Le secrétaire d’Etat au renforcement des capacités, Epiphane Zoro Ballo était sur le plateau de NCI du 29 mai dernier. Il a livré aux téléspectateurs les principaux axes des missions et activités du département qu’il dirige.
Le Secrétariat d’Etat au Renforcement des Capacités ne semble pas être connu des ivoiriens. Est-ce que cela vous surprend, vous choque ou vous vous y attendiez ?
ZORO Epiphane Ballo : Nous nous y attendions plus ou moins. C’est, disons le sort de toutes les institutions qui ont une dimension transversale. Nous touchons un certain nombre de secteurs et différents pans de la vie publique nationale. Nous nous intéressons aux institutions publiques, au secteur privé mais également à la société civile. C’est une institution qui est relativement vieille car les questions de renforcement des capacités ont été érigées en institution depuis 1999 en Côte d’Ivoire. C’est une institution qui a fait un travail remarquable par le passé et qui continue aujourd’hui de faire un travail remarquable mais, du fait de sa transversalité, ses actions peuvent être considérées comme diluées dans les interventions des différents ministères. C’est donc pour donner davantage de visibilité et de poids à la question du renforcement des capacités que le Président de la République et le Premier Ministre ont bien voulu ériger la question du renforcement des capacités au rang d’institution gouvernementale.
Qu’est-ce qui faut entendre par « Renforcement des Capacités » en quelques phrases ?
Z.E.B : Je le disais tout à l’heure, la question du renforcement des capacités est assez vieille puisqu’elle date de 1999. C’est une initiative de la Banque Mondiale à travers une expérience à l’échelle de 13 pays en Afrique. Ce qui faut savoir c’est que la question du développement met en phase les infrastructures c’est-à-dire les routes, les ponts, les hôpitaux, etc. Mais à côté des routes, des ponts, des hôpitaux à construire : le « HARD », il faut du « SOFT » c’est-à-dire des capacités humaines, des capacités institutionnelles, des capacités organisationnelles pour qu’on puisse aboutir à un développement durable. A l’origine, la thématique, le département de renforcement des capacités était un sous département du BNETD (Bureau National d’Etudes Techniques et de Développement), qui était la Direction et Contrôle des Grands Travaux (DCGTx) en son temps. Il y a donc l’aspect des grands travaux, des infrastructures et à côté, il y a les trois pans du renforcement des capacités, à savoir : le pan des « réformes institutionnelles » ; le volet « organisationnel » c’est-à-dire la mise en place d’une organisationqu’il faut, une organisation efficace ; et enfin la question des « capacités humaines. » Ce sont ces trois volets qui sont couverts par le renforcement des capacités.
Quelle note donneriez-vous aux capacités humaines de l’Administration publique ? La Côte d’Ivoire est-elle logée à une bonne enseigne ou c’est quelque chose d’assez inquiétant ?
Eu égard aux différents progrès que la Côte d’Ivoire a réalisé depuis ces dix dernières années, on ne peut pas dire que les capacités humaines sont inquiétantes. Nous avons les institutions de formation qu’il faut au niveau de la formation initiale. Il s’agit notamment des institutions universitaires, des institutions de formation des fonctionnaires et agents de l’Etat (ENA, Polytechnique) et l’institution de formation en statistique (ENSEA). Toutes ces institutions sont cotées en Afrique et dans le monde. Cela est indéniable.
C’est une certitude que nous avons des institutions de formation d’excellence. Et dans la pratique ?
Z.E.B : Dans la pratique, avec l’accord du Gouvernement, nous sommes en train de conduire, en ce moment, une étude qui nous permettra d’être situés sur l’état de nos capacités actuelles et des capacités dont nous avons besoin pour répondre aux différents challenges et défis de développement. Cette étude va être menée dans le cadre de l’élaboration de la stratégie nationale de renforcement des capacités. L’étude a démarré avec le soutien de la Fondation pour le Développement des Capacités en Afrique (ACBF), institution spécialisée de l’Union Africaine, qui a pour mission, justement, d’apporter une assistance technique aux différents pays africains en matière de renforcement des capacités.
Cette étude va durer combien de temps ?
Z.E.B : L’étude a malheureusement été ralentie par la pandémie de la COVID-19. Elle était sensée durer six mois et s’achever en juin 2020.
Je la pose à dessein, cette question, parce qu’en Côte d’Ivoire, des études il y en a des tonnes. A la limite on se perdrait à vouloir les quantifier. Mais, on a malheureusement le sentiment qu’en termes d’implémentation, ça peine toujours à être lancé. Est-ce que c’est une mauvaise perception des choses ?
Z.E.B : Dans le cadre de notre étude, les consultants, les experts sont recrutés. Les formulaires à administrer aux différents acteurs concernés par l’étude, notamment, les administrations, le secteur privé et la société civile sont prêts. Tout le dispositif est prêt mais les ateliers n’ont pas pu se tenir compte tenu des contraintes liées à la COVID. Toutefois, nous sommes à pieds d’œuvre pour mettre en place des stratégies basées sur le télétravail pour que l’étude soit menée car elle est attendue par les différents acteurs étatiques y compris le Gouvernement, le privé et la société civile. L’étude nous permettra de faire le diagnostic qu’il faut, d’avoir une stratégie nationale et de mettre en place un programme de renforcement des capacités. Ce n’est pas une étude qui vient s’inscrire parmi tant d’autres comme vous l’avez dit et qui démarrerait sans avoir un aboutissement. Il faut noter que nous avions déjà un premier programme pays de renforcement des capacités qui a duré 5 ans de 2013 jusqu’à 2018. Ce programme pays est arrivé à expiration et a réalisé des choses formidables en matière de renforcement des capacités. Il faut un deuxième programme pays de renforcement des capacités qui soit adossé à une stratégie d’où cette étude.
Est-ce qu’on a besoin d’une étude pour constater, simplement, que les vendredi, par exemple, il faut éviter tout contact avec des services de l’administration publique parce qu’on sait que le personnel va à des funérailles à l’intérieur du pays ?
Z.E.B : Nous sortons là de la question de capacités …
Est-ce que ce n’est pas lié ?
Z.E.B : C’est certainement lié mais l’étude va nous permettre de situer la question, de dire si votre affirmation est avérée ou pas. Et l’étude va, entre autres choses, nous permettre de proposer les mesures correctives qu’il faut.
Qui est concerné par vos programmes et est-ce qu’il y a, au préalable, une expression des besoins à laquelle vous répondez ou est-ce que vous anticipez plutôt ? Comment ça fonctionne ?
Z.E.B : Les premiers concernés par nos programmes c’est l’administration publique. Dans le cadre du premier programme pays de renforcement de capacités (PPRC), les bénéficiaires principaux des réalisations étaient l’administration publique. L’expression des besoins est formulée dans le cadre de programmes préétablis.
Programmes préétablis par qui ? Par le Gouvernement ? Par exemple, le Gouvernement estime qu’au niveau du ministère des mines il faut tels types de formation ?
Z.E.B : Il est bon de préciser que lorsqu’on élabore un programme cela se fait de façon participative. Le premier programme de renforcement des capacités dont je vous ai parlé s’est appuyé sur un diagnostic. Et l’étude qui est en cours en ce moment se mène de façon participative avec les potentiels acteurs, bénéficiaires concernés que sont : l’administration publique, les organisations de la société civile et le secteur privé. A chaque étape du processus, ils sont associés : pendant le diagnostic et l’identification des besoins de renforcement des capacités de chaque secteur, à la formulation de la politique et de la stratégie ainsi qu’à l’élaboration du programme de renforcement des capacités. Il y a donc un volet participatif fort qui permettra une bonne implémentation du programme puisque les actions qui auront été retenues découleront des différents dialogues qu’il y a eu avec les parties prenantes sur les différents aspects de capacités à renforcer.
