lui permettant de mobiliser pareils fonds.
Mais tous ces trois prédécesseurs de Ouattara n’auraient pas pu conduire ce projet, quand bien même ils auraient eu la volonté ou le leadership, pour la simple raison qu’ils auraient fait face à une campagne de dénigrement politique, de la part du RDR, visant à présenter ledit projet comme une initiative dirigée contre les transporteurs et par extension contre des populations du Nord et accessoirement contre les étrangers.
Certes, nous sommes là dans la fiction, mais tous, nous savons que c’est ce qui aurait été fait, tant ce parti avait fait de l’agitation du chiffon rouge de l’exclusion et de la xénophobie, son principal programme de dénigrement des pouvoirs passés. Aujourd’hui, personne ne peut accuser Ouattara d’être xénophobe, quand il décide de casser Boribana. Personne ne peut lui reprocher de chercher à "tuer" les transporteurs, avec ce projet de métro qui va, sans aucun doute possible, signer la mort des gbaka d’Abidjan.
Troisième raison: l’opportunité
J’entends et lis que ce financement aurait pu servir à acheter des véhicules de transport neufs, à construire des hôpitaux, à ouvrir des écoles. Enfin, chacun y va de sa propre proposition ingénieuse, cependant cela relève de la naïveté. Si on a pu mobiliser 918.34 milliards FCFA pour le métro d’Abidjan, cela n’est pas sûr qu’on puisse mobiliser 918.34 milliards FCFA pour des hôpitaux ou des écoles. Si c’était aussi facile de mobiliser des fonds pour tous les projets souhaités par chaque individu dans un pays, il n’y aurait aucun pays sous-développé au monde.
Dans n’importe quel pays au monde (y compris aux Etats-Unis), il y a autant de priorités que de citoyens vivant dans ce pays. Ce qui est prioritaire pour moi ne l’est pas pour celui qui est en train de me lire actuellement et ne l’est pas pour l’Etat, encore moins pour les bailleurs de fonds. Un dirigeant responsable est celui qui opère un arbitrage conséquent et choisit des priorités parmi les millions de priorités et se donne les moyens de les traduire en actes. Autrement, on ne ferait jamais rien dans ce monde.
Même vous, si vous voulez vous construire une maison, il se trouvera toujours des gens dans votre famille qui diront que la priorité est d’envoyer, par exemple tel cousin aux Etats-Unis pour ses études, enterrer la grand-mère décédée depuis des mois, créer une plantation, etc. Chacun ira de sa priorité mais vous, vous prendrez votre décision, en fonction de votre poche et de votre vision pour l’avenir.
Quatrième raison
Evidemment, vous connaissez ma position sur le barrage de Soubré pour lequel j’avais dénoncé chez certains "l’art de se contenter de peu", avec ses 275 mégawatts. Eh bien, le métro d’Abidjan, ce n’est pas peu, ça c’est un projet majeur comme on en réclame en Afrique, à nos dirigeants. Je suis de ceux qui pensent que nous devons être exigeants avec nos dirigeants et surtout envers nous-mêmes, au lieu de nous contenter d’applaudir les petites choses qu’ils se plaisent à réaliser.
Je ne suis donc pas de ceux qui dénigrent tout et n’importe comment. Ce job est dévolu aux politiciens globalement hypocrites, pas aux intellectuels qui doivent rester honnêtes. Ma position n’a donc pas changé.
Pour le reste, comme je l’ai dit tantôt, je ne m’emballe pas pour ce projet. Les projets qu’on annonce et qui ne sont pas réalisés, il y en a beaucoup dans ce pays, à commencer par le pont de l’île Boulay, dont la première pierre a été posée en 2008 ou la réhabilitation de l’axe Dimbokro-Bocanda, promise depuis 2015. Rendez-vous donc en 2022 !
Une correspondance particulière de André Silver Konan
C’était il y a près de 40 ans. Nous sommes en 1978. Félix Houphouët-Boigny projette, dans son plan de développement des transports et de la ville d’Abidjan, un métro, pour... 1990. 27 ans plus tard, le projet n’a toujours pas vu le jour et Abidjan est devenue une capitale désorganisée avec ses gares sauvages, ses gnambros violents et des gbaka conduits pour la plupart par des jeunes excités, n’ayant aucun respect pour la vie de leurs clients. C’est cela que nous voulons pour notre Abidjan, en 2025 ?
Ma position est donc très claire : je soutiens fermement le projet de construction du métro d’Abidjan, le quatrième en Afrique subsaharienne (si je ne m’abuse), après ceux de Pretoria (2002), d’Addis-Abeba (2015) et de Lagos (qui devrait être inauguré en ce mois de décembre). Je soutiens ce projet pour plusieurs raisons.
Mais avant, levons tout de suite une équivoque, pour mettre tout le monde à l’aise. Le coût ne me semble pas excessif. Le métro de Lagos, c’est 45 km pour 12 stations. Coût : 452 milliards FCFA. Le métro d’Abidjan, c’est 37.5 km pour 20 stations. L’un est plus long mais comporte moins de stations, or ce sont les stations qui donnent tout leur sens au métro.
