Poursuivi par la justice ivoirienne pour « atteinte à l’autorité de l’Etat », « recel de détournement de deniers publics et blanchiment de capitaux », la perspective électorale de l’ex-chef du Parlement de Côte d’Ivoire, Guillaume Soro, pour la présidentielle de 2020 s’assombrit.
Hors du pays depuis plus de six mois pour affûter ses réseaux extérieurs et mobiliser des partisans, notamment en Europe, Guillaume Soro qui a déclaré en octobre 2019 sa candidature à l'élection présidentielle ivoirienne de 2020, à un an des joutes électorales, se retrouve dans un étau judiciaire.
Le procureur de la République de Côte d’Ivoire, Richard Adou, a annoncé le 23 décembre 2019 un mandat d’arrêt international contre M. Soro pour « pour tentative contre l’autorité de l’Etat et l’intégrité du territoire national, recel de détournement de deniers publics et pour blanchiment de capitaux ».
M. Soro qui envisageait d’entrer en Côte d’Ivoire pour préparer la présidentielle de 2020, n’avait pas prévu ce scénario. Selon Sedik Abba, journaliste-écrivain, analyste de l’actualité politique en Afrique, l’alternative qui lui reste est de renoncer à se présenter contre abandon des poursuites judiciaires.
« Je ne suis pas sûr qu’il puisse accepter ce marché en renonçant à se présenter et en échange qu’on abandonne les poursuites », estime Sedik Abba, qui fait observer que si, ostensiblement M. Soro se présente, il va effriter l’électorat du Nord, bastion du pouvoir.
Conscient que M. Soro s’est créée un fief électoral dans le Nord, espace où le Parti unfié Rhdp (Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix), le parti au pouvoir « règne » et compte supplanter ses adversaires, l’ex-chef du Parlement pourrait diviser les voix du régime. Alors, cet ex-allié politique, devient un intrus dans le puzzle à écarter.
En homme politique averti, il sait que cette aventure ne sera pas un chemin sans tumulte. M. Soro qui ne partage pas la vision du Parti unifié Rhdp, dont le président est Alassane Ouattara, a, avec courage claqué le porte, cédant son fauteuil de chef du Parlement, assumant ainsi ses convictions.
« Je ne pouvais pas militer au Rhdp (Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix), ça serait trahir ma conviction (…) dans le projet de création du Rhdp, M. Ouattara m’a reçu et m’a demandé de rendre ma démission si je n’acceptais pas de militer au sein du Rhdp », avait dit M. Soro.
Une guerre des ex-allés
A environ un an de l’élection présidentielle, chaque parti déploie son artillerie. Pour le pouvoir, éliminer ses obstacles, parait plausible. Les moyens de l’Etat, parfois utilisés de façon subtile, sont une arme pour les dirigeants et l’opposition le sait.
Annoncé le 22 décembre 2019, au dernier jour d’une visite officielle de 72 heures d’Emmanuel Macron, le ciel ivoirien a été fermé à tout aéronef privé. M. Soro qui avait prévu arriver ce jour à bord d’un avion privé, en provenance de l’aéroport de Paris-Le Bourget, s’est vu obligé de décaler d’un jour son arrivée.
Selon une note secrète des forces de défense et de sécurité qui a fuité, M. Guillaume Soro devrait être mis aux arrêts et certains de ses proches interpellés. Ayant des personnes infiltrées au sein du pouvoir, il a dérouté son vol vers Accra, le 23 décembre 2019, alors qu’il survolait le Burkina Faso.
Des responsables du mouvement citoyen Générations et peuples solidaires (GPS) dont M. Soro est le président, avaient invité leurs militants à se rendre à l’aéroport d’Abidjan à l’effet d’accueillir leur leader, mais ils ont été empêchés de se réunir par des éléments des forces de sécurité.
M. Simon Soro, frère cadet de l’ex-président de l’Assemblée nationale, a été empêché d’avoir accès à la résidence de son aîné par des forces de sécurité pré-positionnées à l’entrée du domicile de celui-ci. En outre, le siège de GPS sis à la Riviera a été visité par des forces encagoulées, alors que des pro-Soro y étaient réunis.