Au niveau de vos attributions, il est écrit : « Promotion, au sein du secteur public, du secteur privé et de la société civile, de la culture d’autocontrôle et de l’évaluation au travers d’instruments appropriés et d’indicateurs de performances systématisées. » C’est quoi ces instruments ?
Z.E.B : Pour répondre à votre question, nous allons parler de quelques acquis pour que vous compreniez la notiond’auto-contrôle, de culture de performance et de transparence. Aujourd’hui, auprès de certaines régies financières, notamment les Douanes, le Budget et le Trésor, il y a le principe de l’appel à candidature en vue du recrutement des premiers responsables de ces structures, à savoir les directeurs généraux. C’est le fruit de l’étude menée par le Secrétariat d’Etat au Renforcement des Capacités qui était à l’époque le Secrétariat National au Renforcement des Capacités. Nous avons estimé que pour nommer à un certain niveau de responsabilité, il fallait procéder par appel à candidature et cela implique un minimum de critères de transparence pour s’assurer de la qualité du choix des premiers gestionnaires de ces entités importantes dans la vie de l’Etat. Il y a également tout l’appui que le Secrétariat d’Etat au Renforcement des Capacités apporte aux institutions de contrôle de l’action gouvernementale comme l’Assemblée Nationale. Nous avons travaillé et nous travaillons avec la Commission des Affaires Economiques et Financières de l’Assemblée Nationale et nous comptons travailler avec le Sénat qui est tout récent. A travers des programmes, nous renforçons les capacités de ces institutions à pouvoir mieux contrôler, au regard des lois, l’action gouvernementale c’est-à-dire ce que fait le Gouvernement au travers de la mise en œuvre des programmes de développement. Au niveau de la société civile, la question du contrôle citoyen de l’action publique fait partie de nos priorités en 2020 car il est nécessaire d’outiller les organisations de la société civile qui interviennent dans le domaine de la gouvernance, de la citoyenneté en renforçant leurs capacités afin que le citoyen ivoirien soi à même d’apporter un regard critique sur les actions menées par le Gouvernement. Qu’il s’agisse des actions en matière d’infrastructures (constructions d’hôpitaux, d’écoles), le citoyen a son mot à dire en démocratie. Les outils mis à la disposition de ces organisations leur permettront d’être plus outillés, plus professionnelles et de faire des propositions pertinentes à l’endroit du Gouvernement.
Tout changement suscite de la réticence, parfois de la résistance même. Dans vos rapports avec les ministères en matière de management des ressources humaines, puisque c’est un secrétariat d’Etat qui a une vocation transversale, est-ce que par moment, il n’y a pas d’entrechocs entre vos compétences et celles des différents ministères concernés ? Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontés ?
Z.E.B : Nous parlerons plutôt de défis. Il y a une bonne collaboration entre nous et les autres ministères car les attributions au niveau de chaque département ministériel sont bien connues. Le rôle du Secrétariat d’Etat au Renforcement des Capacités c’est d’assurer une coordination. Et pour réussir cette coordination, nous sommes en train de mettre en place un comité interministériel au renforcement des capacités pour avoir un cadre cohérent d’actions et d’intervention. Par ailleurs, le Secrétariat d’Etat au Renforcement des Capacités dispose de points focaux dans chacun des ministères. Ces points focaux constituent une interface entre nous et leurs départements ministériels de tel sorte que nous arrivons à identifier leurs besoins et proposer des solutions adéquates. Ces points focaux sont très importants dans le dispositif de coordination des actions de renforcement des capacités. C’est grâce à leurs contributions que nous avons pu obtenir des résultats qui sont tangibles. Je pense par exemple à la mise en place du Référentiel des Emplois et des Compétences (REC) dans les ministères. Nous avons estimé que les emplois, les corps d’emplois, les profils doivent être bien définis dans chacun des ministères pour assurer la performance, l’efficacité et faire en sorte qu’aucun acteur de l’administration publique ne se sente irremplaçable. En effet, lorsqu’un agent quitte son poste, il part avec toutes ses connaissances et celui qui vient a l’impression de repartir à zéro, avec cette impression de perpétuel recommencement. Le Référentiel des Emplois et des Compétences est un outil qui permet à chaque département ministériel de s’assurer que chaque poste est occupé par le profil indiqué. Nous avons réalisé un projet pilote avec cinq (5) ministères et avec l’aide des bailleurs, des partenaires de développement, nous allons nous inscrire dans une phase de généralisation. Pour vous dire que la collaboration se passe très bien. Il faut donc renforcer cette belle synergie à travers la mise en place du comité interministériel en charge du renforcement des capacités.
Dans le cadre de l’étude relative au diagnostic et à l’évaluation des besoins de renforcement des capacités des Collectivités Territoriales, vous avez sélectionné huit (8) Collectivités. Sur quels critères vous vous êtes basé ?
Z.E.B : Il y a eu plusieurs critères de sélection de ces Collectivités Territoriales. Mais, il est nécessaire de savoir d’abord pourquoi le choix des Collectivités Territoriales en matière de renforcement des capacités. Le constat que nous avons fait c’est que les Collectivités Territoriales sont, plus ou moins, le parent pauvre des politiques nationales notamment en matière de renforcement des capacités alors que les Collectivités constituent le cœur du développement car le développement est avant tout local et les populations à la base doivent le sentir. La plupart des Etats développés sont des Etats fortement décentralisés et qui donnent suffisamment de places aux Collectivités Territoriales. Ce qui nous a amenés à réaliser une étude sur le rôle, l’intervention des Collectivités Territoriales dans le processus de développement en nous inspirant du modèlede la Corée du Sud qui doit son développement intégral à l’action menée par les Collectivités Territoriales. Il y a eu des critères d’ordre économique, notamment le taux de pauvreté, ainsi que des critères d’ordre géographique pour faire en sorte que l’étude couvre toutes les zones de la Côte d’Ivoire : le nord, le sud, l’est, l’ouest et le centre. Ce sont ces critères, et évidemment les contraintes financières, qui nous ont amenés à démarrer l’étude avec huit (8) Collectivités pour étudier avec elles les capacités dont elles ont besoin pour contribuer à l’atteinte des objectifs de développement définis dans les plans nationaux de développement dont se dote Côte d’Ivoire.
Comment allez-vous déterminer le temps qu’il vous faut pour faire un diagnostic ? Vos différents diagnostics combien de temps il vous faut puisque vous parliez tout à l’heure de politique ?
Z.E.B : Je reviens pour que cela soit clair. La Stratégie nationale de renforcement des capacités,qui avait pour calendrier initial janvier 2020 à juin 2020, va aboutir à un programme de renforcement des capacités et comprendra un élément de diagnostic. Ce qui nous permettra d’élaborer un deuxième programme pays de renforcement des capacités qui est très attendu de l’ensemble des acteurs nationaux.
Ce programme s’étendra sur quelle période ?
Z.E.B : Le programme pays de renforcement des capacités va s’étendre sur cinq (5) ans et va accompagner la mise en œuvre du nouveau Plan National de Développement (PND) qui a également une durée de cinq ans.
