Pour mieux comprendre l’intronisation récente du Roi des Baoulé, Nanan KASSI ANVO, il est important de faire un retour dans l’histoire coloniale de la Côte d’Ivoire pour cerner les agitations liées à des ambitions illégales et illégitimes. L’administration coloniale, dirigée par le Gouverneur, reposait sur la structuration suivante :
• Les cercles ;
• Les subdivisions ;
• Les cantons ;
• les villages.
Des éléments de cette structuration, les cercles, les subdivisions et les cantons sont des créations purement coloniales destinées à un meilleur contrôle et une exploitation pus efficaces des ressources économiques et humaines de la colonie. Les villages perdent ainsi leur liberté d’action pour être soumis à l’autorité coloniale. La hiérarchie de l’autorité dans la colonie se présente comme suit :
• Gouverneur du territoire de la colonie (Français) ;
• Commandant de cercle (Français) ;
• Administrateur chef de subdivision (Français) ;
• Chef de canton (Africain) ;
• Chef de village (Africain).
Le canton ne figure nullement dans l’organisation sociopolitique du Royaume et de la société baoulé. C’est un contrepouvoir créé par l’administration colonial pour affaiblir le pouvoir traditionnel qu’elle n’arrivait pas à contrôler. Le chef de canton, choisi à cette fin, a autorité sur un nombre variable de villages. Le colonisateur français a bouleversé la structure de l’autorité et la structure territoriale. Au-dessus du Royaume (men) et des Tribus (nvlé), il y a les structures administratives coloniales, cercles et subdivisons. Les cantons sont les nouvelles structures indigènes qui regroupent les villages. Ils correspondent parfois aux anciens nvlé et plus généralement résultent d’un découpage arbitraire. Selon l’arrêté du 10 octobre 1934 du gouverneur Reste, « Le canton est constitué par un groupement de villages, et des lieux qui en dépendent. Il est créé par arrêté du lieutenant-gouverneur, après avis du commandant de cercle ».
Les chefs de canton sont nommés par le gouverneur de la colonie sur proposition de l’administrateur de cercle. Comme attributions, ils sont les agents de transmission et de liaison entre les chefs de circonscription et les chefs de village. Ils contrôlent les chefs de village ; ils gèrent les registres de recensement, présentent des jeunes gens devant les commissions de recrutement militaire. Ils sont rétribués par une solde payée mensuellement par douzième. Ils bénéficient d’une prime de rendement annuelle qui ne devait pas excéder les 3% de l’impôt du canton. Ils sont assistés par une commission cantonale composée des chefs des villages du canton.
Le pays baoulé a été divisé en 39 cantons :
1. Canton Goli : chef-lieu Bodokro (68 villages) ;
2. Canton Satikran : chef-lieu Botro (37 villages) ;
3. Canton Kodè : chef-lieu Béoumi (99 villages) ;
4. Canton Ouarèbo : chef-lieu Sakassou (170 villages) ;
5. Canton Ahari : chef-lieu Kouadianikro (61 villages) ;
6. Canton Gblo : chef-lieu Diabo (78 villages) ;
7. Canton Dohoun : Bendèkouassikro (18 villages) ;
8. Canton Faafouè : chef-lieu Kouassiblékro (34 villages) ;
9. Canton Fari : chef-lieu Konankankro (42 villages) ;
10. Canton Ndranoua : chef-lieu Akawa (20 villages) ;
11. Canton Pepressou : chef-lieu Kahankro (34 villages) ;
12. Canton Saafouè : chef-lieu Djèbonoua (54 villages) ;
13. Canton Soundo : chef-lieu administratif Mbahiakro ; Chef-lieu traditionnel Kondorobo (42 villages) ;
14. Canton Abé (Abé et Ngan) : chef-lieu Kouassikro (37 villages) ;