L’autorisation d’atterrissage à l’aéroport d’Abidjan avait été accordée à M. Soro par l’Autorité nationale de l’aviation civile de Côte d'Ivoire (ANAC). Mais déjà, dans la matinée, des policiers avaient été déployés devant sa résidence à Marcory, dans le Sud d’Abidjan, créant des soupçons.
Alerté, il a dérouté son vol vers Accra. L’action judiciaire le contraint hors du pays, une forme d’exil pour Guillaume Soro. Par ailleurs, les dirigeants des principaux mouvements Soroïstes ont été arrêtés, notamment une quinzaine de personnes, dont le député Alain Lobognon.
« De façon plus étroite, c’est la perspective électorale de 2020 qui s’assombrit » pour Soro, un acteur majeur de la vie politique ivoirienne, un ami politique d’Alassane Ouattara, qui fut une cheville ouvrière dans le départ de Gbagbo en 2010-2011, note Babakar Justin Ndiaye, journaliste-politologue.
« Aujourd’hui, ils sont dans une logique de confrontation et de lutte à mort, ce qui montre qu’en politique l’ami d’hier, est plus redouté, plus craint et combattu que l’ennemi de toujours, parce que l’ex-ami est un ex-complice qui détient des secrets », renchérit Babakar Ndiaye.
L’exil ou affronter l’arme judiciaire
Si Guillaume Soro est dans le circuit, en tant que candidat et allié de Gbagbo ou allié d’Henri Konan Bédié, président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci, opposition), « comme une bombe électorale », il pourrait faire des révélations fracassantes sous le mode de la révélation, souligne Ndiaye.
L’exil est pour lui un moyen de prendre du recul face à la situation et développer ses arguments de défense ou ses stratégies diplomatiques pour dénouer cet épisode judiciaire. Le quotidien ivoirien Le Matin, proche du pouvoir rapporte qu’il est allé en Espagne, il se positionne dans une zone discrète.
Depuis son décollage de l’aéroport de Paris-Le Bourget, M. Soro avait dans son réseau de renseignement, fait l’option de décamper de la France, ami historique de la Côte d’Ivoire, pour envisager d’autres horizons. L’exil lui apportera assurément plus de poigne et un réseau extérieur puissant.
L’action judiciaire, en Afrique, pose un « grand problème » vu « l’utilisation abusive de l’arme judiciaire contre l’adversaire politique » or la justice est l’un des piliers de la démocratie, fait observer Justin Babakar Ndiaye, journaliste-politologue.
En tant qu’institution clé et un équilibre démocratique, quand on utilise la justice contre un adversaire politique, « à la longue, cette justice aura un caractère pré-domestiqué et une arme qu’on utilise contre l’adversaire, (et) c’est regrettable », poursuit-il.
« L’utilisation abusive de l’arme judiciaire est regrettable, (car) le combat démocratique doit tourner autour des idées, des programmes de société et des bilans », estime-t-il tout en mentionnant que son retour dans le jeu politique dépendra de l’intensité de la bataille que lui livre Ouattara.
Si c’est « une lutte à mort politique et judiciaire », l’avenir de Soro semble ne pas être heureux à court terme. Avec ses connexions et son réseau international Guillaume Soro peut toutefois susciter des médiations pour calmer le jeu surtout autour de l’utilisation de l’arme judiciaire.
« Nous pensons qu’il y a une instrumentalisation de l’appareil judiciaire en Afrique à des fins politiques et ça c’est un grave recul pour la démocratie », affirme pour sa part Sedik Abba qui relève que cela peut entraîner des risques de dérapage, c’est pourquoi la justice doit être impartiale.
Le Mouvement ivoirien des droits humains (MIDH) « constate avec tristesse et amertume que l’espace démocratique est en train de se rétrécir gravement en Côte d’ivoire à moins d’un an de l’élection présidentielle », déclare Me Doumbia Yacouba, président du Conseil d’administration dans une note.
L’organisation qui se dit « préoccupée par cette situation qui fait planer des risques de violence, condamne avec fermeté toutes les violations des libertés publiques et des droits humains abondamment proclamés dans la Constitution de novembre 2016 ».