Quelles sont les difficultés récurrentes que vous trouvez à travers les différentes administrations ?
Z.E.B : La difficulté réside dans la transversalité de nos missions et pour cela il faut beaucoup de dialogues, de concertations et d’interactions. L’un des éléments de dialogue et d’interaction avec les ministères c’est les points focaux des ministères. Ce n’est pas suffisant et nous le savons. Pour renforcer cette synergie, nous sommes en train de mettre en place un comité interministériel.
Est-ce que vous pouvez nous donner des exemples d’amélioration qu’il y a eu ?
Z.E.B : Je vous ai parlé d’un certain nombre de programmes que nous avons mis en place. Notamment l’institution et la conduite de l’appel à candidature pour le recrutement d’un certain nombre d’acteurs des régies financières ; il y’a la réforme de la presse et de la communication audio-visuelle ; les différents projets de lois en matière de lutte contre la corruption et la mise en place de la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance (HABG) ; le Programme d’Appui à la Gouvernance conduit avec l’appui du PNUD qui a permis, après la crise post-électorale, de favoriser le déploiement de l’Administration sur l’ensemble du territoire. Il y a également l’étude qui nous a permis de mettre en place le Centre d’Education à Distance (CED) et la mise en place du Référentiel des Emplois et des Compétences dans cinq ministères. Ce sont des actions, des résultats concrets qui permettent de renforcer la performance de nos administrations.
Quelles sont les clés pour que l’Administration soit au maximum de ses capacités institutionnelles et opérationnelles ?
Z.E.B : Il y a d’abord l’adaptation du corpus législatif, des lois. Nous l’avons vu à la faveur de la pandémie à COVID-19 avec toutes les réformes qui ont été mises en place pour donner les moyens institutionnels, les moyens légaux à l’Etat d’intervenir. Nous veillons donc à ce que le corpus législatif et règlementaire soit adapté aux enjeux de développement. Il faut donc une adéquation entre les textes de loi, les textes règlementaires et les objectifs de développement. C’est à cela que nous travaillons. Par exemple si la priorité est d’assurer la transparence, il faut bien adapter les textes relatifs à la corruption et mettre en place les organes qu’il faut. Si la priorité est de faire en sorte que les informations d’intérêt public soient accessibles et mieux connues parce qu’on veut renforcer la démocratie, il faut accompagner l’Etat à mettre en place l’organe qu’il faut et nous avons aidé à la mise en place de la Commission d’Accès à l’Information d’Intérêt Public et aux Documents Publics (CAIDP). Il y a donc le volet« Textes de loi » qui doit être adapté et le volet « Administration », d’où la mise en place du Référentiel des Emplois et des Compétences pour permettre une adéquation entre les postes et les personnes qui occupent ces postes. Et nous avons le volet le plus connu à savoir le volet « Formation, Ressources Humaines ». Sur le volet relatif aux ressources humaines, nous pouvons parler des Curricula de l’Ecole Nationale d’Administration.
Sont-ils adaptés ?
Z.E.B : A ce sujet, nous avons appuyé l’Ecole Nationale d’Administration à élaborer de nouveaux curricula et nous sommes à la phase de l’accompagnement de l’élaboration des modules à actualiser et à adapter aux enjeux de développement.
Quels sont les problèmes de fonctionnement que vous avez pu recenser jusque-là ?
L’un des problèmes majeurs de fonctionnement sur lequel nous travaillons en ce moment c’est la question de l’adéquation des profils et des emplois occupés. Comme solution à ce problème c’est la mise en place du Référentiel des Emplois et des Compétences. L’autre problème c’est l’actualisation de l’ensemble des curricula au niveau de l’ENA. L’un des différents chantiers assez important sur lequel nous travaillons concerne, également, la chaine des dépenses notamment la question du renforcement des capacités des différents acteurs de la chaine de dépenses. A cet effet, les acteurs de la chaine de dépenses des ministères en charge de l’Economie et des Finances et du Budget vont bénéficier de renforcement de capacités dans le cadre du Projet d’Amélioration de la Gouvernance pour la Délivrance des Services de base aux Citoyens (PAGDS).
Qu’est-ce qu’il faut comprendre par chaine de dépenses ?
Z.E.B : La chaine des dépenses renvoie à tous les acteurs qui entrent en ligne de compte dans la mise en œuvre des dépenses publiques c’est-à-dire qui dépensent l’argent de l’Etat.
Donc l’objectif, in fine, c’est aussi de contrôler, de mieux gérer l’argent de l’Etat, c’est cela ?
Z.E.B : Effectivement,quand on est formé on gère bien. Mais en dehors du renforcement des capacités des acteurs de la chaine des dépenses, l’une des clés du développement est le renforcement de la transparence. Nous intervenons aussi au profit des organes de contrôle tel que la Cour des Comptes. Nous accompagnons également la société civile dans le suivi indépendant de la délivrance des services en matière d’éducation, d’infrastructures économiques, d’inclusion financière et de transparence budgétaire.
Il y a un concept qui est fondamental dans votre domaine, c’est la notion de compétence actionnée, il faut les personnes aux fonctions qu’il faut. Est-ce le cas en ce moment ?
Il y a des efforts à faire. Nous héritons d’une administration relativement vieille et il a pu y avoir, par moment, des relâchements et des pratiques contraires aux règles de gestion optimale et c’est au regard de ce diagnostic qu’il nous a paru important de mettre en place ce Référentiel des Emplois et des Compétences de sorte que les actions de formation tiennent compte des éléments figurant dans le Référentiel et des profils bien définis. Aussi, que nous ayons, en termes de formation initiale ou de formation continue, un outil de référence qui est le Référentiel des Emplois et des Compétences.
Dans la notion de transversalité de vos fonctions, de votre portefeuille, est-ce que vous intervenez aussi dans ce vaste programme d’e-gouvernement ou e-gouvernance ?
Z.E.B : Nous avons un ministère en charge de l’économie numérique qui est au cœur de ce programme. Mais il reste entendu que nous bénéficions ainsi que l’ensemble des structures qui font partie de notre écosystème de formation et de renforcement des capacités, des produits développés par le ministère en charge de l’économie numérique. Je pense notamment au Centre d’Education à Distance qui faisait déjà de la formation à distance avant ce vaste programme.
Quelles sont les institutions qui demandent un peu plus de réformes dans leur fonctionnement ?
Z.E.B : Il faut savoir que nous avons tous besoin de réformes pour nous adapter à l’évolution du monde et de la société. Par exemple, un ministère comme celui de la Fonction Publique, qui est au cœur de notre administration, a besoin d’accélérer sa modernisation à travers les outils que nous contribuons à mettre à sa disposition. La question des statistiques est fondamentale car le développement est également la maitrise des chiffres, des informations, leur fiabilité. Et sur ce point, il faut admettre que nous avons beaucoup d’institutions qui sont assez faibles sur la maitrise des chiffres. Vous constaterez que, depuis ces dernières années, tous les ministères ont une direction en charge de la planification et des statistiques. Il convient de les renforcer afin que les chiffres que nous produisons et fournissons aux différentes agences de notation reflètent la réalité des efforts qui sont fournis au quotidien. Les statisticiens, la production et l’utilisation des statistiques, dans chaque ministère, reste un défi important. En effet, pour mesurer objectivement où nous en sommes dans notre échelle de développement nous avons besoin de produire des données chiffrées et vérifiables sinon ça serait difficile. Nous pouvons faire des choses très intéressantes mais sans données chiffrées et vérifiables, il ne serait pas possible de le prouver. Comme nous pouvons avoir, à l’opposé, des insuffisances mais là aussi il nous faut des données chiffrées et vérifiables pour nous permettre d’ajuster les actions de développement. La question des statistiques est donc une question clé.