15. Canton Ando : chef-lieu Bouniakro (43 villages) ;
16. Canton Badara : chef-lieu Aounianou ou Misribo (23 villages) ;
17. Canton Aïtou : chef-lieu N’Gatadoloukro (72 villages) ;
18. Canton Nanafouè : chef-lieu Aman Salékro (28 villages) ;
19. Canton Ngban : chef-lieu Yao Loukoukro (32 villages) ;
20. Canton N’Zipkli : chef-lieu Molonou Blé (110 villages) ;
21. Canton Bonou : chef-lieu Bengassou (55 villages) ;
22. Canton Katiénou Nord : chef-lieu Kouassi-Kouassikro (42 villages) ;
23. Canton Katiénou Sud : chef-lieu Boni Kouassikro (30 villages) ;
24. Canton N’Damé : chef-lieu administratif Ouellé Koumannou ; Chef-lieu traditionnel Foutou (46 villages) ;
25. Canton Salé : chef-lieu Daoukro (16 villages) ;
26. Canton Agba : chef-lieu Dimbokro (quartier Langui Broukro) (26 villages) ;
27. Canton Aïtou : chef-lieu Aka Okoukro (Abigui) (16 villages) ;
28. Canton Ahari Saki : chef-lieu Kparakro (26 villages) ;
29. Canton Aïtou Sud : chef-lieu Lomo Nord (33 villages) ;
30. Canton Faafouè Sud : chef-lieu Kplessou (21 villages) ;
31. Canton N’Gban Sud : chef-lieu Molonou (13 villages) ;
32. Canton Ouarèbo Sud : chef-lieu Toumodi (25 villages) ;
33. Canton Akouè : chef-lieu Yamoussokro (30 villages) ;
34. Canton Nanafouè Sud : chef-lieu Atiégouakro (22 villages)
35. Canton Ayaou : chef-lieu administratif Kpakpabo ; Chef-lieu traditionnel Diakohou (17 villages) ;
36. Canton Yaourè Nord : chef-lieu Gbegbessou (13 villages) ;
37. Canton Yaourè Sud : chef-lieu Bozi (21 villages ;)
38. Canton Souamelé : chef-lieu Taabo (11 villages) ;
39. Canton Baoulé Elomouen : chef-lieu Tiassalé (44 villages) ;
Par la superficie, le plus petit canton baoulé est le canton N’Dranoua (131 km2) et le plus grand est le canton Oualèbo : 1 838 km2. Cette structuration a été conservée à l’indépendance de la Côte d’Ivoire en 1960. Mais, comme il est aisé de le constater, les chefs de canton, collaborateurs de l’administration coloniale, ne peuvent prétendre avoir de légalité et de légitimité pour intervenir dans la désignation du souverain baoulé qui relève exclusivement du pouvoir des Djèfwoué, en accord avec la Reine-Mère.
Au vu des événements qui ont suivis l’intronisation récente du Roi de Sakassou, Sa Majesté Nanan KASSI ANVO, il apparaît opportun que le Comité Scientifique du Royaume rappelle quelques principes et engagements liés au processus de désignation d’un Prince Héritier et à son intronisation.
Les principes
Le processus d’intronisation d’un Roi baoulé est déclenché par le constat du décès du Roi qui voit le siège renversé. Suivant un protocole spécifique, il est procédé, dans les jours qui suivent l’annonce du décès, à la préparation de la sépulture du Roi (Atchouin) et l’inhumation du Roi défunt.
La durée de cette période dépend des contingences matérielles. Dans tous les cas, il faut à tout prix éviter de longues vacances du siège royal. La coutume est formelle, la chefferie de royauté, de tribu, de clan, de lignage, de famille est héréditaire ; Seul un Aboussouan ou awloba d’un Roi peut hériter de lui ; entendre par Aboussouan un neveu en ligne matrilinéaire.
Conformément à cette disposition, suivant les principes et exigences de l’organisation matrilinéaire, seules les femmes transmettent la légitimité du pouvoir ou de l’héritage du lignage. Pour autant, seuls les hommes ont le privilège de monter sur les trônes ou les bia, c’est-à-dire d’accéder à l’Adja, l’héritage du lignage. Aucun enfant n’hérite du trône de son père, aucune sœur ne l’hérite de son frère.