Mais ce n’est pas tout. Le métro d’Abidjan, c’est surtout un viaduc (si tu comprends pas français, ça veut dire que c’est un ouvrage d’art ferroviaire qui passe sur une vaste étendue d’eau #JeDeconne) qui sera construit sur la lagune ébrié. C’est aussi 40 passerelles piétonnes. Le métro d’Abidjan vaut donc très bien ces 918.34 milliards FCFA. Bref. Voici mes raisons.
Première raison du soutien au métro d’Abidjan
Je l’ai expliquée plus haut. Il faut bien qu’un jour, ce projet vieux de 40 ans, voit le jour. Et si nous partons du postulat qu’il y a une insuffisance en matière de transport de masse, on ne peut pas maudire ce projet, quand bien même il aurait été lancé par Alassane Ouattara (parce que c’est bien là le fond du problème, nul n’est dupe). Si cela vous emmerdait tant que ce soit Ouattara qui lance ce projet en 2017, il aurait fallu voter pour Nicolas Dioulo en 2000...
Plus sérieusement et c’est la deuxième raison : je ne vois pas qui, après Houphouët aurait pu lancer ce projet. Je m’explique. Le métro d’Abidjan (sauf erreur de ma part) ne faisait pas partie des douze chantiers de l’Éléphant d’Afrique d’Henri Konan Bédié. Robert Guéi était juste là pour la transition et Laurent Gbagbo n’avait pas de leadership international lui permettant de mobiliser pareils fonds.
Mais tous ces trois prédécesseurs de Ouattara n’auraient pas pu conduire ce projet, quand bien même ils auraient eu la volonté ou le leadership, pour la simple raison qu’ils auraient fait face à une campagne de dénigrement politique, de la part du RDR, visant à présenter ledit projet comme une initiative dirigée contre les transporteurs et par extension contre des populations du Nord et accessoirement contre les étrangers.
Certes, nous sommes là dans la fiction, mais tous, nous savons que c’est ce qui aurait été fait, tant ce parti avait fait de l’agitation du chiffon rouge de l’exclusion et de la xénophobie, son principal programme de dénigrement des pouvoirs passés. Aujourd’hui, personne ne peut accuser Ouattara d’être xénophobe, quand il décide de casser Boribana. Personne ne peut lui reprocher de chercher à "tuer" les transporteurs, avec ce projet de métro qui va, sans aucun doute possible, signer la mort des gbaka d’Abidjan.
Troisième raison: l’opportunité
J’entends et lis que ce financement aurait pu servir à acheter des véhicules de transport neufs, à construire des hôpitaux, à ouvrir des écoles. Enfin, chacun y va de sa propre proposition ingénieuse, cependant cela relève de la naïveté. Si on a pu mobiliser 918.34 milliards FCFA pour le métro d’Abidjan, cela n’est pas sûr qu’on puisse mobiliser 918.34 milliards FCFA pour des hôpitaux ou des écoles. Si c’était aussi facile de mobiliser des fonds pour tous les projets souhaités par chaque individu dans un pays, il n’y aurait aucun pays sous-développé au monde.
Dans n’importe quel pays au monde (y compris aux Etats-Unis), il y a autant de priorités que de citoyens vivant dans ce pays. Ce qui est prioritaire pour moi ne l’est pas pour celui qui est en train de me lire actuellement et ne l’est pas pour l’Etat, encore moins pour les bailleurs de fonds. Un dirigeant responsable est celui qui opère un arbitrage conséquent et choisit des priorités parmi les millions de priorités et se donne les moyens de les traduire en actes. Autrement, on ne ferait jamais rien dans ce monde.
Même vous, si vous voulez vous construire une maison, il se trouvera toujours des gens dans votre famille qui diront que la priorité est d’envoyer, par exemple tel cousin aux Etats-Unis pour ses études, enterrer la grand-mère décédée depuis des mois, créer une plantation, etc. Chacun ira de sa priorité mais vous, vous prendrez votre décision, en fonction de votre poche et de votre vision pour l’avenir.
Quatrième raison
Evidemment, vous connaissez ma position sur le barrage de Soubré pour lequel j’avais dénoncé chez certains "l’art de se contenter de peu", avec ses 275 mégawatts. Eh bien, le métro d’Abidjan, ce n’est pas peu, ça c’est un projet majeur comme on en réclame en Afrique, à nos dirigeants. Je suis de ceux qui pensent que nous devons être exigeants avec nos dirigeants et surtout envers nous-mêmes, au lieu de nous contenter d’applaudir les petites choses qu’ils se plaisent à réaliser.
Je ne suis donc pas de ceux qui dénigrent tout et n’importe comment. Ce job est dévolu aux politiciens globalement hypocrites, pas aux intellectuels qui doivent rester honnêtes. Ma position n’a donc pas changé.
Pour le reste, comme je l’ai dit tantôt, je ne m’emballe pas pour ce projet. Les projets qu’on annonce et qui ne sont pas réalisés, il y en a beaucoup dans ce pays, à commencer par le pont de l’île Boulay, dont la première pierre a été posée en 2008 ou la réhabilitation de l’axe Dimbokro-Bocanda, promise depuis 2015. Rendez-vous donc en 2022 !
Une correspondance particulière de André Silver Konan