J’aimerais revenir sur un point que vous avez évoqué, c’est la décentralisation. Et vous l’avez dit, vous vous inspirez du modèle coréen. Pourquoi peine-t-on à mettre en place la décentralisation en Côte d’Ivoire depuis toutes ces années ? Quel est le problème ?
Nous estimons que la question de la décentralisation va de paire avec la question de la capacité des acteurs locaux en charge de la décentralisation à assumer la responsabilité qui est la leur. L’un des gaps ou déficit que nous avons c’est l’absence d’un centre de formation des acteurs de la décentralisation. Nous avons une école qui forme les acteurs de l’administration publique, l’administration centralisée à savoir l’école d’administration, des douanes, de police, etc. Mais aujourd’hui où forme-t-on les acteurs de la décentralisation ? C’est une grosse réflexion au niveau du ministère en charge de l’administration territoriale.
C’est intéressant ce que vous dites parce que beaucoup vont en campagne, notamment pour les élections municipales et régionales, et vous avez des candidats qui promettent beaucoup de choses mais qui ignorent le fonctionnement d’une mairie ou d’une Collectivité Territoriale. Quand ils arrivent aux affaires ils réalisent des choses qui ne sont pas ce qu’ils promettaient de faire.
Z.E.B : Il faut distinguer les acteurs politiques et tout le personnel administratif qui les accompagne. Où forme-t-on ce personnel administratif ? Nulle part. Il n’y a pas, à ce jour, d’école de formation des acteurs de l’administration territoriale. C’est une préoccupation et les discussions sont en cours pour que nous ayons un cadre de formation des acteurs de l’administration territoriale. Nous pensons qu’une fois ce cadre mis en place cela permettra aux acteurs de la décentralisation d’avoir une compréhension très nette des enjeux et de leurs responsabilités en tant que porteurs du développement. Alors, en ce moment, le transfert de toutes les compétences dévolues aux Collectivités pourrait se faire.
Est-ce que la question de la structure des salaires n’est pas aussi un frein sinon un facteur de démotivation de certains agents de la fonction publique ? Est-ce que ces questions vous les adressez aussi ?
Z.E.B : Nous ne pouvons aller dans le font du sujet parce que ce n’est pas notre rôle et notre responsabilité mais de façon générale, il faut dire que le niveau des salaires, de nos agents de l’Etat et fonctionnaires, est relativement important et relativement adapté. La question de la démotivation doit se retrouver ailleurs mais pas seulement sur la rémunération. Votre question nous amène à rebondir sur un pan important de notre plan de travail 2020 qui est celui de la construction d’un leadership transformateur lié au concept de l’ivoirien nouveau, vision chère au Président de la République. Je suis démotivé parce que je ne suis pas assez bien payé ou je suis motivé parce que j’aime mon Pays, je veux que mon pays aille de l’avant et je suis prêt à m’engager pour mon pays. Dans l’une des récentes études effectuées en 2019 par le Fondation pour le Renforcement des Capacités en Afrique (ACBF), il a été révélé que l’un des enjeux des pays africains en terme de développement, ce n’est pas tant la formation, les compétences techniques ou les fonds importants investis dans les infrastructures mais c’est d’abord une question de leadership transformateur. Où chacun, chaque acteur, à quelque niveau que ce soit de la société, se sent porteur de cette transformation nécessaire et pour cela il y a tout le volet amour de sa patrie, sens de la responsabilité, de la redevabilité et de l’innovation. Un pays comme la Corée du Sud nous disait, qu’en termes de rémunération et de volume de fonds publics d’investissement, au début de l’indépendance, la Côte d’Ivoire n’avait rien à envier à la Corée. Nous avions plus de moyens, nos fonctionnaires étaient les mieux payés, mais ce qui a fait la différence c’est cet esprit combatif, cet esprit patriotique, ce sens de l’intérêt général qui ne doit pas être confondu et être parasité par des intérêts individuels, particuliers, des désirs d’enrichissement. C’est en cela que nous avons obtenu du Gouvernement de travailler sur un volet important des capacités ; celui du leadership transformateur où chaque personne se sent responsable du développement et du destin collectif, qu’il s’agisse des acteurs de l’administration publique, du président de quartier ou du chef de village.
Alors, en tant que citoyen, comment peut-on vous aider et est-ce qu’il y a des outils qui sont mis en place ?
Z.E.B : Il faut d’abord tenir compte des priorités que nous nous sommes fixées dans des délais bien définis. Nous avons dit que pour l’exercice 2020, il y a toute la chaine de contrôle citoyen qui sera renforcée à travers la formation des organisations de la société civile en vue de leur permettre de mieux faire leur travail de suivi indépendant dans la délivrance des services. L’on peut dénoncer mais qu’est-ce qu’on dénonce et à partir de quoi dénonçons-nous ? Par exemple, la société civile peut dire que l’école va mal mais qu’elle est le critère de référence d’appréciation. De même, l’on peut incriminer la justice mais qu’elle est la norme d’appréciation de ce qui ne va pas bien ? Alors, pour que la société civile fasse correctement son travail et puisse émettre des avis de façon éclairée et en connaissance de cause, il faut lui donner les outils de référence et d’analyse nécessaires. C’est en s’engageant dans l’utilisation de ces outils que la société civile peut avoir une participation objective et aider au développement.
M. Epiphane ZORO, si on devait résumer votre fonction, vos attributions en français facile à l’endroit des ivoiriens, que diriez-vous ?
Z.E.B : Lorsqu’on parle de renforcement des capacités, il faut le comprendre sous trois angles. Il y a les lois c’est-à-dire quelles lois il faut pour encadrer tout ce que nous faisons car tout ce que nous faisons, chaque jour, est encadré par les lois. Quelles sont les bonnes lois qu’il faut pour que la société aille bien, pour que la Côte d’Ivoire soit développée ? Ensuite, j’ai mon association, j’ai ma coopérative que la loi encadre, mais comment j’organise mon association c’est cela le deuxième élément des capacités. Est-ce que les postes sont bien définis ? Est-ce qu’il y a une bonne collaboration entre les gens ? Est-ce qu’on sait faire les Procès-Verbaux de réunion ? Les lois sont les capacités institutionnelles et comment fonctionne mon association ou ma coopérative représente les capacités organisationnelles. Le troisième élément des capacités le plus connu, c’est la formation. Un Président, un Directeur Général, un Trésorier ont été désignés mais ont-ils la formation pour occuper ces postes ? C’est donc l’ensemble de ces questions que nous gérons mais en même temps, le Secrétariat d’Etat au Renforcement des Capacités travaille en synergie avec les autres départements ministériels, les institutions comme la Cour des Comptes, l’Assemblée Nationale, le Sénat. Nous travaillons également avec les organisations de la société civile qui veulent qu’il y ait de la transparence dans la gestion de la chose publique. Enfin nous travaillons sur le programme de promotion de l’ivoirien nouveau à travers le leadership transformateur. L’un des premiers éléments de ce programme qui va sortir bientôt c’est le manuel du leadership transformateur pour que chacun d’entre nous se sente responsable du destin collectif. Et je crois que la COVID-19 nous a permis de nous rendre compte que nous sommes tous inter-liés et que chacun à son niveau est responsable du destin collectif. La question du leadership transformateur va promouvoir un certain nombre de valeurs qui sont des valeurs de travail et du sens de l’intérêt général.