Dans le cas précis de Sakassou, seules les femmes en lignage matrilinéaire d’Abla Pokou (Abraha Pokua) et d’Akwa Boni peuvent constituer le collège des femmes à même de fournir les Princes héritiers prétendants et servir elles-mêmes, éventuellement de Reine-Mère, chacun et chacune sur son siège spécifique.
Engagement du processus de désignation du prince héritier
Sur la base de ces principes, et se fondant sur la vacance du trône due à la mort du Roi, le Chef de Walèbo, Chef du village de Sakassou, agissant comme Régent, réunit les Djèfwouè afin d’obtenir de la Reine-mère la nomination d’un candidat issu de la famille royale. Néanmoins, les Djèfwouè ont le pouvoir d’accepter ou de rejeter le candidat après analyse de son profil. Ainsi, un candidat peut être accepté s’il est réputé avoir un caractère sans équivoque ; si son ascendance n’est pas contestée par un membre de la famille du siège. Il peut être rejeté s’il est démontré qu’il a commis un crime ou tout autre délit, s’il est impuissant, sourd ou lépreux, s’il est un ivrogne ou est déformé physiquement. À ce propos, les Akan prononcent généralement cette phrase sans équivoque en ce qui concerne la constitution physique du prince héritier : « Il ne doit manquer ni une oreille, ni une narine, ni un doigt ou un orteil ». En cas de désaccord analysé, les Djèfwouè ont le droit de nommer un candidat de la famille royale en accord avec la Reine-mère. Ces consultations sont aussi le lieu de règlement de tout différend ou passif pouvant compromettre l’intronisation et l’exercice du nouveau Roi. Ainsi s’il y a eu des frictions entre le candidat désigné et un membre quelconque de cette assemblée, le différend est rapidement réglé. Lorsque tous les conflits sont résolus (s’il y en avait), une date est fixée pour la cérémonie nocturne.
Consécration du Prince héritier sur l’autel des mânes des Rois successifs du lignage d’Abla Pokou
La cérémonie est officiée par les Djèfwouè et réservée seulement à une poignée d’hommes choisis parmi les hauts dignitaires du Royaume. Ainsi, tard dans la nuit, tous les Chefs accompagnés de leur porte-parole, en tenue simple et sans leurs sièges, arrivent au palais, chacun accompagné d’un seul porteur de parapluie qui n’y accède pas. Les porte-parole retournent sur leurs pas dès que leurs Chefs franchissent le seuil du palais en dehors du porte-parole du Chef du village. Le Prince héritier est introduit pour la première fois dans le Bia sua, l’enceinte qui abrite l’ensemble des sièges des Rois successifs décédés. L’accès à cette salle étant strictement réservé, le Prince désigné y est introduit seulement par les Djèfwouè qui officient la cérémonie. On feint de faire asseoir le Roi trois fois de suite sur le trône dont il est l’héritier avec des paroles bien précises.
La première, fois le célébrant prononce ces paroles : « À partir d’aujourd’hui, tu es l’élu de ce trône ». La seconde fois, il déclare : « Nul n’a le droit de te détrôner tant que tu ne donneras pas dos au trône » (autrement dit, tant que tu ne seras pas mort). La troisième fois, les anciens disent : « Nous resterons tous soumis à tes ordres » et le roi est installé sur le trône. Après ce serment d’allégeance, le nouveau Roi à son tour, prête serment sur les oumien Bia suivi d’une libation de boisson puis un bélier blanc est sacrifié sur les Oumien Bia.
Le Comité Scientifique observe, à l’analyse de tout ce qui précède, que la cérémonie d’intronisation du nouveau Roi du 28 mars dernier à Sakassou, s’inscrit dans le respect de ces dispositions et principes séculaires.
L’intronisation de Nanan KASSI ANVO a donc obéi à toute la tradition exigée en cette circonstance. Son règne ouvre de nouvelles perspectives pour le royaume et le peuple baoulé.