M. Guillaume Soro (47 ans), assure avoir encore « 30 ans à 40 ans de vie politique » devant lui, contrairement à ceux qui clament qu'il est « fini ». A l’instar de Barack Obama, il aurait souhaité être président à l’âge de 47 ans.
AP/ls/APA
Hors du pays depuis plus de six mois pour affûter ses réseaux extérieurs et mobiliser des partisans, notamment en Europe, Guillaume Soro qui a déclaré en octobre 2019 sa candidature à l'élection présidentielle ivoirienne de 2020, à un an des joutes électorales, se retrouve dans un étau judiciaire.
Le procureur de la République de Côte d’Ivoire, Richard Adou, a annoncé le 23 décembre 2019 un mandat d’arrêt international contre M. Soro pour « pour tentative contre l’autorité de l’Etat et l’intégrité du territoire national, recel de détournement de deniers publics et pour blanchiment de capitaux ».
M. Soro qui envisageait d’entrer en Côte d’Ivoire pour préparer la présidentielle de 2020, n’avait pas prévu ce scénario. Selon Sedik Abba, journaliste-écrivain, analyste de l’actualité politique en Afrique, l’alternative qui lui reste est de renoncer à se présenter contre abandon des poursuites judiciaires.
« Je ne suis pas sûr qu’il puisse accepter ce marché en renonçant à se présenter et en échange qu’on abandonne les poursuites », estime Sedik Abba, qui fait observer que si, ostensiblement M. Soro se présente, il va effriter l’électorat du Nord, bastion du pouvoir.
Conscient que M. Soro s’est créée un fief électoral dans le Nord, espace où le Parti unfié Rhdp (Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix), le parti au pouvoir « règne » et compte supplanter ses adversaires, l’ex-chef du Parlement pourrait diviser les voix du régime. Alors, cet ex-allié politique, devient un intrus dans le puzzle à écarter.
En homme politique averti, il sait que cette aventure ne sera pas un chemin sans tumulte. M. Soro qui ne partage pas la vision du Parti unifié Rhdp, dont le président est Alassane Ouattara, a, avec courage claqué le porte, cédant son fauteuil de chef du Parlement, assumant ainsi ses convictions.
« Je ne pouvais pas militer au Rhdp (Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix), ça serait trahir ma conviction (…) dans le projet de création du Rhdp, M. Ouattara m’a reçu et m’a demandé de rendre ma démission si je n’acceptais pas de militer au sein du Rhdp », avait dit M. Soro.
Une guerre des ex-allés
A environ un an de l’élection présidentielle, chaque parti déploie son artillerie. Pour le pouvoir, éliminer ses obstacles, parait plausible. Les moyens de l’Etat, parfois utilisés de façon subtile, sont une arme pour les dirigeants et l’opposition le sait.
Annoncé le 22 décembre 2019, au dernier jour d’une visite officielle de 72 heures d’Emmanuel Macron, le ciel ivoirien a été fermé à tout aéronef privé. M. Soro qui avait prévu arriver ce jour à bord d’un avion privé, en provenance de l’aéroport de Paris-Le Bourget, s’est vu obligé de décaler d’un jour son arrivée.
Selon une note secrète des forces de défense et de sécurité qui a fuité, M. Guillaume Soro devrait être mis aux arrêts et certains de ses proches interpellés. Ayant des personnes infiltrées au sein du pouvoir, il a dérouté son vol vers Accra, le 23 décembre 2019, alors qu’il survolait le Burkina Faso.
Des responsables du mouvement citoyen Générations et peuples solidaires (GPS) dont M. Soro est le président, avaient invité leurs militants à se rendre à l’aéroport d’Abidjan à l’effet d’accueillir leur leader, mais ils ont été empêchés de se réunir par des éléments des forces de sécurité.
M. Simon Soro, frère cadet de l’ex-président de l’Assemblée nationale, a été empêché d’avoir accès à la résidence de son aîné par des forces de sécurité pré-positionnées à l’entrée du domicile de celui-ci. En outre, le siège de GPS sis à la Riviera a été visité par des forces encagoulées, alors que des pro-Soro y étaient réunis.
L’autorisation d’atterrissage à l’aéroport d’Abidjan avait été accordée à M. Soro par l’Autorité nationale de l’aviation civile de Côte d'Ivoire (ANAC). Mais déjà, dans la matinée, des policiers avaient été déployés devant sa résidence à Marcory, dans le Sud d’Abidjan, créant des soupçons.