Le Secrétariat d’Etat au Renforcement des Capacités ne semble pas être connu des ivoiriens. Est-ce que cela vous surprend, vous choque ou vous vous y attendiez ?
ZORO Epiphane Ballo : Nous nous y attendions plus ou moins. C’est, disons le sort de toutes les institutions qui ont une dimension transversale. Nous touchons un certain nombre de secteurs et différents pans de la vie publique nationale. Nous nous intéressons aux institutions publiques, au secteur privé mais également à la société civile. C’est une institution qui est relativement vieille car les questions de renforcement des capacités ont été érigées en institution depuis 1999 en Côte d’Ivoire. C’est une institution qui a fait un travail remarquable par le passé et qui continue aujourd’hui de faire un travail remarquable mais, du fait de sa transversalité, ses actions peuvent être considérées comme diluées dans les interventions des différents ministères. C’est donc pour donner davantage de visibilité et de poids à la question du renforcement des capacités que le Président de la République et le Premier Ministre ont bien voulu ériger la question du renforcement des capacités au rang d’institution gouvernementale.
Qu’est-ce qui faut entendre par « Renforcement des Capacités » en quelques phrases ?
Z.E.B : Je le disais tout à l’heure, la question du renforcement des capacités est assez vieille puisqu’elle date de 1999. C’est une initiative de la Banque Mondiale à travers une expérience à l’échelle de 13 pays en Afrique. Ce qui faut savoir c’est que la question du développement met en phase les infrastructures c’est-à-dire les routes, les ponts, les hôpitaux, etc. Mais à côté des routes, des ponts, des hôpitaux à construire : le « HARD », il faut du « SOFT » c’est-à-dire des capacités humaines, des capacités institutionnelles, des capacités organisationnelles pour qu’on puisse aboutir à un développement durable. A l’origine, la thématique, le département de renforcement des capacités était un sous département du BNETD (Bureau National d’Etudes Techniques et de Développement), qui était la Direction et Contrôle des Grands Travaux (DCGTx) en son temps. Il y a donc l’aspect des grands travaux, des infrastructures et à côté, il y a les trois pans du renforcement des capacités, à savoir : le pan des « réformes institutionnelles » ; le volet « organisationnel » c’est-à-dire la mise en place d’une organisationqu’il faut, une organisation efficace ; et enfin la question des « capacités humaines. » Ce sont ces trois volets qui sont couverts par le renforcement des capacités.
Quelle note donneriez-vous aux capacités humaines de l’Administration publique ? La Côte d’Ivoire est-elle logée à une bonne enseigne ou c’est quelque chose d’assez inquiétant ?
Eu égard aux différents progrès que la Côte d’Ivoire a réalisé depuis ces dix dernières années, on ne peut pas dire que les capacités humaines sont inquiétantes. Nous avons les institutions de formation qu’il faut au niveau de la formation initiale. Il s’agit notamment des institutions universitaires, des institutions de formation des fonctionnaires et agents de l’Etat (ENA, Polytechnique) et l’institution de formation en statistique (ENSEA). Toutes ces institutions sont cotées en Afrique et dans le monde. Cela est indéniable.
C’est une certitude que nous avons des institutions de formation d’excellence. Et dans la pratique ?
Z.E.B : Dans la pratique, avec l’accord du Gouvernement, nous sommes en train de conduire, en ce moment, une étude qui nous permettra d’être situés sur l’état de nos capacités actuelles et des capacités dont nous avons besoin pour répondre aux différents challenges et défis de développement. Cette étude va être menée dans le cadre de l’élaboration de la stratégie nationale de renforcement des capacités. L’étude a démarré avec le soutien de la Fondation pour le Développement des Capacités en Afrique (ACBF), institution spécialisée de l’Union Africaine, qui a pour mission, justement, d’apporter une assistance technique aux différents pays africains en matière de renforcement des capacités.
Cette étude va durer combien de temps ?
Z.E.B : L’étude a malheureusement été ralentie par la pandémie de la COVID-19. Elle était sensée durer six mois et s’achever en juin 2020.
Je la pose à dessein, cette question, parce qu’en Côte d’Ivoire, des études il y en a des tonnes. A la limite on se perdrait à vouloir les quantifier. Mais, on a malheureusement le sentiment qu’en termes d’implémentation, ça peine toujours à être lancé. Est-ce que c’est une mauvaise perception des choses ?
Z.E.B : Dans le cadre de notre étude, les consultants, les experts sont recrutés. Les formulaires à administrer aux différents acteurs concernés par l’étude, notamment, les administrations, le secteur privé et la société civile sont prêts. Tout le dispositif est prêt mais les ateliers n’ont pas pu se tenir compte tenu des contraintes liées à la COVID. Toutefois, nous sommes à pieds d’œuvre pour mettre en place des stratégies basées sur le télétravail pour que l’étude soit menée car elle est attendue par les différents acteurs étatiques y compris le Gouvernement, le privé et la société civile. L’étude nous permettra de faire le diagnostic qu’il faut, d’avoir une stratégie nationale et de mettre en place un programme de renforcement des capacités. Ce n’est pas une étude qui vient s’inscrire parmi tant d’autres comme vous l’avez dit et qui démarrerait sans avoir un aboutissement. Il faut noter que nous avions déjà un premier programme pays de renforcement des capacités qui a duré 5 ans de 2013 jusqu’à 2018. Ce programme pays est arrivé à expiration et a réalisé des choses formidables en matière de renforcement des capacités. Il faut un deuxième programme pays de renforcement des capacités qui soit adossé à une stratégie d’où cette étude.
Est-ce qu’on a besoin d’une étude pour constater, simplement, que les vendredi, par exemple, il faut éviter tout contact avec des services de l’administration publique parce qu’on sait que le personnel va à des funérailles à l’intérieur du pays ?
Z.E.B : Nous sortons là de la question de capacités …
Est-ce que ce n’est pas lié ?
Z.E.B : C’est certainement lié mais l’étude va nous permettre de situer la question, de dire si votre affirmation est avérée ou pas. Et l’étude va, entre autres choses, nous permettre de proposer les mesures correctives qu’il faut.
Qui est concerné par vos programmes et est-ce qu’il y a, au préalable, une expression des besoins à laquelle vous répondez ou est-ce que vous anticipez plutôt ? Comment ça fonctionne ?
Z.E.B : Les premiers concernés par nos programmes c’est l’administration publique. Dans le cadre du premier programme pays de renforcement de capacités (PPRC), les bénéficiaires principaux des réalisations étaient l’administration publique. L’expression des besoins est formulée dans le cadre de programmes préétablis.
Programmes préétablis par qui ? Par le Gouvernement ? Par exemple, le Gouvernement estime qu’au niveau du ministère des mines il faut tels types de formation ?
Z.E.B : Il est bon de préciser que lorsqu’on élabore un programme cela se fait de façon participative. Le premier programme de renforcement des capacités dont je vous ai parlé s’est appuyé sur un diagnostic. Et l’étude qui est en cours en ce moment se mène de façon participative avec les potentiels acteurs, bénéficiaires concernés que sont : l’administration publique, les organisations de la société civile et le secteur privé. A chaque étape du processus, ils sont associés : pendant le diagnostic et l’identification des besoins de renforcement des capacités de chaque secteur, à la formulation de la politique et de la stratégie ainsi qu’à l’élaboration du programme de renforcement des capacités. Il y a donc un volet participatif fort qui permettra une bonne implémentation du programme puisque les actions qui auront été retenues découleront des différents dialogues qu’il y a eu avec les parties prenantes sur les différents aspects de capacités à renforcer.