Tel est le respect de la loi traditionnelle qui est certainement dure et complexe pour certains, mais que nul n’est censé ignorer.
Abidjan, le 6 avril 2019
Le Comité Scientifique de la Royauté Baoulé
• Les cercles ;
• Les subdivisions ;
• Les cantons ;
• les villages.
Des éléments de cette structuration, les cercles, les subdivisions et les cantons sont des créations purement coloniales destinées à un meilleur contrôle et une exploitation pus efficaces des ressources économiques et humaines de la colonie. Les villages perdent ainsi leur liberté d’action pour être soumis à l’autorité coloniale. La hiérarchie de l’autorité dans la colonie se présente comme suit :
• Gouverneur du territoire de la colonie (Français) ;
• Commandant de cercle (Français) ;
• Administrateur chef de subdivision (Français) ;
• Chef de canton (Africain) ;
• Chef de village (Africain).
Le canton ne figure nullement dans l’organisation sociopolitique du Royaume et de la société baoulé. C’est un contrepouvoir créé par l’administration colonial pour affaiblir le pouvoir traditionnel qu’elle n’arrivait pas à contrôler. Le chef de canton, choisi à cette fin, a autorité sur un nombre variable de villages. Le colonisateur français a bouleversé la structure de l’autorité et la structure territoriale. Au-dessus du Royaume (men) et des Tribus (nvlé), il y a les structures administratives coloniales, cercles et subdivisons. Les cantons sont les nouvelles structures indigènes qui regroupent les villages. Ils correspondent parfois aux anciens nvlé et plus généralement résultent d’un découpage arbitraire. Selon l’arrêté du 10 octobre 1934 du gouverneur Reste, « Le canton est constitué par un groupement de villages, et des lieux qui en dépendent. Il est créé par arrêté du lieutenant-gouverneur, après avis du commandant de cercle ».
Les chefs de canton sont nommés par le gouverneur de la colonie sur proposition de l’administrateur de cercle. Comme attributions, ils sont les agents de transmission et de liaison entre les chefs de circonscription et les chefs de village. Ils contrôlent les chefs de village ; ils gèrent les registres de recensement, présentent des jeunes gens devant les commissions de recrutement militaire. Ils sont rétribués par une solde payée mensuellement par douzième. Ils bénéficient d’une prime de rendement annuelle qui ne devait pas excéder les 3% de l’impôt du canton. Ils sont assistés par une commission cantonale composée des chefs des villages du canton.
Le pays baoulé a été divisé en 39 cantons :
1. Canton Goli : chef-lieu Bodokro (68 villages) ;
2. Canton Satikran : chef-lieu Botro (37 villages) ;
3. Canton Kodè : chef-lieu Béoumi (99 villages) ;
4. Canton Ouarèbo : chef-lieu Sakassou (170 villages) ;
5. Canton Ahari : chef-lieu Kouadianikro (61 villages) ;
6. Canton Gblo : chef-lieu Diabo (78 villages) ;
7. Canton Dohoun : Bendèkouassikro (18 villages) ;
8. Canton Faafouè : chef-lieu Kouassiblékro (34 villages) ;
9. Canton Fari : chef-lieu Konankankro (42 villages) ;
10. Canton Ndranoua : chef-lieu Akawa (20 villages) ;
11. Canton Pepressou : chef-lieu Kahankro (34 villages) ;
12. Canton Saafouè : chef-lieu Djèbonoua (54 villages) ;
13. Canton Soundo : chef-lieu administratif Mbahiakro ; Chef-lieu traditionnel Kondorobo (42 villages) ;
14. Canton Abé (Abé et Ngan) : chef-lieu Kouassikro (37 villages) ;
15. Canton Ando : chef-lieu Bouniakro (43 villages) ;