Alerté, il a dérouté son vol vers Accra. L’action judiciaire le contraint hors du pays, une forme d’exil pour Guillaume Soro. Par ailleurs, les dirigeants des principaux mouvements Soroïstes ont été arrêtés, notamment une quinzaine de personnes, dont le député Alain Lobognon.
« De façon plus étroite, c’est la perspective électorale de 2020 qui s’assombrit » pour Soro, un acteur majeur de la vie politique ivoirienne, un ami politique d’Alassane Ouattara, qui fut une cheville ouvrière dans le départ de Gbagbo en 2010-2011, note Babakar Justin Ndiaye, journaliste-politologue.
« Aujourd’hui, ils sont dans une logique de confrontation et de lutte à mort, ce qui montre qu’en politique l’ami d’hier, est plus redouté, plus craint et combattu que l’ennemi de toujours, parce que l’ex-ami est un ex-complice qui détient des secrets », renchérit Babakar Ndiaye.
L’exil ou affronter l’arme judiciaire
Si Guillaume Soro est dans le circuit, en tant que candidat et allié de Gbagbo ou allié d’Henri Konan Bédié, président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci, opposition), « comme une bombe électorale », il pourrait faire des révélations fracassantes sous le mode de la révélation, souligne Ndiaye.
L’exil est pour lui un moyen de prendre du recul face à la situation et développer ses arguments de défense ou ses stratégies diplomatiques pour dénouer cet épisode judiciaire. Le quotidien ivoirien Le Matin, proche du pouvoir rapporte qu’il est allé en Espagne, il se positionne dans une zone discrète.
Depuis son décollage de l’aéroport de Paris-Le Bourget, M. Soro avait dans son réseau de renseignement, fait l’option de décamper de la France, ami historique de la Côte d’Ivoire, pour envisager d’autres horizons. L’exil lui apportera assurément plus de poigne et un réseau extérieur puissant.
L’action judiciaire, en Afrique, pose un « grand problème » vu « l’utilisation abusive de l’arme judiciaire contre l’adversaire politique » or la justice est l’un des piliers de la démocratie, fait observer Justin Babakar Ndiaye, journaliste-politologue.
En tant qu’institution clé et un équilibre démocratique, quand on utilise la justice contre un adversaire politique, « à la longue, cette justice aura un caractère pré-domestiqué et une arme qu’on utilise contre l’adversaire, (et) c’est regrettable », poursuit-il.
« L’utilisation abusive de l’arme judiciaire est regrettable, (car) le combat démocratique doit tourner autour des idées, des programmes de société et des bilans », estime-t-il tout en mentionnant que son retour dans le jeu politique dépendra de l’intensité de la bataille que lui livre Ouattara.
Si c’est « une lutte à mort politique et judiciaire », l’avenir de Soro semble ne pas être heureux à court terme. Avec ses connexions et son réseau international Guillaume Soro peut toutefois susciter des médiations pour calmer le jeu surtout autour de l’utilisation de l’arme judiciaire.
« Nous pensons qu’il y a une instrumentalisation de l’appareil judiciaire en Afrique à des fins politiques et ça c’est un grave recul pour la démocratie », affirme pour sa part Sedik Abba qui relève que cela peut entraîner des risques de dérapage, c’est pourquoi la justice doit être impartiale.
Le Mouvement ivoirien des droits humains (MIDH) « constate avec tristesse et amertume que l’espace démocratique est en train de se rétrécir gravement en Côte d’ivoire à moins d’un an de l’élection présidentielle », déclare Me Doumbia Yacouba, président du Conseil d’administration dans une note.
L’organisation qui se dit « préoccupée par cette situation qui fait planer des risques de violence, condamne avec fermeté toutes les violations des libertés publiques et des droits humains abondamment proclamés dans la Constitution de novembre 2016 ».
M. Guillaume Soro (47 ans), assure avoir encore « 30 ans à 40 ans de vie politique » devant lui, contrairement à ceux qui clament qu'il est « fini ». A l’instar de Barack Obama, il aurait souhaité être président à l’âge de 47 ans.
AP/ls/APA