Au niveau de vos attributions, il est écrit : « Promotion, au sein du secteur public, du secteur privé et de la société civile, de la culture d’autocontrôle et de l’évaluation au travers d’instruments appropriés et d’indicateurs de performances systématisées. » C’est quoi ces instruments ?
Z.E.B : Pour répondre à votre question, nous allons parler de quelques acquis pour que vous compreniez la notiond’auto-contrôle, de culture de performance et de transparence. Aujourd’hui, auprès de certaines régies financières, notamment les Douanes, le Budget et le Trésor, il y a le principe de l’appel à candidature en vue du recrutement des premiers responsables de ces structures, à savoir les directeurs généraux. C’est le fruit de l’étude menée par le Secrétariat d’Etat au Renforcement des Capacités qui était à l’époque le Secrétariat National au Renforcement des Capacités. Nous avons estimé que pour nommer à un certain niveau de responsabilité, il fallait procéder par appel à candidature et cela implique un minimum de critères de transparence pour s’assurer de la qualité du choix des premiers gestionnaires de ces entités importantes dans la vie de l’Etat. Il y a également tout l’appui que le Secrétariat d’Etat au Renforcement des Capacités apporte aux institutions de contrôle de l’action gouvernementale comme l’Assemblée Nationale. Nous avons travaillé et nous travaillons avec la Commission des Affaires Economiques et Financières de l’Assemblée Nationale et nous comptons travailler avec le Sénat qui est tout récent. A travers des programmes, nous renforçons les capacités de ces institutions à pouvoir mieux contrôler, au regard des lois, l’action gouvernementale c’est-à-dire ce que fait le Gouvernement au travers de la mise en œuvre des programmes de développement. Au niveau de la société civile, la question du contrôle citoyen de l’action publique fait partie de nos priorités en 2020 car il est nécessaire d’outiller les organisations de la société civile qui interviennent dans le domaine de la gouvernance, de la citoyenneté en renforçant leurs capacités afin que le citoyen ivoirien soi à même d’apporter un regard critique sur les actions menées par le Gouvernement. Qu’il s’agisse des actions en matière d’infrastructures (constructions d’hôpitaux, d’écoles), le citoyen a son mot à dire en démocratie. Les outils mis à la disposition de ces organisations leur permettront d’être plus outillés, plus professionnelles et de faire des propositions pertinentes à l’endroit du Gouvernement.
Tout changement suscite de la réticence, parfois de la résistance même. Dans vos rapports avec les ministères en matière de management des ressources humaines, puisque c’est un secrétariat d’Etat qui a une vocation transversale, est-ce que par moment, il n’y a pas d’entrechocs entre vos compétences et celles des différents ministères concernés ? Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontés ?
Z.E.B : Nous parlerons plutôt de défis. Il y a une bonne collaboration entre nous et les autres ministères car les attributions au niveau de chaque département ministériel sont bien connues. Le rôle du Secrétariat d’Etat au Renforcement des Capacités c’est d’assurer une coordination. Et pour réussir cette coordination, nous sommes en train de mettre en place un comité interministériel au renforcement des capacités pour avoir un cadre cohérent d’actions et d’intervention. Par ailleurs, le Secrétariat d’Etat au Renforcement des Capacités dispose de points focaux dans chacun des ministères. Ces points focaux constituent une interface entre nous et leurs départements ministériels de tel sorte que nous arrivons à identifier leurs besoins et proposer des solutions adéquates. Ces points focaux sont très importants dans le dispositif de coordination des actions de renforcement des capacités. C’est grâce à leurs contributions que nous avons pu obtenir des résultats qui sont tangibles. Je pense par exemple à la mise en place du Référentiel des Emplois et des Compétences (REC) dans les ministères. Nous avons estimé que les emplois, les corps d’emplois, les profils doivent être bien définis dans chacun des ministères pour assurer la performance, l’efficacité et faire en sorte qu’aucun acteur de l’administration publique ne se sente irremplaçable. En effet, lorsqu’un agent quitte son poste, il part avec toutes ses connaissances et celui qui vient a l’impression de repartir à zéro, avec cette impression de perpétuel recommencement. Le Référentiel des Emplois et des Compétences est un outil qui permet à chaque département ministériel de s’assurer que chaque poste est occupé par le profil indiqué. Nous avons réalisé un projet pilote avec cinq (5) ministères et avec l’aide des bailleurs, des partenaires de développement, nous allons nous inscrire dans une phase de généralisation. Pour vous dire que la collaboration se passe très bien. Il faut donc renforcer cette belle synergie à travers la mise en place du comité interministériel en charge du renforcement des capacités.
Dans le cadre de l’étude relative au diagnostic et à l’évaluation des besoins de renforcement des capacités des Collectivités Territoriales, vous avez sélectionné huit (8) Collectivités. Sur quels critères vous vous êtes basé ?
Z.E.B : Il y a eu plusieurs critères de sélection de ces Collectivités Territoriales. Mais, il est nécessaire de savoir d’abord pourquoi le choix des Collectivités Territoriales en matière de renforcement des capacités. Le constat que nous avons fait c’est que les Collectivités Territoriales sont, plus ou moins, le parent pauvre des politiques nationales notamment en matière de renforcement des capacités alors que les Collectivités constituent le cœur du développement car le développement est avant tout local et les populations à la base doivent le sentir. La plupart des Etats développés sont des Etats fortement décentralisés et qui donnent suffisamment de places aux Collectivités Territoriales. Ce qui nous a amenés à réaliser une étude sur le rôle, l’intervention des Collectivités Territoriales dans le processus de développement en nous inspirant du modèlede la Corée du Sud qui doit son développement intégral à l’action menée par les Collectivités Territoriales. Il y a eu des critères d’ordre économique, notamment le taux de pauvreté, ainsi que des critères d’ordre géographique pour faire en sorte que l’étude couvre toutes les zones de la Côte d’Ivoire : le nord, le sud, l’est, l’ouest et le centre. Ce sont ces critères, et évidemment les contraintes financières, qui nous ont amenés à démarrer l’étude avec huit (8) Collectivités pour étudier avec elles les capacités dont elles ont besoin pour contribuer à l’atteinte des objectifs de développement définis dans les plans nationaux de développement dont se dote Côte d’Ivoire.
Comment allez-vous déterminer le temps qu’il vous faut pour faire un diagnostic ? Vos différents diagnostics combien de temps il vous faut puisque vous parliez tout à l’heure de politique ?
Z.E.B : Je reviens pour que cela soit clair. La Stratégie nationale de renforcement des capacités,qui avait pour calendrier initial janvier 2020 à juin 2020, va aboutir à un programme de renforcement des capacités et comprendra un élément de diagnostic. Ce qui nous permettra d’élaborer un deuxième programme pays de renforcement des capacités qui est très attendu de l’ensemble des acteurs nationaux.
Ce programme s’étendra sur quelle période ?
Z.E.B : Le programme pays de renforcement des capacités va s’étendre sur cinq (5) ans et va accompagner la mise en œuvre du nouveau Plan National de Développement (PND) qui a également une durée de cinq ans.
Quelles sont les difficultés récurrentes que vous trouvez à travers les différentes administrations ?