16. Canton Badara : chef-lieu Aounianou ou Misribo (23 villages) ;
17. Canton Aïtou : chef-lieu N’Gatadoloukro (72 villages) ;
18. Canton Nanafouè : chef-lieu Aman Salékro (28 villages) ;
19. Canton Ngban : chef-lieu Yao Loukoukro (32 villages) ;
20. Canton N’Zipkli : chef-lieu Molonou Blé (110 villages) ;
21. Canton Bonou : chef-lieu Bengassou (55 villages) ;
22. Canton Katiénou Nord : chef-lieu Kouassi-Kouassikro (42 villages) ;
23. Canton Katiénou Sud : chef-lieu Boni Kouassikro (30 villages) ;
24. Canton N’Damé : chef-lieu administratif Ouellé Koumannou ; Chef-lieu traditionnel Foutou (46 villages) ;
25. Canton Salé : chef-lieu Daoukro (16 villages) ;
26. Canton Agba : chef-lieu Dimbokro (quartier Langui Broukro) (26 villages) ;
27. Canton Aïtou : chef-lieu Aka Okoukro (Abigui) (16 villages) ;
28. Canton Ahari Saki : chef-lieu Kparakro (26 villages) ;
29. Canton Aïtou Sud : chef-lieu Lomo Nord (33 villages) ;
30. Canton Faafouè Sud : chef-lieu Kplessou (21 villages) ;
31. Canton N’Gban Sud : chef-lieu Molonou (13 villages) ;
32. Canton Ouarèbo Sud : chef-lieu Toumodi (25 villages) ;
33. Canton Akouè : chef-lieu Yamoussokro (30 villages) ;
34. Canton Nanafouè Sud : chef-lieu Atiégouakro (22 villages)
35. Canton Ayaou : chef-lieu administratif Kpakpabo ; Chef-lieu traditionnel Diakohou (17 villages) ;
36. Canton Yaourè Nord : chef-lieu Gbegbessou (13 villages) ;
37. Canton Yaourè Sud : chef-lieu Bozi (21 villages ;)
38. Canton Souamelé : chef-lieu Taabo (11 villages) ;
39. Canton Baoulé Elomouen : chef-lieu Tiassalé (44 villages) ;
Par la superficie, le plus petit canton baoulé est le canton N’Dranoua (131 km2) et le plus grand est le canton Oualèbo : 1 838 km2. Cette structuration a été conservée à l’indépendance de la Côte d’Ivoire en 1960. Mais, comme il est aisé de le constater, les chefs de canton, collaborateurs de l’administration coloniale, ne peuvent prétendre avoir de légalité et de légitimité pour intervenir dans la désignation du souverain baoulé qui relève exclusivement du pouvoir des Djèfwoué, en accord avec la Reine-Mère.
Au vu des événements qui ont suivis l’intronisation récente du Roi de Sakassou, Sa Majesté Nanan KASSI ANVO, il apparaît opportun que le Comité Scientifique du Royaume rappelle quelques principes et engagements liés au processus de désignation d’un Prince Héritier et à son intronisation.
Les principes
Le processus d’intronisation d’un Roi baoulé est déclenché par le constat du décès du Roi qui voit le siège renversé. Suivant un protocole spécifique, il est procédé, dans les jours qui suivent l’annonce du décès, à la préparation de la sépulture du Roi (Atchouin) et l’inhumation du Roi défunt.
La durée de cette période dépend des contingences matérielles. Dans tous les cas, il faut à tout prix éviter de longues vacances du siège royal. La coutume est formelle, la chefferie de royauté, de tribu, de clan, de lignage, de famille est héréditaire ; Seul un Aboussouan ou awloba d’un Roi peut hériter de lui ; entendre par Aboussouan un neveu en ligne matrilinéaire.
Conformément à cette disposition, suivant les principes et exigences de l’organisation matrilinéaire, seules les femmes transmettent la légitimité du pouvoir ou de l’héritage du lignage. Pour autant, seuls les hommes ont le privilège de monter sur les trônes ou les bia, c’est-à-dire d’accéder à l’Adja, l’héritage du lignage. Aucun enfant n’hérite du trône de son père, aucune sœur ne l’hérite de son frère.