Z.E.B : La difficulté réside dans la transversalité de nos missions et pour cela il faut beaucoup de dialogues, de concertations et d’interactions. L’un des éléments de dialogue et d’interaction avec les ministères c’est les points focaux des ministères. Ce n’est pas suffisant et nous le savons. Pour renforcer cette synergie, nous sommes en train de mettre en place un comité interministériel.
Est-ce que vous pouvez nous donner des exemples d’amélioration qu’il y a eu ?
Z.E.B : Je vous ai parlé d’un certain nombre de programmes que nous avons mis en place. Notamment l’institution et la conduite de l’appel à candidature pour le recrutement d’un certain nombre d’acteurs des régies financières ; il y’a la réforme de la presse et de la communication audio-visuelle ; les différents projets de lois en matière de lutte contre la corruption et la mise en place de la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance (HABG) ; le Programme d’Appui à la Gouvernance conduit avec l’appui du PNUD qui a permis, après la crise post-électorale, de favoriser le déploiement de l’Administration sur l’ensemble du territoire. Il y a également l’étude qui nous a permis de mettre en place le Centre d’Education à Distance (CED) et la mise en place du Référentiel des Emplois et des Compétences dans cinq ministères. Ce sont des actions, des résultats concrets qui permettent de renforcer la performance de nos administrations.
Quelles sont les clés pour que l’Administration soit au maximum de ses capacités institutionnelles et opérationnelles ?
Z.E.B : Il y a d’abord l’adaptation du corpus législatif, des lois. Nous l’avons vu à la faveur de la pandémie à COVID-19 avec toutes les réformes qui ont été mises en place pour donner les moyens institutionnels, les moyens légaux à l’Etat d’intervenir. Nous veillons donc à ce que le corpus législatif et règlementaire soit adapté aux enjeux de développement. Il faut donc une adéquation entre les textes de loi, les textes règlementaires et les objectifs de développement. C’est à cela que nous travaillons. Par exemple si la priorité est d’assurer la transparence, il faut bien adapter les textes relatifs à la corruption et mettre en place les organes qu’il faut. Si la priorité est de faire en sorte que les informations d’intérêt public soient accessibles et mieux connues parce qu’on veut renforcer la démocratie, il faut accompagner l’Etat à mettre en place l’organe qu’il faut et nous avons aidé à la mise en place de la Commission d’Accès à l’Information d’Intérêt Public et aux Documents Publics (CAIDP). Il y a donc le volet« Textes de loi » qui doit être adapté et le volet « Administration », d’où la mise en place du Référentiel des Emplois et des Compétences pour permettre une adéquation entre les postes et les personnes qui occupent ces postes. Et nous avons le volet le plus connu à savoir le volet « Formation, Ressources Humaines ». Sur le volet relatif aux ressources humaines, nous pouvons parler des Curricula de l’Ecole Nationale d’Administration.
Sont-ils adaptés ?
Z.E.B : A ce sujet, nous avons appuyé l’Ecole Nationale d’Administration à élaborer de nouveaux curricula et nous sommes à la phase de l’accompagnement de l’élaboration des modules à actualiser et à adapter aux enjeux de développement.
Quels sont les problèmes de fonctionnement que vous avez pu recenser jusque-là ?
L’un des problèmes majeurs de fonctionnement sur lequel nous travaillons en ce moment c’est la question de l’adéquation des profils et des emplois occupés. Comme solution à ce problème c’est la mise en place du Référentiel des Emplois et des Compétences. L’autre problème c’est l’actualisation de l’ensemble des curricula au niveau de l’ENA. L’un des différents chantiers assez important sur lequel nous travaillons concerne, également, la chaine des dépenses notamment la question du renforcement des capacités des différents acteurs de la chaine de dépenses. A cet effet, les acteurs de la chaine de dépenses des ministères en charge de l’Economie et des Finances et du Budget vont bénéficier de renforcement de capacités dans le cadre du Projet d’Amélioration de la Gouvernance pour la Délivrance des Services de base aux Citoyens (PAGDS).
Qu’est-ce qu’il faut comprendre par chaine de dépenses ?
Z.E.B : La chaine des dépenses renvoie à tous les acteurs qui entrent en ligne de compte dans la mise en œuvre des dépenses publiques c’est-à-dire qui dépensent l’argent de l’Etat.
Donc l’objectif, in fine, c’est aussi de contrôler, de mieux gérer l’argent de l’Etat, c’est cela ?
Z.E.B : Effectivement,quand on est formé on gère bien. Mais en dehors du renforcement des capacités des acteurs de la chaine des dépenses, l’une des clés du développement est le renforcement de la transparence. Nous intervenons aussi au profit des organes de contrôle tel que la Cour des Comptes. Nous accompagnons également la société civile dans le suivi indépendant de la délivrance des services en matière d’éducation, d’infrastructures économiques, d’inclusion financière et de transparence budgétaire.
Il y a un concept qui est fondamental dans votre domaine, c’est la notion de compétence actionnée, il faut les personnes aux fonctions qu’il faut. Est-ce le cas en ce moment ?
Il y a des efforts à faire. Nous héritons d’une administration relativement vieille et il a pu y avoir, par moment, des relâchements et des pratiques contraires aux règles de gestion optimale et c’est au regard de ce diagnostic qu’il nous a paru important de mettre en place ce Référentiel des Emplois et des Compétences de sorte que les actions de formation tiennent compte des éléments figurant dans le Référentiel et des profils bien définis. Aussi, que nous ayons, en termes de formation initiale ou de formation continue, un outil de référence qui est le Référentiel des Emplois et des Compétences.
Dans la notion de transversalité de vos fonctions, de votre portefeuille, est-ce que vous intervenez aussi dans ce vaste programme d’e-gouvernement ou e-gouvernance ?
Z.E.B : Nous avons un ministère en charge de l’économie numérique qui est au cœur de ce programme. Mais il reste entendu que nous bénéficions ainsi que l’ensemble des structures qui font partie de notre écosystème de formation et de renforcement des capacités, des produits développés par le ministère en charge de l’économie numérique. Je pense notamment au Centre d’Education à Distance qui faisait déjà de la formation à distance avant ce vaste programme.
Quelles sont les institutions qui demandent un peu plus de réformes dans leur fonctionnement ?
Z.E.B : Il faut savoir que nous avons tous besoin de réformes pour nous adapter à l’évolution du monde et de la société. Par exemple, un ministère comme celui de la Fonction Publique, qui est au cœur de notre administration, a besoin d’accélérer sa modernisation à travers les outils que nous contribuons à mettre à sa disposition. La question des statistiques est fondamentale car le développement est également la maitrise des chiffres, des informations, leur fiabilité. Et sur ce point, il faut admettre que nous avons beaucoup d’institutions qui sont assez faibles sur la maitrise des chiffres. Vous constaterez que, depuis ces dernières années, tous les ministères ont une direction en charge de la planification et des statistiques. Il convient de les renforcer afin que les chiffres que nous produisons et fournissons aux différentes agences de notation reflètent la réalité des efforts qui sont fournis au quotidien. Les statisticiens, la production et l’utilisation des statistiques, dans chaque ministère, reste un défi important. En effet, pour mesurer objectivement où nous en sommes dans notre échelle de développement nous avons besoin de produire des données chiffrées et vérifiables sinon ça serait difficile. Nous pouvons faire des choses très intéressantes mais sans données chiffrées et vérifiables, il ne serait pas possible de le prouver. Comme nous pouvons avoir, à l’opposé, des insuffisances mais là aussi il nous faut des données chiffrées et vérifiables pour nous permettre d’ajuster les actions de développement. La question des statistiques est donc une question clé.
J’aimerais revenir sur un point que vous avez évoqué, c’est la décentralisation. Et vous l’avez dit, vous vous inspirez du modèle coréen. Pourquoi peine-t-on à mettre en place la décentralisation en Côte d’Ivoire depuis toutes ces années ? Quel est le problème ?
Nous estimons que la question de la décentralisation va de paire avec la question de la capacité des acteurs locaux en charge de la décentralisation à assumer la responsabilité qui est la leur. L’un des gaps ou déficit que nous avons c’est l’absence d’un centre de formation des acteurs de la décentralisation. Nous avons une école qui forme les acteurs de l’administration publique, l’administration centralisée à savoir l’école d’administration, des douanes, de police, etc. Mais aujourd’hui où forme-t-on les acteurs de la décentralisation ? C’est une grosse réflexion au niveau du ministère en charge de l’administration territoriale.
C’est intéressant ce que vous dites parce que beaucoup vont en campagne, notamment pour les élections municipales et régionales, et vous avez des candidats qui promettent beaucoup de choses mais qui ignorent le fonctionnement d’une mairie ou d’une Collectivité Territoriale. Quand ils arrivent aux affaires ils réalisent des choses qui ne sont pas ce qu’ils promettaient de faire.
Z.E.B : Il faut distinguer les acteurs politiques et tout le personnel administratif qui les accompagne. Où forme-t-on ce personnel administratif ? Nulle part. Il n’y a pas, à ce jour, d’école de formation des acteurs de l’administration territoriale. C’est une préoccupation et les discussions sont en cours pour que nous ayons un cadre de formation des acteurs de l’administration territoriale. Nous pensons qu’une fois ce cadre mis en place cela permettra aux acteurs de la décentralisation d’avoir une compréhension très nette des enjeux et de leurs responsabilités en tant que porteurs du développement. Alors, en ce moment, le transfert de toutes les compétences dévolues aux Collectivités pourrait se faire.
Est-ce que la question de la structure des salaires n’est pas aussi un frein sinon un facteur de démotivation de certains agents de la fonction publique ? Est-ce que ces questions vous les adressez aussi ?
Z.E.B : Nous ne pouvons aller dans le font du sujet parce que ce n’est pas notre rôle et notre responsabilité mais de façon générale, il faut dire que le niveau des salaires, de nos agents de l’Etat et fonctionnaires, est relativement important et relativement adapté. La question de la démotivation doit se retrouver ailleurs mais pas seulement sur la rémunération. Votre question nous amène à rebondir sur un pan important de notre plan de travail 2020 qui est celui de la construction d’un leadership transformateur lié au concept de l’ivoirien nouveau, vision chère au Président de la République. Je suis démotivé parce que je ne suis pas assez bien payé ou je suis motivé parce que j’aime mon Pays, je veux que mon pays aille de l’avant et je suis prêt à m’engager pour mon pays. Dans l’une des récentes études effectuées en 2019 par le Fondation pour le Renforcement des Capacités en Afrique (ACBF), il a été révélé que l’un des enjeux des pays africains en terme de développement, ce n’est pas tant la formation, les compétences techniques ou les fonds importants investis dans les infrastructures mais c’est d’abord une question de leadership transformateur. Où chacun, chaque acteur, à quelque niveau que ce soit de la société, se sent porteur de cette transformation nécessaire et pour cela il y a tout le volet amour de sa patrie, sens de la responsabilité, de la redevabilité et de l’innovation. Un pays comme la Corée du Sud nous disait, qu’en termes de rémunération et de volume de fonds publics d’investissement, au début de l’indépendance, la Côte d’Ivoire n’avait rien à envier à la Corée. Nous avions plus de moyens, nos fonctionnaires étaient les mieux payés, mais ce qui a fait la différence c’est cet esprit combatif, cet esprit patriotique, ce sens de l’intérêt général qui ne doit pas être confondu et être parasité par des intérêts individuels, particuliers, des désirs d’enrichissement. C’est en cela que nous avons obtenu du Gouvernement de travailler sur un volet important des capacités ; celui du leadership transformateur où chaque personne se sent responsable du développement et du destin collectif, qu’il s’agisse des acteurs de l’administration publique, du président de quartier ou du chef de village.
Alors, en tant que citoyen, comment peut-on vous aider et est-ce qu’il y a des outils qui sont mis en place ?
Z.E.B : Il faut d’abord tenir compte des priorités que nous nous sommes fixées dans des délais bien définis. Nous avons dit que pour l’exercice 2020, il y a toute la chaine de contrôle citoyen qui sera renforcée à travers la formation des organisations de la société civile en vue de leur permettre de mieux faire leur travail de suivi indépendant dans la délivrance des services. L’on peut dénoncer mais qu’est-ce qu’on dénonce et à partir de quoi dénonçons-nous ? Par exemple, la société civile peut dire que l’école va mal mais qu’elle est le critère de référence d’appréciation. De même, l’on peut incriminer la justice mais qu’elle est la norme d’appréciation de ce qui ne va pas bien ? Alors, pour que la société civile fasse correctement son travail et puisse émettre des avis de façon éclairée et en connaissance de cause, il faut lui donner les outils de référence et d’analyse nécessaires. C’est en s’engageant dans l’utilisation de ces outils que la société civile peut avoir une participation objective et aider au développement.
M. Epiphane ZORO, si on devait résumer votre fonction, vos attributions en français facile à l’endroit des ivoiriens, que diriez-vous ?
Z.E.B : Lorsqu’on parle de renforcement des capacités, il faut le comprendre sous trois angles. Il y a les lois c’est-à-dire quelles lois il faut pour encadrer tout ce que nous faisons car tout ce que nous faisons, chaque jour, est encadré par les lois. Quelles sont les bonnes lois qu’il faut pour que la société aille bien, pour que la Côte d’Ivoire soit développée ? Ensuite, j’ai mon association, j’ai ma coopérative que la loi encadre, mais comment j’organise mon association c’est cela le deuxième élément des capacités. Est-ce que les postes sont bien définis ? Est-ce qu’il y a une bonne collaboration entre les gens ? Est-ce qu’on sait faire les Procès-Verbaux de réunion ? Les lois sont les capacités institutionnelles et comment fonctionne mon association ou ma coopérative représente les capacités organisationnelles. Le troisième élément des capacités le plus connu, c’est la formation. Un Président, un Directeur Général, un Trésorier ont été désignés mais ont-ils la formation pour occuper ces postes ? C’est donc l’ensemble de ces questions que nous gérons mais en même temps, le Secrétariat d’Etat au Renforcement des Capacités travaille en synergie avec les autres départements ministériels, les institutions comme la Cour des Comptes, l’Assemblée Nationale, le Sénat. Nous travaillons également avec les organisations de la société civile qui veulent qu’il y ait de la transparence dans la gestion de la chose publique. Enfin nous travaillons sur le programme de promotion de l’ivoirien nouveau à travers le leadership transformateur. L’un des premiers éléments de ce programme qui va sortir bientôt c’est le manuel du leadership transformateur pour que chacun d’entre nous se sente responsable du destin collectif. Et je crois que la COVID-19 nous a permis de nous rendre compte que nous sommes tous inter-liés et que chacun à son niveau est responsable du destin collectif. La question du leadership transformateur va promouvoir un certain nombre de valeurs qui sont des valeurs de travail et du sens de l’intérêt général.