Dans le cas précis de Sakassou, seules les femmes en lignage matrilinéaire d’Abla Pokou (Abraha Pokua) et d’Akwa Boni peuvent constituer le collège des femmes à même de fournir les Princes héritiers prétendants et servir elles-mêmes, éventuellement de Reine-Mère, chacun et chacune sur son siège spécifique.
Engagement du processus de désignation du prince héritier
Sur la base de ces principes, et se fondant sur la vacance du trône due à la mort du Roi, le Chef de Walèbo, Chef du village de Sakassou, agissant comme Régent, réunit les Djèfwouè afin d’obtenir de la Reine-mère la nomination d’un candidat issu de la famille royale. Néanmoins, les Djèfwouè ont le pouvoir d’accepter ou de rejeter le candidat après analyse de son profil. Ainsi, un candidat peut être accepté s’il est réputé avoir un caractère sans équivoque ; si son ascendance n’est pas contestée par un membre de la famille du siège. Il peut être rejeté s’il est démontré qu’il a commis un crime ou tout autre délit, s’il est impuissant, sourd ou lépreux, s’il est un ivrogne ou est déformé physiquement. À ce propos, les Akan prononcent généralement cette phrase sans équivoque en ce qui concerne la constitution physique du prince héritier : « Il ne doit manquer ni une oreille, ni une narine, ni un doigt ou un orteil ». En cas de désaccord analysé, les Djèfwouè ont le droit de nommer un candidat de la famille royale en accord avec la Reine-mère. Ces consultations sont aussi le lieu de règlement de tout différend ou passif pouvant compromettre l’intronisation et l’exercice du nouveau Roi. Ainsi s’il y a eu des frictions entre le candidat désigné et un membre quelconque de cette assemblée, le différend est rapidement réglé. Lorsque tous les conflits sont résolus (s’il y en avait), une date est fixée pour la cérémonie nocturne.
Consécration du Prince héritier sur l’autel des mânes des Rois successifs du lignage d’Abla Pokou
La cérémonie est officiée par les Djèfwouè et réservée seulement à une poignée d’hommes choisis parmi les hauts dignitaires du Royaume. Ainsi, tard dans la nuit, tous les Chefs accompagnés de leur porte-parole, en tenue simple et sans leurs sièges, arrivent au palais, chacun accompagné d’un seul porteur de parapluie qui n’y accède pas. Les porte-parole retournent sur leurs pas dès que leurs Chefs franchissent le seuil du palais en dehors du porte-parole du Chef du village. Le Prince héritier est introduit pour la première fois dans le Bia sua, l’enceinte qui abrite l’ensemble des sièges des Rois successifs décédés. L’accès à cette salle étant strictement réservé, le Prince désigné y est introduit seulement par les Djèfwouè qui officient la cérémonie. On feint de faire asseoir le Roi trois fois de suite sur le trône dont il est l’héritier avec des paroles bien précises.
La première, fois le célébrant prononce ces paroles : « À partir d’aujourd’hui, tu es l’élu de ce trône ». La seconde fois, il déclare : « Nul n’a le droit de te détrôner tant que tu ne donneras pas dos au trône » (autrement dit, tant que tu ne seras pas mort). La troisième fois, les anciens disent : « Nous resterons tous soumis à tes ordres » et le roi est installé sur le trône. Après ce serment d’allégeance, le nouveau Roi à son tour, prête serment sur les oumien Bia suivi d’une libation de boisson puis un bélier blanc est sacrifié sur les Oumien Bia.
Le Comité Scientifique observe, à l’analyse de tout ce qui précède, que la cérémonie d’intronisation du nouveau Roi du 28 mars dernier à Sakassou, s’inscrit dans le respect de ces dispositions et principes séculaires.
L’intronisation de Nanan KASSI ANVO a donc obéi à toute la tradition exigée en cette circonstance. Son règne ouvre de nouvelles perspectives pour le royaume et le peuple baoulé.
Tel est le respect de la loi traditionnelle qui est certainement dure et complexe pour certains, mais que nul n’est censé ignorer.
Abidjan, le 6 avril 2019
Le Comité Scientifique de la Royauté Baoulé